Kirchenkampf
Par Kirchenkampf [ËkÉȘÊçnÌ©kampf], pris au sens strict, lâon dĂ©signe le conflit qui opposa en Allemagne, entre 1933 et le dĂ©but de la DeuxiĂšme Guerre mondiale en 1939, dâune part les chrĂ©tiens Ă©vangĂ©liques (c'est-Ă -dire protestants)[1] allemands appartenant Ă la Bekennende Kirche (lâ« Ăglise confessante », ci-aprĂšs abrĂ©gĂ© en BK), et dâautre part les Deutsche Christen (litt. ChrĂ©tiens allemands, ci-aprĂšs abrĂ©gĂ© en DC), mouvement raciste et antisĂ©mite orchestrĂ© par les nazis, qui visait Ă crĂ©er un « nouveau christianisme » rejetant l'Ancien Testament et les Ă©pĂźtres de l'apĂŽtre Paul. Dans un sens plus large, le terme sert Ă dĂ©signer, de façon plus gĂ©nĂ©rale, la pĂ©riode dans lâhistoire des Ă©glises dâAllemagne correspondant Ă lâĂ©poque nazie ; dans cette derniĂšre acception, le terme de Kirchenkampf englobe :
- â la lutte menĂ©e par le pouvoir national-socialiste contre lâĂglise Ă©vangĂ©lique, et dans une certaine mesure aussi contre lâĂglise catholique, et contre leurs structures dâorganisation traditionnelles, aux fins de rĂ©alisation de la Gleichschaltung (litt. uniformisation, harmonisation, mais en pratique mise au pas) ;
- â la lutte menĂ©e par les nazis, au-dedans et en dehors des Ă©glises, contre le christianisme confessionnel, afin de rendre celui-ci compatible, par « dĂ©judaĂŻsation » (Entjudung), avec lâidĂ©ologie nazie, ou, Ă dĂ©faut, de lui substituer une religiositĂ© en accord avec le gĂ©nie propre allemand (arteigen) ;
- â la rĂ©sistance de l'Ăglise confessante et de la frange conservatrice des Ă©glises Ă ces tentatives.
Le point de vue du national-socialisme sur le christianisme est ainsi rĂ©sumĂ© par Martin Bormann en 1942 dans un mĂ©morandum confidentiel Ă des Gauleiter que le pouvoir de l'Ăglise « doit ĂȘtre finalement et absolument dĂ©truit », car le nazisme est totalement incompatible avec le christianisme[2].
Extension du terme
Le terme Kirchenkampf apparut dĂšs 1933 et servit Ă dĂ©signer le conflit qui opposa les Deutsche Christen (DC) et les cercles qui en 1934 sâĂ©taient regroupĂ©s dans lâĂglise confessante (en allem. Bekennende Kirche, abrĂ©gĂ© en BK). Dans les travaux dâhistoriographie religieuse de lâaprĂšs-guerre, on tend Ă rassembler sous ce terme toute lâhistoire de lâĂ©glise protestante en Allemagne de 1933 Ă 1945.
Aujourdâhui, cette acception est controversĂ©e, car elle suscite la fausse impression que les Ă©glises Ă©vangĂ©liques auraient, dans leur totalitĂ©, « combattu » le rĂ©gime nazi. Certes, il y avait, tant du cĂŽtĂ© Ă©vangĂ©lique que du cĂŽtĂ© catholique, des dignitaires ecclĂ©siastiques et des groupes de croyants qui individuellement sâenhardirent Ă critiquer ouvertement le rĂ©gime hitlĂ©rien, voire Ă pratiquer une rĂ©sistance politique clandestine. Cependant, il nây eut point, de la part des Ă©glises, dâopposition soudĂ©e contre le national-socialisme et sa politique.
Au cĆur du Kirchenkampf â celui menĂ© au sein mĂȘme de lâĂ©glise Ă©vangĂ©lique â se trouvait un dĂ©saccord sur la maniĂšre de comprendre et dâinterprĂ©ter les Ă©vangiles. Cette discussion thĂ©ologique a pu prendre lâallure dâune opposition politique indirecte contre lâĂtat, dans la mesure oĂč elle conduisait Ă rejeter toute immixtion du rĂ©gime dans le contenu de la foi et le mode dâorganisation de lâĂglise, ce qui en soi dĂ©jĂ contredisait les ambitions totalitaires inhĂ©rentes Ă lâidĂ©ologie nazie. Mais cette opposition politique nâĂ©tait pas pour autant proprement intentionnelle, ni ne dĂ©coulait de ladite discussion, abstraction faite de quelques exceptions. Nombre de chrĂ©tiens confessants Ă©taient en mĂȘme temps antisĂ©mites, votaient pour le NSDAP, voire en Ă©taient membres actifs, et leur contestation de lâaction du pouvoir se limitait expressĂ©ment Ă celles qui concernaient les affaires intĂ©rieures de lâĂglise.
NĂ©anmoins, le terme de Kirchenkampf a rĂ©ussi Ă sâimposer au sein du protestantisme, car lâenjeu de ce combat Ă©tait la maniĂšre dont lâĂglise se concevait elle-mĂȘme. En effet, le groupe, assez restreint, des Confessants parmi les chrĂ©tiens Ă©vangĂ©liques se rĂ©clamait des fondements mĂȘmes de la foi, tels quâon les trouve dans la Bible et dans la profession de foi, et pouvait donc se dire habilitĂ© Ă reprĂ©senter la chrĂ©tientĂ© Ă©vangĂ©lique tout entiĂšre. Ă cette revendication il fut fait droit par lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne aprĂšs 1945, la Bekennende Kirche ayant en effet Ă©tĂ© reconnue Ăglise vĂ©ritable (« wahre Kirche ») et les documents produits par elle â au premier rang desquels la DĂ©claration thĂ©ologique, dite DĂ©claration de Barmen â ayant Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s dans les professions de foi de plusieurs sections rĂ©gionales de lâĂglise protestante.
LâĂ©lĂ©ment dĂ©clencheur et lâobjet du Kirchenkampf fut la tentative entreprise par la rĂ©gime nazi de faire adopter par les Ă©glises, avec lâaide des Deutsche Christen, des conceptions racistes et de dĂ©cider de leur mode dâorganisation. Si le pouvoir y voyait un conflit politique, les ChrĂ©tiens confessants y voyaient un conflit dâordre thĂ©ologique. Ainsi, le Kirchenkampf ne se laisse-t-il apprĂ©hender comme conflit entre Ătat et Ă©glise quâavec cette restriction quâil portait initialement sur la maniĂšre dont lâĂglise Ă©vangĂ©lique entendait se dĂ©finir elle-mĂȘme, discussion produisant secondairement des effets politiques. Du reste, le Kirchenkampf, pris ainsi au sens de rĂ©forme, ne fut pas clos avec la fin du rĂ©gime nazi, mais sâest poursuivi jusquâĂ nos jours.
Les tentatives dâĂ©tendre le terme de façon Ă englober les conflits entre les Ă©glises et les Ătats socialistes sont restĂ©es sans effet.
Contexte historique
Attitude des Ă©glises Ă©vangĂ©liques vis-Ă -vis de lâEmpire allemand et de la RĂ©publique de Weimar
Le protestantisme libĂ©ral du XIXe siĂšcle, lequel sâĂ©tait, en Allemagne plus particuliĂšrement, associĂ© Ă lâidĂ©alisme philosophique ou au romantisme, partait, par induction, de lâexpĂ©rience religieuse pour la porter Ă la conscience des individus et lâaffermir par la prĂ©dication de lâĂ©glise (Friedrich Schleiermacher). Elle affirme lâautonomie des domaines de vie, en tant que source indĂ©pendante de connaissance rĂ©vĂ©lĂ©e, et dit sa foi dans le constant progrĂšs moral et culturel de lâHomme : les finalitĂ©s historiques furent ainsi Ă©levĂ©es au rang de points de rĂ©fĂ©rence obligĂ©s du discours et de lâaction religieux. Plus particuliĂšrement, l'engagement social du piĂ©tisme (diaconesses, orphelinats, hĂŽpitaux, Ă©coles etc.) a provoquĂ© des changements durables dans la sociĂ©tĂ© et la politique et a lĂ©guĂ© Ă lâĂtat de nombreuses institutions sociales.
Lâorthodoxie luthĂ©rienne, en revanche, demeurait Ă©troitement liĂ©e Ă la noblesse et Ă la monarchie et reprĂ©sentait depuis 1789 un bastion conservateur contre le rationalisme et le libĂ©ralisme, de mĂȘme que l'Ăglise Ă©vangĂ©lique de l'Union prussienne, union luthĂ©ro-rĂ©formĂ©e crĂ©Ă©e et contrĂŽlĂ©e par le gouvernement prussien. Des thĂ©ologiens influents, tels que Richard Rothe (1799â1867), acclamĂšrent avec enthousiasme la rĂ©unification allemande de 1871 et virent en Otto von Bismarck celui qui allait parachever la RĂ©forme. Toutefois, si la plupart des Ă©glises rĂ©gionales se virent imposer une constitution synodale qui prĂ©voyait de renforcer le droit de codĂ©cision des communes, elles gardĂšrent leurs liens confessionnels propres et leurs structures de fonctionnement. En tant que souverain, lâEmpereur Ă©tait, comme dans dâautres monarchies, Ă©galement premier Ă©vĂȘque du Reich, habilitĂ© Ă Ă©dicter ou Ă abolir les lois ecclĂ©siastiques.
Les fĂȘtes commĂ©moratives de Luther qui eurent lieu en 1883 et 1917 suscitĂšrent un renouveau luthĂ©rien : les progrĂšs de la civilisation Ă©taient considĂ©rĂ©s avec scepticisme et vus sous lâangle de la peccabilitĂ© de principe de toute entreprise humaine. Lâon sâefforçait de cultiver une certaine image de Luther, en mettant en Ă©vidence tels de ses traits confessionnels et nationaux propres Ă le dĂ©marquer de Rome et de Paris, câest-Ă -dire de la tradition catholique et de la philosophie des Droits de l'homme.
La PremiĂšre Guerre mondiale mit durablement Ă mal la croyance au progrĂšs humain. Dâautre part, la RĂ©volution allemande mit fin Ă lâalliance du trĂŽne et de lâautel, entre pouvoir politique et Ă©glises d'Ătat, le plus souvent luthĂ©riennes ou Ă©vangĂ©liques unies (c'est-Ă -dire en union luthĂ©ro-rĂ©formĂ©e comme c'est le cas en Prusse), voire plus rarement rĂ©formĂ©es. NĂ©anmoins, dĂšs , Friedrich Ebert donna aux Ă©glises Ă©vangĂ©liques des assurances que la nouvelle constitution en gestation ne remettrait pas en cause leurs privilĂšges, en particulier la perception par lâĂtat de lâimpĂŽt dâĂ©glise. Ce nonobstant, le protestantisme fit Ă nouveau figure, durant la RĂ©publique de Weimar, de haut-lieu dâun nationalisme anti-dĂ©mocratique. AprĂšs que des sociaux-dĂ©mocrates eurent fait leur entrĂ©e dans le gouvernement, câest la nation qui tint lieu dĂ©sormais, pour beaucoup de chrĂ©tiens Ă©vangĂ©liques, dâautoritĂ© publique. Ils considĂ©raient la fin de la guerre en 1918 comme une dĂ©faite, et la dĂ©mocratie et le socialisme comme des ennemis du christianisme.
AprĂšs la promulgation de la constitution de Weimar, le prĂ©sident du Conseil supĂ©rieur des Ă©glises Ă©vangĂ©liques, Reinhard Möller (de) (1855â1927), adressa ses « sincĂšres remerciements Ă notre souverain protecteur », câest-Ă -dire Ă lâEmpereur destituĂ© ; par ailleurs, de hauts responsables ecclĂ©siastiques comme Detlev von Arnim-Kröchlendorff (1878â1947) jubilaient : « notre Ăglise est restĂ©e hors du champ des bouleversements politiques ». La continuitĂ© des Ă©glises rĂ©gionales (Landeskirche), compĂ©tentes, Ă titre d'Ă©glise du peuple (Volkskirche), Ă remplir tous les besoins religieux des Allemands baptisĂ©s, avait Ă©tĂ© prĂ©servĂ©e.
Seules quelques personnalitĂ©s en marge considĂ©raient la question sociale dĂšs avant 1914 comme un problĂšme devant aussi intĂ©resser le christianisme. Ă cette Ă©poque, ĂȘtre Ă la fois chrĂ©tien et membre du SPD Ă©tait pour ainsi dire impensable. Le cas du piĂ©tiste souabe Christoph Blumhardt Ă©tait Ă cet Ă©gard une rare exception. Cependant, aprĂšs 1918, le socialisme chrĂ©tien gagna en audience Ă©galement en Allemagne, jusquâĂ atteindre Ă un certain moment quelque 10 000 partisans. La Ligue des socialistes religieux dâAllemagne (Bund religiöser Sozialisten Deutschlands), fondĂ©e en 1926, animĂ©e par Georg Fritze et Georg WĂŒnsch, fut parmi les premiers et parmi les plus fermes Ă mettre en garde contre le national-socialisme Ă©mergent.
La thĂ©ologie dialectique (mouvement, au sein du protestantisme allemand, qui pose lâimpossibilitĂ© dâune approche rationnelle ou naturelle de Dieu, inaccessible dans une perspective humaine) modifia Ă partir de 1919 le paysage spirituel et religieux, en posant Ă©nergiquement la question de la responsabilitĂ© de lâĂglise devant la parole de Dieu et, partant, devant le monde. Le thĂ©ologien suisse Karl Barth remit radicalement en question les thĂ©ologies dites de trait-dâunion (Bindestrich-Theologien), qui prĂ©tendent pouvoir relier entre eux des desseins temporels et Ă©ternels, ainsi que lâidĂ©e, passant pour aller de soi, que le « protestantisme de civilisation » (Kulturprotestantismus) aurait Ă©tĂ© la « grande institutrice » de la sociĂ©tĂ©.
Cependant, dans la pratique, ces avertissements restĂšrent sans effet sur la politique conduite par les Ă©glises protestantes. CâĂ©taient alors plutĂŽt les diplomates des Ă©glises qui donnaient le ton, tels quâOtto Dibelius (1880â1967), surintendant gĂ©nĂ©ral de la Marche-Ălectorale, qui Ă©crivit dans son ouvrage Das Jahrhundert der Kirche (1926) : « LâĂ©glise Ă©vangĂ©lique se trouve au commencement dâune Ăšre nouvelle. Dâimmenses possibilitĂ©s sâĂ©lĂšvent devant nous ! Dâimmenses tĂąches ! »
Les Ă©glises ne furent guĂšre touchĂ©es par la crise financiĂšre mondiale grĂące Ă la sĂ©curitĂ© de leurs avoirs financiers garantie par lâĂtat ; la crise fut mĂȘme perçue comme une occasion dâaugmenter leur pouvoir dâinfluence. Le Kirchliches Jahrbuch (Annuaire de l'Ă©glise) de 1930 annonça triomphalement que lâĂ©glise avait, dans un contexte dâinflation gĂ©nĂ©ralisĂ©e, « accru sa valeur ».
Ă lâencontre de cette autosatisfaction, Karl Barth Ă©crivit en 1930 une cinglante rĂ©plique, lâessai Quousque tandem ?[3], oĂč il dĂ©clare :
« ⊠oĂč de telles paroles sont prononcĂ©es, lĂ est Catilina, lĂ gĂźt la conjuration vĂ©ritable et dangereuse contre lâessence mĂȘme de lâĂglise Ă©vangĂ©lique. [âŠ] Lâessence de lâĂglise est la promesse faite Ă elle, et la foi dans cette promesse. Quand donc cette promesse ne serait-elle pas devenue, sous lâeffet dâun rĂ©el dĂ©fi du dehors, plus grande, plus claire, plus lumineuse ? [âŠ] Lorsquâelle dit 'JĂ©sus Christ', et le dirait-elle encore un millier de fois, lâon entendra, et lâon devra entendre, sa propre suffisance et sa propre assurance, et elle ne devra sâĂ©tonner si, en dĂ©pit de tout son 'JĂ©sus Christ' jetĂ© au vent, ses paroles passent Ă cĂŽtĂ© des besoins rĂ©els des gens rĂ©els, de la mĂȘme façon que, passant Ă cĂŽtĂ© de la parole de Dieu, elle a fait des exhortations, consolations et enseignements de la Bible et des rĂ©formateurs, de lâeau Ă ses propres petits moulins. »
En 1930, les Ă©glises Ă©vangĂ©liques rĂ©gionales se dotĂšrent dâune structure commune assez lĂąche, le Deutscher Evangelischer Kirchenbund (DEK). En outre, elles conclurent le un accord avec lâĂtat libre de Prusse, accord que de nombreux dirigeants des Ă©glises ressentirent comme une victoire sur la spoliation de droits par la constitution de Weimar. Cet accord leur assurait lâenseignement de la religion et des moyens financiers publics. En mĂȘme temps les droits des synodes, en tant que parlements au sein de lâĂglise, furent renforcĂ©s, ce qui favorisa lâĂ©mergence de camps antagonistes Ă lâintĂ©rieur des Ă©glises.
Attitude du NSDAP vis-Ă -vis des Ă©glises
Le national-socialisme montant avait placĂ© au centre de son programme politique la lutte pour lâhĂ©gĂ©monie de la "race des seigneurs" aryenne, la conquĂȘte dâun espace vital dans lâest de lâEurope sous lâaspect dâune croisade antibolchĂ©vique, et lâextermination des Juifs. Ces objectifs ne pouvaient ĂȘtre atteints que si lâon pouvait sâappuyer sur une population dressĂ©e dans lâesprit national-socialiste, prĂȘte Ă se dĂ©tourner de la morale juive compassionnelle propre au christianisme. LâidĂ©ologie nazie devait donc sâaffirmer comme une conception du monde qui fĂ»t globale et ne laissĂąt aucune place Ă des interprĂ©tations ou systĂšmes de sens religieux ou politiques concurrents. Un parti unique devait ĂȘtre le moyen politique dâimposer cette idĂ©ologie en en faisant une doctrine dâĂtat.
AprÚs l'échec du putsch de la Brasserie, conscient du besoin de rassembler la population et les forces politiques, A. Hitler temporise avec l'antichristianisme fervent de son parti. Ainsi il répond à Ludendorff qui lui reprochait son manque de virulence antichrétienne : « Je suis entiÚrement d'accord avec Son excellence, mais son Excellence peut se permettre d'annoncer à ses adversaires qu'il va les frapper à mort. Mais j'ai besoin, pour la construction d'un grand parti politique, des catholiques bavarois autant que des protestants de Prusse. Le reste peut venir ensuite[4] ». Il évite ainsi de s'attaquer directement au christianisme, et dans Mein Kampf, et dans le Programme en 25 points, dont l'article 24 prÎne de façon ambiguë la liberté religieuse. Cette stratégie permettra effectivement de rallier une grande partie des chrétiens allemands.
Ce n'est qu'avec la publication du livre d'Alfred Rosenberg, Le Mythe du vingtiĂšme siĂšcle et sa dĂ©finition du christianisme positif, que les Ă©glises commencĂšrent Ă s'inquiĂ©ter. Si beaucoup de fidĂšles se retrouvaient dans le nationalisme et l'anticommunisme nazis, de nombreuses voix s'Ă©levĂšrent contre le national-socialisme. Ainsi, Ă la tĂȘte des catholiques allemands, le cardinal Adolf Bertram, annonça dans son message de la nouvelle annĂ©e 1931 que le nationalisme extrĂȘme, le racisme et la glorification de la race Ă©taient le fait d'agitateurs et de faux prophĂštes, contraires Ă l'enseignement de Dieu. Ainsi, lors de la confĂ©rence Ă©piscopale de Fulda en 1932, il fut interdit aux catholiques d'adhĂ©rer au NSDAP et aux nazis d'assister aux cĂ©rĂ©monies religieuses.
Le Zentrum, parti catholique cherchant Ă joueur un rĂŽle modĂ©rĂ© et mĂ©diateur, s'alarma de la droitisation et la montĂ©e du nationalisme dans l'Ă©lectorat catholique. Il s'allia dans les annĂ©es 1920 avec le Parti social-dĂ©mocrate d'Allemagne afin d'essayer d'empĂȘcher l'effondrement de la RĂ©publique de Weimar et de la dĂ©mocratie. Cependant ce parti Ă©tait de moins en moins bien perçu par l'Ă©piscopat allemand. Celui-ci, sous l'influence d'Eugenio Pacelli, dĂ©courageait les tendances socialistes dans l'Ăglise. Certains prĂȘtres encourageaient leurs fidĂšles Ă rejoindre le NSDAP et sa croisade nationaliste contre le bolchĂ©visme pour le christianiser de l'intĂ©rieur.
Face aux Ă©glises, le NSDAP mit donc en Ćuvre une stratĂ©gie double, de sĂ©duction et de confrontation directe. Jusque 1930, il les laissa en dehors de son champ dâaction. Son programme portait de tenter dâabord dâattirer les chrĂ©tiens en propageant un « christianisme positif » sans attache confessionnelle ; un ajout, passant la plupart du temps inaperçu, y apportait cependant cette restriction : « ⊠pour autant quâils ne heurtent pas [âŠ] les mĆurs et le sens moral de la race germanique. » La religion ne devait ĂȘtre possible que dans les limites du sentiment national ; aussi une foi allemande nâĂ©tait-elle en mesure de trouver Dieu que dans lâHistoire allemande. La rĂ©volution nationale Ă©tait donnĂ©e pour lâaccomplissement de toutes les aspirations religieuses.
Sây ajoutait un antisĂ©mitisme militant, pour lequel du reste le terrain avait Ă©tĂ© dĂ©blayĂ© depuis longtemps du cĂŽtĂ© chrĂ©tien. Adolf Stoecker (1835â1909) dĂ©jĂ le fit figurer en 1880 au programme politique de son parti, le Parti chrĂ©tien-social (Christlich-soziale Partei), programme avec lequel de nombreux chrĂ©tiens luthĂ©riens conservateurs pouvaient sâidentifier. Ainsi trouvaient-ils dans lâidĂ©ologie nazie quantitĂ© de choses familiĂšres. Hitler lui-mĂȘme avait Ă©crit dans Mein Kampf, en 1923 : « En me dĂ©fendant contre les Juifs, jâaccomplis lâĆuvre du Seigneur. »
AprĂšs la signature de lâaccord sur les Ă©glises de 1930, le NSDAP commença Ă mener une campagne offensive visant Ă ce que les chrĂ©tiens Ă©vangĂ©liques se joignissent Ă sa lutte contre le « systĂšme de Weimar », dont les ingrĂ©dients seraient « le marxisme, les Juifs et le centrisme » : des troupes de SA assistaient en groupe aux offices Ă©vangĂ©liques et montaient des factions dissuasives (« Mahnwachen ») devant les Ă©glises, pour intimider les pasteurs aux idĂ©es pacifistes ou social-religieuses. Lâon rĂ©ussit ainsi, par exemple, Ă empĂȘcher, en provoquant un mouvement dâindignation, le pasteur berlinois GĂŒnther Dehn (1882â1970) dâassumer ses fonctions dâenseignant Ă Halle. Dehn en effet avait, lors dâune confĂ©rence prononcĂ©e en 1928 devant une assemblĂ©e de fidĂšles, et intitulĂ©e Der Christ und der Krieg (le ChrĂ©tien et la guerre), justifiĂ©, bible Ă lâappui, le refus de service militaire comme Ă©tant un choix chrĂ©tien.
En 1932 fut en outre fondĂ© la Glaubensbewegung Deutsche Christen (Mouvement de foi des ChrĂ©tiens allemands, en abrĂ©gĂ© la DC), par lequel les nationaux-socialistes chrĂ©tiens Ă©vangĂ©listes baptisĂ©s se constituaient en association. AprĂšs avoir donnĂ© Ă lâidĂ©ologie nazie droit de citĂ© dans leur Ă©glise, ils voulurent, aprĂšs quâen 1930 les Deutschnationalen ou le Christlich-soziale Volksdienst eut remportĂ© lâĂ©lection au sein de lâĂ©glise en Prusse, en faire lâidĂ©ologie unique. Ils voulaient pratiquer un christianisme spĂ©cifiquement allemand (arteigen), rĂ©novĂ© par une religiositĂ© nĂ©opaganiste enracinĂ©e dans le peuple allemand. Ils entendaient que le principe du FĂŒhrer fĂ»t ancrĂ© dans lâĂ©glise et sâefforçaient dâunifier les Ă©glises rĂ©gionales, jusque-lĂ rĂ©parties selon les diffĂ©rentes confessions, en une seule « Ăglise du Reich » (Reichskirche). La DC Ă©tait dirigĂ©e par Joachim Gustav Wilhelm Hossenfelder (1899â1976), pasteur originaire de Breslau, et appuyĂ©e par des thĂ©ologiens de renom, tel que Emanuel Hirsch (1888â1972), qui dĂšs 1920 avait prĂ©parĂ© lâidĂ©ologie DC par le biais de son ouvrage Deutschlands Schicksal (la DestinĂ©e de lâAllemagne). Paul de Lagarde (1827â1891) et Artur Dinter ont jouĂ© Ă©galement un rĂŽle de prĂ©curseur, en condamnant, comme le faisait la DC, saint Paul de Tarse comme corrupteur du christianisme, en prĂ©sentant le Christ comme un « prophĂšte antijuif », et en prĂ©conisant une religion allemande nationale.
LâĂglise confessante avait ainsi, en tant que mouvement rĂ©novateur au sein de lâĂglise crĂ©Ă© aprĂšs 1933, Ă lutter sur plusieurs fronts Ă la fois : contre la politisation, la Gleichschaltung et lâinstrumentalisation de lâĂglise imposĂ©es par les nazis, et contre les tendances Ă lâaccommodement venant de lâintĂ©rieur, contre les parcours confessionnels singuliers, et aussi et surtout contre la propre peur, lĂąchetĂ© et inconsĂ©quence, qui contrariaient une rĂ©sistance efficace.
LâannĂ©e 1933
RĂ©actions de lâĂ©glise Ă©vangĂ©lique Ă lâarrivĂ©e au pouvoir de Hitler
La nomination dâAdolf Hitler comme chancelier du Reich le fut acclamĂ© par la majoritĂ© des chrĂ©tiens comme le salut de la patrie.
Par lâOrdonnance du pour la protection du peuple et de lâĂtat (« Verordnung zum Schutz von Volk und Staat vom 28. Februar 1933 », dite aussi Reichstagsbrandverordnung), Hitler supprima le â un jour seulement aprĂšs lâincendie du Reichstag â toutes les libertĂ©s individuelles inscrites dans la Constitution de Weimar ; par la suite, cette mĂȘme loi autorisait Ă©galement la surveillance et lâemprisonnement de personnalitĂ©s ecclĂ©siastiques. Cependant, câest Ă peine si les Ă©glises y perçurent un quelconque danger ; au contraire, lors de la journĂ©e de Potsdam (le , oĂč eut lieu une mise en scĂšne grandiose de la prise de pouvoir par Hitler), Otto Dibelius cĂ©lĂ©bra, dans lâĂ©glise de la Garnison (Garnisonkirche) Ă Potsdam, la victoire Ă©lectorale de Hitler du par un culte dâaction de grĂąces pour le « rĂ©tablissement de lâordre ». Le mĂȘme jour fut promulguĂ©e la Loi contre les attaques sournoises Ă lâencontre de lâĂtat et du Parti et protĂ©geant les uniformes du Parti (« Gesetz gegen heimtĂŒckische Angriffe auf Staat und Partei und zum Schutz der Parteiuniformen », mieux connue sous lâappellation HeimtĂŒckegesetz), laquelle loi menaçait dâemprisonnement quiconque critiquait le gouvernement de Hitler Ă lâattention de lâĂ©tranger. Le , un jour avant la promulgation de la loi des pleins pouvoirs, Hitler rassura les Ă©glises par une dĂ©claration gouvernementale, dans laquelle il promit : « Le gouvernement national voit dans les deux confessions chrĂ©tiennes les facteurs les plus importants pour la prĂ©servation de notre caractĂšre national (Volkstum). » Il y affirme quâil « (âŠ) leur accordera lâinfluence qui leur revient et les consolidera (âŠ) » et quâil voit « (âŠ) dans le christianisme les fondements inĂ©branlables des mĆurs et de la morale de notre peuple ».
Le , de nombreux ĆcumĂ©nistes de haut rang des Ă©glises protestantes et des Ă©glises libres donnĂšrent suite Ă la « recommandation » du NSDAP les incitant Ă Ă©crire des lettres Ă leurs interlocuteurs Ă©trangers, dans lesquelles ils prieraient ceux-ci de sâinscrire en faux contre la « campagne de dĂ©nigrement » (Hetze) de lâordre nouveau en Allemagne. Tout se passe, Ă©tait-il ainsi affirmĂ©, dans une « tranquille discipline » et « va dans le sens de la paix ». Dibelius dĂ©clara dans une Ă©mission de radio aux Ătats-Unis e.a. que les dĂ©tenus dans les prisons Ă©taient « traitĂ©s correctement ». Deux jours aprĂšs fut instaurĂ©, en partie par la violence, le boycott des commerces juifs, ce que Dibelius sâefforça de lĂ©gitimer comme « rĂ©tablissement de lâordre » de lâĂtat et « lĂ©gitime dĂ©fense ». De mĂȘme, il qualifiait les rĂ©actions dĂ©clenchĂ©es au sein du Mouvement ĆcumĂ©nique par la persĂ©cution des Juifs de campagne de dĂ©nigrement de lâĂ©tranger (Auslandshetze), quâil mit sur le compte dâinfluences juives internationales.
Les 3 et se tint Ă Berlin un congrĂšs (Reichstagung) des DC : y participĂšrent, Ă cĂŽtĂ© de reprĂ©sentants du NSDAP comme Hermann Göring, des thĂ©ologiens universitaires tels que Karl Fezer ; ce dernier voulait mettre Ă profit la faveur de lâheure pour accomplir une « mission nationale intĂ©rieure » (innere Volksmission). Les orateurs plus radicaux cependant voulaient transposer le principe du FĂŒhrer et l'impĂ©ratif de conformitĂ© au gĂ©nie national (ArtgemĂ€Ăheit) directement sur lâĂglise tout entiĂšre, rĂ©clamaient lâexclusion des Juifs baptisĂ©s, et menaçaient de faire intervenir, y compris au sein de lâĂglise, des commissaires de lâĂtat (Staatskommissare) â ce qui se produisit pour la premiĂšre fois le dans lâĂ©glise rĂ©gionale du Mecklembourg.
Le paragraphe aryen : élément déclencheur du Kirchenkampf
Le fut adoptĂ©e la premiĂšre loi sur les « non aryens » en vue du redressement de la fonction publique (« Wiederherstellung des Berufsbeamtentums »). Le paragraphe relatif aux aryens contenu dans cette loi menaçait de licenciement les fonctionnaires, professeurs dâuniversitĂ© et mĂȘme les pasteurs dâorigine juive. Dietrich Bonhoeffer fut un des premiers Ă rĂ©agir, par le biais de son article Die Kirche vor der Judenfrage (lâĂglise face Ă la question juive ; article achevĂ© le , publiĂ© en juin). Il y posait sans Ă©quivoque que ce qui Ă©tait mis en jeu, par lâexclusion des Juifs, Ă©tait lâexistence mĂȘme de lâĂglise en tant que communautĂ© de foi. Mais lâĂglise doit, Ă©crivait-il, protĂ©ger contre les abus de lâĂtat non seulement les Juifs baptisĂ©s, mais aussi tous les Juifs, quels quâils soient : « LâĂ©glise a des devoirs inconditionnels vis-Ă -vis des victimes de lâordre social quel quâil soit, mĂȘme lorsque ces victimes nâappartiennent pas Ă la communautĂ© chrĂ©tienne. » Elle a le devoir de demander Ă lâĂtat les raisons qui lâautorisent Ă dĂ©possĂ©der de ses droits une minoritĂ© ; si, Ă cette requĂȘte, celui-ci rĂ©pond en continuant Ă user de violence, elle a le devoir « non seulement de panser les victimes sous la roue, mais encore de se prĂ©cipiter dans les rayons de la roue elle-mĂȘme ».
Pour Bonhoeffer, la relation avec les Juifs Ă©tait donc le point central du Kirchenkampf. Il en venait dĂ©jĂ Ă revendiquer le droit Ă la rĂ©sistance, alors que la plupart des chrĂ©tiens prenaient le parti dâignorer la violence dont usait lâĂtat contre les Juifs, voire montraient pour elle de la comprĂ©hension. Ă cela, il rĂ©torque de maniĂšre incisive : « Le devoir de la prĂ©dication chrĂ©tienne est de dire : ici, oĂč Juif et Allemand se tiennent ensemble sous la parole de Dieu, câest lâĂglise, et câest aussi lĂ que se vĂ©rifie si lâĂglise est encore Ăglise ou non. »
De mĂȘme, en mai, onze prĂȘtres westphaliens, parmi lesquels Hans Ehrenberg et le futur martyr Ludwig Steil, rejetĂšrent lâexclusion des Juifs, la dĂ©clarant une hĂ©rĂ©sie. Le mouvement Jeune-RĂ©formateur (Jungreformatorische Bewegung) Ă©galement dĂ©clara dans ses Principes de la Refondation de lâĂglise (« GrundsĂ€tze zur neuen Gestaltung der Kirche »), au point 7 : « Nous faisons profession de notre foi en lâEsprit saint et pour cette raison rejetons par principe que des non-aryens soient exclus de lâĂglise ; car une telle exclusion repose sur une confusion entre Ătat et Ăglise. Le rĂŽle de lâĂtat est dâorienter, celui de lâĂglise, de sauver. » Les lois Ă©taient ainsi condamnĂ©es qui faisaient obligation Ă lâĂglise dâexclure les personnes dâorigine juive. Ce point de vue Ă©tait sous-tendu par la vision luthĂ©rienne traditionnelle des deux Royaumes, selon laquelle lâĂtat pouvait dĂ©finir par ses propres lois le contenu quâil entend donner au Droit et son application, tandis que lâĂglise devait se borner Ă Ćuvrer pour le salut des Ăąmes. En consĂ©quence, il nây eut pas dâopposition de la part de lâĂglise contre les futures lois raciales de Nuremberg.
La conclusion suivante, Ă laquelle parvint en le rapport de la facultĂ© de thĂ©ologie Ă©vangĂ©lique de lâuniversitĂ© de Marbourg, ne souffrait aucune restriction : « Câest pourquoi le paragraphe sur les aryens est une hĂ©rĂ©sie de lâĂglise, propre Ă dĂ©truire son essence mĂȘme. » Selon le rapport, prĂ©tendre Ă©lever une loi politique au rang de loi religieuse, constitue une hĂ©rĂ©sie, que tout chrĂ©tien se doit de rejeter absolument. Les auteurs du rapport insistaient que cette loi soit en tout Ă©tat de cause rejetĂ©e comme inique et appelaient Ă sâopposer Ă lâĂtat sur ce point particulier. Ce nonobstant, il nây eut guĂšre, de la part des chrĂ©tiens confessants, de prise de position mettant en cause la lĂ©gitimitĂ© des mesures prises par lâĂtat contre les Juifs.
Lutte pour la direction des Ăglises
Ă la tĂȘte des Ăglises, lâon ne se prĂ©occupait guĂšre du sort des Juifs, mais plutĂŽt du mode dâorganisation des Ăglises elles-mĂȘmes : les chefs ecclĂ©siastiques, dans lâespoir de reprendre lâinitiative et de refouler les DC, se saisirent Ă leur tour de lâappel Ă rĂ©former les Ăglises. Le projet de constitution de Wilhelm Zoellner (1860â1937) du â un parmi de nombreux autres â prĂ©voyait une « Ăglise Ă©vangĂ©lique de la Nation allemande », au sein de laquelle une Ăglise luthĂ©rienne et une Ăglise rĂ©formĂ©e officielles (Reichskirche) coexisteraient.
Avant mĂȘme que cette constitution eĂ»t pu ĂȘtre rĂ©digĂ©e, Hitler nomma le lâaumĂŽnier militaire Ludwig MĂŒller (1883â1945), national-socialiste convaincu, « homme de confiance et plĂ©nipotentiaire pour les questions relatives Ă lâĂ©glise Ă©vangĂ©lique ». AussitĂŽt, les DC dĂ©signĂšrent MĂŒller comme leur tuteur et exigĂšrent des Ă©lections afin de faire de lui lâĂ©vĂȘque du Reich (Reichsbischof). Au cours des concertations avec MĂŒller qui suivirent, Hermann Kapler (1867â1941), August Marahrens (de) (1875â1950) et Hermann Klugkist Hesse (de) (1884â1949) en Ă©taient dĂ©jĂ venus Ă considĂ©rer comme nĂ©gociables la notion dâĂglise nationale (Reichskirche) et le principe du FĂŒhrer ; seule la conformitĂ© au gĂ©nie national allemand (ArtgemĂ€Ăheit) fut Ă©cartĂ©e par eux du dĂ©bat. Le paragraphe sur les aryens ne touchant que peu de membres ecclĂ©siastiques â quelque 110 prĂȘtres, ainsi quâun nombre inconnu dâĂ©tudiants en thĂ©ologie dâascendance juive â, la disposition Ă cĂ©der, sur ce point Ă©galement, Ă la pression du parti et des DC allait croissant.
En mĂȘme temps se constituait, Ă partir de plusieurs groupes dĂ©jĂ existants et ayant concernant lâĂglise des aspirations rĂ©novatrices diffĂ©rentes â e.a. le mouvement de Berneuchen (Berneuchener Bewegung), la confrĂ©rie de Sydow (Sydower Bruderschaft), la Neuwerkbewegung â un Mouvement Jeune-RĂ©formĂ© (« Jungreformatorische Bewegung »), lequel, sâil rĂ©clamait lui aussi une Ăglise unifiĂ©e, demeurait attachĂ© aux professions de foi rĂ©formĂ©es et favorisait la candidature de Friedrich von Bodelschwingh comme leur Ă©vĂȘque. Les directions des Ăglises rĂ©gionales avaient dĂ©jĂ entamĂ© leur transformation en une Ăglise Ă©vangĂ©lique allemande (« Deutsche Evangelische Kirche », en abrĂ©gĂ© DEK) et, le , Ă©lurent Bodelschwingh Ă©vĂȘque national (Reichsbischof), avant mĂȘme que cette fonction ne fĂ»t inscrite dans la constitution de cette Ăglise.
Sur ce, le ministre prussien du culte, invoquant une violation du contrat dâĂtat, entreprit de transformer lâappareil de direction de lâĂglise. Le , sous la pression du pouvoir, Bodelschwingh dut se dĂ©mettre. Le , il fut imposĂ© Ă la DEK, par une loi, une nouvelle constitution, et de nouvelles Ă©lections synodales furent annoncĂ©es pour le . AprĂšs que Hitler eut pris parti, la veille de lâĂ©lection, par la radio, en faveur des DC, ceux-ci remportĂšrent avec le slogan « ein Volk, ein Reich, eine Kirche » (« un peuple, un Ătat, une Ăglise ») une victoire Ă©crasante sur le groupe « Evangelium und Kirche » (Ăvangile et Ăglise), fondĂ© par les Jeunes RĂ©formateurs. En vue de crĂ©er une Ăglise assujettie Ă lâĂtat, les DC sâemployĂšrent Ă occuper les instances dirigeantes des Ă©glises et Ă remodeler les Ă©glises rĂ©gionales selon le principe du FĂŒhrer et suivant les diocĂšses historiques. Le , leurs directions Ă©lurent MĂŒller Ă©vĂȘque national. Les reprĂ©sentants battus Ă lâĂ©lection votĂšrent eux aussi pour MĂŒller. Lâopposition obtint cependant que la rĂ©fĂ©rence aux professions de foi de la RĂ©forme soit inscrite dans la nouvelle constitution de lâĂglise.
Les forces radicales au sein des DC, fortes de leur succĂšs Ă©lectoral, rĂ©clamĂšrent toutefois, par analogie avec la RĂ©volution nationale, le « parachĂšvement de la RĂ©forme », impliquant que fĂ»t Ă©liminĂ© du culte et de la foi tout Ă©lĂ©ment non-allemand, que lâĂ©vangile fĂ»t « dĂ©judaĂŻsĂ© » et que fĂ»t instaurĂ© un christianisme « en accord avec le gĂ©nie propre (de lâAllemagne) » (artgemĂ€Ă), oĂč serait vĂ©nĂ©rĂ© un « Christ hĂ©roĂŻque » (heldischer Jesus). Ce programme fut exposĂ© le au Palais des Sports de Berlin, puis adoptĂ© avec une seule voix contre. Le discours du reprĂ©sentant DC Reinhard Krause dĂ©clencha cependant un scandale et poussa de nombreux DC modĂ©rĂ©s Ă se dĂ©tourner de ce parti, et certains mĂȘme Ă dĂ©missionner de leurs fonctions. Par la suite, le groupe des DC se dĂ©sagrĂ©gea en plusieurs groupuscules.
Le , lâĂ©vĂȘque national MĂŒller entreprit dâincorporer dans les Jeunesses hitlĂ©riennes les fĂ©dĂ©rations de jeunesse Ă©vangĂ©liques, qui sâĂ©taient auparavant rĂ©unies dans le Evangelisches Jugendwerk Deutschlands, et cela sans concertation avec leurs dirigeants et Ă lâencontre de leur volontĂ© expresse. Si MĂŒller croyait avoir fait ainsi Ă Hitler son « plus beau cadeau de NoĂ«l », il avait en revanche largement perdu la confiance de la jeunesse Ă©vangĂ©lique, laquelle commença Ă sâorganiser elle-mĂȘme de diverses maniĂšres. MĂȘme Hitler laissa choir MĂŒller Ă partir de 1934.
Attitude des catholiques face au régime national-socialiste
CĂŽtĂ© catholique, compte tenu du Concordat conclu en , le terme de Kirchenkampf nâest pas utilisĂ© pour la pĂ©riode 1933â1945, ce terme Ă©tant rĂ©servĂ© pour dĂ©signer le Kulturkampf pendant lâĂšre bismarckienne. La population catholique prĂ©fĂ©rait garder depuis lors une attitude distante vis-Ă -vis des innovations politiques. Les Ă©vĂȘques catholiques dâAllemagne avaient du reste formulĂ© des mises en garde rĂ©pĂ©tĂ©es contre lâidĂ©ologie nazie. Câest ce qui explique pourquoi le Parti du Centre obtint lors des Ă©lections parlementaires de une nouvelle fois 13,9 pour cent des voix. En RhĂ©nanie et en BaviĂšre, rĂ©gions Ă prĂ©dominance catholique, le NSDAP nâobtint guĂšre plus de 20 pour cent des voix Ă©mises, contre plus de 60 pour cent par endroits dans les contrĂ©es protestantes.
DĂšs avant la prise de pouvoir par les Nazis, lâĂ©piscopat allemand avait pris ses distances dâavec le national-socialisme, en interdisant aux catholiques de sâengager dans le NSDAP et en interdisant aux groupements nazis de se joindre aux processions religieuses. Lâensemble des diocĂšses sera amenĂ© en 1932 Ă dĂ©clarer « incompatible avec la foi chrĂ©tienne » lâappartenance au NSDAP[5].
Ă la suite de la dĂ©claration gouvernementale de Hitler, laquelle promettait une politique modĂ©rĂ©e en matiĂšre dâĂ©glises, les Ă©vĂȘques rĂ©voquĂšrent leur dĂ©claration dâincompatibilitĂ©. Lorsque la DEK se fut constituĂ©e, beaucoup de catholiques allemands souhaitĂšrent ne plus rester Ă lâĂ©cart de la RĂ©volution nationale. Beaucoup dâentre eux espĂ©raient la reconstitution dâune Allemagne chrĂ©tienne-nationale, attitude dans laquelle lâanticommunisme traditionnel joua un rĂŽle. Ceci contribue Ă expliquer pourquoi une opposition chrĂ©tienne conjointe contre lâidĂ©ologie nazie ne vit pas le jour.
Le , la Curie, de façon inopinĂ©e, signa le Concordat du Reich, ce que Hitler fit ensuite valoir comme un succĂšs diplomatique : son rĂ©gime acquit ainsi une caution morale et de la crĂ©dibilitĂ© au niveau international. De lâautre cĂŽtĂ©, les Ă©vĂȘques catholiques purent grĂące Ă ce Concordat garder une certaine influence sur la sociĂ©tĂ©, dont ils usĂšrent aussi contre les injustices et exactions commises par le pouvoir. NĂ©anmoins, les catholiques nâĂ©chappĂšrent pas Ă la politique de Gleichschaltung des nationaux-socialistes. Le Parti du Centre fut interdit Ă lâautomne 1933, au mĂȘme titre que tous les autres partis dĂ©mocratiques, les syndicats chrĂ©tiens furent dissous, les Ă©coles et ordres catholiques ne purent prĂ©server quâĂ grand peine leur autonomie. La SA agressait, dans des combats de rue, les membres dâassociations catholiques, telles que la Kolpingjugend. Bien que ces conflits missent Ă mal les relations avec le rĂ©gime nazi, ils furent, eu Ă©gard au Concordat, pour la plupart rĂ©solus dans la discrĂ©tion et ne donnĂšrent lieu quâĂ des protestations privĂ©es. Ce ne sera quâen 1937 que lâencyclique Mit brennender Sorge protestera contre les exactions et Ă©tablira lâincompatibilitĂ© entre racisme et christianisme.
Ce nonobstant, certains thĂ©ologiens catholiques comme Karl Eschweiler (1886â1936) ou Hans Barion saluĂšrent lâidĂ©ologie nazie et adhĂ©rĂšrent au NSDAP. Les deux se virent temporairement privĂ©s par la Curie de lâautorisation dâenseigner en raison de leur approbation, en 1934, de la loi sur la stĂ©rilisation forcĂ©e des malades hĂ©rĂ©ditaires ; mais la loi en tant que telle ne fut point critiquĂ©e. Certes, quelques individualitĂ©s comme lâĂ©vĂȘque Clemens August von Galen ou le cardinal Michael von Faulhaber sâexprimaient dans leurs sermons ouvertement contre de telles mesures de lâĂtat ; von Galen obtint mĂȘme la suspension pendant un temps du programme dâeuthanasie national-socialiste, lâAction T4.
En 1939, câest, avec Pie XII, un des principaux initiateurs du Concordat qui accĂ©da au pontificat suprĂȘme. Selon les sources disponibles Ă lâheure actuelle, il plaçait tout son espoir dans la diplomatie, en vue de minimiser les dĂ©gĂąts et de sauver des gens par des actions clandestines. Cette attitude eut pour effet de restreindre la marge de manĆuvre des catholiques en Allemagne. Les protestations non publiques demeuraient ainsi lâaffaire du Vatikan, et il nây eut donc point dâopposition dĂ©clarĂ©e contre lâHolocauste. Mais, en ce cas Ă©galement, des individualitĂ©s mirent leur vie en jeu pour des Juifs et devinrent des martyrs, parmi lesquels les prĂȘtres Alfred Delp, Maximilien Kolbe, Rupert Mayer et Bernhard Lichtenberg. Le clergĂ© polonais en particulier eut de nombreuses victimes dans ses rangs aprĂšs 1939.
Dans lâensemble, lâattitude des catholiques en Allemagne Ă©tait plus unitaire et peu embarrassĂ©e par des conflits internes : sâils ne se pliĂšrent pas au national-socialisme idĂ©ologiquement, ils ne le combattirent pas davantage. En tant quâĂ©glise universelle, sa direction tenta au premier chef de protĂ©ger ses propres structures et membres. Il sâensuit que le terme de Kirchenkampf nâest pas appliquĂ© Ă lâĂglise catholique dans le TroisiĂšme Reich.
Apparition de la Bekennende Kirche
Le Pfarrernotbund
Le , une Ligue de secours pour pasteurs (Pfarrernotbund) sâĂ©tait formĂ©e Ă Wittenberg sous la direction de Martin Niemöller ; parmi les dirigeants de la DEK, seuls y figuraient le prĂ©sident westphalien Jakob Emil Karl Koch (1876â1951) et Otto Dibelius. La Ligue obligeait ses membres, par son rĂšglement interne, Ă sâopposer Ă lâapplication, au sein de lâĂglise rĂ©formĂ©e, du paragraphe sur les Aryens, celui-ci impliquant en effet une « violation de lâĂ©tat de confession » (en latin : status confessionis), et sâefforçait dâaider financiĂšrement les pasteurs dâorigine juive menacĂ©s dâexclusion de lâĂglise.
Ce faisant, les auteurs (Bonhoeffer und Niemöller) plaçaient la question juive au mĂȘme rang dâimportance thĂ©ologique que les thĂšmes qui passaient aux yeux des rĂ©formateurs du XVIe siĂšcle pour lâessence inaliĂ©nable de la foi Ă©vangĂ©lique. Lâappel Ă se dĂ©clarer publiquement opposĂ© Ă la majoritĂ© opprimante, ecclĂ©siastique et sociale, renfermait en lui un engagement implicite de dĂ©fendre ce crĂ©do jusquâĂ la mort, sâil y a lieu. « Seulement avec les Juifs » Ă©tait, aux yeux de ces confessants, Ă©quivalents au quadruple « sola scriptura », « sola fide », « sola gratia », « solus Christus » de Martin Luther, lequel avait lui aussi, comme individu, mis en jeu sa propre vie.
Câest le point de dĂ©part de lâopposition Ă lâinfiltration, au sein de lâĂglise Ă©vangĂ©lique allemande, des idĂ©es nationales-socialistes dans la doctrine chrĂ©tienne. DĂ©sormais, partout dans le Reich, se constituaient Ă©parses des « communes confessantes ». DĂ©but 1934, la Ligue de secours se rĂ©unit avec ses reprĂ©sentants, afin de se porter Ă la dĂ©fense de « lâĂvangile ».
Communauté confessante et déclaration théologique de Barmen
MĂŒller tenta dâĂ©touffer la discussion qui sâamplifiait au sein de la DEK au moyen dâun « dĂ©cret MuseliĂšre » et par de nombreuses mesures disciplinaires. Cependant les plaintes Ă son endroit ne cessaient de se multiplier, Ă tel point quâune rĂ©union eut finalement lieu le entre Hitler et les dirigeants de lâĂglise. Ceux-ci lâassurĂšrent de leur loyautĂ© ; la chute de MĂŒller toutefois ne vint pas. Celui-ci sâattacha alors Ă rĂ©organiser les autres Ă©glises rĂ©gionales.
En rĂ©action, les forces dâopposition internes de lâĂglise se groupĂšrent au niveau national. En mars, ils se liguĂšrent en une CommunautĂ© confessante de la DEK (« Bekenntnisgemeinschaft der DEK ») et mirent Ă sa tĂȘte un Conseil confrĂ©rial national (« Reichsbruderrat ») chargĂ© de la diriger. Lors dâune rĂ©union Ă Ulm le , elle exprima, contre la DEK « occupĂ©e » par les DC, la revendication dâĂȘtre lâ« Ăglise Ă©vangĂ©lique lĂ©gitime dâAllemagne ». Du 29 au se dĂ©roula ensuite Ă Barmen le premier synode confessant, auquel les LuthĂ©riens, les RĂ©formĂ©s et les UnifiĂ©s dĂ©pĂȘchĂšrent des reprĂ©sentants de leurs communes. Ils y fondĂšrent lâĂglise confessante (« Bekennende Kirche »). Dans leur dĂ©claration fondatrice, rĂ©digĂ©e par Karl Barth, il est affirmĂ© :
- « JĂ©sus Christ, tel quâil est attestĂ© dans les Saintes Ăcritures, est lâunique parole de Dieu Ă laquelle nous ayons Ă obĂ©ir, Ă laquelle nous devions faire confiance dans la vie et dans la mort.
- Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle lâĂglise peut et doit reconnaĂźtre, pour source de sa prĂ©dication, en dehors et en sus de cette unique parole de Dieu, des Ă©vĂ©nements et des puissances, figures et vĂ©ritĂ©s autres que la rĂ©vĂ©lation divine.
- Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle lâĂglise a le droit de laisser son propre bon vouloir ou le jeu changeant des convictions philosophiques et politiques du jour dĂ©terminer le contenu de son message et la forme de son organisation.
- Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle lâĂglise est habilitĂ©e et autorisĂ©e Ă se donner ou Ă se laisser donner, en dehors des nĂ©cessitĂ©s de son service, des dirigeants particuliers, dotĂ© de compĂ©tences dĂ©cisionnelles.
- Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle lâĂtat doit et peut, en sus de sa mission spĂ©cifique, se poser en ordonnateur unique et total de la vie humaine et, par lĂ , prendre aussi en charge la destinĂ©e de lâĂglise.
- Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle lâĂglise doit et peut, au-delĂ de sa mission spĂ©cifique, sâapproprier la maniĂšre dâĂȘtre, les attributions et les prĂ©rogatives dâun Ătat et devenir de ce fait elle-mĂȘme un organisme de lâĂtat.
- Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle lâĂglise peut, par sa seule autoritĂ© humaine, mettre la parole et lâĆuvre du Seigneur au service de quelconques souhaits, buts et desseins quâelle aurait dĂ©finis elle-mĂȘme. »
Ce positionnement â lâallĂ©geance au Christ seul â Ă©tait Ă la base de toutes les nĂ©gations ; celles-ci traçaient, par le biais des « rejets », les contours dâune hĂ©rĂ©sie, quâil y avait lieu dâexclure du champ de lâĂglise. Ces nĂ©gations permettaient de se dĂ©marquer :
- de la thĂ©ologie des Deutsche Christen (DC), mais aussi de la thĂ©ologie libĂ©rale, qui posaient comme divinitĂ©s, en plus du Christ, dâautres incarnations (« andere Gestalten »), telles que le gĂ©nie national (« Volkstum »), lâĂtat, le sang, la race, le chef (« FĂŒhrer ») ;
- de la politisation de lâĂglise, telle que la concevait lâidĂ©ologie nazie ;
- du principe du FĂŒhrer, que lâĂglise se voyait imposer de lâintĂ©rieur â Ă travers lâobĂ©issance par provision â ou de lâextĂ©rieur â par la Gleichschaltung ;
- de lâĂtat total, prĂ©dĂ©finissant une certaine conception du monde ;
- de lâĂglise dâĂtat en tant quâorganisme et prolongement de lâĂtat ;
- de la subordination de la parole chrĂ©tienne Ă quelque intĂ©rĂȘt social ou revendication sociale que ce soit.
Pour la premiĂšre fois, la thĂ©ologie dialectique de la Parole de Dieu, que Barth avait dĂ©veloppĂ©e depuis 1918, se fit opĂ©rante sur le plan de la politique religieuse, et par lĂ mĂȘme indirectement, sur le plan politique.
LâinterprĂ©tation des thĂšses de Barmen et leur traduction en situation donna lieu ensuite Ă des dissensions au sein mĂȘme de la BK. La plus grande lacune de la dĂ©claration Ă©tait le dĂ©faut dâengagement Ă une inĂ©branlable solidaritĂ© panchrĂ©tienne avec les Juifs persĂ©cutĂ©s. Lâeffet sâen rĂ©vĂ©la funeste : trĂšs peu de chrĂ©tiens en effet exercĂšrent une rĂ©sistance directe aux mesures prises par le pouvoir contre les Juifs, rĂ©sistance qui pourtant allait ĂȘtre, au plus tard aprĂšs les pogroms de novembre 1938, impĂ©rative. Ces rĂ©sistants ne furent guĂšre soutenus, pas mĂȘme par lâĂglise confessante elle-mĂȘme. Seules quelques individualitĂ©s entendaient la rĂ©sistance au rĂ©gime nazi comme dĂ©coulant, de façon nĂ©cessaire et incontournable, de la foi chrĂ©tienne.
De la rĂ©union de Barmen en 1934, Ă lâarrestation de Niemöller en 1937
Scission au sein de lâĂglise protestante
La dĂ©claration de Barmen eut pour effet tout dâabord dâintensifier la rĂ©sistance contre la politique dâembrigadement de MĂŒller, surtout dans les communes Ă©vangĂ©liques du Wurtemberg et de BaviĂšre. De nombreux procĂšs firent apparaĂźtre le caractĂšre illĂ©gal de lâaction de MĂŒller. Lorsque, le , il se fit installer en qualitĂ© dâĂ©vĂȘque national (« Reichsbischof ») Ă la cathĂ©drale de Berlin, il avait manquĂ© son objectif dâune Ăglise protestante pilotĂ©e par le pouvoir politique.
Le , lors du deuxiĂšme synode des confessants Ă Berlin-Dahlem, le Droit ecclĂ©siastique dâexception (« Kirchliches Notrecht ») de Dahlem, dĂ©jĂ appliquĂ© en Prusse, fut proclamĂ© applicable dans toute lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne, cependant que fut constituĂ© un Conseil confrĂ©rial national (« Reichsbruderrat »), pour faire contrepoids aux dirigeants DC. Cela revenait quasiment Ă une administration Ă part, et donc Ă une scission. LâavouĂ© de MĂŒller, August JĂ€ger, dĂ©missionna le . Les demandes de dĂ©mission Ă lâadresse de MĂŒller se multipliaient, Ă la suite de quoi le pouvoir rĂ©solut de lever lâensemble de la lĂ©gislation sur les Ă©glises de 1934. Hitler reçut une nouvelle fois quelques Ă©vĂȘques (Theophil Wurm, Hans Meiser, Marahrens) et indiqua que lâidĂ©e dâune Ăglise nationale (Reichskirche) avait cessĂ© de lâintĂ©resser.
LâĂglise Ă©vangĂ©lique allemande sâĂ©tait ainsi dĂ©sagrĂ©gĂ© en plusieurs groupes, qui se cĂŽtoyaient dans une situation juridiquement incertaine :
- les diocĂšses dĂ©jĂ restructurĂ©s, dirigĂ©s par des Deutsche Christen (DC), et qui se voyaient comme faisant partie de lâĂglise unifiĂ©e ;
- les Ăglises rĂ©gionales restĂ©es intactes (Hanovre e.a.), qui continuaient Ă appartenir Ă lâĂglise unifiĂ©e, mais rejetaient MĂŒller pour leur chef ;
- les Ăglises rĂ©gionales dĂ©mantelĂ©es, dont les communes confessantes refusaient dâadhĂ©rer Ă lâĂglise unifiĂ©e ;
- la BK, qui se considĂ©rait comme la « vraie » Ăglise Ă©vangĂ©lique et dans laquelle des communes luthĂ©riennes et rĂ©formĂ©es luttaient conjointement contre la Gleichschaltung. Avec les dirigeants des Ăglises rĂ©gionales intactes (BaviĂšre et Wurtemberg e.a.) elle forma, Ă partir du , une Direction provisoire des Ăglises protestantes (abrĂ©viat. allem. VKL), laquelle revendiquait la direction de l'Ăglise Ă©vangĂ©lique allemande tout entiĂšre.
Au sein de la VKL surgirent rapidement des divergences dans les attitudes vis-Ă -vis des instances ecclĂ©siastiques officielles. Alors que les dirigeants des Ă©glises rĂ©gionales restĂ©es intactes souhaitaient prĂ©server la continuitĂ© des accords, toujours en vigueur, avec lâĂtat prussien, et sâefforçaient dâobtenir une reconnaissance officielle, les DahlĂ©mites radicaux (parmi lesquels Dietrich Bonhoeffer) voulaient rompre avec la mise sous tutelle par lâĂtat, voyant dans une telle rupture la consĂ©quence logique de la dĂ©claration de Barmen. Les dissensions amenĂšrent Barth, Niemöller, Karl Immer et Hermann Albert Hesse Ă se retirer du Conseil confrĂ©rial, ce qui eut pour effet dâaffaiblir la BK et de lui faire perdre, en dĂ©pit de la montĂ©e en puissance de ses communes, son orientation.
Scission de la BK
En 1935 fut lancĂ©e, Ă lâinstigation du pouvoir, une nouvelle campagne de propagande au sein de lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne : le Mouvement allemand de la Foi (« Deutsche Glaubensbewegung ») se mit Ă rĂ©pandre des idĂ©es nĂ©o-paĂŻennes similaires Ă celles des DC. Dans le mĂȘme temps, MĂŒller interdit que des questions de politique religieuse fussent mises en dĂ©bat public. Les pasteurs de la BK ayant passĂ© outre cette interdiction dans leur prĂȘches dominicaux furent temporairement dĂ©tenus. Les sections financiĂšres prussiennes prirent le contrĂŽle sur lâadministration de lâĂglise protestante, tandis quâun service de dĂ©cision (« Beschlussstelle ») surveillait les recours juridiques des partisans de la BK.
Cela conduisit le synode de lâĂglise de lâUnion de la Vieille Prusse â Kirche der AltpreuĂischen Union, la plus importante des Ă©glises rĂ©gionales Ă©vangĂ©liques autonomes Ă avoir rejoint la BK â Ă adresser en mars un avis, affirmant : « Nous voyons notre peuple menacĂ© dâun mortel pĂ©ril. Le pĂ©ril consiste en une religion nouvelle. [âŠ] En elle, les conceptions racialo-ethniques sont Ă©levĂ©es au rang de mythe. En elle, le sang et la race, le gĂ©nie national, lâhonneur et la libertĂ© ont valeur dâidoles. » Le racisme, comme idĂ©ologie globale, Ă©tait repoussĂ©, mais lâon continuait Ă faire silence sur les consĂ©quences concrĂštes de celui-ci pour les Juifs.
Du 4 au se rĂ©unit le troisiĂšme synode de la BK Ă Augsbourg : la rupture avec les autoritĂ©s ecclĂ©siastiques fut Ă©vitĂ©e et il fut dĂ©cidĂ© de suivre la ligne conservatrice des Ăglises rĂ©gionales luthĂ©riennes. Mais dâautre part, le synode chargea le Conseil confrĂ©rial national de mettre en Ćuvre ses dĂ©cisions, de sorte que Niemöller, Hesse et Immer rĂ©intĂ©grĂšrent la VKL.
Le , Hitler nomma Hanns Kerrl ministre des Affaires religieuses. Une loi du , destinĂ©e à « garantir » lâunitĂ© de lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne, servit Ă lĂ©gitimer de nombreuses ordonnances prises dans les annĂ©es suivantes. Un ComitĂ© national des Ăglises (« Reichskirchenausschuss », en abrĂ©gĂ© RKA), nouvellement crĂ©Ă©, sous la houlette de Wilhelm Zoellner, prit la direction de lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne, en lieu et place de MĂŒller, et dĂšs lors bĂ©nĂ©ficia dans lâannĂ©e qui suivit dâun soutien croissant de la part des Ă©glises rĂ©gionales intactes ainsi que de quelques Conseils confrĂ©riaux.
En consĂ©quence, la BK se scinda lors du quatriĂšme synode de lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne tenu Ă Bad Oeynhausen du 17 au . La premiĂšre VKL dĂ©missionna unanimement ; une nouvelle VKL fut investie le par le Conseil confrĂ©rial national. Cela aboutit Ă la formation de diffĂ©rents camps : le , les Ă©glises luthĂ©riennes rĂ©gionales restĂ©es intactes de BaviĂšre et du Wurtemberg, et les conseils confrĂ©riaux luthĂ©riens de la BK se groupĂšrent en un Conseil de lâĂglise Ă©vangĂ©lique-luthĂ©rienne dâAllemagne (« Rat der Evangelisch-Lutherischen Kirche Deutschlands », dit aussi « Lutherrat »).
La rĂ©sistance contre les tentatives de mainmise du pouvoir nâĂ©tait plus dĂ©sormais portĂ©e que par la nouvelle VKL et la BK prussienne. Le , celle-ci adressa Ă Hitler un mĂ©morandum, qui, en des termes dâune limpiditĂ© et dâune simplicitĂ© jamais plus atteintes avant 1945, dĂ©nonçait lâaction de lâĂtat totalitaire, tout en fondant cette critique sur une base thĂ©ologique : « Si le sang, la race, le gĂ©nie national et lâhonneur acquiĂšrent ici le statut de valeurs Ă©ternelles, le chrĂ©tien Ă©vangĂ©lique sera contraint, de par le premier commandement, Ă rejeter cette Ă©chelle de valeurs. [âŠ] Si, dans le cadre des conceptions nationales-socialistes, un antisĂ©mitisme est imposĂ© de force aux chrĂ©tiens, leur faisant obligation de haĂŻr les Juifs, il se doit de lui opposer lâimpĂ©ratif chrĂ©tien de la charitĂ©. » Le devoir religieux met des limites Ă lâobĂ©issance chrĂ©tienne au pouvoir politique : quand celui-ci tente dâempĂȘcher la transmission de lâĂ©vangile, il menace de dĂ©truire lâĆuvre de lâĂglise, voire lâĂglise elle-mĂȘme. La consĂ©quence, Ă savoir la rĂ©sistance directe, nĂ©cessaire en ce cas, des chrĂ©tiens contre le pouvoir, Ă©tait Ă©vidente, mais demeura inexprimĂ©e comme telle.
Le mĂ©morandum devait rester secret, mais, par des voies inconnues, fut rĂ©vĂ©lĂ© et publiĂ© Ă lâĂ©tranger. Il fut ensuite recommandĂ© Ă toutes les communes confessantes comme paroles Ă prononcer du haut de la chaire pour le , il est vrai avec omission des phrases particuliĂšrement critiques citĂ©es ci-haut. Ce nonobstant, lâaile conservatrice de la BK rĂ©pudia aussitĂŽt cette « haute trahison ». Le , elle dĂ©clara : « Nous appuyons, aux cĂŽtĂ©s du RKA, le FĂŒhrer dans sa lutte pour la survie du peuple allemand contre le bolchĂ©visme. » Cet anticommunisme Ă©tait le lien idĂ©ologique dĂ©cisif entre dâune part les chrĂ©tiens imprĂ©gnĂ©s de la vision luthĂ©rienne-nationaliste, quel que soit leur camp, et dâautre part le rĂ©gime nazi ; ce lien idĂ©ologique concourait avec la traditionnelle loyautĂ© luthĂ©rienne Ă lâĂ©gard de lâautoritĂ© pour empĂȘcher une rĂ©sistance plus affirmĂ©e de lâĂglise dans son ensemble. Seule une minoritĂ©, y compris dans la BK elle-mĂȘme, rejetait la collaboration avec le rĂ©gime.
Mais la DC se scinda Ă son tour en une aile modĂ©rĂ©e, prĂȘte Ă coopĂ©rer avec le RKA, et le groupe radical Nationalkirchliche Einigung, dont le centre se situait en Thuringe. La dĂ©confessionnalisation, hostile aux Ăglises, pour laquelle Ćuvrait ce dernier groupe avait pour but de supprimer la rĂ©fĂ©rence Ă la profession de foi chrĂ©tienne comme fondement doctrinaire des Ăglises Ă©vangĂ©liques et dâeffacer leur influence dans la vie publique. Ă cela sâattachaient Ă©galement, en vain, tant le RKA que le ministre des affaires religieuses Kerrl, ce qui eut pour effet de renforcer, au sein de la BK, le soupçon que pour le pouvoir il ne sâagissait pas, en rĂ©alitĂ©, de la prĂ©servation, mais du dĂ©labrement organisationnel (selon les termes dâAlfred Rosenberg) des Ăglises, et de leur future Ă©viction. La VKL, invoquant la premiĂšre thĂšse de la dĂ©claration de Barmen, continua donc de dĂ©cliner toute collaboration avec le RKA.
Relation du mouvement ĆcumĂ©nique avec la BK
Les relations que lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne entretenait avec le mouvement ĆcumĂ©nique venaient interagir avec le conflit de politique intĂ©rieure allemande autour de lâorganisation et des droits des Ă©glises ; en effet, le mouvement ĆcumĂ©nique avait dĂšs 1934 reconnu la BK comme une des reprĂ©sentantes de lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne et Ă©tabli des contacts avec elle, en investissant le prĂ©sident Koch comme membre du Conseil ĆcumĂ©nique des Ăglises. Mais le mouvement ĆcumĂ©nique considĂ©rait d'autre part quâil nâĂ©tait pas en son pouvoir de prendre une rĂ©solution en faveur de la BK, contre lâĂglise « officielle ». Cela permit au Bureau international sous la direction de Theodor Heckel de garder son influence sur lâĂ©volution du mouvement ĆcumĂ©nique. La BK ne parvint pas, en dĂ©pit de ses contacts personnels, Ă dĂ©velopper sa propre action internationale. En dĂ©pit des protestations de Bonhoeffer et dâautres, des reprĂ©sentants du RKA furent Ă©galement invitĂ©s Ă lâassemblĂ©e ĆcumĂ©nique de Chamby. Les reprĂ©sentants de la BK renoncĂšrent, quoique invitĂ©s, Ă assister aux confĂ©rences consĂ©cutives, Ă Oxford puis Ădimbourg en 1937, craignant dâĂȘtre destituĂ©s de leur fonction et apprĂ©hendant leur arrestation. Zoellner dĂ©missionna le , lorsque lui aussi fut empĂȘchĂ© de voyager Ă lâĂ©tranger. Cela signa lâĂ©chec de lâoffre de mĂ©diation officielle du RKA.
Durcissement des mesures du pouvoir et contre-mesures de la BK
Le successeur de Zoellner, Hermann Muhs, membre du NSDAP, vint rĂ©intĂ©grer « ad hoc » lâĂglise, afin de piloter celle-ci par voie dâordonnances. Un arrĂȘtĂ© de Hitler du instituant de nouvelles Ă©lections pour le synode gĂ©nĂ©ral de la DEK ne fut pas mis Ă exĂ©cution. Une confĂ©rence des dirigeants des Ăglises rĂ©gionales ne rĂ©ussit pas Ă se mettre dâaccord sur une nouvelle direction commune de la DEK. Muhs entreprit alors de dissoudre les administrations ecclĂ©siastiques encore existantes, tandis que la BK et le Conseil luthĂ©rien (Lutherrat) construisaient chacune leur propre administration.
Dans le mĂȘme temps, Heinrich Himmler interdit que des pasteurs fussent encore formĂ©s par la BK ; cependant ces formations furent poursuivies dans lâillĂ©galitĂ©. DĂšs 1935 fut fondĂ©e Ă cet effet Ă Elberfeld la clandestine Ăcole ecclĂ©siastique supĂ©rieure (« Kirchliche Hochschule »). La VKL publiait, sur les sujets dâactualitĂ©, des prises de position imprimĂ©es clandestinement, notamment sur la persĂ©cution des opposants au systĂšme politique et des Juifs, sur lâidĂ©ologie raciale et le danger de guerre.
Cela conduisit, le , Ă lâarrestation de Martin Niemöller, le dirigeant officieux de la BK. Son procĂšs eut lieu en ; bien quâaucune activitĂ© contre la sĂ©curitĂ© de lâĂtat ne put ĂȘtre retenue contre lui, il fut emmenĂ© comme « prisonnier personnel » de Hitler au camp de concentration de Sachsenhausen, oĂč il survĂ©cut jusquâĂ la fin de la guerre. Ă cette issue heureuse avaient contribuĂ© les nombreuses protestations venues de lâĂ©tranger, en particulier celles exprimĂ©es au Royaume-Uni par lâĂ©vĂȘque anglican George Bell, qui prĂ©sidait Ă lâĂ©poque le Conseil ĆcumĂ©nique Life and Work et Ă©tait liĂ© dâamitiĂ© avec Bonhoeffer, qui le tenait en permanence au courant de lâĂ©volution de la situation dans le Reich allemand. Ces relations internationales entre la BK et le mouvement ĆcumĂ©nique permit, dans quelques cas individuels, de sauver des vies.
De juillet 1937 jusquâĂ lâĂ©clatement de la guerre
En octobre, ce fut le tour Ă un autre militant BK de la premiĂšre heure Ă se faire arrĂȘter : Paul Schneider, qui se fera connaĂźtre dans le camp de concentration comme prĂ©dicateur de Buchenwald. Il avait rejetĂ© radicalement, dĂšs le dĂ©part, les conceptions nazies et sâĂ©tait solidarisĂ© avec les Juifs persĂ©cutĂ©s. MĂȘme depuis sa cellule dâisolement, il sâappliquait Ă contredire, par des apostrophes et des encouragements lancĂ©s aux dĂ©tenus, et sous lâinvocation de lâĂvangile, la terreur nazie. Il fut assassinĂ© le au camp de Buchenwald. Dietrich Bonhoeffer le qualifia de premier martyre chrĂ©tien de la lutte contre le national-socialisme.
En , la VKL, la confĂ©rence des dirigeants des Ăglises et le Conseil luthĂ©rien tentĂšrent une nouvelle fois de parvenir Ă un consensus sur la direction de la BK. Le seul rĂ©sultat en fut la publication, le , dâun nouveau mĂ©morandum contre les pamphlets DunkelmĂ€nner (« Hommes de tĂ©nĂšbres ») et Rompilger (« PĂšlerins de Rome »), trĂšs hostiles aux Ă©glises, qu'avait rĂ©digĂ©s Rosenberg. Le , Kerrl dĂ©pĂȘcha vers les Ăglises rĂ©gionales dĂ©truites et vers la DEK dans son ensemble un nouveau dirigeant, Werner, membre du consistoire suprĂȘme.
AprĂšs lâAnschluss, de nouvelles tensions se firent jour au sein de lâĂglise Ă©vangĂ©lique allemande. Cela incita le ministĂšre des Affaires religieuses de Kerrl Ă exiger le de tous les prĂȘtres un serment de fidĂ©litĂ© au FĂŒhrer. Cette prestation de serment fut soutenue par la plupart des Ăglises rĂ©gionales, y compris la BK prussienne. Il est apparu par la suite que lâordre en ce sens nâĂ©manait pas de Hitler lui-mĂȘme. Ă partir de juillet, Kerrl tenta en outre de faire appliquer la rĂ©forme administrative engagĂ©e par MĂŒller et Zoellner.
Lorsque la VKL, Ă lâoccasion de la crise tchĂšque, Ă©dita le une liturgie de priĂšre (« Gebetsliturgie ») qui recelait une intercession en faveur des TchĂšques, Kerrl incita les Ă©vĂȘques des Ăglises rĂ©gionales intactes Ă rompre avec la BK « pour raisons religieuses et patriotiques ». Ce qui avait motivĂ© cette injonction Ă©tait surtout la lettre de Karl Barth adressĂ©e Ă Josef HromĂĄdka (1889â1965), qui se trouvait Ă la tĂȘte de la facultĂ© thĂ©ologique de lâuniversitĂ© Charles de Prague, lettre dans laquelle Barth appelait tous les TchĂšques Ă la rĂ©sistance armĂ©e contre lâentrĂ©e des troupes nationales-socialistes, en la justifiant explicitement comme une rĂ©sistance nĂ©cessaire aussi pour lâĂglise, en ce quâelle dĂ©coule du premier commandement.
Cependant, mĂȘme la VKL dĂ©savoua cette lettre, la taxant de « politique ». La BK perdit ainsi tout lien avec les Ăglises rĂ©gionales et sâengagea dans sa crise la plus grave. En mĂȘme temps, Kerrl dĂ©clina les nouvelles propositions de conciliation de la ConfĂ©rence des dirigeants des Ăglises et forma au contraire, en , un front unitaire (« Einheitsfront ») composĂ© de DC de Thuringue et de reprĂ©sentants modĂ©rĂ©s des Ăglises rĂ©gionales. Leur objectif demeurait la crĂ©ation dâune Ăglise nationale. Finirent pas sây rallier aussi les Ă©vĂȘques dâHanovre, de Brunswick et de Hesse Ă©lectorale-Waldeck. Seuls les Conseils confrĂ©riaux de la BK et les Ăglises de BaviĂšre et du Wurtemberg repoussĂšrent ces avances, Ă la suite de quoi ils furent presque exclus du Conseil luthĂ©rien.
Entre-temps, Werner sâemployait Ă mettre lâactivitĂ© des autoritĂ©s ecclĂ©siastiques au diapason du projet fondamental dâune Reichskirche, et câest donc en fonction de cet objectif quâil distribuait les postes, infligeait des sanctions disciplinaires, dĂ©cidait de la rĂ©partition de lâimpĂŽt cultuel et des buts de collecte. Il fut protestĂ© contre cet Ă©tat de fait lors du huitiĂšme synode de la BK de Prusse tenu Ă Steglitz les 21 et . Kerrl tenta une conciliation, en rĂ©duisant la portĂ©e de ces mesures. Le , il forma, Ă lâintention de la lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne, un Conseil spirituel de confiance (« Geistlicher Vertrauensrat »), qui devait garder la direction thĂ©ologique et dont les reprĂ©sentants devaient ĂȘtre dĂ©signĂ©s par les Ăglises elles-mĂȘmes, cependant que lâadministration financiĂšre serait entiĂšrement assumĂ©e par des reprĂ©sentants de lâĂtat et des DC. Mais le processus de dĂ©composition de lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne Ă©tait dĂ©sormais inexorable.
AprĂšs la Nuit de Cristal le , ni la direction de lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne, ni la VKL nâeurent le moindre mot de protestation. Seuls quelques pasteurs tels que Helmut Gollwitzer, le successeur de Niemöller Ă Berlin-Dahlem, et Julius von Jan dans le Wurtemberg, prirent position dans leur sermons contre cette action. Ils furent mis en accusation pour agitation hostile au peuple (« volksfeindliche Hetze »). Ce ne furent pas alors les Juifs, mais seulement leurs dĂ©fenseurs malmenĂ©s par le pouvoir, que la BK prit alors en protection dans son intercession. LâĂ©vĂȘque Theophil Wurm Ă©crivit au ministre de la Justice quâil ne contestait nullement au pouvoir le droit de combattre les Juifs comme un « Ă©lĂ©ment dangereux » ; toutefois, le fait que « des actes tels que lâincendie volontaire et des mauvais traitements physiques, çà et lĂ aussi des vols, aient pu ĂȘtre commis sous les yeux des autoritĂ©s » Ă©tait de nature Ă affliger profondĂ©ment la population. Il garda le silence sur la Nuit de Cristal de mĂȘme que sur lâincarcĂ©ration de 30 000 Juifs dans des camps de concentration Ă partir du .
Ă partir de , le bureau GrĂŒber commença, pour le compte de la BK, Ă aider les non-aryens â c'est-Ă -dire chrĂ©tiens juifs â Ă©vangĂ©liques persĂ©cutĂ©s, pour leurs affaires juridiques et scolaires et dans leurs dĂ©marches dâĂ©migration. Ă cet effet fut mis en place un rĂ©seau de 22 bureaux dâaide dans 20 grandes villes. Ces bureaux dâaide travaillaient en Ă©troite collaboration avec les bureaux similaires de lâĂglise catholique, des quakers et de lâAssociation nationale (Reichsvereinigung) des Juifs allemands.
Afin dâĂ©radiquer « lâinfluence juive » de la thĂ©ologie et de la Bible fut fondĂ© en Ă Eisenach un Institut de recherche et dâĂ©limination de lâinfluence juive sur la vie religieuse allemande (« Institut zur Erforschung und Beseitigung des jĂŒdischen Einflusses auf das deutsche kirchliche Leben »). Les Ăglises rĂ©gionales dominĂ©es par les DC avaient commencĂ© dĂšs cette annĂ©e-lĂ Ă mettre Ă exĂ©cution le paragraphe sur les aryens et Ă Ă©carter du service religieux les titulaires de poste « non aryens ».
Contre cela furent amenĂ©s Ă protester 27 pasteurs de la BK de l'Ăglise Ă©vangĂ©lique de la province ecclĂ©siastique de Saxe et 131 du Mecklembourg, soulignant que la loi portant exclusion des Juifs chrĂ©tiens Ă©quivalait Ă une annulation des vĆux dâordination et Ă mettre en cause lâunitĂ© de lâĂglise. De son cĂŽtĂ©, le Conseil ĆcumĂ©nique des Ăglises protesta Ă©galement et souligna, en se rĂ©fĂ©rant Ă Jean 4,22, que le salut vient des Juifs, attendu que le Christ est le messie dâIsrael. Le bureau extĂ©rieur de lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne dĂ©savoua cette dĂ©claration et en exigea le retrait immĂ©diat. Il apparut clair dĂšs lors que les reprĂ©sentants des luthĂ©riens modĂ©rĂ©s dans les Ăglises rĂ©gionales restĂ©es intactes et les DC se situaient sur la mĂȘme ligne raciste.
Années de guerre
DĂšs le dĂ©but de la guerre, le Vertrauensrat, dont faisait partie Marahrens, nâĂ©mettait plus quĂšre que des appels patriotiques. Un dĂ©cret dâamnistie visant les procĂšs en cours devant des juridictions ecclĂ©siastiques et les procĂ©dures contre des fonctionnaires de lâĂglise Ă©tait destinĂ©e Ă rassĂ©rĂ©ner les membres de lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne durant la guerre. Entre-temps, la propagande anti-chrĂ©tienne du NSDAP, patente dĂ©jĂ dĂšs le congrĂšs national du parti Ă Nuremberg, fut poursuivie.
Depuis 1937, et surtout entre 1939 et 1945, les VKL, les Conseils confrĂ©riaux ainsi que de nombreux prĂȘtres, y compris une partie parmi eux qui nâappartenait pas Ă la BK, devinrent plus frĂ©quemment la cible de mesures de la part des Ăglises rĂ©gionales et de la Gestapo. La BK sâappliquait Ă faire connaĂźtre dans ses communes, Ă travers ses demandes de priĂšres dâintercession, les abus de pouvoir de lâĂtat les plus graves.
Depuis le dĂ©but de la guerre, la partie de lâĂglise Ă©vangĂ©lique qui nâappartenait pas aux DC avait Ă©tĂ© affaiblie par lâappel sĂ©lectif sous les drapeaux de chrĂ©tiens critiques. En nombre dâendroits, cette situation amena les femmes, en particulier les Ă©pouses de pasteur, Ă assumer pour la premiĂšre fois dans lâhistoire de lâĂglise Ă©vangĂ©lique, des tĂąches de prĂ©dication et de direction.
En 1940 dĂ©buta lâAction T4, c'est-Ă -dire lâeuthanasie de « vie indigne de vivre », dĂ©cidĂ©e comme dĂ©coulant des nĂ©cessitĂ©s de la guerre. Elle fut perpĂ©trĂ©e dans des instituts convertis en instituts de mise Ă mort, parmi lesquels aussi des infrastructures du diaconat rĂ©quisitionnĂ©es. ProtestĂšrent Ă cette occasion, cĂŽtĂ© Ă©vangĂ©lique, les Ă©vĂȘques Theophil Wurm, Friedrich Bodelschwingh et le pasteur Paul Braune Ă Lobetal, et cĂŽtĂ© catholique, lâĂ©vĂȘque Clemens August Graf von Galen, qui obtinrent dans cette affaire un succĂšs partiel.
Les Ă©changes Ă©pistolaires Ă lâintĂ©rieur de lâĂglise furent, en raison dâune prĂ©tendue pĂ©nurie de papier due Ă la guerre, presque entiĂšrement interrompus. Les cĂ©rĂ©monies du baptĂȘme, du mariage, de la confirmation, des funĂ©railles devaient obligatoirement ĂȘtre remplacĂ©es par les cĂ©lĂ©brations du parti ; cette consigne ne pouvant ĂȘtre mise Ă exĂ©cution que sous rĂ©serve, les manifestations obligatoires des Jeunesses hitlĂ©riennes et des Jeunesses allemandes (Deutsches Jungvolk) Ă©taient dĂ©libĂ©rĂ©ment programmĂ©es les dimanches avant-midi, pour retenir les enfants et les jeunes de se rendre Ă lâĂ©glise. Pendant les offices religieux, les Jeunesses hitlĂ©riennes faisaient leurs exercices directement Ă cĂŽtĂ© des Ă©glises.
Câest en lâannĂ©e 1941 que furent prises Ă lâencontre de la BK les mesures de persĂ©cution jusque-lĂ les plus dures : lâĂglise nationale, Ă laquelle appartenaient dĂ©sormais les chefs de sept Ă©glises rĂ©gionales intactes, dĂ©stitua le tous les Juifs baptisĂ©s de leurs fonctions et finit donc par faire appliquer dans les Ă©glises le paragraphe sur les Aryens. La VKL, lâĂ©vĂȘque rĂ©gional du Wurtemberg Wurm et le consistoire prussien protestĂšrent contre cette dĂ©stitution, celle-ci Ă©tant, selon eux, « incompatible avec la profession de foi de lâĂglise ». Le commandement du baptĂȘme du Christ ne reconnaĂźt pas de limites de race ; si la loi Ă©tait appliquĂ©e, il faudrait exclure de lâĂglise tous les apĂŽtres et le Christ lui-mĂȘme. Ă cause de la guerre, et vu la scission intervenue entre-temps, la vague de protestation nâĂ©tait pas comparable, tant sâen faut, aux protestations de 1933.
Le parut une circulaire confidentielle de Martin Bormann, ordonnant lâĂ©limination complĂšte de tout moyen dâinfluence de lâĂglise. Les reprĂ©sentants de la VKL furent tous temporairement dĂ©tenus. Dix-huit pasteurs de la BK trouvĂšrent la mort dans des camps de concentration ou furent assassinĂ©s lors dâinterrogatoires ou dâautre façon. De mĂȘme, les directeurs du bureau dâentraide GrĂŒber pour Juifs et Juifs chrĂ©tiens, Heinrich GrĂŒber (en) (1891â1975) et son successeur Werner Sylten (de) (1893â1942), un Juif chrĂ©tien, furent tour Ă tour, en 1940 et en 1941, enfermĂ©s dans des camps de concentration. Sylten fut tuĂ© le dans le centre dâextermination de Hartheim, prĂšs de Linz, vraisemblablement gazĂ© en mĂȘme temps que dâautres Juifs.
Dans le pays de la Warthe occupĂ© (rĂ©gion de PoznĂĄn), Alfred Rosenberg entreprit de convertir, sur ordre du Pouvoir, et en guise dâessai, la structure de lâĂglise protestante en une structure assujettie au droit dâassociation. Quelque 2 000 prĂȘtres catholiques polonais furent incarcĂ©rĂ©s, dont 1 300 environ pĂ©rirent dans des camps de concentration allemands ou y furent assassinĂ©s.
AprĂšs le dĂ©cĂšs de Kerrl le , Muhs acquit un pouvoir accru sur la gestion financiĂšre de lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne. Il fit geler le salaire de beaucoup de pasteurs, de telle façon quâen fussent touchĂ©s surtout les titulaires de la BK, de sorte que ceux-ci ne pouvaient plus que fort pĂ©niblement, moyennant des dons volontaires, poursuivre leur travail. Au cours de cette phase apparurent, dans les communes de la BK, des formes nouvelles de prĂ©dication autonome, comportant des soutiens aux sermons illĂ©gaux, des feuillets pour lâinstruction des catĂ©chumĂšnes, des activitĂ©s de jeunesse, etc. Une partie des pasteurs BK travaillant illĂ©galement obtint aprĂšs mutation un nouveau poste lĂ©gal dans lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne.
Ă partir de 1942, les Juifs vivant parmi les chrĂ©tiens dans le cadre de mariages mixtes furent Ă leur tour persĂ©cutĂ©s ; les bureaux dâaide intensifiĂšrent leur activitĂ© consultative. En 1944, il apparut quâun de leurs collaborateurs dirigeants, le Dr. Erwin Goldmann, Ă©tait un mouchard de la SS, en consĂ©quence de quoi les bureaux furent fermĂ©s.
AprĂšs 1943, le travail ecclĂ©sial tout entier ne pouvait plus ĂȘtre maintenu en ordre de marche quâavec des laĂŻcs, lesquels dĂ©ployaient dorĂ©navant une activitĂ© considĂ©rable. Les vicaires devinrent des pasteurs de plein exercice. Ă lâautomne 1944, un rapprochement organisationnel eut lieu entre ce qui restait de la BK et la confĂ©rence des Dirigeants des Ăglises, qui jeta le germe dâune refondation de lâĂglise Ă©vangĂ©lique aprĂšs la guerre.
Depuis la confĂ©rence de Wannsee de , la rumeur de lâexistence de camps dâextermination Ă lâest se rĂ©pandait progressivement dans le Reich. LâĂ©vĂȘque Wurm garde publiquement le silence Ă ce sujet et sâabstint de dĂ©nier toute lĂ©gitimitĂ© Ă la persĂ©cution des Juifs organisĂ©e par le Pouvoir. Mais il dĂ©nonce, dans de nombreuses lettres et requĂȘtes aux autoritĂ©s nazies, lâinjustice commise : « Le fait de tuer sans nĂ©cessitĂ© militaire et sans sentence prĂ©alable est contraire au commandement de Dieu, mĂȘme si lâordre en Ă©mane des autoritĂ©s lĂ©gales. » En , il Ă©crivit Ă Hitler personnellement, le priant de sâopposer Ă la « persĂ©cution et lâextermination de non aryens » : « Ces desseins, de mĂȘme que les autres mesures de destruction prises Ă lâencontre dâautres non aryens, sont en contradiction absolue avec le commandement de Dieu. » Il est Ă craindre sinon, estime Wurm, que les « aryens privilĂ©giĂ©s » ne finissent aussi par ĂȘtre traitĂ©s de semblable façon. Wurm croyait manifestement, avec naĂŻvetĂ©, comme beaucoup Ă cette Ă©poque, que le FĂŒhrer Ă©tait totalement ignorant des camps dâextermination.
Le synode de lâĂglise confessante de la Vieille Prusse fut seul Ă souligner publiquement, lors de sa confĂ©rence annuelle Ă Breslau le , que le commandement de Dieu « Tu ne tueras point » doit sâappliquer Ă©galement en temps de guerre. Cela vaut aussi pour « la maniĂšre indirecte de tuer, consistant Ă priver son prochain de lâespace nĂ©cessaire pour vivre », p.ex. « par la dĂ©privation de nourriture et de vĂȘtements ». La justice divine ne connaĂźt pas de notions telles que « exterminer », « liquider » et « vie sans valeur » : « DĂ©truire des Hommes, pour la seule raison quâils appartiennent Ă la famille dâun criminel, sont ĂągĂ©s ou souffrent de maladie mentale, ou font partie dâune autre race, ce nâest pas faire bon usage du glaive que Dieu a mis Ă la disposition des autoritĂ©s. » Pour la journĂ©e de PĂ©nitence et de PriĂšre, ce synode Ă©crivit Ă ses communes : « Malheur Ă nous et Ă notre peuple, si celui-ci tient pour lĂ©gitime de tuer des gens au motif quâils seraient Ă considĂ©rer comme indignes de vivre ou quâils appartiennent Ă une autre race, lorsque se rĂ©pandent la haine et la cruautĂ©. » Ces deux paroles furent jusquâĂ la fin de la guerre les seules prises de position publiques de la BK relatives Ă lâholocauste. Elle non plus ne nommait les Juifs directement et ne mettait en question en tant que telle la notion de race, mais Ă©tait cependant sans Ă©quivoque Ă condamner lâextermination sur base raciale.
Dietrich Bonhoeffer joua un rĂŽle particulier dans le Kirchenkampf : sâil professait, lors des formations clandestines de pasteurs de la BK, au sĂ©minaire de Finkenwalde, une stricte imitation du Christ, il prit nĂ©anmoins part dans le mĂȘme temps dĂšs 1937 aux prĂ©paratifs conspirateurs visant Ă assassiner Hitler. Sa motivation Ă©tait â Ă la diffĂ©rence de celle de la plupart des rĂ©sistants regroupĂ©s dans le Kreisauer Kreis autour de Hans Oster et Hans von Dohnanyi â de stopper lâholocauste des Juifs. Ă cette fin, il Ă©tait aussi en faveur de lâemploi de la violence contre les autoritĂ©s de lâĂtat. AprĂšs son incarcĂ©ration, la direction de la BK ne lâinclut point dans les priĂšres en faveur des membres incarcĂ©rĂ©s de la BK, et prit strictement ses distances dâavec lui aprĂšs que fut connue sa participation Ă lâattentat du 20 juillet 1944.
« Désobéissance biblique »
Outre ceux qui agissaient dans le Kirchenkampf de façon plus ou moins ouverte, il y avait d'autre part en de nombreux endroits une dĂ©sobĂ©issance dâinspiration biblique. En particulier, dans les milieux piĂ©tistes et dans le cadre du YMCA, des cours bibliques et des activitĂ©s de jeunesse se tenaient dans la clandestinitĂ© dans toute une sĂ©rie de communes jusquâau printemps 1945. Mais dĂšs avant la guerre, lâon assista Ă un certain nombre de dĂ©sobĂ©issances isolĂ©es. Un exemple de dĂ©sobĂ©issant Ă©tait Theodor Roller. En tant que chrĂ©tien, il refusa systĂ©matiquement de prĂȘter le serment hitlĂ©rien et qualifiait celui-ci de menteur. Cela lui valut dâĂȘtre internĂ© pendant six ans dans lâĂ©tablissement psychiatrique de Weissenau[6].
Conséquences
En Allemagne
Ă travers lâaveu de culpabilitĂ© de Stuttgart dâ, les Ă©glises rĂ©gionales Ă©vangĂ©liques sâefforcĂšrent de trouver la base dâune refondation commune. Les autoritĂ©s dâoccupation laissĂšrent aux Ăglises elles-mĂȘmes le soin de la dĂ©nazification interne, de sorte que lâon assista, dans lâimmĂ©diat aprĂšs-guerre, Ă une ample vague de rĂ©habilitation des chrĂ©tiens naguĂšre nazis ou simples suiveurs. La parole de Darmstadt de 1947 fut promptement oubliĂ©e et nâeut pas au sein de la lâĂglise Ă©vangĂ©lique dâAllemagne dâeffet en largeur.
Dans lâĂ©glise Ă©vangĂ©lique dâEssen-Werden se trouve une verriĂšre remarquable, la FenĂȘtre du Kirchenkampf, qui fut crĂ©Ă©e puis installĂ©e dans la conque nord de cette Ă©glise par les anciens membres de la Commune confessante aprĂšs leur retour dans leur communautĂ© religieuse, aprĂšs que celle-ci eut cessĂ© dâĂȘtre dominĂ©e par les Deutsche Christen. Cette fenĂȘtre contient une rĂ©fĂ©rence au 1 TimothĂ©e 6,12[7] - [8]:"Combats le bon combat de la foi, assure-toi la vie Ă©ternelle en vue de laquelle tu as Ă©tĂ© appelĂ© et as fait la belle confession (de foi) devant un grand nombre de tĂ©moins.".
Dâun point de vue ecclĂ©siologique, le Kirchenkampf reprĂ©sente un tournant dans la conception Ă©vangĂ©lique de ce quâest lâĂglise et le droit ecclĂ©siastique. Lâon avait gĂ©nĂ©ralement fait jusque-lĂ , dans la thĂ©ologie Ă©vangĂ©lique, une stricte sĂ©paration entre dâune part lâĂglise en tant que CommunautĂ© des Saints et Corps du Christ sur terre, et dâautre part lâĂglise en tant quâinstitution. La conviction quâil importe grandement de savoir qui dirige les Ăglises rĂ©gionales et dans quel esprit a gagnĂ© en importance dans la lutte contre la Gleichschaltung et contre les Deutsche Christen. La conception ecclĂ©siologique des Ăglises Ă©vangĂ©liques tend depuis lors Ă emprunter un chemin mitoyen entre la vision catholique, selon laquelle l'institution est constitutive de lâĂglise, et une reprĂ©sentation de lâĂglise totalement spiritualisĂ©e.
Dans le mouvement ĆcumĂ©nique
Câest par les activitĂ©s ĆcumĂ©niques de Dietrich Bonhoeffer et de quelques conspirateurs du quâexistaient des contacts avec les Ăglises dâautres pays, en particulier chez les AlliĂ©s. GrĂące Ă cela, les Ăglises dâAllemagne purent Ă lâissue du Kirchenkampf se rĂ©intĂ©grer relativement vite dans la communautĂ© ĆcumĂ©nique mondiale.
Notes et références
- Le mot "Ă©vangĂ©lique" fait ici rĂ©fĂ©rence aux Ăvangiles et non Ă l'Ă©vangĂ©lisme. Il a Ă©tĂ© adoptĂ© en 1817 comme terminologie par le roi de Prusse FrĂ©dĂ©ric-Guillaume III lors de sa dĂ©cision de fusionner les Ă©glises luthĂ©riennes et rĂ©formĂ©es dans ses Ătats, pour former l'Ăglise Ă©vangĂ©lique de l'Union prussienne.
- (en) « Martin Bormann », Jewish Virtual Library (consulté le )
- Allusion aux catilinaires oĂč CicĂ©ron dĂ©nonce les tentatives de prise du pouvoir de Catilina ("Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra?").
- Gutachten des Instituts fĂŒr Zeitgeschichte (Munich 1958), p. 364
- Schriften des Initiativkreises katholischer Laien und Priester in der Diözese Augsburg e.V.: « Der Kampf um das Schulkreuz in der NS-Zeit und heute »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?) (consulté le ) 1re édition 2003, Prof. Dr Konrad Löw
- Hans-Joachim Lang: Als Christ nenne ich Sie einen LĂŒgner. Theodor Rollers Aufbegehren gegen Hitler; Hamburg: Hoffmann und Campe, 2009; (ISBN 3455501044).
- « Kirchenkampffenster (accÚs mars 2009) »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?) (consulté le )
- aquisData GmbH Aachen, « Forschungsstelle Glasmalerei des 20. Jahrhunderts e.V. », sur glasmalerei-ev.de (consulté le ).
Bibliographie
- Sources
- Hans-Walter Krumwiede u.a. (Herausgeber): Kirchen- und Theologiegeschichte in Quellen. Neuzeit, 2. Teil. Neukirchener Verlag 1979
- Joachim Beckmann (Hrsg.): Kirchliches Jahrbuch fĂŒr die evangelischen Kirchen in Deutschland 1933â1944. 2. Auflage 1976
- Hans Boberbach (Hrsg.): Berichte des SD und der Gestapo ĂŒber Kirchen und Kirchenvolk in Deutschland 1933â1944. Mainz 1971
- C. Nikolaisen, G. Kretschmar (Hrsg.): Dokumente zur Kirchenpolitik des Dritten Reiches. 1. Band 1933â1935, Munich, 2e Ă©dition, 1975
- Descriptions dâensemble
- Kurt Meier: Der evangelische Kirchenkampf. 3 tomes
- Tome 1: Der Kampf um die âReichskircheâ Halle 1976.
- Tome 2: Gescheiterte Neuordnungsversucheim Zeichen staatlicher âRechtshilfeâ. Halle 1976.
- Tome 3: Im Zeichen des zweiten Weltkrieges. Halle 1984.
- Klaus Scholder: Die Kirchen und das Dritte Reich., tomes 1â3
- Tome 1 : Vorgeschichte und Zeit der Illusionen, 1918â1934. Berlin 1977
- Tome 2 : Das Jahr der ErnĂŒchterung 1934. Berlin 1985
- Tome 3 : von Gerhard Besier: Spaltungen und AbwehrkĂ€mpfe 1934â1937. Berlin 2001
- Ernst Wolf: Kirchenkampf. Artikel in Die Religion in Geschichte und Gegenwart, 3e Ă©dition, 1959, S. 1443â1453
- Aspects particuliers
- Friedrich BaumgÀrtel: Wider die Kirchenkampf-Legenden Freimund, Neuendettelsau 1976 (zuerst 1959) (ISBN 3-7726-0076-X)
- Wolfgang Gerlach: Als die Zeugen schwiegen. Bekennende Kirche und die Juden Institut Kirche und Judentum, Berlin 1993, (ISBN 3-923095-69-4)
- Johannes Hartlapp: Siebenten-Tags-Adventisten im Nationalsozialismus, unter BerĂŒcksichtigung der geschichtlichen und theologischen Entwicklung in Deutschland von 1875 bis 1950 Reihe: KKR 53. V&R unipress, Göttingen 2008 (ISBN 3-89971-504-7)
- John-Stucke, Kirsten & Krenzer, Michael & Wrobel, Johannes: Zwölf Jahre, zwölf Schicksale. Fallbeispiele zur NS-Opfergruppe Jehovas Zeugen in Nordrhein-Westfalen Arbeitskreis der NS-GedenkstĂ€tten in NRW, MĂŒnster/W. 2006 (ohne ISBN) Notation DDC (Dewey Decimal Classification) 940.531808828992 (DDC 22ger)
- Johannes NeuhÀusler: Kreuz und Hakenkreuz. Der Kampf des Nationalsozialismus gegen die katholische Kirche und der kirchliche Widerstand, Katholische Kirche Bayerns, Munich, 1946
- Hans Prolingheuer: Kleine politische Kirchengeschichte. 50 Jahre evangelischer Kirchenkampf von 1919 bis 1969 Pahl-Rugenstein, Cologne, 1984 (ISBN 3-7609-0870-5)
- Hans Prolingheuer: Wir sind in die Irre gegangen. Die Schuld der Kirche unterm Hakenkreuz, Cologne, 1987 (ISBN 3-7609-1144-7)
- Klaus Scholder: Die Kirchen zwischen Republik und Gewaltherrschaft. Gesammelte AufsĂ€tze UngekĂŒrzte und korr. Ausgabe der Erstausgabe 1988 (Hgg. Karl Otmar von Aretin & Gerhard Besier) Ullstein, Berlin 1991 (ISBN 3-548-33148-3)
- Leonore Siegele-Wenschkewitz: Nationalsozialismus und Kirchen. Religionspolitik von Partei und Staat bis 1935, DĂŒsseldorf, 1974
- Marikje Smid: Deutscher Protestantismus und Judentum 1932/1933 Christian Kaiser, Munich, 1990 (ISBN 3-459-01808-9)
Liens externes
- The Nazi master plan, journal of law and religion
- Werner Koch: Der Kampf der Bekennenden Kirche im Dritten Reich; BeitrĂ€ge zum Widerstand 1933â1945, Heft 4; Berlin: GedenkstĂ€tte Deutscher Widerstand, 2001 (= 19885; PDF-Datei; 1,85 MB)
- Manfred Kock: Kirchenkampf und Antisemitismus - Die Haltung der protestantischen Landeskirchen zum Judentum in der NS-Zeit (Vortrag in Bad Segeberg)