Anaphore (grammaire)
En grammaire, une anaphore (du grec áŒÎœÎ±ÏÎżÏÎŹ, reprise, rapport) est un mot ou un syntagme qui, dans un Ă©noncĂ©, assure une reprise sĂ©mantique d'un prĂ©cĂ©dent segment appelĂ© antĂ©cĂ©dent. Sans cet antĂ©cĂ©dent, l'anaphore perd son sens[1]. Câest pourquoi elle doit toujours ĂȘtre liĂ©e avec un autre Ă©lĂ©ment dans la phrase. Les anaphores permettent des interprĂ©tations principalement locales[1]. On retrouve cependant des preuves d'anaphore ayant un rĂ©fĂ©rent plus Ă©loignĂ© dans l'ouvrage de Koster et Reuland (1991)[2]. On utilise le terme chaĂźne anaphorique lorsque lâon retrouve plusieurs Ă©noncĂ©s ayant le mĂȘme rĂ©fĂ©rent[1]. Une anaphore ne peut pas ĂȘtre reliĂ©e de façon arbitraire Ă nâimporte quel syntagme nominal dans une phrase[3]. Cela veut donc dire quâon ne doit pas se fier uniquement Ă la sĂ©mantique pour dĂ©terminer lâantĂ©cĂ©dent dâun mot, mais Ă©galement Ă la syntaxe[3]. De plus, il a Ă©tĂ© mentionnĂ© dans lâouvrage de Koster et Reuland (1991) que plusieurs auteurs dĂ©montrent lâimportance des rĂŽles thĂ©matiques lors dâanaphore locale[2]. L'anaphore est un procĂ©dĂ© fondamental qui participe Ă la cohĂ©rence d'un texte.
RĂŽle de l'anaphore
Lâanaphore permet de donner une structure hiĂ©rarchique au discours tout en gardant un lien avec tous les Ă©lĂ©ments prĂ©sents[4]. Celle-ci permet de faciliter la lecture ou la comprĂ©hension dâun Ă©noncĂ©[4]. Câest par cette continuitĂ© quâon est en mesure de bien comprendre le sens dâune phrase[4].
Ăvitement d'une rĂ©pĂ©tition
L'anaphore peut éviter une répétition lexicale :
- Jean n'avait pas de stylo : je lui ai prĂȘtĂ© le mien.
- Le pronom possessif « le mien » est une anaphore dont l'antĂ©cĂ©dent est le nom « stylo ». Sans l'anaphore, la phrase serait moins Ă©lĂ©gante : « Jean n'avait pas de stylo : je lui ai prĂȘtĂ© mon stylo. »
Dissipation d'une Ă©quivoque
Selon le contexte, le choix de telle ou telle anaphore, pourra dissiper une Ă©ventuelle Ă©quivoque, ou bien, tout au contraire, produire une phrase susceptible de revĂȘtir plusieurs interprĂ©tations â une amphibologie :
- Mon voisin a adopté un gros chien. Il n'est pas trÚs sympathique.
- Le pronom personnel « Il » est une anaphore. Mais quel est son antécédent ? Est-ce « voisin», ou bien est-ce le « gros chien », qui « n'est pas trÚs sympathique » ?
- Mon voisin a adopté un gros chien. Cet animal n'est pas trÚs sympathique.
- Le syntagme nominal « Cet animal » est Ă©galement une anaphore, mais, dans ce cas, un doute moindre plane sur l'identitĂ© de son antĂ©cĂ©dent : cette construction rend plus vraisemblable que ce soit « le gros chien » qui « n'est pas trĂšs sympathique » â sans toutefois Ă©carter un Ă©ventuel effet humoristique du locuteur.
Catégories concernées par l'anaphore
Les principales catégories pouvant jouer le rÎle d'une anaphore sont le nom, le pronom et l'adverbe. Pour plus de détails, consulter l'article Représentation textuelle.
- J'ai adopté un petit chien : cet animal est trÚs affectueux.
- L'anaphore « cet animal » (reprenant « un petit chien ») est un nom.
- Jean n'avait pas de stylo : je lui ai prĂȘtĂ© le mien.
- L'anaphore « le mien » (reprenant « stylo ») est un pronom.
- Ils ont achetĂ© une bergerie dans les CorbiĂšres. LĂ , ils sont sĂ»rs d'ĂȘtre tranquilles.
- L'anaphore « Là » (reprenant « une bergerie dans les CorbiÚres ») est un adverbe.
Marge d'interprétation
- Anaphore nominale fidÚle : quand le nom est repris avec un simple changement de déterminant (Un cheval est parti. Ce cheval était sale).
- Anaphore nominale infidÚle : quand le référent est désigné par un autre nom (Le cheval est parti. L'animal était sale).
- Anaphore nominale conceptuelle : quand elle résume un contenu sémantique indépendamment de sa forme (Un cheval est parti. Cette information est importante).
- Anaphore nominale associative : quand elle relÚve d'un savoir partagé, d'une association d'idées, souvent dans une relation du tout aux parties (Le cheval est parti. La criniÚre, la robe, la queue étaient sales).
- Anaphore pronominale complÚte : quand le pronom reprend la visée référentielle de son groupe nominal antécédent (Le cheval est parti. Il était sale).
- Anaphore pronominale partielle : quand le pronom déduit ou modifie la visée référentielle du groupe nominal antécédent (Le cheval est parti. Tu le vois bien).
Remarques
- Il existe donc, entre l'antécédent et l'anaphore, une relation de représentation textuelle (ou phrastique), l'anaphore étant l'élément représentant, et l'antécédent, l'élément représenté. Lorsque dans une telle relation, l'ordre d'apparition de ces deux éléments est inversé, le représentant prend alors le nom de cataphore, et le représenté, celui de conséquent.
- Il ne faut pas confondre l'anaphore grammaticale avec l'anaphore en rhétorique.
- LâantĂ©cĂ©dent ne se trouve pas toujours devant lâanaphore. Dans certains cas, celle-ci se trouve avant que lâantĂ©cĂ©dent nâait Ă©tĂ© retrouvĂ© dans la phrase. On peut le voir dans lâexemple suivant mentionnĂ© par Zribi-Hertz (1996) :« PrĂšs de luij, Pierrej a vu un serpent »[5]. On appelle cela l'ordre anaphorique-antĂ©cĂ©dent[5].
Bibliographie
- Francis Corblin, « Remarques sur la notion dâanaphore », Revue quĂ©bĂ©coise de linguistique, vol. 15, no 1,â , p. 173 (ISSN 0710-0167 et 1705-4591, DOI 10.7202/602553ar, lire en ligne, consultĂ© le )
- Koster, J., & Reuland, E. (Eds.). (1991). Long distance anaphora. Cambridge University Press.
- Reinhart, T. M. (1976). The syntactic domain of anaphora (Doctoral dissertation, Massachusetts Institute of Technology).
- Cornish, F. (2009). Le rÎle des anaphores dans la mise en place des relations de cohérence dans le discours: l'hypothÚse de JR Hobbs. Journal of French Language Studies, 19(2), 159-181.
- Zribi-Hertz, A. (1996). L'anaphore et les pronoms: une introduction à la syntaxe générative. Presses Univ. Septentrion.
Denis Apothéloz, RÎle et fonctionnement de l'anaphore dans la dynamique textuelle, GenÚve, Librairie Droz, 1995.