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Homme de Tautavel

L'Homme de Tautavel est le nom donnĂ© Ă  un ensemble de fossiles du genre Homo, trouvĂ©s dans la caune de l'Arago, sur la commune de Tautavel, dans les PyrĂ©nĂ©es-Orientales, en France. Les fossiles humains dĂ©couverts, datĂ©s sur une pĂ©riode allant de 570 000 Ă  400 000 ans avant le prĂ©sent (AP), sont gĂ©nĂ©ralement attribuĂ©s Ă  l'espèce Homo heidelbergensis. La première dent fut mise au jour en 1965, et le crâne fossile partiel Arago 21 en 1971, par l'Ă©quipe d'Henry et Marie-Antoinette de Lumley. Les campagnes de fouilles menĂ©es chaque Ă©tĂ© continuent de livrer rĂ©gulièrement de nouveaux vestiges fossiles. L'industrie lithique associĂ©e Ă  l'Homme de Tautavel est de type acheulĂ©en.

Homme de Tautavel
Image illustrative de l’article Homme de Tautavel
Crâne de l'Homme de Tautavel
fossile Arago 21.
CoordonnĂ©es 42° 50′ nord, 2° 45′ est
Pays Drapeau de la France France
Département Pyrénées-Orientales
Massif Corbières
Vallée Verdouble
Localité voisine Tautavel
DatĂ© de 570 000 Ă  400 000 ans AP
Période géologique Pléistocène moyen
Époque géologique Paléolithique inférieur
DĂ©couvert le 1971
DĂ©couvreur(s) Henry et Marie-Antoinette de Lumley
Identifiant Arago 1 Ă  152
Particularités Plus ancien fossile humain trouvé en France
Identifié à Homo heidelbergensis
GĂ©olocalisation sur la carte : Languedoc-Roussillon
(Voir situation sur carte : Languedoc-Roussillon)
Homme de Tautavel
GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Homme de Tautavel
Géolocalisation sur la carte : Pyrénées-Orientales
(Voir situation sur carte : Pyrénées-Orientales)
Homme de Tautavel

La caune de l'Arago

Le Verdouble au bas de la caune de l'Arago ; on accède à la grotte en montant un chemin le long de la roche visible à droite sur la photo.

Le site préhistorique de la caune de l'Arago se trouve sur la commune de Tautavel, dans le nord des Pyrénées-Orientales, dans une vaste cavité surplombant un cours d’eau pérenne, le Verdouble. Connue depuis le milieu du XIXe siècle pour ses restes de faune, la caune de l'Arago a commencé à livrer des industries préhistoriques à Jean Abélanet en 1948. Depuis 1964, elle fait l’objet de fouilles systématiques longtemps dirigées par Marie-Antoinette et Henry de Lumley. Ce dernier est notamment le président du Centre européen de recherche préhistorique de Tautavel.

Le remplissage de la grotte, Ă©pais d'une quinzaine de mètres, couvre la quasi-totalitĂ© du PlĂ©istocène moyen et a fait l’objet de nombreuses datations radiomĂ©triques[1]. Des âges limites d’environ 700 000 et 100 000 ans ont Ă©tĂ© obtenus par datation par l'uranium-thorium pour des planchers stalagmitiques situĂ©s respectivement Ă  la base (plancher 0) et au sommet (plancher α) de la sĂ©quence stratigraphique.

Les principaux niveaux archĂ©ologiques se trouvent dans l’ensemble III (niveaux de « sols » D Ă  G) et ont un âge compris entre 450 000 et 400 000 ans. Cet ensemble a livrĂ© de nombreux outils lithiques et près de 150 restes humains fossiles[2].

Les matériaux utilisés sont majoritairement locaux (80 %) et ont été prélevés dans les alluvions du Verdouble, mais certains proviennent de zones distantes d’une trentaine de kilomètres au nord-est et au sud-ouest du site, traduisant une bonne connaissance des ressources régionales et une certaine anticipation des besoins[3].

Attribution

Les vestiges fossiles découverts ont fait l'objet d'interprétations taxonomiques qui ont évolué au fil du temps :

  • Pour l'Ă©quipe des inventeurs, l'Homme de Tautavel Ă©tait une forme europĂ©enne d'Homo erectus pour laquelle ils avaient proposĂ© Ă  l'origine le nom d'Homo erectus tautavelensis[4] - [5].
  • La plupart des auteurs modernes attribuent cependant aujourd'hui les fossiles Ă  l'espèce Homo heidelbergensis[6] - [7] - [5].

La paléoanthropologue Amélie Vialet souligne toutefois que les mandibules fossiles de Tautavel paraissent plus graciles que la mandibule de Mauer, qui sert d'holotype à l'espèce Homo heidelbergensis. La définition des différentes espèces fossiles européennes suscite encore de nombreux débats parmi les spécialistes.

Principaux fossiles

L'Homme de Tautavel est reprĂ©sentĂ© par 152 fragments fossiles dĂ©couverts Ă  ce jour. Le plus cĂ©lèbre est un crâne incomplet dĂ©couvert en plusieurs Ă©tapes : la face et le frontal (Arago 21 ; cf. illustration) ont Ă©tĂ© mis au jour le et le pariĂ©tal droit (Arago 47) a Ă©tĂ© retrouvĂ© huit ans plus tard. Ils sont datĂ©s de 450 000 ans. Il s'agit des restes d'un individu mâle, âgĂ© d'une vingtaine d'annĂ©es, mesurant environ 1,65 m pour un poids de 45 Ă  55 kg. Son front Ă©tait plat et fuyant et ses arcades sourcilières proĂ©minentes (torus sus-orbitaire). Les surfaces d'insertion musculaire indiquent une musculature dĂ©veloppĂ©e. La boite crânienne a un volume estimĂ© Ă  1 150 cm3 [8].

Parmi les autres restes fossiles découverts, il convient de signaler les mandibules, assez rares dans le registre fossile européen et particulièrement significatives :

  • Arago 2 (1969) : une femme âgĂ©e de 40 Ă  50 ans
  • Arago 13 (1970) : un jeune homme âgĂ© de 20 Ă  25 ans
  • Arago 89 (2001) : une femme âgĂ©e d'environ 30 ans
  • Arago 119 (2008) : datĂ© de 450 000 ans
  • Arago 131 (2012) : un individu âgĂ© de 30 Ă  35 ans[9]

Le et en 2018 ont Ă©tĂ© respectivement dĂ©couverts Arago 149, une incisive d'adulte vieille de 550 000 ans[10], et Arago 151, une dent de lait vieille de 570 000 ans. Ces deux dĂ©couvertes ont repoussĂ© de plus de 100 000 ans l'âge prĂŞtĂ© jusque-lĂ  Ă  l'Homme de Tautavel[11]. Le crâne Arago 21, mis au jour en 1971 et complĂ©tĂ© en 1979, et les autres vestiges fossiles trouvĂ©s dans la mĂŞme couche stratigraphique Ă©taient longtemps restĂ©s, Ă  450 000 ans, les plus anciens fossiles humains connus en France[12].

Les 152 fossiles humains dĂ©couverts Ă  ce jour sont datĂ©s sur une pĂ©riode allant de 570 000 Ă  400 000 ans avant le prĂ©sent[2].

Reconstitution du squelette de l'Homme de Tautavel, Musée de Tautavel

Mode de vie

L'Homme de Tautavel ne maitrisait pas encore le feu. Il mangeait donc sa viande crue. Des ossements brĂ»lĂ©s et des traces de foyers attestant de l'utilisation du feu Ă  la Caune de l'Arago ne font leur apparition dans les dĂ©pĂ´ts sĂ©dimentaires qu'Ă  partir de 400 000 ans AP[2].

L'habitat a révélé des restes de rhinocéros, de chevaux, mouflons, tahrs, bœufs musqués, bisons, cerfs, daims et rennes[13]. Il est fort possible également qu'il ait mangé de petits animaux. Les chercheurs ont trouvé des traces de cannibalisme : Arago 21 montre notamment des traces d'outils lithiques visant à nettoyer l'os de sa chair, ce qui a probablement contribué à sa meilleure fossilisation[14].

L'Homme de Tautavel Ă©tait peut-ĂŞtre davantage charognard que chasseur. S'il Ă©tait chasseur, son territoire s'Ă©tendait sans doute sur un rayon d'au moins 30 km, comme en tĂ©moignent certaines roches importĂ©es pour son outillage[3].

L'industrie lithique associée à l'Homme de Tautavel est interprétée tantôt comme un Tayacien ancien, tantôt comme un Acheuléen. Quelques bifaces sont présents, mais ils sont rares compte tenu de la difficulté d'en réaliser sur les matériaux locaux, dont le quartz filonien[1].

Le musée et le centre de recherches de Tautavel

Le Centre européen de recherches préhistoriques est l'un des cinq sites de l'UMR 7194 - Histoire naturelle de l’Homme préhistorique, département de Préhistoire au sein du nouveau département « Hommes & Environnements » du Muséum national d'histoire naturelle[alpha 1]. Il est situé dans des locaux voisins du Musée de Tautavel[15] et du Musée des premiers habitants de l'Europe, au Palais des Congrès et de la Préhistoire de Tautavel.

Notes et références

Notes

  1. Site de l'« UMR 7194 - Histoire naturelle de l’Homme préhistorique », sur hnhp.cnrs.fr (consulté le ). Sur le site : plusieurs vidéo-conférences : « Connaissances et controverses en anthropologie préhistorique » : 1 « Avant Néandertal en Europe : Homo heidelbergensis. Une espèce discutée parmi les paléoanthropologues » , 2 « À l’est, quoi de neuf ? Apport de l’Asie à la connaissance de l’évolution humaine » , 3 « Pratiques anthropologiques d’hier et d’aujourd’hui. Progresse-t-on vraiment ? » . Et les autres séries de conférences : « L’évolution de l’Homme », « Histoire de l’homme : une préhistoire africaine », « De femme en femme, les vénus des chasseurs préhistoriques ! ».

Références

  1. S. Lebel, 1992, « Mobilité des hominidés et système technique d'exploitation des ressources au Paléolithique ancien : la Caune de l'Arago (France) », Canadian Journal of Archaeology, vol. 16, p. 48-69
  2. Henry de Lumley, L'Homme de Tautavel il y a 450 000 ans, Nouvelles perspectives pour l'histoire de l'humanité, Colloque au Collège de France, 3-4 juillet 2018, voir la vidéo en ligne
  3. Wilson, L. (1988) - « Petrography of the Lower Palaeolithic tool assemblage of the Caune de l'Arago », World Archaeology, 19, 3, p. 376-387.
  4. Marie-Antoinette de Lumley, « L’homme de Tautavel. Un Homo erectus européen évolué. Homo erectus tautavelensis », L'Anthropologie, paléoanthropologie. L'Homme de Tautavel, vol. 119, no 3,‎ , p. 303–348 (ISSN 0003-5521, DOI 10.1016/j.anthro.2015.06.001, lire en ligne, consulté le )
  5. Laurent Sacco, « Dent de Tautavel : le plus vieux reste humain jamais trouvé en France », sur futura-sciences.com (consulté le )
  6. (en) « Arago 21 », sur The Smithsonian Institution's Human Origins Program, (consulté le )
  7. (en) Chris Stringer, « The status of Homo heidelbergensis (Schoetensack 1908) », Evolutionary Anthropology : Issues, News, and Reviews, vol. 21, no 3,‎ , p. 101–107 (ISSN 1520-6505, DOI 10.1002/evan.21311, lire en ligne, consulté le )
  8. Lumley, M.-A. de (1976) - « Les Anténéandertaliens dans le Sud », in : La Préhistoire française - t. I : Les civilisations paléolithiques et mésolithiques, Lumley, H. de, (Éd.), Ed. du CNRS, p. 547-560.
  9. , Archéologie. Une nouvelle découverte dans la grotte de Tautavel (site Ouest-France.fr le 13 juillet 2012).
  10. « Une dent trouvée à Tautavel devient «le plus vieux reste humain de France» », Libération.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. « Pourquoi la dent de Tautavel est « une découverte majeure » », sur Le Monde (consulté le )
  12. Libération, Une dent trouvée à Tautavel devient « le plus vieux reste humain de France », 28 juillet 2015.
  13. Moigne, A.-M. 1983, Taphonomie des faunes quaternaires de la Caune de l'Arago, Tautavel, thèse de doctorat, Université de Paris 6. (résumé)
  14. « H. de Lumley : "L'homme de Tautavel pratiquait une forme de cannibalisme rituel" », sur lindependant.fr (consulté le )
  15. « Musée de Tautavel », sur Musée de Préhistoire de Tautavel (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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