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Magnavox Odyssey

La Magnavox Odyssey est une console de jeux vidéo de la première génération commercialisée par Magnavox en aux États-Unis, puis en 1973 dans le reste du monde. Elle se présente sous la forme d'une boîte blanche avec un système de cartes de jeu, contenant des circuits numériques équipés de composants discrets, et qui se connecte à un téléviseur. L'Odyssey peut afficher simultanément trois points carrés distincts à l'écran, en monochrome noir et blanc, et permet un comportement différent pour chacun des points en fonction du jeu. Les joueurs placent un calque en plastique sur l'écran et un ou deux joueurs utilisent les boutons rotatifs des contrôleurs de jeu reliés avec des fils à la console, afin de déplacer les points à l'écran. L'Odyssey est commercialisée avec toute une panoplie d'accessoires tels que des dés, des cartes de jeu, des billets fictifs en papier, des jetons et des plateaux de jeux, qui sont utilisés conjointement aux jeux vidéo. Suivant les localisations, un peu plus d'une dizaine de jeux sont inclus avec la console et quelques jeux sont commercialisés en 1972, puis en 1973. Un périphérique appelé Shooting Gallery, sous forme de pistolet optique avec quatre jeux, est vendu séparément en 1972. La ludothèque comporte vingt-huit jeux au total.

Odyssey
La Magnavox Odyssey.

Fabricant
Type
Génération

Date de sortie
AN : Septembre 1972
EUR : 1973
Fin de production
1975
Système d'exploitation
-
Processeur
-
MĂ©dia
ContrĂ´leurs
Deux paddles

Unités vendues
350 000 unitĂ©s

Ralph Baer rĂ©vèle qu'en 1951, il a eu l'idĂ©e de crĂ©er quelque chose d'interactif sur un Ă©cran, mais ne parvient Ă  dĂ©velopper ce concept vague qu'en 1966, alors qu'il travaille chez Sanders. Il dĂ©veloppe pendant trois ans le concept Ă  l'aide de Bill Harrison et Bill Rusch, crĂ©ant successivement plusieurs prototypes. Le septième, connu sous le nom de Brown Box, est proposĂ© Ă  plusieurs fabricants avant que Magnavox n'accepte de produire la console en . Ă€ la suite de sa commercialisation en , Magnavox Ă©coule 350 000 unitĂ©s durant son exploitation jusqu'en 1975. La console donne naissance Ă  une sĂ©rie de consoles dĂ©diĂ©es dĂ©rivĂ©es de l'originale, mais aussi Ă  une seconde vĂ©ritable console en 1978 appelĂ©e Videopac ou Magnavox Odyssey² selon les localisations.

Un jeu de ping-pong de l'Odyssey, appelĂ© Table Tennis, inspire Nolan Bushnell et Atari, qui crĂ©ent le jeu d'arcade Pong. Ce dernier, le premier jeu d'arcade commercialement exploitĂ© et largement disponible auprès du public, est un immense succès. Les joueurs qui cherchent Pong achètent la console, et en dopent donc les ventes. Plusieurs entreprises, dont Atari, Nutting Associates, Allied Leisure, Bally Midway et Williams Electronics violent les brevets dĂ©posĂ©s par Ralph Baer, Sanders et Magnavox, ce qui les pousse Ă  lancer de nombreux procès pendant plus de vingt ans, qui seront tous gagnĂ©s. Ces poursuites permettent Ă  Sanders et Magnavox de gagner plus de 100 millions de dollars. La commercialisation de l'Odyssey — ainsi que Pong — marque la fin de la genèse du jeu vidĂ©o et la naissance de l'industrie du jeu vidĂ©o commercial, ainsi que le dĂ©but de la première gĂ©nĂ©ration des consoles de jeux vidĂ©o. Cette crĂ©ation vaut gĂ©nĂ©ralement Ă  Ralph Baer le surnom de « père du jeu vidĂ©o » ou « père du jeu vidĂ©o Ă  domicile ».

Description

Une boîte blanche avec un dessus marron avec deux molettes et un bouton noir.
Le ContrĂ´leur[1] de l'Odyssey

L'Odyssey se présente sous la forme d'une boîte en plastique rectangulaire blanche avec un liseré marron imitation bois, dotée d'un socle et d'un couvercle de couleur noir, et connectée à deux manettes rectangulaires par l'intermédiaire de fils. La console se connecte à la télévision grâce à un boîtier de commutation fourni, qui permet au joueur d'afficher la télévision classique ou le flux d'entrée créé par l'Odyssey, agissant comme un canal de télévision classique. Les contrôleurs, de couleur blanche avec un couvercle marron imitation bois et conçu pour être posés sur une surface plane, comportent un bouton de réinitialisation et trois boutons rotatifs, dont un à droite et deux sur la gauche. Le bouton ne réinitialise pas le jeu, mais des éléments dans les jeux, par exemple la suppression du point d'un joueur quittant le jeu. L'alimentation électrique principale de la console est réalisée par l'intermédiaire de six piles de type R14, incluses lors de l'achat de la console. Un adaptateur secteur facultatif est à l'époque vendu séparément. L'Odyssey ne produit aucun son et peut uniquement afficher des graphismes monochromes composés de formes blanches sur un fond noir uniforme[2].

L'architecture de l'Odyssey est composée de circuits électroniques numériques. Les circuits comportent des portes logiques diode-transistor (DTL), utilisant des composants discrets tels que des transistors et des diodes. L'Odyssey n'utilise pas un système de cartouche composé de ROM à l'instar des consoles classiques plus récentes, mais des « cartes de jeu », composées de circuits imprimés, qui doivent être insérés dans la console. La connexion de ces cartes modifie l'architecture interne, grâce aux circuits, aux interrupteurs et cavaliers qu’elles rajoutent, ce qui permet à la console d'afficher différentes formes ou d'agir différemment. Plusieurs jeux utilisent les mêmes cartes, mais des instructions sont données au joueur, afin de changer la physionomie du jeu[3].


L'Odyssey a la capacité d'afficher à l'écran trois points de forme carrée et une ligne verticale. Deux des points sont contrôlés par les deux joueurs, et le troisième l'est par le système. La console comporte deux boutons rotatifs, qui permettent de déplacer la ligne sur l'écran et d'ajuster la vitesse du point contrôlé par la console. Certains jeux imposent donc au joueur un réglage préalable, par exemple la ligne centrale d'un jeu de tennis doit être déplacée sur le côté pour devenir un jeu de handball. La console est livrée avec un jeu de calques en plastique à placer sur l'écran, qui sont maintenus grâce à l'électricité statique créée par l'écran. Ces films permettent de rajouter des visuels au jeu, car ils sont transparents et imprimés de divers motifs, formes ou dessins en rapport avec le jeu. Plusieurs jeux différents utilisent donc la même carte de jeu, mais un calque différent, changeant complètement le contexte. Par exemple, un parcours de ski à la montagne devient une variante du jeu Jacques a dit basée sur des mouvements[3].

L'Odyssey est vendue avec toute une panoplie d'accessoires nécessaires à certains jeux, comme des dés, des cartes, des jetons, des feuilles de score, des faux billets et des plateaux de jeu à l'instar d'un jeu de société classique[4]. Un pistolet optique ressemblant à un fusil de chasse, un périphérique pour la console, est commercialisé en 1972. Ce contrôleur de jeu, appelé Shooting Gallery, a la forme d'un fusil et enregistre la position d'un tir lorsqu'il est pointé vers une source lumineuse tel qu'un point affiché à l'écran[2]. Quatre jeux sont fournis avec le pistolet optique[3]. Magnavox commercialise également une mallette de transport pour ranger la console et ses accessoires[5].

Liste des jeux

Un total de vingt-huit jeux diffĂ©rents est commercialisĂ© sur onze cartes de jeux pour la Magnavox Odyssey. Treize jeux sont inclus dans la console, douze jeux aux États-Unis et un panel de dix diffĂ©rents jeux dans les autres pays. Six autres jeux sont vendus individuellement au prix de 24,99 dollars. Ils utilisent les mĂŞmes cartes de jeux, avec des calques d'Ă©cran diffĂ©rents et des instructions spĂ©cifiques. Un autre jeu, Percepts, a Ă©tĂ© gratuitement envoyĂ© aux joueurs rĂ©pondant Ă  un sondage Ă  renvoyer sous forme de carte. Le Shooting Gallery est vendu en tant qu'accessoire pour la console, avec quatre jeux inclus sur deux cartes de jeux. Quatre jeux supplĂ©mentaires sont commercialisĂ©s en 1973, et conçus tout ou partie par Don Emry[3]. Les jeux n'obligent pas Ă  suivre de règles et ne gèrent pas de scores, ce qui est laissĂ© Ă  l'attention des joueurs[6].

Liste et description des jeux[7] - [3]
Titre Carte Description USA Version internationale
Table Tennis 1 Jeu de ping-pong dans lequel deux joueurs utilisent des paddles pour se renvoyer la balle Ă  l'Ă©cran (sans calque). Inclus Inclus
Ski 2 Jeu de ski dans lequel un joueur déplace un point représentant un skieur descendant une piste de ski sur une montagne. Le temps de jeu et les pénalités sont gérés par le joueur. Inclus Inclus
Simon Says 2 Jeu de course éducationnel dérivé de Jacques a dit dans lequel deux joueurs doivent déplacer un point le plus rapidement vers le dessin d'une partie du corps des personnes figurant sur un calque en fonction de la partie du corps représentée sur la carte de jeu tirée par un troisième joueur. Inclus Inclus
Tennis 3 Jeu de tennis dans lequel deux joueurs utilisent des paddles pour se renvoyer une balle à l'écran, avec un calque sur lequel est dessiné un court de tennis, et sont supposés suivre les règles. Inclus Inclus
Analogic 3 Jeu de ping-pong et de mathématique dans lequel les joueurs peuvent déplacer les raquettes sur les carrés dessinés sur le calque en fonction des nombres pairs et impairs. Inclus Inclus
Hockey 3 Jeu de hockey sur glace dans lequel les joueurs utilisent des paddle pour frapper dans un palet. Le joueur marque seulement si le palet rentre dans les buts de l'opposant. Un calque représente une patinoire de hockey sur glace. Inclus Inclus
Football 3, 4 Simulation de football américain dans laquelle les joueurs utilisent une combinaison de mouvements à l'écran, de dés et de cartes de jeu. La majorité du jeu se déroule hors de l'écran. Les coups de pied, les passes et les coups francs utilisent la carte no 3, alors que le reste du jeu utilise la carte no 4. Inclus –
Cat and Mouse 4 Jeu de labyrinthe dans lequel un joueur dirige le point à l'écran représentant la souris qui tente de retourner dans sa maison sur une grille dessinée sur un calque, avant que le chat ne l'attrape (dirigé par l'autre joueur). Inclus Carte
Haunted House 4 Jeu d'aventure à deux joueurs se déroulant dans une maison hantée dessinée sur un calque, en essayant de collecter des cartes indices sans se faire prendre par le fantôme. Inclus Carte
Submarine 5 Jeu de tir dans lequel un joueur dirige un sous-marin représenté par un des points à l'écran, en suivant des voies de navigation dessinées sur un calque, alors que le second joueur tente de lancer une torpille sur le bâtiment. Inclus Inclus
Roulette 6 Jeu de hasard dans lequel les joueurs parient des jetons et utilisent aléatoirement leur contrôleur afin de lancer un point qui s'affiche sur le calque à l'écran où est dessinée une table de roulette. Inclus Carte
States 6 Jeu de quiz utilisant un calque représentant la carte géographique des États-Unis, qui se joue avec plusieurs cartes de jeu comportant des questions sur chaque État américain. Inclus –
Fun Zoo 2 Jeu de course éducationnel dans lequel les joueurs doivent déplacer un point le plus rapidement vers le dessin d'un des animaux figurant sur un calque en fonction de l'animal représenté sur la carte de jeu tirée. Carte –
Baseball 3 Simulation de baseball dans laquelle deux joueurs utilisent une combinaison de mouvements à l'écran, des dés et des cartes de jeu. Carte –
Invasion 4, 5, 6 Jeu de stratégie dans lequel les joueurs combinent des mouvements stratégiques sur un plateau de jeu annexe et des combats tactiques à l'écran. Les différents assauts utilisent différentes cartes de jeu. Carte –
Wipeout 5 Jeu de course se déroulant sur une piste dessinée sur un calque, ainsi que sur un plateau de jeu annexe. Le joueur déplace un point sur la piste représentant une voiture et l'autre joueur déplace un autre point de part et d'autre de l'écran pour réaliser le temps, mais peut aussi perturber la course de la voiture. Carte Inclus
Volleyball 7 Jeu de volley-ball dans lequel deux joueurs utilisent des paddles pour s'échanger une balle à l'écran. Le calque sur lequel est dessiné un terrain de volley-ball permet aux joueurs de renvoyer la balle au-dessus du filet. Carte Inclus
Soccer 8 Jeu de football dans lequel les joueurs utilisent des paddles pour frapper dans un ballon représenté par un point affiché à l'écran. Le joueur marque seulement si le ballon rentre dans les buts de l'opposant. Un calque représente un terrain de football. – Inclus
Handball 8 Jeu de handball dans lequel les joueurs utilisent des paddles pour frapper dans un ballon représenté par un point affiché à l'écran. Le joueur marque seulement si le ballon rentre dans les buts de l'opposant. Un calque représente un terrain de handball. Carte –
Prehistoric Safari 9 Jeu de tir dans lequel un joueur place un point affiché à l'écran sur un animal préhistorique dessiné sur le calque, tandis que l'autre joueur tente de tirer sur ce point avec le pistolet optique dans le plus petit nombre de coups possible. Carte (SG) Carte (SG)
Dogfight! 9 Jeu de tir dans lequel un joueur place un point affiché à l'écran le long d'une voie aérienne dessinée sur un calque, tandis que l'autre joueur tente de tirer sur ce point avec le pistolet optique dans le plus petit nombre de coups possible. Carte (SG) Carte (SG)
Shootout! 9 Jeu de tir dans lequel un joueur, le bandit, place un point affiché à l'écran sur un des personnages figurant dans les maisons du far west dessinées sur un calque, tandis que l'autre joueur tente de tirer sur ce point avec le pistolet optique dans le plus petit nombre de coups possible. Carte (SG) Carte (SG)
Shooting Gallery 10 Jeu de tir dans lequel un joueur tente de tirer avec le pistolet optique sur le point dirigé par l'intelligence artificielle, en visant sur les cibles d'un stand de tir dessiné sur un calque dans le plus petit nombre de coups possibles. Carte (SG) Carte (SG)
Percepts 2 Jeu de course en deux variantes dans lequel les joueurs déplacent les points affichés à l'écran dans les carrés dessinés sur un calque, en fonction des motifs ou des symboles figurant sur les cartes de jeu tirées. Gratuit (sondage) –
Brain Wave 3 Jeu de stratégie utilisant un plateau de jeu, un calque pour l'écran avec deux visages dessinés et un labyrinthe, des cartes de jeu et des dés. Un joueur avance son point affiché à l'écran en fonction des dés qu'il a lancés, alors que l'autre tente de le rejoindre sur la même case. Carte (1973) –
W.I.N. 4 Jeu éducationnel dans lequel les joueurs déplacent un des points affichés à l'écran vers des symboles, des lettres ou des chiffres dessinés sur un calque, qui correspondent aux cartes de jeu qu'ils ont tirées. Quand le joueur tire la carte, il doit appuyer sur reset afin de faire disparaître le point, puis tenter de le placer au bon endroit sans le voir. Carte (1973) –
Basketball 8 Jeu de basket-ball dans lequel les joueurs utilisent des paddles pour s'échanger un ballon représenté par un point affiché à l'écran. Le joueur marque seulement si le ballon rentre dans le panier de l'opposant. Un calque représente un terrain de basket-ball. Carte (1973) –
Interplanetary Voyage 12 Simulation de vol spatial dans lequel le joueur guide son vaisseau spatial représenté par un point affiché à l'écran et se déplace de planète en planète pour réussir la mission. Le jeu utilise des cartes de jeu, des jetons et un calque représentant le Système solaire et les orbites planétaires. Carte (1973) –

DĂ©veloppement

Genèse

En 1951, Ralph Baer est recrutĂ© par le fabricant de matĂ©riel militaire Loral Corporation, et est chargĂ© de la crĂ©ation d'une tĂ©lĂ©vision Ă  la pointe de la technologie. Baer dĂ©voile dans sa biographie que lors de ses recherches[8], il a l'idĂ©e d'intĂ©grer quelque chose dans la tĂ©lĂ©vision, une sorte d'interaction avec le tĂ©lĂ©spectateur, des jeux simples qu'il pourrait contrĂ´ler, plutĂ´t que de seulement regarder passivement l'Ă©cran. Baer ne pousse pas plus loin cette idĂ©e, qui lui revient Ă  l'esprit, bien des annĂ©es plus tard, en , alors qu'il attend un collègue Ă  un arrĂŞt de bus. Il profite d'un peu de temps libre pour prendre quelques notes. Alors chef du service conception d'Ă©quipement (Equipment Design Division) du sous-traitant dans le domaine militaire Sanders, il propose le concept d'utiliser une tĂ©lĂ©vision pour jouer Ă  des jeux vidĂ©o. Le lendemain matin, , il transcrit ses notes dans une proposition de projet sur quatre pages, dĂ©crivant un dispositif dont le coĂ»t s'Ă©lève Ă  20 dollars, appelĂ© game box (« boite de jeu »), et qui peut se brancher sur l'Ă©cran d'une tĂ©lĂ©vision permettant d'y afficher des jeux vidĂ©o[9] - [10]. Ă€ cette Ă©poque l'industrie du jeu vidĂ©o n'existe pas encore, les premiers jeux vidĂ©o de l'histoire commencent Ă  apparaĂ®tre Ă  partir de la fin des annĂ©es 1940 et, en cette annĂ©e 1966, seuls des jeux sur ordinateurs centraux ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s et n'ont qu'un auditoire limitĂ© aux centres de recherches et aux institutions universitaires[9] - [11]. Dans sa proposition, Baer dĂ©signe son projet en utilisation une terminologie militaire, puis Ă  la fin, il le nomme Channel LP (Let's Play)[9]. Le matĂ©riel imaginĂ© transmet un signal que la tĂ©lĂ©vision peut interprĂ©ter comme un canal de tĂ©lĂ©vision sur la chaĂ®ne 3 ou 4, et Baer dĂ©crit plusieurs jeux pouvant fonctionner dessus, dont un jeu d'action, de sport, de poursuites et d'autres[12] - [13].

« J'aimerais que vous regardiez la démonstration de quelque chose de nouveau, Herb[13]. »

— Ralph Baer

Le , il dessine un schĂ©ma rudimentaire d'un jeu Ă  deux joueurs appelĂ© Chase Game. Ce jeu permet de dĂ©placer deux points dans n'importe quelle direction et indique comment rajouter de la couleur au champ de jeu. Mais ces jeux et Channel LP n'ont pas vraiment d'application dans le domaine militaire et de rapport avec les contrats que Sanders a signĂ©s[13]. Alors quelques jours plus tard, plutĂ´t que de prĂ©senter le concept Ă  ses supĂ©rieurs, Baer rĂ©quisitionne une pièce vide et assigne l'un de ces techniciens, Bob Tremblay, afin de travailler avec lui sur le projet[10] - [12]. En , un premier prototype très basique (plus tard appelĂ© TV Game #1) est terminĂ©. Cette première version permet de faire dĂ©placer une ligne verticale sur l'Ă©cran d'une tĂ©lĂ©vision. Baer rĂ©alise alors une dĂ©monstration du fonctionnement de son prototype au directeur de la recherche et du dĂ©veloppement de chez Sanders, Herbert Campman, qui accepte avec hĂ©sitation de financer Ă  hauteur de 2 000 dollars pour la main d'Ĺ“uvre et de 500 dollars pour le matĂ©riel (la demande financière est dĂ©posĂ©e le ). Le projet est alors officialisĂ©[12].

Plusieurs boîtes de couleur marron, posées sur une table jaune.
La Brown Box, le dernier prototype de console réalisé par Ralph Baer.

DĂ©veloppement du concept

Jusqu'en , Baer réfléchit à la conception d'autres prototypes de jeux avec l'aide de Bob Solomon, un ingénieur de chez Sanders. Le , il assigne le technicien Bill Harrison, qui passe cependant les quelques mois qui suivent à la conception d'autres projets plus importants. Le projet avance donc avec intermittence, mais Harrison réalise tout de même des modifications successives. Il commence par vérifier le travail de Tremblay, alors que Baer l'initie aux fondamentaux de l'électronique télévisuelle, ce avec quoi il n'est pas familier. Sur la demande de Baer, Harrison achète un jouet, plus précisément un fusil miniature en plastique fabriqué au Japon, que Baer transforme en pistolet optique. Il montre à Harrison comment fabriquer un récepteur optique permettant de repérer la présence ou non d'un point brillant sur un écran en le pointant dessus[13]. Pendant ce temps, Baer collabore avec l'ingénieur Bill Rusch sur la conception de la console, en particulier sur le développement des bases de plusieurs jeux. Le premier de la série est développé en , un jeu en duo intitulé Bucket Filling dans lequel les joueurs appuient de façon répétitive sur un bouton, afin que l'un d'entre eux le remplisse tandis que l'autre le vide. Un autre jeu appelé Pumping Game met en scène un pompier et une maison dessinés sur un calque posé sur l'écran. Le joueur doit appuyer répétitivement sur le bouton afin de rendre l'écran bleu, sinon il devient rouge et la partie est perdue. Le premier test de ce jeu, entre Baer et Harrison, a lieu le et voit la victoire de ce dernier[13]. En juin, plusieurs jeux sont conçus, pour ce qui va devenir la deuxième version du prototype, mais qui peut être considéré comme le premier véritable prototype de console de jeux[12]. Parmi ceux-ci, figure un jeu dans lequel les joueurs contrôlent des points et se poursuivent l'un et l'autre, ainsi qu'un jeu de tir utilisant un pistolet optique. Baer présente le nouveau prototype à Campbell, qui est enthousiasmé par le jeu de tir. Ce dernier accroît alors le financement et lui recommande de dévoiler le prototype à la direction[9] - [12]. Baer réalise alors une démonstration au conseil d'administration de l'entreprise, qui est largement désintéressé, malgré quelques membres enthousiastes. Néanmoins, le directeur général Royden Sanders autorise Baer à poursuivre le projet dans le but de commercialiser la console ou en vendre sa licence[9] - [10] - [12].

Baer et Harrison terminent le troisième prototype en . Cependant, ils se rendent compte que pour arriver au prix de vente de la console initialement prĂ©vu par Baer, de 20 Ă  25 dollars, ils doivent enlever tellement de choses que la console devient assez peu attirante. Baer a Ă©galement le sentiment qu'il n'arrive pas Ă  concevoir des jeux assez amusants. Afin de pallier cet aspect, il sollicite Ă  nouveau l'aide de Rusch, qui l'avait dĂ©jĂ  aidĂ© sur le premier prototype[3]. Bien que le duo ait des difficultĂ©s Ă  travailler avec lui, Rusch ne tarde pas Ă  prouver ses qualitĂ©s Ă  l'Ă©quipe, en amenant le moyen d'afficher trois points Ă  l'Ă©cran simultanĂ©ment plutĂ´t que deux, et en proposant le dĂ©veloppement d'un jeu de ping-pong[3] - [9]. Au mois de , l'Ă©quipe travaille sur son quatrième prototype, qui inclut Ă  ce moment-lĂ  un jeu de poursuite, un jeu de tir, un jeu de ping-pong et trois types de contrĂ´leurs de jeu — respectivement un joystick, un fusil en plastique et un contrĂ´leur de jeu avec bouton rotatif. Campman considère alors que le système est assez Ă©voluĂ© pour chercher un constructeur intĂ©ressĂ© par l'achat du concept, puisque Sanders a dĂ©cidĂ© de revendre les droits de production de la console, l'entreprise ne travaillant pas dans le secteur de la vente et de la fabrication de produits Ă©lectroniques[3].

Plusieurs tas de cartes à joueur, de jetons et des dés et des cartouches de jeux.
L'Odyssey est vendue avec toute une panoplie d'accessoires nécessaires au jeu, comme des dés, des cartes ou des jetons.

Tergiversations

L'Ă©quipe se rapproche de l'industrie de la tĂ©lĂ©vision par câble. Le prototype attire l'attention de TelePrompTer (en), qui a dĂ©jĂ  vu le prototype lors d'une visite. Après quelques mois d'Ă©changes, des problèmes de trĂ©sorerie forcent TelePrompTer Ă  se rĂ©tracter en [9]. Par la suite, Sanders subit Ă  son tour les mĂŞmes problèmes financiers et procède Ă  des licenciements massifs dans ses effectifs. L'entreprise met donc le projet en pause, alors que la cinquième version du prototype est en dĂ©veloppement. Le projet reprend cependant en sans Rusch et connait deux versions supplĂ©mentaires, ce qui conduit en Ă  la crĂ©ation du septième prototype connu sous le nom de brown box, en raison du revĂŞtement adhĂ©sif imitation bois utilisĂ© pour habiller les boĂ®tes accueillant le système[3]. La conception de ce dernier est largement achevĂ©e. Cependant, Baer et Harrison ne savent plus vers qui se tourner pour vendre le concept, jusqu'Ă  ce que l'avocat en brevets de Sanders leur conseille de contacter des fabricants de tĂ©lĂ©vision. Baer fait donc la dĂ©monstration de la brown box Ă  plusieurs entreprises, qui expriment leur enthousiasme. Seule l'entreprise RCA est disposĂ©e Ă  acquĂ©rir la licence, mais aucun accord ne peut ĂŞtre trouvĂ©. Peu de temps après, Bill Enders, un dirigeant de RCA, quitte l'entreprise pour rejoindre Magnavox en . Il convainc l'entreprise de rĂ©examiner le concept de la console. Le trio de crĂ©ateurs refait une dĂ©monstration auprès de Magnavox en , mais reçoit des rĂ©actions plutĂ´t timides de la plupart des dirigeants. Toutefois, Jerry Martin, le vice-prĂ©sident du marketing, est favorable Ă  ce projet, ce qui conduit Magnavox Ă  accepter de produire la console. Après une longue pĂ©riode de nĂ©gociations, les deux entreprises signent finalement un accord en [14] - [6].

Achat par Magnavox

Magnavox conçoit l'extĂ©rieur de la machine et modifie le concept et les jeux, ainsi que lĂ©gèrement le système et ses composants internes, sous la consultation de Baer et Harrison. La capacitĂ© d'affichage en couleur seulement utilisĂ©e par le contrĂ´leur de jeu Ă  trois boutons rotatifs est supprimĂ©e[3]. Ă€ cette Ă©poque, les tĂ©lĂ©visions en couleur sont toujours considĂ©rĂ©es comme des produits de luxe, la capacitĂ© d'afficher de la couleur aurait engendrĂ© des coĂ»ts supplĂ©mentaires, mais aussi nĂ©cessitĂ© du temps afin de trouver un accord avec la FCC, afin de rĂ©aliser des tests et mettre en place une rĂ©glementation[15]. Le système de sĂ©lection des jeux est Ă©galement modifiĂ©, passant d'un simple bouton rotatif intĂ©grĂ© Ă  la console, Ă  un dispositif de carte de jeu sĂ©parĂ©e qui modifie le circuit interne de la console quand l'une d'entre elles est connectĂ©e[3]. Les phases de nĂ©gociations entre Sanders et Magnavox dĂ©butent Ă  la fin de l'annĂ©e 1969, et durent jusqu'en 1971, ce qui empĂŞche les dĂ©veloppeurs de Magnavox de faire Ă©voluer les composants du système. Pourtant, si les circuits intĂ©grĂ©s sont trop chers lors de la crĂ©ation de la Brown Box, ce genre de considĂ©rations n'a plus cours en 1971 et Magnavox n'a pas le temps de modifier les composants internes de la machine avant le lancement de la production. Les ingĂ©nieurs copient l'architecture de la Brown Box, conçue de circuits numĂ©riques avec des composants discrets, mais Ă´tent les composants pouvant gĂŞner son autorisation concernant les rayonnements parasites[16]. Durant les phases de tests, Magnavox donne Ă  la console, alors connue sous le code 1TL200, le nom de Skill-O-Vision, puis la commercialise sous le nom Odyssey[14]. Le pistolet optique en plastique est commercialisĂ© en tant qu'accessoire vendu Ă  part, sous le nom Shooting Gallery. Magnavox rajoute dans le packaging de la console de l'argent factice en papier, des cartes de jeu, des jetons, ainsi que des calques en plastique colorĂ©s Ă  placer sur l'Ă©cran durant le jeu, afin d'amĂ©liorer les visuels graphiquement primitifs. Ces ajouts permettent Ă  l'entreprise d'augmenter le prix de vente de la console Ă  99,99 dollars. Baer est très contrariĂ© par le choix de la direction de rajouter ces accessoires, qu'il juge inutiles et dont il estime qu'ils ne seront pas utilisĂ©s par les joueurs. Magnavox annonce la commercialisation de la console pour et pendant plusieurs mois avant la sortie, rĂ©alise des dĂ©monstrations auprès des distributeurs et des mĂ©dias[14].

Accueil

Sous une cloche en verre, figurent la console Odyssey (boite blanche) et certains de ses accessoires (cartes à jouer, dés).
La Magnavox Odyssey en 2010 au Festival du jeu vidéo.

La console Odyssey est commercialisĂ©e par Magnavox en . Après une production initiale de 50 000 unitĂ©s avant le lancement de la console, Magnavox augmente ses capacitĂ©s de production et constituent un stock important, car les tests de mise sur le marchĂ© ont engendrĂ© une rĂ©ponse enthousiaste du public vis-Ă -vis de celle-ci. L'Odyssey est seulement vendue dans les boutiques franchisĂ©es Magnavox, au dĂ©triment des revendeurs gĂ©nĂ©ralistes. Magnavox prend cette dĂ©cision, car l’entreprise estime que la première console de jeux vidĂ©o de l'histoire va attirer les clients dans ses magasins. La console est vendue au prix de 100 dollars, et 50 dollars si elle est achetĂ©e avec une tĂ©lĂ©vision Magnavox[3]. Selon Baer, Magnavox produit 120 000 consoles en 1972 alors que des employĂ©s de l'entreprise rapportent le chiffre de 140 000 unitĂ©s. Le chef de produit Bob Fritsche se rappelle le chiffre de ventes de 69 000 unitĂ©s jusqu'Ă  la fin de l'annĂ©e, alors que Baer se souvient de chiffres se rapprochant plus de 100 000 unitĂ©s[3] - [17]. Pour Baer, ces premières ventes peu importantes s’expliquent par le prix trop Ă©levĂ© de la console — 100 dollars en 1972 correspond Ă  587 dollars en 2017. Il considère aussi que la raison provient du fait que Magnavox a restreint les ventes uniquement Ă  ses magasins, mais aussi parce que l'entreprise a laissĂ© entendre que le système ne pouvait fonctionner seulement sur des tĂ©lĂ©visions Magnavox[3]. L'assistant planificateur de produit Don Emry, embauchĂ© en 1973, juge les chiffres rapportĂ©s par Baer un peu haut et dĂ©clare en 2004 que les ventes de la première annĂ©e correspondent aux projections originales, mais pas Ă  la production qui a Ă©tĂ© faite, tant en 1973, il se rappelle que les entrepĂ´ts sont pleins de consoles[3]. Des sources rapportent que certains dĂ©taillants ont essayĂ© de tromper les consommateurs dans le but de vendre plus de tĂ©lĂ©visions[18].

Selon Baer, Magnavox envisage après la première pĂ©riode des vacances d'arrĂŞter la production de la console, mais les modestes ventes de l'annĂ©e suivante suffisent Ă  convaincre de fabriquer 27 000 unitĂ©s de plus pour la saison des vacances de fin d'annĂ©e 1973. Magnavox vend alors 20 000 systèmes lors de cette pĂ©riode. La console est Ă©galement commercialisĂ©e dans douze autres pays, avec un panel jeux pouvant diffĂ©rer suivant les localisations : Australie, Belgique, France, Allemagne, Grèce, IsraĂ«l, Italie, URSS, Espagne, Suisse, Royaume-Uni, Venezuela[3] - [17]. L'opĂ©ration est principalement centrĂ©e sur le Royaume-Uni, et quelques versions non-anglophones ne sont commercialisĂ©es qu'en 1974[19]. Ă€ la fin de l'annĂ©e 1973, Magnavox lance une grande campagne de publicitĂ© s'Ă©levant Ă  9 millions de dollars, afin de promouvoir tous ses produits pour la pĂ©riode de l'annĂ©e 1974. Cette annĂ©e-lĂ , l’entreprise vend 129 000 consoles Odyssey, 150 000 selon Baer. Magnavox arrĂŞte la production de la console en 1975, alors que 350 000 consoles se sont Ă©coulĂ©es Ă  travers le monde selon Baer, mais Fritsche indique que les chiffres de ventes pourraient ĂŞtre plus Ă©levĂ©s[3] - [17]. Le pistolet optique se vend Ă  20 000 unitĂ©s[2].

Malgré ces ventes, l'Odyssey n'est généralement pas considérée comme un succès majeur[3] - [20].

Postérité

Un homme souriant en costume noir porte une médaille autour du cou, et un homme souriant en costume noir le congratule, avec sa main sur son épaule.
Ralph Baer en , recevant la National Medal of Technology des mains de George W. Bush.

HĂ©ritage et reconnaissance

La Brown Box, dernier des prototypes pensés par Ralph Baer, est médiatiquement reconnue et « a ouvert la voie aux jeux vidéo et à une industrie nouvelle »[21] - [7]. L'Odyssey de Magnavox, première console de l'histoire commercialement disponible dans le monde entier, montre le potentiel d'une console de jeux vidéo. Ses jeux sont les premiers à utiliser un système d'affichage matriciel, une télévision, directement produit par transformation du signal vidéo. C'est aussi le premier système de jeux vidéo à fonctionner sur une télévision du commerce[22].

Bushnell voit une démonstration avant la sortie de la console Odyssey, ce qui lui inspire la création de Pong. Ce dernier est le premier jeu d’arcade exploité commercialement, largement disponible, et qui obtient un succès immense[14]. La console de Magnavox est soutenue par la popularité du jeu Table tennis et est entrainée par le succès de Pong[14] - [23]. Pong et l'Odyssey ouvrent une nouvelle ère du jeu vidéo, qui voit de nombreux concurrents se lancer dans l'industrie du jeu vidéo au fur et à mesure que grandit le succès de celle-ci[14]. L'Odyssey et Pong marquent la fin de la genèse du jeu vidéo[3] - [20].

En 2004, Ralph Baer reçoit la National Medal of Technology pour « sa création pionnière et révolutionnaire, le développement et la commercialisation de jeux vidéo interactifs, qui ont engendré divers usages et applications ainsi qu'une méga-industrie, aussi bien dans le domaine du divertissement que de l'éducation »[24]. En , le Museum of Modern Art (MoMA) ajoute l'Odyssey de Magnavox à sa collection permanente de jeux vidéo. Paul Galloway, du MoMA, décrit la console comme « un chef-d'œuvre de l'ingénierie et de la conception industrielle » et déclare qu'il « était difficile d'exagérer l'importance de [Ralph Baer] dans la naissance de l'industrie du jeu vidéo »[25]. Les prototypes Brown Box et TV Game #1 sont conservés au Smithsonian Institution du musée national d'histoire américaine à Washington[26]. La création de l'Odyssey vaut généralement à Ralph Baer le surnom de « père du jeu vidéo » ou « père du jeu vidéo à domicile »[7].

Clones

Magnavox ne produit plus de jeux pour la console après 1973 et Baer refuse la proposition de créer un add-on permettant de rajouter le son, un contrôleur en forme de club de golf et un jeu de golf associé, ainsi que des variantes meilleur marché de la console, ou qui supporterait jusqu'à quatre joueurs[3] - [20]. Bien que la console ait été déclinée par diverses entreprises sous forme de multiples clones dédiés en quantité limitée, principalement tous centrés sur le jeu de ping-pong et ses variantes, aucune autre console de salon n'est créée avant la Fairchild Semiconductor Channel F en 1976[3].

La branche électronique grand public de Magnavox est entièrement vendue en 1975 à Philips en deux étapes (86 % en , puis le reste en )[27] - [28]. À partir du moment où la console Odyssey est arrêtée cette même année, Philips commercialise la première série de consoles dédiées sous la marque Magnavox Odyssey (consoles qui peuvent seulement faire fonctionner des jeux inclus dans le système). Ces consoles sont des versions simplifiées de l’originale, mais possédant soit plusieurs jeux, soit des options supplémentaires[18]. Onze consoles dédiées Odyssey ont été produites jusqu'à la commercialisation de la véritable deuxième console, la Magnavox Odyssey² en 1978[3].

Poursuites

Dessin d'une boite ressemblant à une télévision, reliée par un fil à une boite comportant des molettes et un bouton.
Dessin de brevet de la Magnavox Odyssey[29].

En , l'ingénieur en chef Nolan Bushnell de Nutting Associates, qui commercialise le premier jeu d'arcade intitulé Computer Space, assiste à une démonstration de l'Odyssey chez un distributeur[14] - [16]. Inspiré, quand il quitte Nutting Associates pour démarrer sa propre entreprise nommée Atari, il assigne Allan Alcorn à la création d'un jeu d'arcade de ping-pong bon marché en guise d'entraînement à la tâche. Cependant, il ne signale pas à Alcorn que c'est pour s'exercer et surtout que cette idée est basée sur un jeu déjà existant, le jeu Table Tennis de l'Odyssey. Alcorn développe rapidement Pong, dans lequel Bushnell voit une réussite commerciale potentielle, et qui devient alors le premier jeu de l'entreprise Atari. Pong connaît un grand succès et son concept similaire permet de doper les ventes de l'Odyssey. Baer se rend compte que les clients achètent la console afin d'accéder au jeu Table Tennis, ou plutôt Pong, et ironise en déclarant que l'entreprise aurait pu arrêter la conception des jeux à partir de celui-ci. Cependant en 1974, Magnavox attaque Atari ainsi que d'autres concurrents tels que Nutting Associates, Allied Leisure, Bally Midway, Williams Electronics, pour viol du brevet déposé par Baer pour ses jeux vidéo joués sur un écran de télévision[14]. Baer dévoile que les poursuites ne sont pas lancées de suite, car Magnavox et Sanders attendent d'être sûrs que les gains éventuels soient plus importants que les dépenses que la procédure va engendrer[20]. Les origines du conflit se situent au niveau de deux brevets détenus par Baer, dont un décrit la façon dont le système affiche le point contrôlé par le joueur sur un moniteur vidéo, et décrit un certain nombre de jeux qui peuvent être joués avec ce système. Un deuxième brevet plus ancien dévoile les détails de la façon dont l'Odyssey utilise ce système afin de créer deux points qui se percutent et un autre qui rebondit, spécifiquement dans un jeu de ping-pong présenté en tant qu'exemple[29] - [30].

Le juge considère que le brevet plus gĂ©nĂ©ral dĂ©tenu par Baer constitue « le brevet pionnier dans l'art du jeu vidĂ©o » et que les jeux crĂ©Ă©s par les accusĂ©s reprĂ©sentent des infractions Ă  l'utilisation du brevet. Dans le procès, Atari trouve très tĂ´t un arrangement financier avec Magnavox, qui reçoit 1,5 million de dollars de la part des crĂ©ateurs de Pong et un accès autorisĂ© Ă  toutes les technologies produites par Atari de Ă  . D'un autre cĂ´tĂ©, les autres accusĂ©s payent des pĂ©nalitĂ©s plus importantes[14] - [17] - [31]. Durant les vingt annĂ©es qui suivent, Sanders et Magnavox attaquent rĂ©gulièrement de nombreuses autres entreprises sur cet aspect, tous les jeux de type paddle et balle, dans le genre de Pong et de Table Tennis, qui sont avec plus d'Ă©vidence en relation avec le brevet du jeu de ping-pong. Les derniers procès ont lieu durant le milieu des annĂ©es 1990[10] - [20] et impliquent Coleco, Mattel, Seeburg et Activision. Magnavox et Sanders gagnent tous les procès ou trouvent des arrangements[10] - [32] - [33]. La plupart des accusĂ©s tentent sans succès de prouver que les brevets s'appliquent seulement sur le matĂ©riel spĂ©cifique utilisĂ© par Baer, ou que ces brevets sont invalidĂ©s par les ordinateurs prĂ©cĂ©demment crĂ©Ă©s ou les jeux Ă©lectroniques[34]. En 1985, Nintendo essaie de faire invalider le brevet de Baer en prĂ©textant la crĂ©ation antĂ©rieure du jeu Tennis for Two en 1958 par William Higinbotham. Cependant, le juge considère qu'un jeu fonctionnant sur un oscilloscope n'utilise pas de signal vidĂ©o et ne peut donc pas ĂŞtre qualifiĂ© de « jeu vidĂ©o ». Le tribunal se porte Ă  nouveau en faveur de Magnavox et Sanders[2]. Magnavox gagne plus de 100 millions de dollars grâce aux diverses poursuites liĂ©es au brevet et aux arrangements impliquant l'Odyssey et ses brevets[35]. Par ailleurs, plus d'une centaine d'entreprises au milieu des annĂ©es 1970 achètent des licences pour ces brevets[16].

Références

  1. Ralph Baer, « Contrôleur », 2017,‎
  2. (en) Mark Langshaw, « Magnavox Odyssey retrospective: How console gaming was born », sur Digital Spy, .
  3. (en) Alexander Smith, « 1TL200: A Magnavox Odyssey », sur They Create Worlds, .
  4. (en) Kitty Knowles, « A history of videogames: the defining moments from Nimrod to now », GQ, .
  5. (en) David Winter, « Pong-Story : The Odyssey album - A few photos to see it more in details », sur Pong-story.com.
  6. Rusel DeMaria Johnny L. Wilson, p. 18.
  7. Brett Weiss, 12. Odyssey, p. 247-253.
  8. Erwan Cario, « Ralph Baer nous laisse inconsolables », sur Libération.fr, .
  9. Tristan Donovan, p. 10-13.
  10. (en) Ralph H. Baer, « Genesis: How the Home Video Games Industry Began », sur Ralphbaer.com.
  11. Tristan Donovan, p. 7-9.
  12. (en) Alexander Smith, « The Baer Essentials », sur They Create Worlds, .
  13. (en) David Winter, « "Once Upon A Time The Video Game At Sanders Associates..." », sur Pong-story.com.
  14. Tristan Donovan, p. 14-26.
  15. Marty Goldberg Curt Vendel, p. 147.
  16. (en) Andrew Bub et Steve Fulton, « The Original GamerDad: Ralph Baer (interview) », sur GamerDad, .
  17. (en) Ralph H. Baer, « How Video Games Invaded The Home TV Set », sur Ralphbaer.com.
  18. Mark J. P. Wolf, p. 54–59.
  19. Mark J. P. Wolf, p. 45.
  20. (en) Bebito Jackson, « The "Odyssey" of Ralph Baer: Interview w/ the Father of Videogames », sur Diehard GameFan.
  21. (en) « The Brown Box, 1967–68 », sur Musée national d'histoire américaine.
  22. (en) Benj Edwards, « Videogames Turn 40 Years Old », sur 1UP.com, .
  23. (en) Ralph Baer, « Genesis: How the Home Video Games Industry Began », sur Ralph H. Baer.
  24. (en) « The National Medal of Technology and Innovation 2004 Laureates », sur United States Patent and Trademark Office, .
  25. (en) Colin Campbell, « MoMA adds Magnavox Odyssey and six classics to game design exhibit », sur Polygon, .
  26. (en) « The Father of the Video Game: The Ralph Baer Prototypes and Electronic Games », sur Musée national d'histoire américaine.
  27. Mark J. P. Wolf, p. 62.
  28. (en) « Magnavox Wholly Owned By North American Philips », sur The New York Times, .
  29. (en) « US patent 3728480, Baer, Ralph H., "Television Gaming and Training Apparatus" », sur Espacenet, .
  30. (en) « US patent 3659285, Baer, Ralph H.; Rusch, William T. & Harrison, William L., "Television Gaming Apparatus and Method" », sur Espacenet, .
  31. Marty Goldberg Curt Vendel, p. 204.
  32. (en) « Magnavox Patent », sur The New York Times, .
  33. (en) « Magnavox Settles Its Mattel Suit », sur The New York Times, .
  34. Mark J. P. Wolf, p. 234–237.
  35. (en) Steve Mullis, « Inventor Ralph Baer, The 'Father Of Video Games,' Dies At 92 », sur NPR, .

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Ralph Baer (trad. de l'anglais par William Audureau), Ralph Baer : MĂ©moires du père des jeux vidĂ©o, Cergy, Éditions Pix'n Love, , 348 p. (ISBN 978-2-918272-44-1)
  • (en) Rusel DeMaria et Johnny L. Wilson, High Score! : The Illustrated History of Electronic Games, McGraw-Hill Education, , 392 p. (ISBN 978-0-07-223172-4). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (en) Tristan Donovan, Replay : The History of Video Games, East Sussex, England, Yellow Ant, , 501 p. (ISBN 978-0-9565072-0-4). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (en) Marty Goldberg et Curt Vendel, Atari Inc. : Business Is Fun, Syzygy Press, , 796 p. (ISBN 978-0-9855974-0-5)
  • (en) Brett Weiss, Classic Home Video Games, 1972–1984 : A Complete Reference Guide, McFarland, , 316 p. (ISBN 978-0-7864-8755-4, lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (en) Mark J. P. Wolf, Before the Crash: Early Video Game History, Wayne State University Press, (ISBN 978-0-8143-3450-8, lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (en) Mark J. P. Wolf, The video game explosion : a history from PONG to Playstation and beyond, Westport, Conn., Greenwood Publishing Group, , 380 p. (ISBN 978-0-313-33868-7, lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article

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