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Margarine

La margarine est une Ă©mulsion d'eau et d'huile vĂ©gĂ©tale stabilisĂ©e par l’addition d’émulsifiants et dont la teneur en lipides peut varier de 10 Ă  90 % en poids. Son invention remonte au milieu du XIXe siĂšcle et sa production augmente notablement Ă  partir des annĂ©es 1880-1890.

Margarine
Image illustrative de l’article Margarine
De la margarine en pot.

IngrĂ©dients Émulsion d'eau dans de l'huile.

Vue comme un substitut du beurre, elle fut longtemps prĂ©sentĂ©e aux consommateurs comme ayant l'avantage de se conserver plus longtemps, d'ĂȘtre plus Ă©conomique et de prĂ©senter une texture plus mallĂ©able.

LĂ©gislation

En France

Compte tenu de la diversification du marchĂ©, le rĂšglement du (2991/94) permet de prĂ©ciser la nature des huiles et des matiĂšres grasses concrĂštes utilisĂ©es d’origine vĂ©gĂ©tale, additionnĂ©es ou non de matiĂšre grasse laitiĂšre[1]. La texture finale du produit doit avoir une consistance solide Ă  la tempĂ©rature de 20 °C permettant une « tartinabilitĂ© » aisĂ©e. Certains additifs sont autorisĂ©s afin de dĂ©velopper une aromatique spĂ©cifique ou apporter des molĂ©cules d’intĂ©rĂȘt comme les vitamines, colorants ou antioxydants. Ils doivent ĂȘtre mentionnĂ©s dans la liste des ingrĂ©dients contenus dans le produit destinĂ© Ă  la consommation humaine (arrĂȘtĂ© du version 2017 Annexe I-C)[2].

Il faut noter que l’utilisation de l’appellation « margarine » est rĂ©servĂ©e aux matiĂšres grasses tartinables dont la teneur en matiĂšre grasse est supĂ©rieure ou Ă©gale Ă  80 %. L’appellation « beurre » est Ă©galement soumis Ă  cette rĂ©glementation.

La mention « Ă  teneur rĂ©duite en matiĂšre grasse » ou « allĂ©gĂ©e » s’applique pour des produits dont la teneur en matiĂšre grasse est supĂ©rieure Ă  41 % jusqu’à 62 % inclus.

Les mentions « à faible teneur en matiÚre grasse », « light » ou « léger » concernent des produits dont la teneur en matiÚre grasse est inférieure ou égale à 41 %.

Historique

En 1813, le chimiste français Michel-EugÚne Chevreul pense découvrir une nouvelle molécule, alors qu'il travaillait sur les produits de l'hydrolyse du saindoux par la potasse, qu'il nomme l'acide margarique. Puis, le chimiste allemand Franz Varrentrapp (de) (1815-1877) l'étudie, sous les ordres de Justus von Liebig mais abandonne ses travaux.

La margarine a Ă©tĂ© mise au point en France Ă  la suite d’un concours lancĂ© en 1869 par NapolĂ©on III pour la recherche d’un « corps gras semblable au beurre, mais de prix infĂ©rieur, apte Ă  se conserver longtemps sans s'altĂ©rer en gardant sa valeur nutritive »[3]. En un temps oĂč le beurre Ă©tait cher, rare et se conservait mal, il s'agissait de « dĂ©couvrir un produit propre Ă  remplacer le beurre ordinaire pour la marine et pour les classes sociales peu aisĂ©es »[4]. Le pharmacien français MĂšge-MouriĂšs rĂ©alisa une Ă©mulsion blanche rĂ©sultant de graisse de bƓuf fractionnĂ©e, de lait et d’eau, baptisĂ©e « margarine », mot forgĂ© Ă  partir du grec ÎŒÎŹÏÎłÎ±ÏÎżÎœ, mĂĄrgaron (« blanc de perle ») et de la terminaison du mot glycĂ©rine. Le brevet est dĂ©posĂ© en 1872 et la commercialisation de la margarine va alors se dĂ©velopper. En France, le produit prend mal auprĂšs des consommateurs. Le brevet est rachetĂ© en 1878 par deux industriels nĂ©erlandais, Pieter-Eduard Leverd et Antoon Jurgens.

PublicitĂ© amĂ©ricaine de 1948, montrant comment on « colore » sa margarine. Une ampoule de couleur jaune serait ouverte et mĂ©langĂ©e au produit (la margarine Ă©tait jaune pour la diffĂ©rencier du beurre au Canada et aux États-Unis).
Cette fromagerie-crÚmerie de la Van Woustraat à Amsterdam fait de la réclame, le , sur la baisse du prix de la margarine qu'elle propose.

Les progrĂšs de la science au dĂ©but du XXe siĂšcle et notamment la dĂ©couverte des procĂ©dĂ©s d’hydrogĂ©nation des huiles, vont permettre d'une part de dĂ©couvrir que l'acide margarique n'est pas un composĂ© pur, mais en fait un mĂ©lange d'acide palmitique et d'acide stĂ©arique, et d'autre part, d’utiliser les huiles et graisses vĂ©gĂ©tales dans la fabrication des margarines et ce, pour pallier le manque de disponibilitĂ© de graisse de bƓuf, abaissant ainsi les coĂ»ts de fabrication. La margarine est aujourd’hui bien diffĂ©rente de son ancĂȘtre nĂ©e en 1869 et contre laquelle mirent bientĂŽt en garde les ouvrages culinaires de l'Ă©poque dans lesquels on pouvait trouver ce genre de description : « L'olĂ©o-margarine est un beurre artificiel produit par la graisse ou suif de bƓuf broyĂ©, puis chauffĂ©. Ce rĂ©sidu solide, colorĂ©, barattĂ© avec du lait constitue l'olĂ©o-margarine ». L'olĂ©o-margarine devint d'ailleurs le syntagme utilisĂ© aux États-Unis. L'utilisation exclusive de graisses vĂ©gĂ©tales est effective dĂšs la fin du XIXe siĂšcle.

Contrairement au beurre, produit laitier, obtenu Ă  partir de crĂšmes de lait crues ou pasteurisĂ©es, congelĂ©es ou surgelĂ©es, la phase grasse de la margarine est composĂ©e principalement d’huiles vĂ©gĂ©tales additionnĂ©es de matiĂšres grasses concrĂštes.

La texture et la valeur nutritionnelle de la margarine conditionnent les formulations d’huiles ou de matiĂšres grasses concrĂštes aujourd’hui utilisĂ©es. En effet, la nature des huiles vĂ©gĂ©tales (tournesol, tournesol olĂ©ique, colza, olive) permettent d’apporter un rapport en acides gras omĂ©ga 6 et omĂ©ga 3 Ă©quilibrĂ©, recommandĂ© par l’ANSES. Il est indispensable d’y associer des matiĂšres grasses concrĂštes d’origine animale comme le beurre, ou vĂ©gĂ©tales comme le coprah, le palmiste ou le karitĂ©, permettant de structurer la margarine et apporter les propriĂ©tĂ©s techno-fonctionnelles demandĂ©es par les opĂ©rations industrielles[1].

Consommation de margarine

France

En 2012, la production française de margarine a atteint 93 000 tonnes pour des ventes estimĂ©es Ă  471 millions d’euros. Le marchĂ© français des margarines non industrielles ou de table reprĂ©sente environ 75 000 t pour un marchĂ© des beurres approchant les 175 000 t. En Italie, Le marchĂ© est de l’ordre de 8 200 t avec une consommation annuelle par habitant de 1,2 kg. La consommation de margarine en France se stabilise autour de 2,66 kg/habitant/an[5], en contraste avec la consommation de matiĂšre grasse laitiĂšre qui est de 8,3 kg/habitant/an en 2014[6]. Le beurre reprĂ©sente plus de 40 % du budget « matiĂšres grasses » des mĂ©nages, l’huile prĂšs d’un tiers, les matiĂšres grasses solides allĂ©gĂ©es environ 17 % et la margarine de l’ordre de 7 %[7]. À l’inverse du beurre, les huiles, les matiĂšres grasses allĂ©gĂ©es et la margarine voient leur part progresser avec l’ñge dans les dĂ©penses des mĂ©nages, Ă  partir de 50 ans pour les huiles et jusqu’à 65 ans pour les matiĂšres grasses allĂ©gĂ©es. Ces Ă©volutions traduisent des modifications de pratiques alimentaires en grande partie liĂ©es Ă  des prĂ©occupations de santĂ©.

Composition d’une margarine / beurre

À l'heure de l'alimentation « nutritionnellement correcte », la France n'Ă©chappe pas Ă  la tendance europĂ©enne de rĂ©duction de sa consommation de matiĂšre grasse. Le beurre reste le principal corps gras achetĂ© par les mĂ©nages français devant les margarines et les corps gras allĂ©gĂ©s. Outre le goĂ»t caractĂ©ristique et la teneur en vitamines A et D, le beurre contient une proportion d’acides gras saturĂ©s importante et une texture plus ou moins dure en fonction de la saison. Face Ă  cette Ă©mulsion d’origine laitiĂšre uniquement obtenue Ă  partir de crĂšmes pasteurisĂ©es, congelĂ©es ou surgelĂ©es, les margarines d’aujourd’hui permettent d’apporter une texture ciblĂ©e, en fonction des mĂ©langes d’huiles et de matiĂšre grasse concrĂštes, tout en rĂ©duisant la proportion d’acides gras saturĂ©s.

Description des teneurs en matiÚre grasse des différents types de beurre et margarine.

Certaines margarines sont actuellement formulĂ©es sans utilisation d’huile de palme. Elles permettent aussi de prendre en compte l’apport Ă©nergĂ©tique et la praticitĂ© (duretĂ© Ă  la sortie du rĂ©frigĂ©rateur) en proposant diffĂ©rentes formules Ă  teneur en matiĂšre grasse rĂ©duite. Le beurre a dĂ» s’adapter Ă  cette Ă©volution en proposant Ă  son tour des beurres « frigotartinables » obtenus par cristallisation fractionnĂ©e. Mais l’intĂ©rĂȘt majeur des margarines rĂ©side dans la possibilitĂ© de choisir les diffĂ©rentes sources lipidiques entrant dans sa composition permettant de supplĂ©menter notre alimentation en acides gras polyinsaturĂ©s de la sĂ©rie omĂ©ga 3, encore dĂ©ficitaires malgrĂ© les recommandations des instances nationales. Le marchĂ© a connu une transformation structurelle importante depuis une quinzaine d’annĂ©es. En 2000, 93 % des produits rencontrĂ©s dans les linĂ©aires Ă©taient des margarines traditionnelles ou allĂ©gĂ©es et seulement 8 % affichaient une « allĂ©gation santĂ© ». La proportion s’est ensuite inversĂ©e, en 2014 63 % revendiquent des qualitĂ©s « santĂ© » ou « nutrition »[7].

Les margarines, comme les beurres, sont utilisĂ©es en pĂątisserie, biscuiterie, boulangerie ou chez le consommateur comme matiĂšres grasses tartinables ou pour la cuisson. La « margarine » dĂ©signe les « produits se prĂ©sentant sous forme d’une Ă©mulsion solide et mallĂ©able, principalement du type eau dans la matiĂšre grasse, dĂ©rivĂ©s de matiĂšres grasses vĂ©gĂ©tales et/ou animales solides et /ou liquides propres Ă  la consommation humaine dont la teneur en matiĂšre grasse d’origine laitiĂšre n’excĂšde pas 3 % de la teneur en matiĂšres grasses. »

Composition de la phase grasse

La composition de la phase grasse dĂ©pend de son utilisation et du taux de matiĂšre grasse qui varie en moyenne entre 50 et 70 % avec une proportion en acides gras saturĂ©s (AGS) qui permet d’obtenir la consistance souhaitĂ©e. En effet, les margarines « allĂ©gĂ©es » sont actuellement plus prisĂ©es en raison de leur intĂ©rĂȘt nutritionnel et de la prĂ©sence d’acides gras polyinsaturĂ©s (AGPI) apportĂ©s par certaines huiles vĂ©gĂ©tales leur confĂ©rant un bĂ©nĂ©fice « santĂ© ».

Les formulations issues de mĂ©langes d’huiles et de matiĂšres grasses concrĂštes permettent d’obtenir des propriĂ©tĂ©s physico-chimiques intĂ©ressantes en termes de point de fusion des triglycĂ©rides qui influent sur le fondant en bouche des produits. Le rapport « matiĂšre grasse cristallisĂ©e sur matiĂšre grasse Ă  l’état liquide », appelĂ© Solid Fat Content et mesurĂ© selon la norme NF EN ISO 8292-1, permet d’avoir une idĂ©e sur la cristallisation et les textures diffĂ©rentes que l’on peut obtenir en fonction des besoins recherchĂ©s[8].

Huiles végétales

Les huiles vĂ©gĂ©tales sont les corps gras issus de la trituration de graines ou fruits de vĂ©gĂ©taux. Elles sont composĂ©es Ă  98 % de triglycĂ©rides, qui en fonction de leur nature et proportion, induisent les propriĂ©tĂ©s de l’huile, notamment le point de fusion. Les huiles peuvent ĂȘtre liquides Ă  tempĂ©rature ambiante, c’est-Ă -dire avec un faible point de fusion (comme le colza, le maĂŻs, l’arachide, le soja, le tournesol
) ou concrĂštes, ce sont les huiles de coprah, de palme ou de palmiste. En fonction du prix de revient recherchĂ© et des spĂ©cificitĂ©s technologiques attendues de la margarine, le formulateur choisit les diffĂ©rents composants de la phase grasse et leurs proportions en fonction d’une propriĂ©tĂ© essentielle, la cinĂ©tique de fusion. En effet, la matiĂšre grasse Ă©tant un Ă©quilibre des fractions solides et liquides, on Ă©tudie lors de la formulation l’évolution de la proportion de ces fractions en fonction de la tempĂ©rature pour Ă©tablir une sorte de carte d’identitĂ© de la phase grasse.

Composition de la phase aqueuse

Ces lipides constituĂ©s majoritairement de triglycĂ©rides sont Ă©mulsionnĂ©s avec une phase aqueuse constituĂ©e d’eau, additionnĂ©e ou non de lait ou de protĂ©ines laitiĂšres. L’eau, si elle est utilisĂ©e, doit avoir un pH aux alentours de 6 et ne doit pas contenir de sels de fer ou de manganĂšse, agents favorisant l'oxydation, elle est donc prĂ©alablement traitĂ©e et filtrĂ©e. En ce qui concerne le lait, il est uniquement utilisĂ© dans les margarines de qualitĂ©s supĂ©rieures Ă  forte valeur ajoutĂ©e.

Additifs

Certains additifs et auxiliaires technologiques sont utilisĂ©s dans la fabrication de la margarine. Il s’agit de colorants (carotĂ©noĂŻdes, rocou, bixine, norbixine, curcumine) autorisĂ©s selon l’arrĂȘtĂ© du , les arĂŽmes, vitamines, antioxydants, le sel, rĂ©gulateur de pH, acide lactique, acide citrique, Ă©paississant.

L’ajout de tensio-actifs (lĂ©cithine, mono et di-glycĂ©rides) ou la prĂ©sence de matiĂšres premiĂšres les contenant naturellement est indispensable pour stabiliser l’émulsion ainsi formĂ©e.

Agents Ă©mulsifiantsLes deux phases de la margarine Ă©tant non miscibles, il est difficile de les mĂ©langer et surtout de garder ce mĂ©lange stable. Ceci est dĂ» aux forces d’interactions hydrophobes qui rendent, de façon thermodynamique, le mĂ©lange impossible. C’est pour cela que l’utilisation des Ă©mulsifiants est importante puisque ces molĂ©cules vont permettre d’abaisser les forces, de rĂ©duire le travail nĂ©cessaire Ă  la formation d’un mĂ©lange stable. Cette stabilitĂ© Ă©tant par la suite assurĂ©e par la cristallisation. GrĂące aux Ă©mulsifiants, la margarine acquiert sa consistance assez dure Ă  tempĂ©rature ambiante mais assez souple pour ĂȘtre tartinĂ©e. Les plus couramment ajoutĂ©s sont la lĂ©cithine de soja ou les mono et di-glycĂ©rides d’acides gras.
ArĂŽmesAfin d’amĂ©liorer les propriĂ©tĂ©s organoleptiques de la margarine, l’ajout de lait aromatisĂ© ou de beurre est couramment utilisĂ© pendant le processus de fabrication.
ColorantsLa couleur recherchĂ©e dans l’industrie de la margarine est celle du beurre, c’est-Ă -dire une couleur jaune-orange de carotĂšne. Pour cela, on ajoute Ă  la phase grasse des bĂȘta-carotĂšnes ou on utilise ceux qui sont directement contenus dans l’huile de palme car la margarine est de couleur blanche si l’on n’additionne pas de colorant pendant le processus de fabrication, d’oĂč son nom de « perle blanche ».

Certains Ă©tats des États-Unis ont interdit l'adjonction de colorant Ă  la margarine. Le colorant Ă©tait vendu sĂ©parĂ©ment, le mĂ©lange s'effectuant chez le consommateur final[9].

SelLe sel contribue Ă  la protection du produit contre les dĂ©gradations microbiologiques et en mĂȘme temps Ă  amĂ©liorer la sapiditĂ© de la margarine.
VitaminesL'ajout de vitamines permet aussi de rehausser les propriĂ©tĂ©s diĂ©tĂ©tiques de la margarine. À cette fin, on utilise surtout les vitamines liposolubles telles que la vitamine A et la vitamine D2. La teneur des huiles vĂ©gĂ©tales en vitamine E est en gĂ©nĂ©ral suffisante.
Correcteur d'aciditĂ©Pour une bonne conservation, le pH doit ĂȘtre maintenu entre 4 et 5,5. Pour ce faire, on se sert d'acide citrique ou lactique et de leurs sels de sodium, de potassium ou de calcium.
ConservateursPour la conservation, le recours Ă  l'acide sorbique est usuel. En effet, l'acide sorbique est actif contre le dĂ©veloppement des levures, des moisissures et, Ă  un degrĂ© moindre, des bactĂ©ries. Bien que son spectre d’action soit large, il ne couvre pas l’ensemble des micro-organismes. L'association Ă  ses sels de sodium ou de potasse permet d'Ă©tendre ce spectre.

Processus de fabrication

Le principe de fabrication des margarines repose sur l’émulsion eau dans l’huile. La phase lipidique (essentiellement constituĂ©e de matiĂšres grasses vĂ©gĂ©tales) constitue la phase continue dans laquelle est incluse la phase dispersĂ©e (contenant divers additifs et ingrĂ©dients) : l’eau ou le lait.

Différentes étapes de fabrication d'une margarine.

MĂ©lange et Ă©mulsion

Les deux phases (aqueuse et lipidique) sont mises en prĂ©sence. L’émulsion se fait par agitation. La phase aqueuse est incluse dans la phase continue lipidique. La durĂ©e d’agitation permet d’obtenir une phase dispersĂ©e composĂ©e de bulles de plus en plus fines. L’émulsion est stabilisĂ©e par les Ă©mulsifiants qui se placent Ă  l’interface eau/huile, et maintiennent la structure grĂące Ă  leur caractĂšre amphiphile (c’est-Ă -dire lipophile et lipophobe).

L’évolution tend vers des procĂ©dĂ©s continus, oĂč les phases sont Ă©mulsionnĂ©es au fur et Ă  mesure en continu. Si un problĂšme survient, la production est arrĂȘtĂ©e, et seulement un petit volume de produit en traitement est jetĂ©. Plusieurs possibilitĂ©s sont offertes aux industriels aujourd’hui par les Ă©quipementiers :

  • soit les phases sont stockĂ©es dans de gros rĂ©servoirs et mĂ©langĂ©es dans une cuve tampon de petite contenance (process semi-continu) ;
  • soit le mĂ©lange se fait directement avec un systĂšme de pompes.

Refroidissement et cristallisation

Ces deux Ă©tapes sont souvent couplĂ©es. Une fois l’émulsion faite, il faut la maintenir de façon durable et complĂ©ter ainsi l’action des Ă©mulsifiants. Pour cela, le mĂ©lange est refroidi (Ă  l’azote liquide souvent par Ă©change de chaleur). Le refroidissement Ă  trĂšs basse tempĂ©rature permet la cristallisation de la phase grasse. La formation de cristaux entraĂźne un meilleur maintien de la structure de la margarine. LĂ  encore, il existe une certaine diversitĂ© de machines, mais reposant toutes sur le mĂȘme principe. Seules les spĂ©cifications techniques varient.

Conditionnement

Une fois refroidie et cristallisée, la margarine est pompée, grùce à des pompes hautes pressions, puis conditionnée. Il existe deux types de conditionnement pour la margarine :

  • en barquette PVC ;
  • en papier aluminium.

Selon le type de conditionnement, l’appareillage sera diffĂ©rent. Par ailleurs, c’est Ă  cette Ă©tape que sont prĂ©levĂ©s les Ă©chantillons de produit nĂ©cessaires au contrĂŽle qualitĂ© du produit fini.

Application des margarines en industrie

L’intĂ©rĂȘt d’utiliser des margarines en industrie est liĂ© Ă  la variĂ©tĂ© de textures spĂ©cifiques aux diffĂ©rentes applications que l’on trouve dans le domaine de la pĂątisserie et de la viennoiserie. Si les fourrages et garnitures de gĂąteaux requirent une matiĂšre grasse autorisant un foisonnement, l’utilisation de graisse concrĂšte comme le coprah est privilĂ©giĂ©e, contrairement aux applications comme « l’incorporation » qui nĂ©cessite une consistance de la matiĂšre grasse relativement faible pour une bonne dispersion dans la pĂąte. Pour ce qui est du « feuilletage », la margarine doit prĂ©senter une texture plutĂŽt plastique permettant la formation d’un film homogĂšne lors de l’opĂ©ration de « laminage ». Les caractĂ©ristiques de cristallisation et le profil SFC des formulations lipidiques sont dĂ©terminantes[8]. À ce stade, il est important de prendre en compte la notion de polymorphismes des acides gras des diffĂ©rentes sources lipidiques utilisĂ©es dans les formulations de margarine. Lors du procĂ©dĂ© de refroidissement, la vitesse de refroidissement conduira Ă  des cristallisations diffĂ©rentes des acides gras sous diffĂ©rentes formes cristallines. Si le refroidissement est rapide, la forme α sera privilĂ©giĂ©e contrairement Ă  la forme ÎČ obtenue lors d’un refroidissement trĂšs lent[10]. Les formes α et ÎČ’ sont privilĂ©giĂ©es pour leur propriĂ©tĂ©s plastiques notamment en boulangerie-pĂątisserie.

Allégation « santé » des margarines

Ashok R. Patel et ses collaborateurs (2016)[11] font une synthĂšse sur les besoins actuels en lipides et en acides gras saturĂ©s, monoinsaturĂ©s, polyinsaturĂ©s, polyinsaturĂ©s Ă  longue chaĂźne (EPA, DHA), ainsi que la consommation en acides gras trans. Dans l'alimentation humaine, les margarines d’aujourd’hui peuvent jouer le rĂŽle de vecteur d’acides gras essentiels, acides gras indispensables, mais aussi apporter des complĂ©ments en vitamines (A, D) ou en antioxydants.

Les huiles de soja, maĂŻs et tournesol sont majoritairement composĂ©es d’acides gras de la sĂ©rie omĂ©ga 6 qui sont dĂ©jĂ  fortement prĂ©sents dans notre alimentation (reconnus athĂ©rogĂšnes et pro-inflammatoires en cas de consommation excessive). Les margarines d’aujourd’hui tendent Ă  limiter leur utilisation dans les formules actuelles privilĂ©giant l’utilisation d’huiles plus riches en acides gras de la sĂ©rie omĂ©ga 3 pour essayer de rĂ©tablir le ratio omĂ©ga 3 / omĂ©ga 6. Certains acides gras polyinsaturĂ©s de la sĂ©rie omĂ©ga 3 comme l’acide alpha-linolĂ©nique (acide gras essentiel devant ĂȘtre apportĂ© par l’alimentation) ou l’acide docosahexaĂ©noĂŻque (DHA ; acide gras indispensable), dont l'importance est reconnue par les instances internationales (EFSA, ANSES)[12], peuvent ĂȘtre prĂ©sents actuellement dans certaines formulations de margarines. Depuis de nombreuses annĂ©es des travaux ont essayĂ© d’incorporer des huiles de poisson dans les margarines pour les enrichir en EPA et DHA, chefs de file des acides gras polyinsaturĂ©s Ă  longue chaĂźne, mais la prĂ©sence d’odeur de poisson ne permet pas d’attirer les consommateurs vers ce type de produit[13]. Aujourd’hui, l’utilisation d’huile algale riche en DHA, permet de proposer une nouvelle gĂ©nĂ©ration de margarine enrichie en AGPI-LC, avec des allĂ©gations « santĂ© » reconnues « contribuant au maintien d’une vision normale et au bon fonctionnement du cerveau » (allĂ©gations UE no 432/2012). En effet les besoins quotidiens en EPA (250 mg) et en DHA (250 mg) recommandĂ©s par l’ANSES, sont gĂ©nĂ©ralement apportĂ©s par la consommation de poisson gras prĂ©conisĂ©e une Ă  deux fois par semaine. Cependant, la population française, tout comme les pays occidentaux, consomme peu de poisson contrairement aux populations asiatiques et une supplĂ©mentation quotidienne en AGPI-LC de la sĂ©rie omĂ©ga 3 est une bonne chose, sur le plan nutritionnel.

Certaines margarines sont enrichies en phytostĂ©rols (composĂ©s naturels prĂ©sents dans les plantes) et en phytostanols (moins sensibles Ă  l’oxydation en raison d’une double liaison en moins par rapport aux phytostĂ©rols) en raison de leurs effets notables sur la rĂ©duction du cholestĂ©rol sanguin. Les travaux portant sur la stabilitĂ© de ces composĂ©s prĂ©sents dans les margarines Ă  4 °C et 20 °C pendant 18 semaines montrent une lĂ©gĂšre diminution des phytostĂ©rols avec une dĂ©gradation plus marquĂ©e pour les phytostanols en produits oxydĂ©s, malgrĂ© le fait qu’ils possĂšdent une insaturation en moins[14]. Il est donc important de conserver correctement les margarines enrichies en phytostĂ©rols et phytostanols Ă  4 °C. Leur action prĂ©ventive sur les maladies cardio-vasculaires n’est cependant pas dĂ©montrĂ©e actuellement (ANSES, 2014)[15].

Une Ă©tude de Sopelana et al. (2016) sur la stabilitĂ© Ă  la cuisson (180 °C) des phytostĂ©rols prĂ©sents dans les margarines Ă  diffĂ©rentes teneurs en matiĂšre grasse montre que les phytostĂ©rols protĂšgent les margarines des rĂ©actions d’oxydation en limitant l’apparition des produits d’oxydation secondaire comme les aldĂ©hydes, Ă©poxydes et alcools. Il semble que le ratio matiĂšre grasse/phase aqueuse joue un rĂŽle important favorisant les rĂ©actions d’oxydation pour de faibles concentrations en lipides[16].

Il est important de noter que l’utilisation des acides gras trans dans les margarines a bien Ă©voluĂ© depuis une quinzaine d’annĂ©es avec une volontĂ© d’éliminer totalement ces acides gras. En effet, ces acides gras trans, responsables d’augmenter la circulation des lipoprotĂ©ines de basse densitĂ© (ou LDL pour low density lipoprotein en anglais) et donc d’accroitre le risque d’apparition de maladies cardiovasculaires, ont incitĂ© les autoritĂ©s de nombreux pays Ă  rĂ©duire voire interdire la prĂ©sence de ces composĂ©s dans les aliments. Une Ă©tude de DeAnn et al. (2016)[17] reprend 32 Ă©tudes cliniques afin de dĂ©celer les possibles corrĂ©lations entre la prĂ©sence d’acides gras trans retrouvĂ©s Ă  diffĂ©rentes concentrations et l’augmentation des LDL. Les conclusions montrent de faibles corrĂ©lations sur la consommation d’acides gras trans et le risque d’apparition de maladie cardiovasculaire. Les rĂ©sultats d’une mĂ©ta-analyse sur les effets des acides gras trans sur les LDL ne semblent montrer aucune incidence pour des consommations en acides gras trans infĂ©rieures Ă  3 % des apports totaux (Bruce et al., 2016)[18]. En France, l’ANSES a fixĂ© un seuil maximal d’apport en acides gras trans Ă  2 % de l'AET, quels que soient l'Ăąge et le sexe, aussi bien chez les enfants que chez les adultes en 2005 et maintenu en 2008. Elle encourage les efforts de rĂ©duction de l'utilisation de ces acides gras trans dĂ©jĂ  mis en Ɠuvre par les professionnels, tant en alimentation humaine qu'animale, afin de rĂ©duire le risque d'exposition. En 2005, l'AFSSA retenait le seuil de 1 % des acides gras trans totaux comme teneur maximale acceptable dans les margarines (AFSSA, 2005, 2009)[19] - [20]. Ces acides gras trans ne sont plus prĂ©sents dans les margarines d’aujourd’hui, si ce n’est Ă  moins de 1 %[21] contrairement Ă  une trentaine d’annĂ©es oĂč ils Ă©taient prĂ©sents en grande proportion (10 - 20 %) dans les margarines hydrogĂ©nĂ©es, largement rĂ©pandues pour des motifs Ă©conomiques et industriels. Il faut noter que la matiĂšre grasse laitiĂšre contient Ă©galement de faibles quantitĂ©s d’acides gras trans, isomĂšres de l’acide linolĂ©ique conjuguĂ© appelĂ© couramment CLA (conjugated linoleic acid) (Siurana et Calsamiglia, 2016)[22].

Certaines Ă©tudes tendent Ă  rĂ©duire la teneur en sel prĂ©sent dans les margarines par l’addition d’épices apportant par la mĂȘme occasion une protection contre les rĂ©actions d’oxydation (de Oliveira Lopes et al., 2014)[23]. En effet, une consommation importante de sel contribue au dĂ©veloppement de l’hypertension et des maladies cardiovasculaires. PremiĂšre cause de mortalitĂ© dans le monde, l’hypertension affecte prĂšs de 25 % de la population adulte aujourd’hui et prĂšs de 60 % en 2025.

Économie

Avec 150 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2020, le marchĂ© français de margarine est dominĂ© par St Hubert, sociĂ©tĂ© dĂ©tenue par les conglomĂ©rats chinois Fosun et Sanyuan (en)[24] - [25].

Bibliographie

  • Henri Dupin, Alimentation et nutrition humaines, Esf Éditeur, , 1533 p. (ISBN 978-2-7101-0892-4, lire en ligne), p. 904
  • (en) Stuyvenberg, J. H. van (ed.), 1969. Margarine. An economic, social and scientific history 1869-1969. Liverpool, Liverpool University Press. XXIV-327 p.

Références

  1. Saillard, M. 2010. Margarines et matiÚres grasses tartinables. Cahiers de nutrition et de diététique 45, 274-280.
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