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Juge d'instruction en France

Un juge d'instruction est, en France, un magistrat de l'ordre judiciaire chargĂ© d'instruire[1] Ă  charge et Ă  dĂ©charge les procĂ©dures pĂ©nales. La loi lui confĂšre donc un rĂŽle de direction des enquĂȘtes voire d'enquĂȘteur (il dĂ©termine la stratĂ©gie et les orientations d'enquĂȘte, les investigations Ă  effectuer, et peut rĂ©aliser lui-mĂȘme les actes d'enquĂȘte) ainsi qu'un rĂŽle juridictionnel (mise en examen lorsqu'il existe des indices graves ou concordants contre une personne ; apprĂ©ciation des suites Ă  donner Ă  l'instruction : renvoi devant une juridiction ou non-lieu).

Juge d'instruction
Codes
ROME (France)
K1904

Il ne peut pas se saisir d'office et ne peut effectuer d'enquĂȘte que dans la stricte limite de sa saisine, cette limite Ă©tant fixĂ©e par le procureur de la RĂ©publique, mĂȘme si les poursuites interviennent Ă  la demande de la victime (cf. infra). Cela s'explique par le principe de l'opportunitĂ© des poursuites, confĂ©rĂ© par la loi au procureur de la RĂ©publique, ainsi que par l'interdiction sauf exception, pour un magistrat de se saisir d'office car cela pourrait remettre en cause son impartialitĂ©.

DĂšs lors qu'un juge d'instruction est saisi, il est selon la loi seul compĂ©tent pour effectuer les actes d'enquĂȘte (perquisitions, surveillances, constatations...) et les services d'enquĂȘte (police ou gendarmerie) sont alors dessaisis Ă  son profit. NĂ©anmoins, compte-tenu du nombre d'affaires qu'il gĂšre (une centaine, en moyenne), il n'est pas envisageable qu'il puisse effectuer lui-mĂȘme chaque acte d'enquĂȘte, faute de temps et de moyen. Il peut donc faire appel Ă  des officiers de police judiciaire pour effectuer les investigations, Ă  qui il dĂ©lĂšgue ses pouvoirs par le biais de commissions rogatoires. Il dĂ©cide du service d'enquĂȘte qu'il veut saisir (police ou gendarmerie ; service de police ou de gendarmerie spĂ©cialisĂ© ou non...). Il ne peut nĂ©anmoins dĂ©lĂ©guer certains de ses pouvoirs les plus importants et notamment l'interrogatoire d'une personne mise en examen (celle-ci ne peut plus ĂȘtre placĂ©e en garde Ă  vue et ne peut ĂȘtre entendue que par le juge d'instruction). Seul le juge d'instruction peut ordonner des expertises et procĂ©der Ă  certaines perquisitions (avocats, notaires, mĂ©decins...).

Il effectue son enquĂȘte Ă  charge et Ă  dĂ©charge et apprĂ©cie les demandes d'actes des avocats de la dĂ©fense ou de la partie civile. Si son enquĂȘte aboutit Ă  des charges suffisantes sur certains chefs de poursuites, il rend une ordonnance de renvoi devant les juridictions pĂ©nales. Sinon, il rend une ordonnance de non-lieu. La plupart des ordonnances sur des affaires complexes sont mixtes (renvoi partiel ou non-lieu partiel) et interviennent frĂ©quemment au fur et Ă  mesure de l'avancement de l'instruction.

Le juge d'instruction peut ĂȘtre affectĂ© Ă  un pĂŽle criminel suivant le tribunal dans lequel il se trouve.

Historique

Le juge d’instruction est la principale figure du modùle à dominante inquisitoire français.

AprĂšs la RĂ©volution française de 1789, la procĂ©dure pĂ©nale pour les crimes est exercĂ©e par un jury d’accusation et un jury de jugement (qui deviendra la cour d’assises).

En 1808, l'empereur des Français NapolĂ©on Ier, dans le code d'instruction criminelle supprime le jury d’accusation pour le remplacer par le juge d’instruction. Une loi du crĂ©e la dualitĂ© de fonction d’enquĂȘteur et de juge (dĂ©tention prĂ©ventive). En 1958, l’adoption du nouveau code de procĂ©dure pĂ©nale supprime le lien de subordination entre le juge et le ministĂšre public, le magistrat instructeur devenant un vĂ©ritable magistrat du siĂšge, et donc indĂ©pendant et inamovible. Une chambre d’accusation est crĂ©Ă©e[2] - [3].

En 2000, la loi renforçant la protection de la prĂ©somption d'innocence et les droits des victimes crĂ©Ă©e le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, ce qui a pour effet de retirer au juge d’instruction un certain nombre de pouvoirs, dont celui du placement en dĂ©tention provisoire. La chambre d’accusation devient chambre de l'instruction.

Depuis les annĂ©es 1980, plusieurs rĂ©formes ont Ă©tĂ© engagĂ©es pour remplacer le juge d’instruction par une instance collĂ©giale, ou pour le supprimer, mais aucune n’a pour l'instant abouti.

En Europe, l'Allemagne et l'Italie ont supprimé le juge d'instruction dans les années 1980. En Espagne, il existe un juge d'instruction comparable au modÚle français.

RÎle du juge d'instruction dans la procédure pénale française

Principe

Le juge d'instruction a pour mission de faire « tout acte utile Ă  la manifestation de la vĂ©ritĂ© ». ConcrĂštement, sa mission est donc de mener une enquĂȘte (« l'instruction »). Si le juge d'instruction rĂ©unit suffisamment d'Ă©lĂ©ments Ă  charge contre une personne, il peut ordonner la tenue d'un procĂšs pour que cette personne soit jugĂ©e par un tribunal. S'il ne rĂ©unit pas suffisamment d'Ă©lĂ©ments contre la personne, il peut ordonner le non-lieu : son enquĂȘte s'arrĂȘte et aucun procĂšs n'aura lieu.

Afin de mener Ă  bien sa mission, le juge d'instruction dispose de pouvoirs d'enquĂȘte trĂšs Ă©largis. Depuis la loi no 2000-516 du , le juge d'instruction doit demander au juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention (JLD) le placement d'un suspect en dĂ©tention provisoire. C'est le prĂ©sident du tribunal judiciaire qui va dĂ©signer le juge d'instruction. Cette dĂ©signation a soulevĂ© un contentieux important pour savoir si l'on pouvait exercer une voie de recours. L'article 83-2 considĂšre qu'il s'agit d'une mesure d'administration judiciaire de ce fait insusceptible d'une voie de recours, sauf dans le rare cas d'un pourvoi pour excĂšs de pouvoir.

Saisine

Un juge ne peut pas s'autosaisir et dĂ©cider seul d'enquĂȘter. Il est en effet saisi par le parquet ou par une victime qui se constitue partie civile. Il ne peut enquĂȘter que sur les faits matĂ©riels dont il est saisi (in rem). Il y a, Ă  cela, une double justification : d'une part, en France, c'est le procureur de la RĂ©publique qui a la maĂźtrise des enquĂȘtes et des poursuites, le juge d'instruction n'intervenant que par exception. En effet, le principe de l'opportunitĂ© des poursuites prĂ©vu par le code de procĂ©dure pĂ©nale confĂšre un monopole quasi exclusif au procureur de la RĂ©publique de dĂ©cider des suites Ă  donner aux infractions qui sont portĂ©s Ă  sa connaissance. Par consĂ©quent, c'est le procureur qui dĂ©cide seul des infractions dont est saisi le juge d'instruction et ce dernier, s'il a connaissance de nouveaux faits, doit en aviser le parquet qui dĂ©cidera des suites Ă  y donner en application du principe prĂ©citĂ©. D'autre part, l'autre raison de ce systĂšme est que les rĂšgles de saisine du juge d'instruction obĂ©issent au principe d'interdiction pour un magistrat du siĂšge de se saisir d'office — hormis quelques exceptions. En effet, si le juge pouvait s'auto-saisir des faits dont il avait connaissance, cela pourrait remettre en cause son impartialitĂ©.

RĂ©guliĂšrement, des dĂ©bats polĂ©miques animent la vie publique quant au fonctionnement d'un tel systĂšme. Il est souvent citĂ© l'exemple selon lequel le procureur de la RĂ©publique pourrait ĂȘtre tentĂ© de ne pas confier une enquĂȘte sensible Ă  un juge d'instruction afin de ne pas perdre la main sur celle-ci, notamment dans le cas d'affaires politiques. Cette critique s'expliquerait par la hiĂ©rarchisation du parquet, et la subordination des procureurs au ministre de la justice et in fine au pouvoir politique en place. Cette analyse doit toutefois ĂȘtre Ă©cartĂ©e. Le lien de subordination hiĂ©rarchique entre les magistrats du parquet et le ministre de la justice n'est qu'indirect dans la mesure oĂč ce dernier ne peut leur donner que des directives gĂ©nĂ©rales de politique pĂ©nale. Il est strictement interdit au ministre de la justice de donner des directives individuelles, Ă  un magistrat en particulier, dans une affaire particuliĂšre : ainsi, il n'est pas possible d'enjoindre Ă  un procureur de classer sans suite une affaire, ou de ne pas saisir un juge d'instruction. En tout Ă©tat de cause, si le procureur de la RĂ©publique ne souhaite pas ouvrir une information judiciaire et que l'affaire est classĂ©e sans suite, il est toujours possible pour la victime directe, ou une association dans certains cas, de saisir le juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile.

En dĂ©finitive, le juge d'instruction n'enquĂȘte que sur les faits pour lesquels le parquet lui demande d'enquĂȘter, ou si des victimes existent et se constituent partie civile.

En ce qui concerne la compétence du juge d'instruction, l'article 52 du code de procédure pénale est assez large en désignant quatre lieux de compétence :

  • le lieu de la commission de l'infraction ;
  • le lieu oĂč rĂ©side le suspect ;
  • le lieu d'arrestation du suspect ;
  • le lieu de dĂ©tention du suspect.

S'il ne s'estime pas compétent, l'article 90 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction peut se déclarer incompétent.

Dessaisissement

Cette notion ne doit pas ĂȘtre confondue avec celle de « remplacement » : le juge d'instruction peut parfaitement ĂȘtre remplacĂ© s'il est en Ă©tat d'empĂȘchement. Le remplacement peut alors ĂȘtre temporaire ou dĂ©finitif.

La Cour de cassation est l'unique instance habilitĂ©e Ă  prononcer le dessaisissement du dossier d'un juge d'instruction. Seuls le procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la cour d'appel ou le procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation sont habilitĂ©s Ă  la saisir. Le prĂ©sident du tribunal judiciaire peut prononcer le dessaisissement du juge, pour des motifs de bonne administration de la justice, de plus, un dossier peut lui ĂȘtre enlevĂ© si celui-ci fait preuve d'une partialitĂ© avĂ©rĂ©e envers le suspect. Ces derniers peuvent agir de leur propre chef ou Ă  la demande des parties. Normalement, le dessaisissement se fait par une ordonnance de clĂŽture de l'instruction.

Le dessaisissement peut ĂȘtre volontaire ou involontaire :

  • Le dessaisissement peut ĂȘtre volontaire dans le cadre de l'article 657 du code de procĂ©dure pĂ©nale : Si deux juges d'instruction sont simultanĂ©ment saisis de la mĂȘme infraction, c'est une litispendance. Dans ce cas-lĂ , le ministĂšre public peut, dans l'intĂ©rĂȘt d'une bonne administration de la justice, demander Ă  l'un des deux juges de se dessaisir. Le ministĂšre n'a ici qu'une simple facultĂ©. C'est un pouvoir discrĂ©tionnaire. L'article 663 du code de procĂ©dure pĂ©nale prĂ©voit le cas de figure oĂč l'on a deux juges d'instruction qui sont saisis d'infractions connexes ou d'infractions diffĂ©rentes en raison desquelles une mĂȘme personne est mise en examen.
  • Le dessaisissement peut ĂȘtre imposĂ© par l'article 657 du code de procĂ©dure pĂ©nale : en cas de refus des deux juges, on met en place une procĂ©dure de rĂšglement des juges, il va falloir prendre une procĂ©dure pour dĂ©cider quel est le juge qui va ĂȘtre dessaisi de l'affaire. L'article 84 du code de procĂ©dure pĂ©nale vise une hypothĂšse de dessaisissement exceptionnel demandĂ© soit par le procureur de la RĂ©publique par une requĂȘte motivĂ©e soit Ă  la demande des parties. La dĂ©cision est insusceptible de recours. L'article 662 du code de procĂ©dure pĂ©nale dispose que la chambre criminelle de la Cour de cassation peut dessaisir le juge d'instruction en cas de suspicion lĂ©gitime.

Indépendance

En contrepartie, le juge est libre d'enquĂȘter comme il l'entend. Personne ne peut lui donner d'ordres et il est libre de mener les investigations qu'il juge utiles. Cette indĂ©pendance n'est pas sans contrĂŽle : il y a plusieurs rĂšgles applicables. D'abord, « le juge instruit Ă  charge et Ă  dĂ©charge » (code de procĂ©dure pĂ©nale : article 81[4]). Le juge doit Ă©galement instruire dans un dĂ©lai raisonnable (code de procĂ©dure pĂ©nale : article 175-2[5]).

Par ailleurs, l'activité du juge d'instruction est soumise à plusieurs contrÎles, notamment celui de la chambre de l'instruction. En outre, les parties (mis en examen, partie civile) et le procureur de la République peuvent interjeter appel de certains actes pris par le juge d'instruction. Il leur est également possible de demander au juge qu'il procÚde à des investigations. Le magistrat instructeur peut refuser mais doit justifier par écrit sa décision, laquelle est susceptible d'appel.

Pouvoirs d'enquĂȘte

L'article 81 du code de procĂ©dure pĂ©nale dispose que le juge d'instruction peut prendre tous les actes d'information qu'il juge utiles Ă  la manifestation de la vĂ©ritĂ©. Le juge d'instruction est l'enquĂȘteur qui dispose du plus de pouvoirs selon la loi : il peut procĂ©der Ă  l'audition de toute personne, faire comparaĂźtre les tĂ©moins par la force publique (gĂ©nĂ©ralement : police nationale et gendarmerie), dĂ©cerner des mandats, entendre les parties civiles et les mis en examen, dĂ©signer des experts, procĂ©der Ă  des perquisitions et des saisies, ordonner des Ă©coutes tĂ©lĂ©phoniques, des sonorisations, des gĂ©olocalisations, des reconstitutions


Toutefois, en pratique, faute de temps, la majoritĂ© de ces actes est confiĂ©e par le juge d'instruction aux officiers de police judiciaire, par le mĂ©canisme de la commission rogatoire qui est une dĂ©lĂ©gation de pouvoirs. Le mĂ©canisme de la commission rogatoire n'est toutefois pas une obligation pour le juge d'instruction qui peut rĂ©aliser personnellement tous les actes d'enquĂȘte, Ă  part le placement en garde Ă  vue qui est une prĂ©rogative propre des officiers de police judiciaire.

En revanche le magistrat instructeur est seul Ă  pouvoir dĂ©signer des experts par le biais d'ordonnances de commission d'expert, ce pouvoir ne pouvant faire l'objet d'une dĂ©lĂ©gation de compĂ©tence. De mĂȘme, la partie civile et le mis en examen ne peuvent ĂȘtre entendus que par le juge d'instruction sauf rares exceptions (notamment si la partie civile accepte d'ĂȘtre entendue sur commission rogatoire).

L'essentiel du travail du juge d'instruction consiste Ă  :

  • Diriger l'enquĂȘte (en rencontrant les enquĂȘteurs, en lançant des commissions rogatoires, des expertises
) en veillant Ă  ce que celle-ci soit effectuĂ©e Ă  charge et Ă  dĂ©charge. La stratĂ©gie d'enquĂȘte appartient donc au juge d'instruction qui dĂ©cide du moment opportun pour les interpellations, perquisitions
 Le juge d'instruction peut ainsi se rendre sur place pour contrĂŽler la bonne exĂ©cution des commissions rogatoires qu'il dĂ©livre ;
  • Interroger les mis en examen, auditionner les parties civiles et tĂ©moins, organiser des confrontations. Dans ce cas, il prĂ©pare les interrogatoires et auditions, en lisant au prĂ©alable le dossier d'enquĂȘte, les Ă©lĂ©ments qu'il a rĂ©unis, pour ainsi rĂ©flĂ©chir aux questions Ă  poser, afin de provoquer les explications des personnes sur ces Ă©lĂ©ments ;
  • il est possible pour le juge d'instruction de procĂ©der lui-mĂȘme Ă  des perquisitions, des saisies notamment dans le cadre d'affaires particuliĂšrement sensibles. Dans ce cas, il peut se faire assister des officiers de police judiciaire ;
  • le juge d'instruction organise Ă©galement les reconstitutions.

Pouvoirs juridictionnels

Le juge d'instruction peut prononcer des mesures qui ont un caractĂšre juridictionnel, que ne peut donc prononcer un enquĂȘteur. Le juge d'instruction peut mettre en examen une personne, c'est-Ă -dire lui notifier qu'il existe contre elle un certain nombre d'Ă©lĂ©ments qui laissent Ă  penser qu'elle a commis une infraction. Selon la loi, la mise en examen correspond Ă  l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne a commis une infraction.

Le terme « inculpĂ© » a Ă©tĂ© remplacĂ© en 1994 par l'expression « mis en examen ». Le mis en examen peut ĂȘtre toute personne qui paraĂźt avoir participĂ© Ă  l'infraction, soit comme auteur, soit comme complice. Le juge d'instruction peut mettre en examen toute personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants d'avoir commis l'infraction faisant l'objet de sa saisine (la saisine du juge d'instruction n'est pas limitĂ©e in personam mais seulement in rem, c'est-Ă -dire quant aux faits commis). Si le juge d'instruction dĂ©couvre de nouveaux faits au cours de son enquĂȘte, il peut procĂ©der Ă  des actes d'enquĂȘte sommaires mais doit ensuite rapidement les porter Ă  la connaissance du procureur de la RĂ©publique. Ce dernier, en vertu du principe de l'opportunitĂ© des poursuites, pourra les classer sans suite, procĂ©der Ă  une alternative aux poursuites, poursuivre devant la juridiction de jugement...ou saisir ce mĂȘme juge d'instruction par le biais d'un rĂ©quisitoire supplĂ©tif (ou un autre juge d'instruction par rĂ©quisitoire introductif).

Le mis en examen a un certain nombre de droits, mais surtout peuvent peser contre lui des obligations. Le juge d'instruction peut le placer sous contrĂŽle judiciaire, c'est-Ă -dire lui intimer de respecter certaines obligations, comme se soigner ou encore ne pas rencontrer telle personne. Le juge d'instruction peut Ă©galement saisir un autre magistrat, le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, pour placer une personne en dĂ©tention provisoire. Depuis la loi Guigou sur la prĂ©somption d'innocence, entrĂ©e en vigueur le , le juge d'instruction ne peut plus dĂ©cider seul de placer une personne en prison. En effet, cette loi a instituĂ© un autre magistrat, le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, qui intervient Ă©galement, et qui prend, in fine, la dĂ©cision. Le juge d'instruction peut, par contre, toujours libĂ©rer quelqu'un qui est en dĂ©tention provisoire. Dans un arrĂȘt de la Chambre criminelle du , la Cour de cassation prĂ©cise que le juge d'instruction peut sans excĂ©der ses pouvoirs procĂ©der Ă  des actes qui, prĂ©sentant un caractĂšre non coercitif, lui permettent de conserver la situation. Il a donc la possibilitĂ© de prendre des mesures conservatoires mais pas celle d'exercer des pouvoirs invasifs. Il ne peut que conserver l'Ă©tat des choses.

Enfin, Ă  l'issue de l'enquĂȘte, le juge dĂ©cide s'il y a des charges suffisantes pour renvoyer les mis en examen devant un tribunal ou les mettre en accusation devant une cour d'assises. Autrement dit, les indices graves ou concordants ayant justifiĂ© la mise en examen doivent se transformer en charges suffisantes pour permettre le renvoi de la personne devant la juridiction de jugement. Le juge ne se prononce donc pas sur la culpabilitĂ© (car cela est du ressort d'un tribunal), mais simplement sur le caractĂšre suffisant des charges (y a-t-il suffisamment d'Ă©lĂ©ments pour permettre la tenue d'un procĂšs afin que ces Ă©lĂ©ments soient contradictoirement discutĂ©s par les parties devant un tribunal?). S'il n'y a pas assez de charges, le juge d'instruction rend une ordonnance de non-lieu. Il arrive aussi que l'on ne trouve pas le coupable. Si de nouveaux Ă©lĂ©ments Ă  charge apparaissent, alors qu'une ordonnance de non-lieu pour charges insuffisantes a Ă©tĂ© prise, le procureur de la RĂ©publique peut demander au juge d'instruction d'instruire Ă  nouveau l'affaire. Si le non-lieu a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© pour une cause lĂ©gale (les faits ne constituent pas une infraction, par exemple) l'ordonnance est irrĂ©vocable.

Le juge d'instruction pourra également prendre une ordonnance de refus d'informer si les faits sont radicalement insusceptibles de poursuites ou si l'action publique est prescrite. L'ordonnance de refus d'informer est susceptible d'appel. Le juge d'instruction aura la possibilité d'instruire sur des faits qui sont connexes ou sur des circonstances aggravantes.

S'il y a des charges suffisantes, le juge d'instruction rend une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel (ORTC) s'il s'agit de délits ou d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises (OMA) s'il s'agit de crimes.

CaractĂšre contradictoire de l'instruction

Par principe, l'instruction n'est pas contradictoire. Elle est en partie secrĂšte. Elle a Ă©tĂ© conçue sur un modĂšle strictement inquisitorial. Progressivement, elle a Ă©tĂ© modifiĂ©e pour devenir plus contradictoire, c'est-Ă -dire pour ouvrir la porte aux dĂ©bats pendant la phase d'enquĂȘte. En premier lieu, les mis en examen ont eu le droit Ă  un avocat en 1896, qui est prĂ©sent pendant les interrogatoires et a accĂšs au dossier. RĂ©cemment, les avocats ont eu le droit de faire des demandes d'investigations. Certaines dĂ©cisions du juge d'instruction sont susceptibles d'appel : refus de procĂ©der Ă  des investigations, dĂ©cisions de renvoi ou de non-lieu... L'appel est portĂ© devant une formation spĂ©ciale de la cour d'appel, la chambre de l'instruction.

La mission du juge est d'instruire Ă  charge et Ă  dĂ©charge en vue de parvenir Ă  la manifestation de la vĂ©ritĂ© (Code de procĂ©dure pĂ©nale : article 81[4]). Il doit rassembler des preuves afin de dĂ©terminer s'il existe des charges suffisantes contre un mis en examen. S'il estime qu'il existe suffisamment de preuves, il rend une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ou une ordonnance de mise en accusation (pour saisir la cour d'assises). À dĂ©faut de charges suffisantes, il rend une ordonnance de non-lieu, qui met fin Ă  la procĂ©dure.

Il joue le rĂŽle de filtre, au mĂȘme titre que le parquet, pour Ă©viter de saisir le tribunal d'affaires « injugeables ». Le juge dispose de moyens d'enquĂȘtes importants, juridiquement tout au moins, qui justifient qu'il soit saisi pour les affaires complexes ou graves.

Par rapport aux enquĂȘteurs de police ou de gendarmerie, il prĂ©sente plusieurs avantages : il est gĂ©nĂ©ralement plus qualifiĂ©, et connaĂźt mieux la procĂ©dure, il sait aussi comment raisonnent les autres magistrats du siĂšge et peut donc rĂ©unir un dossier oĂč ils pourront puiser les rĂ©ponses Ă  leurs questions. Par ailleurs, le juge d'instruction est un juge indĂ©pendant, ce qui empĂȘche que des enquĂȘtes ne soient ralenties par des pressions extĂ©rieures. En effet, le juge d'instruction est indĂ©pendant de l'État depuis la sĂ©paration des pouvoirs. Dans un souci d'indĂ©pendance et d'impartialitĂ©, les fonctions entre le procureur de la RĂ©publique et le juge d'instruction ont Ă©tĂ© bien dĂ©finies et sĂ©parĂ©es.

Recours

Modalités de la saisine

Les actes du juge d'instruction peuvent faire l'objet de deux types d'appel. Il existe tout d'abord une voie de l'appel dirigĂ©e contre les ordonnances qu'il Ă©met, et une voie de requĂȘte en nullitĂ©. Dans les deux cas, la saisine est ouverte aux parties de la procĂ©dure : le ministĂšre public, la personne poursuivie ou la victime si elle s'est constituĂ©e partie civile.

L'appel s'effectue auprÚs de la chambre d'instruction. Lorsqu'elle est saisie par la voie de l'appel (procédure classique), la saisine a un effet dévolutif, qui a pour effet de limiter l'examen de la chambre au point de droit contesté. La loi donne cependant à la chambre d'instruction un droit d'évocation qui lui permet, si elle le juge nécessaire, d'évoquer l'ensemble du dossier et non pas seulement le point de droit soumis par les parties.

La chambre de l'instruction

La chambre de l'instruction était autrefois la chambre d'accusation. Son nom a changé depuis la loi du .

Présente dans chaque cour d'appel, la chambre de l'instruction a pour fonction de contrÎler la décision que le juge d'instruction a prise en premiÚre instance. C'est une juridiction d'appel permettant aux parties d'avoir une appréciation à deux niveaux. Relevant de la cour d'appel, c'est une juridiction collégiale composée de trois magistrats : le président de la chambre de l'instruction et deux conseillers.

La chambre est une juridiction d'appel qui statue sur les décisions du juge d'instruction, sur les nullités invoquées contre les décisions du juge d'instruction et possÚde un pouvoir de révision de l'intégralité des décisions en matiÚre criminelle. Elle est garante de la durée des procédures d'instruction. Elle s'assure du bon fonctionnement de l'instruction et vérifie que les procédures ne subissent aucun retard injustifié. En matiÚre criminelle, la chambre peut user de son droit général de révision du dossier, droit n'intervenant que lorsque l'instruction est terminée.

La compétence de la chambre couvre le ressort de la cour d'appel dans laquelle elle est implantée.

Tribunal maritime commercial

Lorsqu'un délit ou une contravention relÚve de la compétence du tribunal maritime commercial, l'instruction est de la compétence de l'administrateur des affaires maritimes ou du commissaire rapporteur (article 36 ter[6]). Ces dispositions sont supprimées par la loi du 28 mai 2013.

Formation et nomination

Le juge d'instruction est un magistrat spĂ©cialisĂ© du siĂšge de l'ordre judiciaire et plus particuliĂšrement rattachĂ© au tribunal judiciaire[7]. À ce titre, c'est l'École nationale de la magistrature (ENM) qui a la tĂąche de former les magistrats français.

L'auditeur de justice, c'est-Ă -dire l'Ă©lĂšve magistrat Ă  l'ENM, doit suivre une formation probatoire de 31 mois le prĂ©parant Ă  toutes les fonctions (juge des enfants, juge civil, juge pĂ©nal, juge de l'application des peines, juge d'instruction) avant de pouvoir choisir pour sa premiĂšre affectation et ĂȘtre nommĂ© Ă©ventuellement juge d'instruction[8]. Les postes de juge d'instruction sont peu nombreux en sortie d'Ă©cole. Il en existe une dizaine sur une promotion de 300 auditeurs de justice et il est nĂ©cessaire d'ĂȘtre bien classĂ© et d'avoir eu de bons rĂ©sultats tout au long de la formation pour y prĂ©tendre.

Pour rentrer Ă  l'ENM en tant qu'auditeur de justice, il faut ĂȘtre minimum titulaire d'un master 1 (premier concours).

La spécificité du métier de magistrat fait que ses membres peuvent demander à changer de fonction. Ainsi, par exemple, un juge des contentieux de la protection pourra demander à devenir juge d'instruction (et inversement), juge des enfants, ou passer au parquet
 Dans le cas d'un changement de fonction, et si la nouvelle fonction n'a jamais été exercée avant, le magistrat devra suivre une formation théorique de transition dans les locaux parisiens de l'ENM[9].

DĂ©mographie professionnelle

En 2017, qu'importe les tranches d'ùge, la fonction de juge d'instruction ne semble pas touchée par la sexualisation[10].

Toujours en 2017, sur un total de 8 313 magistrats de l'ordre judiciaire, on dénombre 564 juges d'instruction, soit 6,8% des effectifs[10].

Notes et références

  1. Il travaille avant un éventuel procÚs pénal en vue de rassembler tous les éléments permettant de déterminer si les charges à l'encontre des personnes poursuivies sont suffisantes pour que celles-ci soient jugées.
  2. « Une page d'histoire - la création du juge d'instruction », sur Maßtre Eolas
  3. Tristan Maniglier, RĂ©former Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives,
  4. Article 81, al. 1 du code de procédure pénale - Légifrance
  5. art. 175-2 du code de procédure pénale - Légifrance
  6. Code disciplinaire et pénal de la marine marchande : Article 36 ter - Légifrance
  7. « Qu’est-ce qu’un juge d’instruction ? », sur http://www.vie-publique.fr/, (consultĂ© le )
  8. « Magistrats français » Formation initiale », sur http://www.enm.justice.fr/, (consulté le )
  9. « CHANGEMENTS DE FONCTION DES MAGISTRATS : QUELLE FORMATION ? », sur http://www.enm.justice.fr/, (consulté le )
  10. « INFOSTAT JUSTICE », sur http://www.justice.gouv.fr, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes

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