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Aroeira 3

Aroeira 3 est un crâne nĂ©andertalien ancien fragmentaire d'environ 400 000 ans, dĂ©couvert en 2014 dans la grotte d'Aroeira Ă  Torres Novas au Portugal. Sa morphologie ne correspond Ă  aucune autre forme de rĂ©fĂ©rence mais montre cependant quelques traits nĂ©andertaliens. Il s'ajoute Ă  d'autres crânes contemporains aux caractĂ©ristiques propres comme ceux de Tautavel, de la Sima de los Huesos, de Ceprano, et confirme la diversitĂ© des groupes humains en Europe au PlĂ©istocène moyen, au dĂ©triment d'un scĂ©nario d'Ă©volution linĂ©aire depuis Homo heidelbergensis. Il Ă©tait accompagnĂ© d'outils de pierre de mode 2 et d'os d'animaux calcinĂ©s, suggĂ©rant une maitrise du feu[1].

Aroeira 3
Image illustrative de l’article Aroeira 3
Après capture du crâne par tomodensitométrie, la partie droite, en clair ici, a été dupliquée pour imaginer la partie gauche manquante (dessin)[1].
CoordonnĂ©es 39° 30′ 20″ nord, 8° 36′ 57″ ouest
Pays Drapeau du Portugal Portugal
RĂ©gion Centre
Localité voisine Torres Novas
DatĂ© de 400 000 ans[1]
Période géologique Quaternaire
Époque géologique Pléistocène moyen
DĂ©couvert le 2014[1]
Nom commun Aroeira 3
Particularités Néandertalien ancien
Culture de mode 2
Maitrise du feu
Ă‚ge adulte
GĂ©olocalisation sur la carte : Europe
(Voir situation sur carte : Europe)
Aroeira 3

DĂ©couverte

Le crâne était inclus dans un bloc calcaire. La taphonomie montre qu'il a été brisé de façon oblique dans le plan sagittal, avec la marge osseuse préservée en diagonale de l'arche supraorbitaire antérieure gauche, en passant à proximité du bregma, et continue en arrière vers l'astérion droit. Une portion circulaire de la région fronto-pariétale était présente à l'origine mais fut détruite dans le processus d'extraction par un marteau de démolition lourd dont l'utilisation était due à l'extrême solidité des sédiments. Les fragments furent collectés, et un bloc entier a été découpé pour poursuivre l'extraction du crâne en laboratoire. Un permis d'export a été reçu de l'autorité pour l'Héritage du Portugal : le bloc a été envoyé au Laboratoire de Conservation et Restauration du Centre de Recherche de l'Université complutense de Madrid et de l'Institut du Salut Carlos III sur l'Évolution et le Comportement Humains à Madrid. Il a fallu deux ans pour achever l'extraction, et l'analyse complète a pu être publiée en .

Morphologie

Forme

Une caractéristique propre aux Néandertaliens est la forme générale du crâne. Après capture du spécimen par tomodensitométrie, on a pu copier en miroir la partie droite bien préservée de Aroeira 3 pour simuler le côté gauche et apprécier la forme d'ensemble. De cette façon on constate l'orientation verticale des pariétaux, très différente du type ancestral d'Homo ergaster où ils convergent fortement vers le haut. En vue postérieure, cette orientation verticale donne un aspect plutôt circulaire au crâne, opposé à l'aspect pentagonal marqué chez Homo ergaster.

Volume

La Sima de los Huesos contient de nombreux crânes contemporains et merveilleusement conservĂ©s, dont les dimensions peuvent ĂŞtre comparĂ©es pour imaginer le volume encĂ©phalique de Aroeira 3, malgrĂ© la seule prĂ©sence de son cĂ´tĂ© droit. Ainsi ses diamètres transverses semblent au plus proche du crâne 5 de 1 090 cm3, mais davantage encore du crâne 4 (1 390 cm3) pour toutes les autres mesures. L'estimation conclut Ă  un volume d'environ 1 100 cm3.

Torus supra-orbitaire

Une des caractéristiques principales des européens du Pléistocène moyen est l'aspect du torus supraorbitaire. À Steinheim, Petralona, Bilzingsleben et dans la Sima de los Huesos, les arches supraorbitaires sont plus ou moins fusionnées. C'est aussi le cas, plus tôt dans le Pléistocène, pour le spécimen ATD6-15 d'Homo antecessor de la Gran Dolina. Cependant chez Arago 21 et l'Homme de Ceprano, ce caractère se rapproche davantage de spécimens africains comme ceux de Kabwe et Bodo, où les arches sont séparées, plus plates et moins incurvées. Bien que la morphologie précise des arches soit difficile à reconstituer pour Aroeira 3, elles semblent fusionnées autour d'une glabelle gonflée. Le côté droit préservé montre un arrondi, se rapprochant du spécimen de Bilzingsleben B1 plus que des autres. Malgré l'abrasion, on constate plus généralement que le torus est épais en comparaison du reste des individus du Pléistocène, assez proche de Bodo et Ceprano, mais moins épais que B1. Le pilier interorbital est large.

Autres spécificités morphologiques

Un torus angulaire est présent dans l'angle mastoïdien de l'os pariétal. Ce caractère est seulement présent chez les plus robustes européens du Pléistocène moyen, comme Ceprano, Arago 47, et le crâne 4 de la Sima de los Huesos (SH).

L'os temporal est presque complet et conserve plusieurs traits importants pour l'analyse. Il révèle une plus grande proximité avec la Sima de los Huesos qu'avec Homo erectus. Mais l'éminence articulaire est relevée, contrairement à Sima de los Huesos, Steinheim, Petralona, et aux Néandertaliens. Dans la vue inférieure, le processus mastoïde est projeté plus loin que chez les Néandertaliens.

Les marge nasales internes et la projection médiane, présentes chez Néandertal, manquent dans Aroeira 3. Elles manquent aussi dans SH mais sont identifiées chez Steinheim.

Enfin, l'analyse des dents (Aroeira 1 et 2) indique un individu adulte mais l'analyse interne n'est pas possible, empĂŞchant l'Ă©tude de la morphologie.

Intérêt scientifique


Extension connue de l'Homme de NĂ©andertal
Ancêtres communs dont descendent Néandertal et les hommes modernes d'après la paléogénétique : la place qu'y tiendraient Homo heidelbergensis et les intermédiaires menant à l'homme moderne est encore débattue.

L'intérêt du crâne d'Aroeira est de confirmer la diversité des types néandertaliens anciens du Pléistocène moyen, au contraire d'un scénario d'émergence linéaire à partir d'Homo heidelbergensis. L'Homme de Néandertal s'est répandu en Europe, au Moyen-Orient, et en Asie Centrale, mais malgré l'analyse de son génome et la richesse du registre fossile, son origine est discutée. Les espèces plus anciennes sont beaucoup moins documentées, ce qui augmente le nombre d'hypothèses. Un consensus existe sur l'utilisation du terme « Néandertalien ancien » pour les fossiles intermédiaires qui présentent une partie des traits. Mais leur diversité interroge. On ne sait pas si la forme finale, dite « classique », des Néandertaliens émerge de tous ces types par brassage, par sélection de groupe, ou par une combinaison des deux.

Classification

À la suite de cette découverte, la comparaison d'Aroeira 3 avec d'autres crânes contemporains laisse imaginer une classification des types morphologiques de la fin du Pléistocène moyen. Les auteurs de la première publication sur Aroeira 3 proposent trois catégories :

  • les NĂ©andertaliens complets, Ă  moins de 200 000 ans, qui montrent presque tous les traits dĂ©rivĂ©s nĂ©andertaliens.
  • les NĂ©andertaliens anciens, qui montrent certaines des caractĂ©ristiques, mais la forme gĂ©nĂ©rale de NĂ©andertal en reste absente (type de la Sima de los Huesos). Aroeira 3 semble y appartenir d'après la glabelle, le processus mastoĂŻde, mĂŞme si sa combinaison de traits nĂ©andertaliens est diffĂ©rente de toute autre.
  • les simili-Africains, comprenant Arago 21 et Ceprano, qui ne montrent pas de traits nĂ©andertaliens dans les rĂ©gions prĂ©servĂ©es, ou bien oĂą les caractères sont ambigus. Aroeira 3 y ressemble par son torus angulaire dĂ©veloppĂ©, comme pour le crâne 4 de la Sima de los Huesos, et son absence d'Ă©minence articulaire aplatie[1].


Phylogénie des espèces récentes du genre Homo, d'après Strait, Grine & Fleagle (2015)[2], et Meyer & al. (2016)[3] :

Références

  1. (en) Joan Daura, Montserrat Sanz, Juan Luis Arsuaga, Dirk L. Hoffmann, Rolf M. Quam, María Cruz Ortega, Elena Santos, Sandra Gómez, Angel Rubio, Lucía Villaescusa, Pedro Souto, João Mauricio, Filipa Rodrigues, Artur Ferreira, Paulo Godinho, Erik Trinkaus et João Zilhão, « New Middle Pleistocene hominin cranium from Gruta da Aroeira (Portugal) », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 13e série, vol. 114,‎ , p. 3397-3402 (DOI 10.1073/pnas.1619040114, lire en ligne)
  2. [Strait, Grine & Fleagle 2015] (en) David Strait, Frederick Grine et John Fleagle, « Analyzing Hominin Phylogeny : Cladistic Approach », dans Winfried Henke & Ian Tattersall, Handbook of Paleoanthropology, (ISBN 9783642399787, lire en ligne), p. 1989-2014.
  3. [Meyer et al. 2016] (en) Matthias Meyer et al., « Nuclear DNA sequences from the Middle Pleistocene Sima de los Huesos hominins », Nature, vol. 531, no 7595,‎ , p. 504-507 (DOI 10.1038/nature17405, résumé).

Voir aussi

Articles connexes

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