Luminol
Le luminol est un composé organique présentant une chimiluminescence, avec un éclat bleu caractéristique, lorsqu'il est mélangé avec un oxydant adéquat. Il s'agit d'un solide cristallin, blanc à légÚrement jaune qui est soluble dans la plupart des solvants organiques polaires, mais insoluble dans l'eau.
Luminol | ||
Identification | ||
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Nom UICPA | 5-amino-2,3-dihydro-1,4-phtalazinedione | |
Synonymes |
o-aminophtaloyl hydrazide |
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No CAS | ||
No ECHA | 100.007.556 | |
No CE | 208-309-4 | |
PubChem | ||
SMILES | ||
InChI | ||
Apparence | cristaux brillants, jaune verdĂątre |
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Propriétés chimiques | ||
Formule | C8H7N3O2 [IsomĂšres] |
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Masse molaire[2] | 177,160 1 ± 0,008 1 g/mol C 54,24 %, H 3,98 %, N 23,72 %, O 18,06 %, |
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Propriétés physiques | ||
T° fusion | 319 à 320 °C | |
Solubilité | Soluble dans l'éthanol et l'acétone. Insoluble dans l'eau |
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Précautions | ||
SGH | ||
Directive 67/548/EEC | ||
Xn |
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Ăcotoxicologie | ||
DL50 | rats, peroral 500 mg kgâ1 | |
Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | ||
Le luminol est utilisé en criminalistique pour détecter les faibles traces de sang laissées sur les scÚnes de crime. Il est également utilisé par les biologistes pour détecter le cuivre, le fer et le cyanure.
Histoire
Bien que le luminol soit connu depuis 1902, ce n'est qu'en 1913 qu'a été découverte sa chimiluminescence. Curtius et Semper, deux scientifiques, l'ont découverte par hasard aprÚs l'avoir dissous dans de l'hydroxyde de sodium et ensuite oxydé avec du peroxyde d'hydrogÚne ou de l'hypochlorite de sodium, le mélange a alors émis une forte lumiÚre verte plus intense que n'importe quelle autre réaction chimique connue[3].
Le luminol a été synthétisé pour la premiÚre fois en 1934[4] pour démontrer la chimiluminescence.
Le luminol a ensuite été utilisé comme agent de test pour observer l'apparition de peroxyde d'hydrogÚne lors d'une réaction[5].
Chimie
SynthĂšse
Le luminol peut ĂȘtre synthĂ©tisĂ© Ă partir de l'acide 3-nitrophtalique. De l'hydrazine (N2H4) est d'abord chauffĂ©e avec l'acide 3-nitrophtalique dans un solvant Ă haut point d'Ă©bullition tel que le triĂ©thylĂšne glycol. Une rĂ©action de condensation avec perte d'eau se produit, formant du 3-nitrophtalhydrazide[6]. La rĂ©duction du groupe nitrate en un groupe amine avec du dithionite de sodium (Na2S2O4) produit du luminol[7].
Chimiluminescence
Un oxydant est nĂ©cessaire afin de provoquer la luminescence du luminol. Habituellement, une solution de peroxyde d'hydrogĂšne (H2O2) et un sel hydroxyde aqueux sont utilisĂ©s comme activateur. En prĂ©sence d'un catalyseur â comme un composĂ© ferreux â, le peroxyde d'hydrogĂšne est dĂ©composĂ© en eau et en dioxygĂšne :
- 2H2O2 â O2 + 2H2O
Dans le cadre d'un laboratoire, le catalyseur utilisé est souvent du ferricyanure de potassium. Pour la détection criminologique de sang, le catalyseur est le fer présent dans l'hémoglobine. Les enzymes de beaucoup de systÚmes biologiques sont également susceptibles de catalyser la décomposition de peroxyde d'hydrogÚne.
Lorsque le luminol réagit avec le sel hydroxyde, un dianion se forme. L'oxygÚne issu de la décomposition du peroxyde d'hydrogÚne réagit alors avec ce dianion. Le produit de cette réaction, un peroxyde organique, est trÚs instable et se décompose immédiatement avec une perte d'azote pour produire de l'acide 3-aminophtalique possédant des électrons dans un état excité. La désexcitation des électrons provoque l'émission d'énergie sous forme d'un photon de lumiÚre bleue visible.
Utilisation en criminalistique
Histoire
En 1937, le chimiste et criminologue allemand Walter Specht (de) teste un mélange utilisant comme réactif le luminol sur différents supports souillés de sang (pelouse, briques, fer rouillé, dalles de pierre, meubles) et révÚle l'hémoglobine par la photographie. Son test est efficace aussi bien sur des taches de sang fraßches qu'anciennes et peut détecter le sang dans les liquides[8]. En 1939, Proesher et Moody testent positivement la composition de Specht sur du sang animal et humain. Ils améliorent l'efficacité de la détection en ajoutant préalablement un activateur à base d'acide chlorhydrique, rendant possible la détection de taches de sang préalablement nettoyées[9]. Depuis lors, différents kits de terrain sont proposés, constitués de poudres composées de luminol à dissoudre dans une solution alcaline en présence d'un activateur (Grodsky en 1951[10], Weber en 1966[11], révélateur de sang Bluestar de Loïc Blum en 2000[12]).
Théorie
Le luminol est utilisĂ© par la police scientifique aux Ătats-Unis pour repĂ©rer les traces de sang invisibles, mĂȘme lorsquâelles ont Ă©tĂ© nettoyĂ©es. Pour rĂ©vĂ©ler des traces de sang visibles, un test plus simple est utilisĂ© : le sang est mis en contact avec de l'eau oxygĂ©nĂ©e, ce qui produit une rĂ©action qui mousse par dĂ©gagement d'oxygĂšne gazeux.
Les traces peu visibles Ă l'Ćil nu sont d'abord mises en Ă©vidence par de puissants projecteurs â du type Crimelite et Crimescope â, qui peuvent Ă©mettre une frĂ©quence qui va « assombrir » le sang (415 nm) et « Ă©claircir » les autres surfaces pour le dĂ©tecter sur des fonds sombres. Sur des fonds clairs, ils sont utilisĂ©s en lumiĂšre blanche rasante pour rechercher des traces rougeĂątres[13].
L'enquĂȘteur ayant dĂ©tectĂ© des traces de sang invisibles grĂące Ă ce type de projecteurs utilise le luminol en complĂ©ment, ce procĂ©dĂ© de luminescence permettant, par la photographie de la scĂšne, la morphoanalyse des traces de sang, qui dĂ©termine le scĂ©nario du crime â nature de l'arme, nombre de coups portĂ©s⊠â et sa chronologie. L'enquĂȘteur prĂ©pare une solution de luminol et d'activateur et la pulvĂ©rise sur toute la surface du lieu d'investigation. Le fer prĂ©sent dans le sang va alors catalyser la rĂ©action chimique, qui provoque la luminescence, rĂ©vĂ©lant l'emplacement du sang. La quantitĂ© de catalyseur nĂ©cessaire Ă la rĂ©action est trĂšs faible par rapport Ă la quantitĂ© de luminol, ce qui permet la dĂ©tection de quantitĂ©s de sang infinitĂ©simales. L'Ă©clat est bleu et dure environ trente secondes. La piĂšce doit ĂȘtre assez sombre afin de dĂ©tecter celui-ci. Toute Ă©mission de lumiĂšre doit ĂȘtre archivĂ©e par une photographie Ă temps de pose Ă©levĂ©.
Inconvénients
Le luminol possĂšde des inconvĂ©nients pouvant limiter son utilisation dans les enquĂȘtes criminelles :
- le luminol rĂ©agit en prĂ©sence de cuivre ou d'un alliage de cuivre, de raifort, et de certains dĂ©colorants, oxydants ou dĂ©sinfectants biocides â ainsi, si une scĂšne de crime est soigneusement nettoyĂ©e Ă l'aide d'une solution diluĂ©e d'eau de Javel, celle-ci va devenir entiĂšrement fluorescente et peut camoufler les Ă©ventuelles traces organiques comme le sang (humain ou animal)[14]. Cependant mĂȘme aprĂšs javellisation, la dĂ©tection de traces de sang est possible[15] ;
- le luminol va également détecter les petites quantités de sang présentes dans l'urine ;
- le luminol rĂ©agit aux matiĂšres fĂ©cales, produisant le mĂȘme Ă©clat que s'il s'agissait de sang ;
- la prĂ©sence de luminol peut empĂȘcher de pratiquer d'autres tests ; cependant, il a Ă©tĂ© montrĂ© que l'ADN peut ĂȘtre extrait avec succĂšs d'Ă©chantillons traitĂ©s avec du luminol[16].
Autres utilisations
- Médicale : utilisé pour procéder à des tests biochimiques.
- Ăducation : permettre aux jeunes de s'intĂ©resser aux sciences.
- Loisir et sĂ©curitĂ© : enfermĂ© dans des baguettes que l'on craque en pliant pour mĂ©langer les rĂ©actifs. Les bĂątonnets lumineux servent lors d'une fĂȘte (dĂ©coration) ou pour une signalisation de sĂ©curitĂ© (Ă©vacuation, accident) ou en milieu aquatique (plongĂ©e). Il est Ă©galement utile pour les spĂ©lĂ©ologues.
Notes et références
- (en) Luminol RN: 521-31-3, base de données NLM ChemIDplus.
- Masse molaire calculĂ©e dâaprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
- (en) R.E.D Clark, Chemiluminescence, School Sci. Rev., 1937/38, 19, 489.
- (en) E.H. Huntress, L.N. Stanley et A.S. Parker (1934), The preparation of 3-aminophthalhydrazide for use in the demonstration of chemiluminescence, J. Am. Chem. Soc., 56, 241.
- (en) H.H. Roetorfer et M.J. Cornier (1957), Formation of « hydrogen peroxide » in the reaction of oxyhemoglobin with methemoglobin forming agents, Arch. Biochem., 71: 235, 1957.
- (en) 5-Nitro-2,3-dihydro-1,4-phthalazinedione, Organic Syntheses, vol. 3, p. 656 (1955) ; vol. 29, p. 78 (1949).
- (en) 5-Amino-2,3-dihydro-1,4-phthalazinedione, Organic Syntheses, vol. 3, p. 69 (1955) ; vol. 29, p. 8 (1949).
- (de) W. Specht, Die Chemiluminescenz des HĂ€mins, ein Hilfsmittel zur Auffindung und Erkennung forensisch wichtiger Blutspuren, Angewandte Chemie, 50, 1937, p. 155-157.
- (en) Proescher F. et Moody A.M., Detection of blood by means of chemiluminescence, J. Lab. Clin. Med., 1939, 24, p. 1183â1189.
- (en) Grodsky M., Wright K. et Kirk P.L., Simplified preliminary blood testing: an improved technique and a comparative study of methods, J. Crimin. Law Criminol. Police Sci., 1951, 42, 95â104.
- Jean-Claude Martin, Investigation de scĂšne de crime : fixation de l'Ă©tat des lieux et traitement des traces d'objets, PPUR, (lire en ligne), p. 22.
- La chimie du Bluestar Forensic.
- Jacques Pradel, Police scientifique, la révolution : Les vrais experts parlent, Telemaque, , 304 p. (ISBN 978-2-7533-0126-9 et 2-7533-0126-3).
- « Quelles sont les failles ? », sur luminol-tpe.e-monsite.com (consulté le ).
- « Performances du Bluestar Forensic - Javel », sur bluestar-forensic.com (consulté le ).
- P. de Brem, « Police scientifique : des recherches tous azimuts - 02/ Biologie : faire parler le sang », Banques des savoirs, 8 octobre 2007.