Homo heidelbergensis
Homo heidelbergensis (prononciation /omo ajdÉlbÉÊÉĄÉnsis/) est une espĂšce Ă©teinte du genre Homo, qui a vĂ©cu au PlĂ©istocĂšne moyen, entre environ 700 000 et 220 000 ans avant le prĂ©sent (AP). Il est considĂ©rĂ© comme l'ancĂȘtre probable de l'Homme de NĂ©andertal et de l'Homme de Denisova.
L'holotype d'Homo heidelbergensis est la mandibule de Mauer, découverte en 1907 dans une sabliÚre prÚs de Heidelberg, dans le Bade-Wurtemberg, en Allemagne. Elle fut décrite en 1908 par Otto Schoetensack[1]. Plusieurs fossiles ou ensembles de fossiles attribués à Homo heidelbergensis ont été découverts depuis 1907 dans différents pays.
DĂ©finition
L'espĂšce Homo heidelbergensis n'a actuellement pas de dĂ©finition consensuelle dans la communautĂ© scientifique. Pour une partie des chercheurs, ce taxon rassemble la plupart des fossiles europĂ©ens et africains de la premiĂšre moitiĂ© du PlĂ©istocĂšne moyen, en raison des ressemblances morphologiques entre les spĂ©cimens fossiles trouvĂ©s sur les deux continents[2] - [3]. Pour d'autres chercheurs, les fossiles europĂ©ens et africains du PlĂ©istocĂšne moyen doivent ĂȘtre classĂ©s dans des groupes diffĂ©rents, soit parce qu'on trouve plus d'affinitĂ©s avec Homo sapiens chez les spĂ©cimens africains[4], soit parce qu'une divergence phylogĂ©nĂ©tique prĂ©sumĂ©e devrait ĂȘtre sanctionnĂ©e par des appellations distinctes, mĂȘme si elle n'apparait pas clairement dans la morphologie. On trouve notamment dans ce deuxiĂšme groupe, prĂ©conisant la distinction Europe / Afrique par l'utilisation de l'appellation Homo rhodesiensis, l'Ă©quipe de chercheurs français du MusĂ©e de l'Homme, Ă Paris[5].
Le présent article ne traite que des fossiles européens du PléistocÚne moyen, les fossiles africains de cette période étant traités dans l'article Homo rhodesiensis.
Morphologie
Homo heidelbergensis présente une capacité crùnienne allant de 1 000 à 1 300 cm3.
La taille des individus Ă©tait d'environ 1,65 m pour les hommes et 1,55 m pour les femmes.
Position phylogénétique
Ascendance
Homo heidelbergensis, attesté en Europe à partir d'environ 700 000 ans AP, pourrait descendre d'une forme africaine encore non identifiée, qui serait passée en Europe au début du PléistocÚne moyen et aurait remplacé les formes locales, telles qu'Homo antecessor, plus ancienne espÚce humaine identifiée en Europe à ce jour[6].
Descendance
Eu égard aux ressemblances morphologiques entre Homo heidelbergensis et les Néandertaliens, Jean-Jacques Hublin et de nombreux chercheurs estiment que le premier a probablement évolué au cours du PléistocÚne moyen pour donner progressivement naissance aux Néandertaliens[7].
Les analyses gĂ©nĂ©tiques menĂ©es depuis 2010 par les Ă©quipes de Svante PÀÀbo, Ă l'Institut Max-Planck d'anthropologie Ă©volutionniste Ă Leipzig (Allemagne), sur des spĂ©cimens de la Sima de los Huesos, Ă Atapuerca, ainsi que sur des NĂ©andertaliens classiques et des DĂ©nisoviens, ont montrĂ© l'Ă©troite parentĂ© entre l'Homme de NĂ©andertal et l'Homme de Denisova, et ont Ă©valuĂ© l'Ăąge de leur dernier ancĂȘtre commun Ă environ 450 000 ans[8]. Homo heidelbergensis pourrait alors ĂȘtre l'ancĂȘtre commun de ces deux groupes humains.
Culture et mode de vie
L'industrie lithique acheuléenne apparait pour la premiÚre fois en Europe vers 760 000 ans avant le présent (AP) sur le site du Bois-de-Riquet, à Lézignan-la-CÚbe, dans l'Hérault (France), puis à partir de 700 000 ans AP sur le site de La Noira, à Brinay, dans le Cher, ainsi que sur plusieurs sites en Italie. Jean-Jacques Hublin rapproche cette apparition de celle des premiers Homo heidelbergensis identifiés en Europe. Il en tire l'idée que ce dernier aurait pu introduire en Europe la culture acheuléenne, alors répandue seulement en Afrique et en Asie.
Homo heidelbergensis se nourrissait notamment de viande acquise par la chasse. Il était apparemment capable de venir à bout du gros gibier, par exemple les chevaux (à Schöningen, Allemagne, 320 000 ans)[11], et le rhinocéros (à Boxgrove, Angleterre, 500 000 ans). On a trouvé à Schöningen des épieux, qui atteignaient jusqu'à 2,25 m de long, et des bùtons de jet utilisés pour la chasse.
Certains fragments osseux Ă©taient aussi utilisĂ©s comme outils de percussion (retouchoirs) pour la fabrication des outils en silex[12]. En 2020, des archĂ©ologues estiment avoir identifiĂ© les premiers outils en os connus dans les archives archĂ©ologiques europĂ©ennes. Les outils proviennent du site de Boxgrove, dans le Sussex de l'Ouest, en Angleterre, datĂ© d'environ 500 000 ans. Ils sont issus d'un cheval que les humains avaient abattu pour sa viande et sont attribuĂ©s Ă Homo heidelbergensis, les chercheurs ayant dĂ©couvert un tibia attribuĂ© Ă cette espĂšce sur le mĂȘme site. Le cheval fournissait davantage que de la nourriture. L'analyse des os par Simon Parfitt, de l'Institut d'archĂ©ologie de l'University College de Londres (UCL), et par Silvia Bello, du musĂ©e d'histoire naturelle de Londres, a rĂ©vĂ©lĂ© que plusieurs os avaient Ă©tĂ© utilisĂ©s comme outils appelĂ©s retouchoirs. Ces premiers outils non lithiques auraient Ă©tĂ© essentiels, selon Simon Parfitt, pour produire des couteaux en silex finement fabriquĂ©s[13].
Les marques de découpe visibles sur les ossements d'animaux découverts sur les sites qu'il a occupés indiquent qu'il les raclait pour en retirer la viande. Les archéologues ont aussi découvert des traces de découpe sur des os d'Homo heidelbergensis, ce qui pourrait indiquer la pratique du cannibalisme. Celle-ci est notamment attestée sur les fossiles de l'Homme de Tautavel, dans la caune de l'Arago, à Tautavel (Pyrénées-Orientales).
Principaux fossiles
Arago 21
- Homme de Mauer, prĂšs de Heidelberg (Allemagne)[1] :
- DĂ©couverte : 1907
- Description : 1908 par Otto Schoetensack
- Fossile : une mandibule avec presque toutes ses dents
- Datation : 610 000 ans
- Homme de Petralona, en Chalcidique (GrĂšce) :
- DĂ©couverte : 1960
- Description : 1976 par Aris Poulianos
- Fossile : un crĂąne
- Capacité crùnienne estimée :
- Datation : la datation reste trĂšs discutĂ©e, plus de 700 000 ans pour certains, peut-ĂȘtre 250 000 ans pour d'autres.
- Homme de VĂ©rtesszĆlĆs, en Hongrie[14] :
- DĂ©couverte : 1963-1968
- Description : par LĂĄszlĂł VĂ©rtes
- Fossile : une calotte crĂąnienne et 2 dents
- Datation : environ 380 000 ans
- Homme de Tautavel, dans les Pyrénées-Orientales (France) :
- DĂ©couverte : 1965
- Description : par Henry et Marie-Antoinette de Lumley
- Fossiles : 152 ossements, dont Arago 21 et Arago 47 forment un crĂąne partiel incluant la face
- Capacité crùnienne estimée : 1 150 cm3
- Datation : de 570 000 Ă 400 000 ans (450 000 ans pour Arago 21)
- Homme de Boxgrove, en Angleterre :
- DĂ©couverte : 1994
- Description : par Mark Roberts
- Fossiles : un tibia et deux dents
- Datation : environ 500 000 ans
- Homme de Ceprano, en Italie :
- DĂ©couverte : 1994 par Italo Biddittu
- Description : par Italo Biddittu
- Fossiles : une calotte crĂąnienne en morceaux
- Capacité crùnienne estimée : 1 060 cm3
- Datation : 353 000 ans
- Homme de Mala Balanica, en Serbie :
- DĂ©couverte : 2008
- Fossile : un fragment de mandibule
- Datation : environ 460 000 ans
- Homme de Montmaurin, en Haute-Garonne (France)[15] :
- DĂ©couverte : 1949 par Raoul Cammas
- Description : 1955 par Henri Victor Vallois
- Fossile : une mandibule (corpus archaïque avec cependant des dents de type néandertalien)
- Datation : entre 240 000 et 190 000 ans (stade isotopique 7)
NĂ©andertaliens anciens
- CrĂąne 5 de la Sima de los Huesos, 430 ka
- Homme de Steinheim, 340 Ă 310 ka
Quatre sites ou fossiles européens ont été attribués ou réattribués aux Néandertaliens, alors que leur ancienneté les avaient initialement fait rapprocher d'Homo heidelbergensis :
- Homme de Steinheim, dans le Bade-Wurtemberg (Allemagne) :
- DĂ©couverte : 1933 par Karl Sigrist
- Description : 1936 par Fritz Berckhemer
- Fossile : un crĂąne
- Capacité crùnienne estimée : environ 1 200 cm3
- Datation : entre 340 000 et 310 000 ans (stade isotopique 9)
- Homme de Swanscombe, en Angleterre :
- DĂ©couverte : 1935 par Alvan T. Marston
- Fossiles : 2 crĂąnes partiels
- Capacité crùnienne estimée :
- Datation : environ 400 000 ans
- Sima de los Huesos, dans la Sierra d'Atapuerca, prĂšs de Burgos (Espagne) :
- DĂ©couverte : 1976 par Trinidad de Torres
- Fossiles : Miguelon (crùne 5), et plusieurs crùnes et de nombreux ossements représentant une trentaine d'individus
- Capacité crùnienne estimée : de 1 100 à 1 350 cm3
- Datation : 430 000 ans
- Grotte d'Aroeira, Ă Torres Novas (Portugal) :
- DĂ©couverte : 2014
- Fossile : crĂąne Aroeira 3
- Capacité crùnienne estimée : environ 1 100 cm3
- Datation : 400 000 ans
Notes et références
- (en) GĂŒnther A. Wagner, Matthias Krbetschek, Detlev Degering, Jean-Jacques Bahain et al., « Radiometric dating of the type-site for Homo heidelbergensis at Mauer, Germany », PNAS, vol. 107, no 46,â , p. 19726â19730 (PMID 21041630, PMCID 2993404, DOI 10.1073/pnas.1012722107)
- AurĂ©lien Mounier, « Le massif facial supĂ©rieur dâHomo heidelbergensis, Schoetensack, 1908 : lâapport de la morphomĂ©trie gĂ©omĂ©trique », Bulletins et mĂ©moires de la SociĂ©tĂ© d'anthropologie de Paris, no 24,â , p. 51â68 (lire en ligne)
- AurĂ©lien Mounier, « DĂ©finition du taxon Homo heidelbergensis, Schoetensack, 1908 : analyse phĂ©nĂ©tique du massif facial supĂ©rieur des fossiles du genre Homo du PlĂ©istocĂšne moyen », Bulletins et mĂ©moires de la SociĂ©tĂ© d'anthropologie de Paris, no 23,â , p. 115â151 (lire en ligne)
- (en) Berhane Asfaw, « Assessing Claims for the "Earliest" Homo sapiens », sur CARTA - The Perspective from Africa,
- Dominique Grivaud-Hervé, « MOOC Les origines de l'Homme - Sujet 3.1 : La longue marche vers l'Asie », sur Musée de l'Homme (consulté le )
- (en) Frido Welker, JazmĂn Ramos-Madrigal et Petra Gutenbrunner, lire en ligne, The dental proteome of Homo antecessor, Nature, 1er avril 2020, https://doi.org/10.1038/s41586-020-2153-8
- Jean-Jacques Hublin, « Origine et Ă©volution des NĂ©andertaliens », in : Les NĂ©andertaliens, biologie et cultures, Bernard Vandermeersch et Bruno Maureille (dir.), Paris, Ăditions du ComitĂ© des travaux historiques et scientifiques, Documents prĂ©historiques 23, p.95-107, 2007
- (en) Matthias Meyer, Svante PÀÀbo et al., « Nuclear DNA sequences from the Middle Pleistocene Sima de los Huesos hominins », Nature, 7595e sĂ©rie, vol. 531,â , p. 504-507 (DOI 10.1038/nature17405, lire en ligne)
- [Strait, Grine & Fleagle 2015] (en) David Strait, Frederick Grine et John Fleagle, « Analyzing Hominin Phylogeny : Cladistic Approach », dans Winfried Henke & Ian Tattersall, Handbook of Paleoanthropology, (ISBN 9783642399787, lire en ligne), p. 1989-2014.
- [Meyer et al. 2016] (en) Matthias Meyer et al., « Nuclear DNA sequences from the Middle Pleistocene Sima de los Huesos hominins », Nature, vol. 531, no 7595,â , p. 504-507 (DOI 10.1038/nature17405, rĂ©sumĂ©).
- « Un bùton de jet sur le site de Schöningen, il y a 300 000 ans », sur hominides.com,
- A. Langlois, Au sujet du Cheval de La Micoque (Dordogne) et des comportements humains de subsistance au PlĂ©istocĂšne moyen dans le Nord-Est de lâAquitaine, UniversitĂ© de Bordeaux 1, ThĂšse de doctorat, 383 p., 2004
- (en) Paul Rincon, lire en ligne, Europe's earliest bone tools found in Britain, bbc.com, 12 août 2020
- C. Farizy, Bernard Vandermeersch, « VĂ©rtesszĆlĆs, Hongrie », in Dictionnaire de la PrĂ©histoire, Paris, Presses Universitaires de France, 1988
- (en) AmĂ©lie Vialet, Mario Modesto-Mata, MarĂa MartinĂłn-Torres, Marina MartĂnez de Pinillos et JosĂ©-MarĂa BermĂșdez de Castro, « A reassessment of the Montmaurin-La Niche mandible (Haute Garonne, France) in the context of European Pleistocene human evolution », PLoS ONE, vol. 13, no 1,â (lire en ligne [sur journals.plos.org])