Margarine
La margarine est une Ă©mulsion d'eau et d'huile vĂ©gĂ©tale stabilisĂ©e par lâaddition dâĂ©mulsifiants et dont la teneur en lipides peut varier de 10 Ă 90 % en poids. Son invention remonte au milieu du XIXe siĂšcle et sa production augmente notablement Ă partir des annĂ©es 1880-1890.
Vue comme un substitut du beurre, elle fut longtemps prĂ©sentĂ©e aux consommateurs comme ayant l'avantage de se conserver plus longtemps, d'ĂȘtre plus Ă©conomique et de prĂ©senter une texture plus mallĂ©able.
LĂ©gislation
En France
Compte tenu de la diversification du marchĂ©, le rĂšglement du (2991/94) permet de prĂ©ciser la nature des huiles et des matiĂšres grasses concrĂštes utilisĂ©es dâorigine vĂ©gĂ©tale, additionnĂ©es ou non de matiĂšre grasse laitiĂšre[1]. La texture finale du produit doit avoir une consistance solide Ă la tempĂ©rature de 20 °C permettant une « tartinabilitĂ© » aisĂ©e. Certains additifs sont autorisĂ©s afin de dĂ©velopper une aromatique spĂ©cifique ou apporter des molĂ©cules dâintĂ©rĂȘt comme les vitamines, colorants ou antioxydants. Ils doivent ĂȘtre mentionnĂ©s dans la liste des ingrĂ©dients contenus dans le produit destinĂ© Ă la consommation humaine (arrĂȘtĂ© du version 2017 Annexe I-C)[2].
Il faut noter que lâutilisation de lâappellation « margarine » est rĂ©servĂ©e aux matiĂšres grasses tartinables dont la teneur en matiĂšre grasse est supĂ©rieure ou Ă©gale Ă 80 %. Lâappellation « beurre » est Ă©galement soumis Ă cette rĂ©glementation.
La mention « Ă teneur rĂ©duite en matiĂšre grasse » ou « allĂ©gĂ©e » sâapplique pour des produits dont la teneur en matiĂšre grasse est supĂ©rieure Ă 41 % jusquâĂ 62 % inclus.
Les mentions « à faible teneur en matiÚre grasse », « light » ou « léger » concernent des produits dont la teneur en matiÚre grasse est inférieure ou égale à 41 %.
Historique
En 1813, le chimiste français Michel-EugÚne Chevreul pense découvrir une nouvelle molécule, alors qu'il travaillait sur les produits de l'hydrolyse du saindoux par la potasse, qu'il nomme l'acide margarique. Puis, le chimiste allemand Franz Varrentrapp (de) (1815-1877) l'étudie, sous les ordres de Justus von Liebig mais abandonne ses travaux.
La margarine a Ă©tĂ© mise au point en France Ă la suite dâun concours lancĂ© en 1869 par NapolĂ©on III pour la recherche dâun « corps gras semblable au beurre, mais de prix infĂ©rieur, apte Ă se conserver longtemps sans s'altĂ©rer en gardant sa valeur nutritive »[3]. En un temps oĂč le beurre Ă©tait cher, rare et se conservait mal, il s'agissait de « dĂ©couvrir un produit propre Ă remplacer le beurre ordinaire pour la marine et pour les classes sociales peu aisĂ©es »[4]. Le pharmacien français MĂšge-MouriĂšs rĂ©alisa une Ă©mulsion blanche rĂ©sultant de graisse de bĆuf fractionnĂ©e, de lait et dâeau, baptisĂ©e « margarine », mot forgĂ© Ă partir du grec ÎŒÎŹÏγαÏÎżÎœ, mĂĄrgaron (« blanc de perle ») et de la terminaison du mot glycĂ©rine. Le brevet est dĂ©posĂ© en 1872 et la commercialisation de la margarine va alors se dĂ©velopper. En France, le produit prend mal auprĂšs des consommateurs. Le brevet est rachetĂ© en 1878 par deux industriels nĂ©erlandais, Pieter-Eduard Leverd et Antoon Jurgens.
Les progrĂšs de la science au dĂ©but du XXe siĂšcle et notamment la dĂ©couverte des procĂ©dĂ©s dâhydrogĂ©nation des huiles, vont permettre d'une part de dĂ©couvrir que l'acide margarique n'est pas un composĂ© pur, mais en fait un mĂ©lange d'acide palmitique et d'acide stĂ©arique, et d'autre part, dâutiliser les huiles et graisses vĂ©gĂ©tales dans la fabrication des margarines et ce, pour pallier le manque de disponibilitĂ© de graisse de bĆuf, abaissant ainsi les coĂ»ts de fabrication. La margarine est aujourdâhui bien diffĂ©rente de son ancĂȘtre nĂ©e en 1869 et contre laquelle mirent bientĂŽt en garde les ouvrages culinaires de l'Ă©poque dans lesquels on pouvait trouver ce genre de description : « L'olĂ©o-margarine est un beurre artificiel produit par la graisse ou suif de bĆuf broyĂ©, puis chauffĂ©. Ce rĂ©sidu solide, colorĂ©, barattĂ© avec du lait constitue l'olĂ©o-margarine ». L'olĂ©o-margarine devint d'ailleurs le syntagme utilisĂ© aux Ătats-Unis. L'utilisation exclusive de graisses vĂ©gĂ©tales est effective dĂšs la fin du XIXe siĂšcle.
Contrairement au beurre, produit laitier, obtenu Ă partir de crĂšmes de lait crues ou pasteurisĂ©es, congelĂ©es ou surgelĂ©es, la phase grasse de la margarine est composĂ©e principalement dâhuiles vĂ©gĂ©tales additionnĂ©es de matiĂšres grasses concrĂštes.
La texture et la valeur nutritionnelle de la margarine conditionnent les formulations dâhuiles ou de matiĂšres grasses concrĂštes aujourdâhui utilisĂ©es. En effet, la nature des huiles vĂ©gĂ©tales (tournesol, tournesol olĂ©ique, colza, olive) permettent dâapporter un rapport en acides gras omĂ©ga 6 et omĂ©ga 3 Ă©quilibrĂ©, recommandĂ© par lâANSES. Il est indispensable dây associer des matiĂšres grasses concrĂštes dâorigine animale comme le beurre, ou vĂ©gĂ©tales comme le coprah, le palmiste ou le karitĂ©, permettant de structurer la margarine et apporter les propriĂ©tĂ©s techno-fonctionnelles demandĂ©es par les opĂ©rations industrielles[1].
Consommation de margarine
France
En 2012, la production française de margarine a atteint 93 000 tonnes pour des ventes estimĂ©es Ă 471 millions dâeuros. Le marchĂ© français des margarines non industrielles ou de table reprĂ©sente environ 75 000 t pour un marchĂ© des beurres approchant les 175 000 t. En Italie, Le marchĂ© est de lâordre de 8 200 t avec une consommation annuelle par habitant de 1,2 kg. La consommation de margarine en France se stabilise autour de 2,66 kg/habitant/an[5], en contraste avec la consommation de matiĂšre grasse laitiĂšre qui est de 8,3 kg/habitant/an en 2014[6]. Le beurre reprĂ©sente plus de 40 % du budget « matiĂšres grasses » des mĂ©nages, lâhuile prĂšs dâun tiers, les matiĂšres grasses solides allĂ©gĂ©es environ 17 % et la margarine de lâordre de 7 %[7]. Ă lâinverse du beurre, les huiles, les matiĂšres grasses allĂ©gĂ©es et la margarine voient leur part progresser avec lâĂąge dans les dĂ©penses des mĂ©nages, Ă partir de 50 ans pour les huiles et jusquâĂ 65 ans pour les matiĂšres grasses allĂ©gĂ©es. Ces Ă©volutions traduisent des modifications de pratiques alimentaires en grande partie liĂ©es Ă des prĂ©occupations de santĂ©.
Composition dâune margarine / beurre
Ă l'heure de l'alimentation « nutritionnellement correcte », la France n'Ă©chappe pas Ă la tendance europĂ©enne de rĂ©duction de sa consommation de matiĂšre grasse. Le beurre reste le principal corps gras achetĂ© par les mĂ©nages français devant les margarines et les corps gras allĂ©gĂ©s. Outre le goĂ»t caractĂ©ristique et la teneur en vitamines A et D, le beurre contient une proportion dâacides gras saturĂ©s importante et une texture plus ou moins dure en fonction de la saison. Face Ă cette Ă©mulsion dâorigine laitiĂšre uniquement obtenue Ă partir de crĂšmes pasteurisĂ©es, congelĂ©es ou surgelĂ©es, les margarines dâaujourdâhui permettent dâapporter une texture ciblĂ©e, en fonction des mĂ©langes dâhuiles et de matiĂšre grasse concrĂštes, tout en rĂ©duisant la proportion dâacides gras saturĂ©s.
Certaines margarines sont actuellement formulĂ©es sans utilisation dâhuile de palme. Elles permettent aussi de prendre en compte lâapport Ă©nergĂ©tique et la praticitĂ© (duretĂ© Ă la sortie du rĂ©frigĂ©rateur) en proposant diffĂ©rentes formules Ă teneur en matiĂšre grasse rĂ©duite. Le beurre a dĂ» sâadapter Ă cette Ă©volution en proposant Ă son tour des beurres « frigotartinables » obtenus par cristallisation fractionnĂ©e. Mais lâintĂ©rĂȘt majeur des margarines rĂ©side dans la possibilitĂ© de choisir les diffĂ©rentes sources lipidiques entrant dans sa composition permettant de supplĂ©menter notre alimentation en acides gras polyinsaturĂ©s de la sĂ©rie omĂ©ga 3, encore dĂ©ficitaires malgrĂ© les recommandations des instances nationales. Le marchĂ© a connu une transformation structurelle importante depuis une quinzaine dâannĂ©es. En 2000, 93 % des produits rencontrĂ©s dans les linĂ©aires Ă©taient des margarines traditionnelles ou allĂ©gĂ©es et seulement 8 % affichaient une « allĂ©gation santĂ© ». La proportion sâest ensuite inversĂ©e, en 2014 63 % revendiquent des qualitĂ©s « santĂ© » ou « nutrition »[7].
Les margarines, comme les beurres, sont utilisĂ©es en pĂątisserie, biscuiterie, boulangerie ou chez le consommateur comme matiĂšres grasses tartinables ou pour la cuisson. La « margarine » dĂ©signe les « produits se prĂ©sentant sous forme dâune Ă©mulsion solide et mallĂ©able, principalement du type eau dans la matiĂšre grasse, dĂ©rivĂ©s de matiĂšres grasses vĂ©gĂ©tales et/ou animales solides et /ou liquides propres Ă la consommation humaine dont la teneur en matiĂšre grasse dâorigine laitiĂšre nâexcĂšde pas 3 % de la teneur en matiĂšres grasses. »
Composition de la phase grasse
La composition de la phase grasse dĂ©pend de son utilisation et du taux de matiĂšre grasse qui varie en moyenne entre 50 et 70 % avec une proportion en acides gras saturĂ©s (AGS) qui permet dâobtenir la consistance souhaitĂ©e. En effet, les margarines « allĂ©gĂ©es » sont actuellement plus prisĂ©es en raison de leur intĂ©rĂȘt nutritionnel et de la prĂ©sence dâacides gras polyinsaturĂ©s (AGPI) apportĂ©s par certaines huiles vĂ©gĂ©tales leur confĂ©rant un bĂ©nĂ©fice « santĂ© ».
Les formulations issues de mĂ©langes dâhuiles et de matiĂšres grasses concrĂštes permettent dâobtenir des propriĂ©tĂ©s physico-chimiques intĂ©ressantes en termes de point de fusion des triglycĂ©rides qui influent sur le fondant en bouche des produits. Le rapport « matiĂšre grasse cristallisĂ©e sur matiĂšre grasse Ă lâĂ©tat liquide », appelĂ© Solid Fat Content et mesurĂ© selon la norme NF EN ISO 8292-1, permet dâavoir une idĂ©e sur la cristallisation et les textures diffĂ©rentes que lâon peut obtenir en fonction des besoins recherchĂ©s[8].
Huiles végétales
Les huiles vĂ©gĂ©tales sont les corps gras issus de la trituration de graines ou fruits de vĂ©gĂ©taux. Elles sont composĂ©es Ă 98 % de triglycĂ©rides, qui en fonction de leur nature et proportion, induisent les propriĂ©tĂ©s de lâhuile, notamment le point de fusion. Les huiles peuvent ĂȘtre liquides Ă tempĂ©rature ambiante, câest-Ă -dire avec un faible point de fusion (comme le colza, le maĂŻs, lâarachide, le soja, le tournesolâŠ) ou concrĂštes, ce sont les huiles de coprah, de palme ou de palmiste. En fonction du prix de revient recherchĂ© et des spĂ©cificitĂ©s technologiques attendues de la margarine, le formulateur choisit les diffĂ©rents composants de la phase grasse et leurs proportions en fonction dâune propriĂ©tĂ© essentielle, la cinĂ©tique de fusion. En effet, la matiĂšre grasse Ă©tant un Ă©quilibre des fractions solides et liquides, on Ă©tudie lors de la formulation lâĂ©volution de la proportion de ces fractions en fonction de la tempĂ©rature pour Ă©tablir une sorte de carte dâidentitĂ© de la phase grasse.
Composition de la phase aqueuse
Ces lipides constituĂ©s majoritairement de triglycĂ©rides sont Ă©mulsionnĂ©s avec une phase aqueuse constituĂ©e dâeau, additionnĂ©e ou non de lait ou de protĂ©ines laitiĂšres. Lâeau, si elle est utilisĂ©e, doit avoir un pH aux alentours de 6 et ne doit pas contenir de sels de fer ou de manganĂšse, agents favorisant l'oxydation, elle est donc prĂ©alablement traitĂ©e et filtrĂ©e. En ce qui concerne le lait, il est uniquement utilisĂ© dans les margarines de qualitĂ©s supĂ©rieures Ă forte valeur ajoutĂ©e.
Additifs
Certains additifs et auxiliaires technologiques sont utilisĂ©s dans la fabrication de la margarine. Il sâagit de colorants (carotĂ©noĂŻdes, rocou, bixine, norbixine, curcumine) autorisĂ©s selon lâarrĂȘtĂ© du , les arĂŽmes, vitamines, antioxydants, le sel, rĂ©gulateur de pH, acide lactique, acide citrique, Ă©paississant.
Lâajout de tensio-actifs (lĂ©cithine, mono et di-glycĂ©rides) ou la prĂ©sence de matiĂšres premiĂšres les contenant naturellement est indispensable pour stabiliser lâĂ©mulsion ainsi formĂ©e.
Agents Ă©mulsifiants | Les deux phases de la margarine Ă©tant non miscibles, il est difficile de les mĂ©langer et surtout de garder ce mĂ©lange stable. Ceci est dĂ» aux forces dâinteractions hydrophobes qui rendent, de façon thermodynamique, le mĂ©lange impossible. Câest pour cela que lâutilisation des Ă©mulsifiants est importante puisque ces molĂ©cules vont permettre dâabaisser les forces, de rĂ©duire le travail nĂ©cessaire Ă la formation dâun mĂ©lange stable. Cette stabilitĂ© Ă©tant par la suite assurĂ©e par la cristallisation. GrĂące aux Ă©mulsifiants, la margarine acquiert sa consistance assez dure Ă tempĂ©rature ambiante mais assez souple pour ĂȘtre tartinĂ©e. Les plus couramment ajoutĂ©s sont la lĂ©cithine de soja ou les mono et di-glycĂ©rides dâacides gras. |
ArĂŽmes | Afin dâamĂ©liorer les propriĂ©tĂ©s organoleptiques de la margarine, lâajout de lait aromatisĂ© ou de beurre est couramment utilisĂ© pendant le processus de fabrication. |
Colorants | La couleur recherchĂ©e dans lâindustrie de la margarine est celle du beurre, câest-Ă -dire une couleur jaune-orange de carotĂšne. Pour cela, on ajoute Ă la phase grasse des bĂȘta-carotĂšnes ou on utilise ceux qui sont directement contenus dans lâhuile de palme car la margarine est de couleur blanche si lâon nâadditionne pas de colorant pendant le processus de fabrication, dâoĂč son nom de « perle blanche ».
Certains Ă©tats des Ătats-Unis ont interdit l'adjonction de colorant Ă la margarine. Le colorant Ă©tait vendu sĂ©parĂ©ment, le mĂ©lange s'effectuant chez le consommateur final[9]. |
Sel | Le sel contribue Ă la protection du produit contre les dĂ©gradations microbiologiques et en mĂȘme temps Ă amĂ©liorer la sapiditĂ© de la margarine. |
Vitamines | L'ajout de vitamines permet aussi de rehausser les propriétés diététiques de la margarine. à cette fin, on utilise surtout les vitamines liposolubles telles que la vitamine A et la vitamine D2. La teneur des huiles végétales en vitamine E est en général suffisante. |
Correcteur d'aciditĂ© | Pour une bonne conservation, le pH doit ĂȘtre maintenu entre 4 et 5,5. Pour ce faire, on se sert d'acide citrique ou lactique et de leurs sels de sodium, de potassium ou de calcium. |
Conservateurs | Pour la conservation, le recours Ă l'acide sorbique est usuel. En effet, l'acide sorbique est actif contre le dĂ©veloppement des levures, des moisissures et, Ă un degrĂ© moindre, des bactĂ©ries. Bien que son spectre dâaction soit large, il ne couvre pas lâensemble des micro-organismes. L'association Ă ses sels de sodium ou de potasse permet d'Ă©tendre ce spectre. |
Processus de fabrication
Le principe de fabrication des margarines repose sur lâĂ©mulsion eau dans lâhuile. La phase lipidique (essentiellement constituĂ©e de matiĂšres grasses vĂ©gĂ©tales) constitue la phase continue dans laquelle est incluse la phase dispersĂ©e (contenant divers additifs et ingrĂ©dients) : lâeau ou le lait.
MĂ©lange et Ă©mulsion
Les deux phases (aqueuse et lipidique) sont mises en prĂ©sence. LâĂ©mulsion se fait par agitation. La phase aqueuse est incluse dans la phase continue lipidique. La durĂ©e dâagitation permet dâobtenir une phase dispersĂ©e composĂ©e de bulles de plus en plus fines. LâĂ©mulsion est stabilisĂ©e par les Ă©mulsifiants qui se placent Ă lâinterface eau/huile, et maintiennent la structure grĂące Ă leur caractĂšre amphiphile (câest-Ă -dire lipophile et lipophobe).
LâĂ©volution tend vers des procĂ©dĂ©s continus, oĂč les phases sont Ă©mulsionnĂ©es au fur et Ă mesure en continu. Si un problĂšme survient, la production est arrĂȘtĂ©e, et seulement un petit volume de produit en traitement est jetĂ©. Plusieurs possibilitĂ©s sont offertes aux industriels aujourdâhui par les Ă©quipementiers :
- soit les phases sont stockées dans de gros réservoirs et mélangées dans une cuve tampon de petite contenance (process semi-continu) ;
- soit le mélange se fait directement avec un systÚme de pompes.
Refroidissement et cristallisation
Ces deux Ă©tapes sont souvent couplĂ©es. Une fois lâĂ©mulsion faite, il faut la maintenir de façon durable et complĂ©ter ainsi lâaction des Ă©mulsifiants. Pour cela, le mĂ©lange est refroidi (Ă lâazote liquide souvent par Ă©change de chaleur). Le refroidissement Ă trĂšs basse tempĂ©rature permet la cristallisation de la phase grasse. La formation de cristaux entraĂźne un meilleur maintien de la structure de la margarine. LĂ encore, il existe une certaine diversitĂ© de machines, mais reposant toutes sur le mĂȘme principe. Seules les spĂ©cifications techniques varient.
Conditionnement
Une fois refroidie et cristallisée, la margarine est pompée, grùce à des pompes hautes pressions, puis conditionnée. Il existe deux types de conditionnement pour la margarine :
- en barquette PVC ;
- en papier aluminium.
Selon le type de conditionnement, lâappareillage sera diffĂ©rent. Par ailleurs, câest Ă cette Ă©tape que sont prĂ©levĂ©s les Ă©chantillons de produit nĂ©cessaires au contrĂŽle qualitĂ© du produit fini.
Application des margarines en industrie
LâintĂ©rĂȘt dâutiliser des margarines en industrie est liĂ© Ă la variĂ©tĂ© de textures spĂ©cifiques aux diffĂ©rentes applications que lâon trouve dans le domaine de la pĂątisserie et de la viennoiserie. Si les fourrages et garnitures de gĂąteaux requirent une matiĂšre grasse autorisant un foisonnement, lâutilisation de graisse concrĂšte comme le coprah est privilĂ©giĂ©e, contrairement aux applications comme « lâincorporation » qui nĂ©cessite une consistance de la matiĂšre grasse relativement faible pour une bonne dispersion dans la pĂąte. Pour ce qui est du « feuilletage », la margarine doit prĂ©senter une texture plutĂŽt plastique permettant la formation dâun film homogĂšne lors de lâopĂ©ration de « laminage ». Les caractĂ©ristiques de cristallisation et le profil SFC des formulations lipidiques sont dĂ©terminantes[8]. Ă ce stade, il est important de prendre en compte la notion de polymorphismes des acides gras des diffĂ©rentes sources lipidiques utilisĂ©es dans les formulations de margarine. Lors du procĂ©dĂ© de refroidissement, la vitesse de refroidissement conduira Ă des cristallisations diffĂ©rentes des acides gras sous diffĂ©rentes formes cristallines. Si le refroidissement est rapide, la forme α sera privilĂ©giĂ©e contrairement Ă la forme ÎČ obtenue lors dâun refroidissement trĂšs lent[10]. Les formes α et ÎČâ sont privilĂ©giĂ©es pour leur propriĂ©tĂ©s plastiques notamment en boulangerie-pĂątisserie.
Allégation « santé » des margarines
Ashok R. Patel et ses collaborateurs (2016)[11] font une synthĂšse sur les besoins actuels en lipides et en acides gras saturĂ©s, monoinsaturĂ©s, polyinsaturĂ©s, polyinsaturĂ©s Ă longue chaĂźne (EPA, DHA), ainsi que la consommation en acides gras trans. Dans l'alimentation humaine, les margarines dâaujourdâhui peuvent jouer le rĂŽle de vecteur dâacides gras essentiels, acides gras indispensables, mais aussi apporter des complĂ©ments en vitamines (A, D) ou en antioxydants.
Les huiles de soja, maĂŻs et tournesol sont majoritairement composĂ©es dâacides gras de la sĂ©rie omĂ©ga 6 qui sont dĂ©jĂ fortement prĂ©sents dans notre alimentation (reconnus athĂ©rogĂšnes et pro-inflammatoires en cas de consommation excessive). Les margarines dâaujourdâhui tendent Ă limiter leur utilisation dans les formules actuelles privilĂ©giant lâutilisation dâhuiles plus riches en acides gras de la sĂ©rie omĂ©ga 3 pour essayer de rĂ©tablir le ratio omĂ©ga 3 / omĂ©ga 6. Certains acides gras polyinsaturĂ©s de la sĂ©rie omĂ©ga 3 comme lâacide alpha-linolĂ©nique (acide gras essentiel devant ĂȘtre apportĂ© par lâalimentation) ou lâacide docosahexaĂ©noĂŻque (DHA ; acide gras indispensable), dont l'importance est reconnue par les instances internationales (EFSA, ANSES)[12], peuvent ĂȘtre prĂ©sents actuellement dans certaines formulations de margarines. Depuis de nombreuses annĂ©es des travaux ont essayĂ© dâincorporer des huiles de poisson dans les margarines pour les enrichir en EPA et DHA, chefs de file des acides gras polyinsaturĂ©s Ă longue chaĂźne, mais la prĂ©sence dâodeur de poisson ne permet pas dâattirer les consommateurs vers ce type de produit[13]. Aujourdâhui, lâutilisation dâhuile algale riche en DHA, permet de proposer une nouvelle gĂ©nĂ©ration de margarine enrichie en AGPI-LC, avec des allĂ©gations « santĂ© » reconnues « contribuant au maintien dâune vision normale et au bon fonctionnement du cerveau » (allĂ©gations UE no 432/2012). En effet les besoins quotidiens en EPA (250 mg) et en DHA (250 mg) recommandĂ©s par lâANSES, sont gĂ©nĂ©ralement apportĂ©s par la consommation de poisson gras prĂ©conisĂ©e une Ă deux fois par semaine. Cependant, la population française, tout comme les pays occidentaux, consomme peu de poisson contrairement aux populations asiatiques et une supplĂ©mentation quotidienne en AGPI-LC de la sĂ©rie omĂ©ga 3 est une bonne chose, sur le plan nutritionnel.
Certaines margarines sont enrichies en phytostĂ©rols (composĂ©s naturels prĂ©sents dans les plantes) et en phytostanols (moins sensibles Ă lâoxydation en raison dâune double liaison en moins par rapport aux phytostĂ©rols) en raison de leurs effets notables sur la rĂ©duction du cholestĂ©rol sanguin. Les travaux portant sur la stabilitĂ© de ces composĂ©s prĂ©sents dans les margarines Ă 4 °C et 20 °C pendant 18 semaines montrent une lĂ©gĂšre diminution des phytostĂ©rols avec une dĂ©gradation plus marquĂ©e pour les phytostanols en produits oxydĂ©s, malgrĂ© le fait quâils possĂšdent une insaturation en moins[14]. Il est donc important de conserver correctement les margarines enrichies en phytostĂ©rols et phytostanols Ă 4 °C. Leur action prĂ©ventive sur les maladies cardio-vasculaires nâest cependant pas dĂ©montrĂ©e actuellement (ANSES, 2014)[15].
Une Ă©tude de Sopelana et al. (2016) sur la stabilitĂ© Ă la cuisson (180 °C) des phytostĂ©rols prĂ©sents dans les margarines Ă diffĂ©rentes teneurs en matiĂšre grasse montre que les phytostĂ©rols protĂšgent les margarines des rĂ©actions dâoxydation en limitant lâapparition des produits dâoxydation secondaire comme les aldĂ©hydes, Ă©poxydes et alcools. Il semble que le ratio matiĂšre grasse/phase aqueuse joue un rĂŽle important favorisant les rĂ©actions dâoxydation pour de faibles concentrations en lipides[16].
Il est important de noter que lâutilisation des acides gras trans dans les margarines a bien Ă©voluĂ© depuis une quinzaine dâannĂ©es avec une volontĂ© dâĂ©liminer totalement ces acides gras. En effet, ces acides gras trans, responsables dâaugmenter la circulation des lipoprotĂ©ines de basse densitĂ© (ou LDL pour low density lipoprotein en anglais) et donc dâaccroitre le risque dâapparition de maladies cardiovasculaires, ont incitĂ© les autoritĂ©s de nombreux pays Ă rĂ©duire voire interdire la prĂ©sence de ces composĂ©s dans les aliments. Une Ă©tude de DeAnn et al. (2016)[17] reprend 32 Ă©tudes cliniques afin de dĂ©celer les possibles corrĂ©lations entre la prĂ©sence dâacides gras trans retrouvĂ©s Ă diffĂ©rentes concentrations et lâaugmentation des LDL. Les conclusions montrent de faibles corrĂ©lations sur la consommation dâacides gras trans et le risque dâapparition de maladie cardiovasculaire. Les rĂ©sultats dâune mĂ©ta-analyse sur les effets des acides gras trans sur les LDL ne semblent montrer aucune incidence pour des consommations en acides gras trans infĂ©rieures Ă 3 % des apports totaux (Bruce et al., 2016)[18]. En France, lâANSES a fixĂ© un seuil maximal dâapport en acides gras trans Ă 2 % de l'AET, quels que soient l'Ăąge et le sexe, aussi bien chez les enfants que chez les adultes en 2005 et maintenu en 2008. Elle encourage les efforts de rĂ©duction de l'utilisation de ces acides gras trans dĂ©jĂ mis en Ćuvre par les professionnels, tant en alimentation humaine qu'animale, afin de rĂ©duire le risque d'exposition. En 2005, l'AFSSA retenait le seuil de 1 % des acides gras trans totaux comme teneur maximale acceptable dans les margarines (AFSSA, 2005, 2009)[19] - [20]. Ces acides gras trans ne sont plus prĂ©sents dans les margarines dâaujourdâhui, si ce nâest Ă moins de 1 %[21] contrairement Ă une trentaine dâannĂ©es oĂč ils Ă©taient prĂ©sents en grande proportion (10 - 20 %) dans les margarines hydrogĂ©nĂ©es, largement rĂ©pandues pour des motifs Ă©conomiques et industriels. Il faut noter que la matiĂšre grasse laitiĂšre contient Ă©galement de faibles quantitĂ©s dâacides gras trans, isomĂšres de lâacide linolĂ©ique conjuguĂ© appelĂ© couramment CLA (conjugated linoleic acid) (Siurana et Calsamiglia, 2016)[22].
Certaines Ă©tudes tendent Ă rĂ©duire la teneur en sel prĂ©sent dans les margarines par lâaddition dâĂ©pices apportant par la mĂȘme occasion une protection contre les rĂ©actions dâoxydation (de Oliveira Lopes et al., 2014)[23]. En effet, une consommation importante de sel contribue au dĂ©veloppement de lâhypertension et des maladies cardiovasculaires. PremiĂšre cause de mortalitĂ© dans le monde, lâhypertension affecte prĂšs de 25 % de la population adulte aujourdâhui et prĂšs de 60 % en 2025.
Ăconomie
Avec 150 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2020, le marché français de margarine est dominé par St Hubert, société détenue par les conglomérats chinois Fosun et Sanyuan (en)[24] - [25].
Bibliographie
- Henri Dupin, Alimentation et nutrition humaines, Esf Ăditeur, , 1533 p. (ISBN 978-2-7101-0892-4, lire en ligne), p. 904
- (en) Stuyvenberg, J. H. van (ed.), 1969. Margarine. An economic, social and scientific history 1869-1969. Liverpool, Liverpool University Press. XXIV-327 p.
Références
- Saillard, M. 2010. Margarines et matiÚres grasses tartinables. Cahiers de nutrition et de diététique 45, 274-280.
- ArrĂȘtĂ© du relatif aux additifs pouvant ĂȘtre employĂ©s dans la fabrication des denrĂ©es destinĂ©es Ă l'alimentation humaine.
- Henri Dupin, Alimentation et nutrition humaines, Esf Ăditeur, , 1533 p. (ISBN 978-2-7101-0892-4, lire en ligne), p. 904.
- Marie-HélÚne BAYLAC, Dictionnaire gourmand : Du canard d'Apicius à la purée de Joël Robuchon, Place des éditeurs, , 1500 p. (ISBN 978-2-258-10186-9, lire en ligne), p. 197.
- J. P. GĂ©nĂ©, « La margarine, un pur produit dâusine », Le Monde.fr,â (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consultĂ© le ).
- LâĂ©conomie LaitiĂšre en chiffre. Ădition 2016.
- Les synthÚses de FranceAgriMer 2014 / Consommation. Les achats de matiÚres grasses par les ménages français.
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Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Ressource relative à la santé :