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Guerres civiles colombiennes

Les guerres civiles colombiennes sont une série de guerres civiles ayant secoué la Nouvelle-Grenade (actuels pays de Colombie et du Panama) depuis son indépendance jusqu'à nos jours, en particulier durant le XIXe siÚcle.

Recrutement sur la place BolĂ­var, Ă  Bogota, durant la guerre des Mille Jours.

Depuis son indépendance, à la suite de la dissolution de la Grande Colombie en 1830, la Colombie n'a pas connu de période de plus de quinze ans sans guerre civile, sauf durant la période 1902-1948, qui fait figure d'exception à la rÚgle. Ceci en fait probablement le pays le plus instable de la région, ce qui rend d'autant plus étonnant que la Colombie, contrairement à tous ses voisins, est toujours restée une démocratie, à la seule exception de la dictature du général Gustavo Rojas Pinilla, qui occupe le pouvoir entre 1953 et 1957 afin de faire cesser l'instabilité découlant de La Violencia.

Les causes de ces guerres sont principalement l'ambition des dirigeants et des partis conservateur et libĂ©ral, qui voyaient dans la guerre le moyen de conquĂ©rir le pouvoir, et l'incapacitĂ© de ces mĂȘmes dirigeants et partis Ă  concilier des visions idĂ©ologiques diffĂ©rentes. Ces luttes ont modifiĂ© Ă  plusieurs reprises la forme de l'État colombien : constituĂ©e comme une rĂ©publique centralisĂ©e, la RĂ©publique de Nouvelle-Grenade devient un État fĂ©dĂ©ral entre 1858 et 1886 sous le nom de ConfĂ©dĂ©ration grenadine puis d'États-Unis de Colombie, avant de retrouver un caractĂšre centraliste aprĂšs la RegeneraciĂłn et l'adoption de la constitution de 1886 qui crĂ©e la RĂ©publique de Colombie actuelle. Cette constitution reste en vigueur pendant plus d'un siĂšcle, sans que les luttes entre conservateurs et libĂ©raux ne cessent pour autant.

L'adoption d'une nouvelle constitution en 1991, qui instaure le pluralisme et met fin Ă  la domination des deux partis historiques (qui ont par ailleurs beaucoup Ă©voluĂ© depuis leurs fondations), rend improbable un nouvel affrontement de ce type Ă  l'avenir. La Colombie doit cependant faire face aux mouvements de guĂ©rilla d'extrĂȘme gauche marxistes (FARC, ELN, EPL) et aux actions des paramilitaires d'extrĂȘme droite (Águilas Negras), qui malgrĂ© le relatif succĂšs de la politique de sĂ©curitĂ© dĂ©mocratique instaurĂ©e par le prĂ©sident Álvaro Uribe durant ses deux mandats, de 2002 Ă  2010, et poursuivie par son successeur Juan Manuel Santos, restent des facteurs importants d'instabilitĂ©.

Deux idéologies inconciliables

Bolivarisme et parti conservateur

Le bolivarisme se fonde sur les idées du libérateur Simón Bolívar, qui fut d'ailleurs influencé par le philosophe genevois Jean-Jacques Rousseau. Les bolivaristes se réclament de certains préceptes formulés par Simón Bolívar dans sa Lettre de Jamaïque, le Discours d'Angostura, Le Manifeste de CarthagÚne et d'autre écrits, notamment en ce qui concerne la justice sociale, la liberté et l'égalité des droits.

Ils sont favorables à un État central fort et un appui sur l'Église.

À l'issue de la Guerre des SuprĂȘmes, les partisans colombiens de cette idĂ©ologie se regroupent en 1849 au sein du parti conservateur colombien.

Santandérisme et parti libéral

Le santandĂ©risme est inspirĂ© sur la vie et l'Ɠuvre du gĂ©nĂ©ral Francisco de Paula Santander. Il est fondĂ© sur le modĂšle de la rĂ©publique fĂ©dĂ©rale[1] et les courants anticlĂ©ricaux, progressistes, humanistes et libĂ©raux. Elle est cataloguĂ©e comme de centre droit.

À l'issue de la Guerre des SuprĂȘmes, les idĂ©aux du santandĂ©risme sont Ă  l'origine de la formation du parti libĂ©ral colombien en 1848[2]

PremiÚre indépendance et premiers troubles

La pĂ©riode de 1810 Ă  1816 qui suit les dĂ©clarations d'indĂ©pendance se caractĂ©rise par d'intenses combats entre indĂ©pendantistes pour dĂ©finir le mode de gouvernement du nouvel État. La lutte constante entre fĂ©dĂ©ralistes santandĂ©ristes et centralistes bolivaristes conduit Ă  une pĂ©riode d'instabilitĂ© prolongĂ©e. De la mĂȘme façon que pendant la lutte d'indĂ©pendance de la Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata, toutes les provinces - et mĂȘme quelques villes - crĂ©ent leur propre « junte », chacune se dĂ©clarant indĂ©pendante par rapport aux autres. MĂȘme si celle de Bogota s'autoproclame « Junte principale du Nouveau Royaume de Grenade », le territoire reste divisĂ© politiquement : des villes moins importantes crĂ©ent leur propre junte indĂ©pendante de celle de leur capitale provinciale, ce qui conduit Ă  des conflits militaires. Les mois qui suivent verront l'Ă©chec de deux propositions visant Ă  rĂ©unir un CongrĂšs des Provinces.

En 1811 la province de Bogota, centraliste, se dĂ©clare État indĂ©pendant sous le nom de Cundinamarca ; les autres provinces s'unissent au sein d'une fĂ©dĂ©ration nommĂ©e Provinces-Unies de Nouvelle-Grenade. Rapidement le mode de gouvernement de la Nouvelle-Grenade devient un sujet de dĂ©saccord et deux guerres s'ensuivent : l'une Ă  la fin de 1812 et l'autre en 1814. La premiĂšre guerre se termine sans vainqueur ni vaincu. Cela n'empĂȘche pas le Cundinamarca d'organiser une expĂ©dition contre PopayĂĄn et Pasto, deux villes royalistes. L'expĂ©dition Ă©choue et le prĂ©sident du Cundinamarca, Antonio Nariño, est fait prisonnier.

Profitant de l'affaiblissement du Cundinamarca, le gouvernement des Provinces-Unies lui envoie une armĂ©e dirigĂ©e par SimĂłn BolĂ­var, qui a fui le Venezuela pour la seconde fois aprĂšs la chute de la DeuxiĂšme RĂ©publique du Venezuela. En dĂ©cembre 1814, BolĂ­var contraint le Cundinamarca Ă  se joindre aux Provinces-Unies. Cependant, au milieu de l'annĂ©e 1815, Pablo Morillo arrive en Nouvelle-Grenade Ă  la tĂȘte d'un important corps expĂ©ditionnaire et entame la reconquĂȘte espagnole qui sera achevĂ©e dĂšs 1816.

Deux siĂšcles de guerres civiles

Guerre des SuprĂȘmes (1839-1842)

Le général José María Obando, chef de file des libéraux santandéristes à partir de mai 1840.

La dissolution de la Grande Colombie, en 1830, laisse la région de la Nouvelle-Grenade en état de guerre quasi permanent. La République de Nouvelle-Grenade nouvellement créée connaßt ainsi de nombreux conflits de caractÚre local ou régional plus ou moins sanglants. Le conflit généralisé éclate dÚs 1839 et est nommé d'aprÚs le titre ronflant de Supremo que se donnaient les chefs des différentes factions libérales.

L'Ă©tincelle qui dĂ©marre la rĂ©action en chaĂźne est la dĂ©cision du CongrĂšs de supprimer les couvents mineurs de la rĂ©gion de Pasto. Cette dĂ©cision provoque le le soulĂšvement de la population trĂšs catholique de la rĂ©gion, avec le soutien des fĂ©dĂ©ralistes libĂ©raux auxquels il sert de prĂ©texte et du gĂ©nĂ©ral Juan JosĂ© Flores, dirigeant de l'Équateur voisin.

Les santandĂ©ristes espĂ©raient que le prĂ©sident, JosĂ© Ignacio de MĂĄrquez, nommerait JosĂ© MarĂ­a Obando Ă  la tĂȘte de la force militaire chargĂ©e de mater la rĂ©bellion, car ce commandement le mettrait en bonne position pour l'Ă©lection suivante. Mais le prĂ©sident nomme le gĂ©nĂ©ral Pedro AlcĂĄntara HerrĂĄn.

Le Ă  Buesaco, HerrĂĄn met en dĂ©route la force principale des insurgĂ©s de Pasto. La rĂ©duction des derniĂšres poches de rĂ©sistance conduit Ă  la capture de JosĂ© Erazo. Ce dernier, ex-guĂ©rillero obandiste connu pour possĂ©der la maison oĂč Antonio JosĂ© de Sucre mourut assassinĂ© en 1830. Selon la version du gouvernement, celui-ci dĂ©nonça ses complices avec lesquels il avait montĂ© cet assassinat, le commandant Antonio M. AlvĂĄrez, chef militaire des insurgĂ©s, et le gĂ©nĂ©ral JosĂ© MarĂ­a Obando, probable candidat du parti d'opposition aux prochaines Ă©lections prĂ©sidentielles. Obando est forcĂ© de quitter Bogota. Il se dirige vers Pasto et rejoint la rĂ©bellion. La mort de Francisco de Paula Santander en fait d'Obando le chef de l'opposition. Celui-ci sort de Pasto et dĂ©marre une insurrection en .

La forte probabilitĂ© que l'insurrection d'Obando gagne le reste du pays pousse le prĂ©sident MĂĄrquez Ă  accepter l'aide militaire du gĂ©nĂ©ral Juan JosĂ© Flores, dirigeant de l'Équateur voisin, lui promettant des concessions territoriales. Les forces combinĂ©es de Flores et HerrĂĄn ont tĂŽt fait de dĂ©faire Obando mais c'est une victoire Ă  la Pyrrhus pour MĂĄrquez car l'opposition ne se gĂȘne pas pour faire remarquer l'intervention Ă©trangĂšre et les compromissions qui en dĂ©coulent.

Ainsi, sitÎt les troupes équatoriennes parties, les chefs santandéristes engagent des opérations militaires. Les uns aprÚs les autres, ils se rebellent contre le gouvernement : Manuel Gonzålez à El Socorro, José María Vezga à Mariquita, Juan José Reyes Patria à Sogamoso et Tunja, le pÚre Rafael María Våsquez à Vélez, Francisco Farfån dans la province de Casanare, Salvador Córdova dans la province d'Antioquia, Francisco Carmena à Santa Marta, Juan Antonio Gutiérrez de Piñeres à CarthagÚne des Indes, Lorenzo Hernåndez à Mompós et Tomås Herrera dans la province de Panama.

Les chefs rebelles prononcent la sĂ©cession de leurs provinces transformĂ©es en États souverains, se donnent le titre de « chefs suprĂȘmes » (espagnol : jefes supremos), et dĂ©clarent qu'ils ne rĂ©intĂ©greront la Nouvelle-Grenade que lorsque celle-ci sera devenue une fĂ©dĂ©ration. Sur les vingt provinces que compte alors la RĂ©publique de Nouvelle-Grenade, douze sont entiĂšrement aux mains des rebelles, quatre sont partiellement occupĂ©es et les quatre autres restent sous domination prĂ©caire du gouvernement Ă  l'exception de Bogota, pleinement sous contrĂŽle.

Les combats favorisent dans un premier temps les rebelles. Reyes Patria et GonzĂĄlez sont victorieux Ă  La Polonia, prĂšs d'El Socorro. Ils y vainquent les seules troupes gouvernementales laissĂ©es par le prĂ©sident MĂĄrquez pour tenir l'intĂ©rieur du pays, le reste de l'armĂ©e Ă©tant dans la rĂ©gion de Pasto. Cette victoire renforce le prestige des rebelles et leur permet d'incorporer de plus en plus de recrues. GonzĂĄlez se dĂ©clare chef suprĂȘme de l'État libre et indĂ©pendant formĂ© par les ex-provinces de Socorro, Tunja, Pamplona, VĂ©lez et Casanare. BogotĂĄ est menacĂ©e.

Le président se rend à Popayån le , alors que Juan José Neira vainc les troupes fédéralistes lors de la bataille de La Culebra, prÚs de Bogotå. Cette victoire permet le reflux des troupes fédéralistes, poursuivies par les forces de Neira et des généraux Herrån et Mosquera.

Les insurgés libéraux ne purent parvenir à s'unir politiquement et militairement ce qui conduisit à la déroute de José María Obando, leur unique leader ayant assez de prestige pour briguer la présidence. Ils ressortent donc de ce conflit passablement affaiblis.

Le président José Ignacio de Mårquez termine son mandat de maniÚre énergique grùce à cette guerre. Les deux généraux ayant maté la rébellion, Pedro Alcåntara Herrån (chef de l'Armée) et Tomås Cipriano de Mosquera (secrétaire à la Guerre), en retirent un grand prestige et une grande influence, ce qui leur permettra d'occuper la présidence respectivement entre 1841 et 1845 et entre 1845 et 1849.

Les divergences d'opinions mises en exergue par la guerre entre les bolivaristes et les santandéristes se traduisent par la constitution des deux partis qui régenteront à tour de rÎle la vie politique colombienne pendant plus d'un siÚcle, le parti libéral, créé en 1848, et le parti conservateur, créé en 1849. Leurs luttes opiniùtres seront la source de nombreuses autres guerres civiles.

Guerre civile colombienne de 1851

José Hilario López, président libéral qui a aboli l'esclavage en Colombie et a su faire face à la révolte qui s'ensuivit.

En 1851, les libĂ©raux sont au pouvoir en la personne du prĂ©sident JosĂ© Hilario LĂłpez, qui a succĂ©dĂ© au gĂ©nĂ©ral TomĂĄs Cipriano de Mosquera en avril 1849. Les libĂ©raux, aprĂšs leur dĂ©faite durant la guerre des SuprĂȘmes, ont Ă©tĂ© amnistiĂ©s par Mosquera et ont retrouvĂ© leurs forces, poussĂ©s par les rĂ©volutions de 1848 en Europe qui reprennent leurs idĂ©es et leur donnent l'ascendant sur l'opposition conservatrice.

De vastes rĂ©formes sont engagĂ©es, notamment contre la prĂ©dominance de l'Église. Les JĂ©suites, revenus en 1843, sont expulsĂ©s de nouveau par le dĂ©cret du . La constitution est amendĂ©e en 1851 et la plupart des rĂ©formes rĂ©clamĂ©es par l'opinion publique sont effectuĂ©es : abolition de la peine de mort pour les dĂ©lits politiques, institution du jury, libertĂ© de la presse, libertĂ© de la navigation des fleuves de l'intĂ©rieur et des frontiĂšres, abolition de certains impĂŽts (notamment la dĂźme). Cela ne va pas sans susciter de nombreuses rĂ©actions des milieux conservateurs.

Le le gouvernement décide de l'abolition de l'esclavage. Les grand propriétaires terriens et les esclavagistes se révoltent alors, soutenu par les conservateurs.

Les révoltes conservatrices de concentrent dans le sud et l'ouest du pays. Les forces de Pasto, Popayån, Tuquerres et Antioquia sont attaquées par les généraux José María Obando et Tomås de Herrera.

Dans le sud du pays, le conservateur Julio Arboleda est mis en dĂ©route Ă  Buesaco par le gĂ©nĂ©ral Manuel MarĂ­a Franco et doit s'enfuir en Équateur puis au PĂ©rou aprĂšs la prise pouvoir des libĂ©raux Ă  Quito.

Dans l'ouest, la province d'Antioquia proclame son indĂ©pendance du gouvernement central et dĂ©crĂšte le fĂ©dĂ©ralisme. Le sĂ©nateur et gĂ©nĂ©ral Eusebio Borrero lĂšve une armĂ©e de huit cents hommes et occupe MedellĂ­n. Le gĂ©nĂ©ral TomĂĄs de Herrera marche sur Salamina et force le gĂ©nĂ©ral Braulio Henao Ă  se rendre. Borrero quant Ă  lui affronte Herrera aux alentours d'Abejorral. Herrera se replie vers Rionegro oĂč il finit par mettre en dĂ©route Borrero dans le cimetiĂšre de la ville le . Borrero est exilĂ© en JamaĂŻque.

Les libéraux au pouvoir sortent renforcés politiquement de ces affrontements. Le train de réformes engagé peut donc continuer.

Militairement vaincus, les conservateurs sont contraints de subir les réformes libérales.

Guerre civile colombienne de 1854

Le gĂ©nĂ©ral JosĂ© MarĂ­a Melo, auteur du coup d'État qui dĂ©clenche la guerre civile de 1854.

En 1854, les libéraux sont au pouvoir en la personne du président José María Obando, qui a succédé à José Hilario López en avril 1853 face au candidat panaméen Tomås de Herrera. Une nouvelle constitution a été adoptée en 1853 qui amorce un virage idéologique pour le pays reflétant les idées libérales.

En mars 1854, le gĂ©nĂ©ral JosĂ© MarĂ­a Melo, Ă  la tĂȘte de la garnison de Bogota, est accusĂ© de meurtre, ce qui le pousse Ă  la rĂ©bellion armĂ©e contre le gouvernement d'Obando. Le , il dissout les Chambres, abolit la constitution et enferme le prĂ©sident. Lorsqu'il proclame la dictature, le pays se soulĂšve.

Avant la mise en détention du président Obando, le gouvernement et le CongrÚs se sont rendus à Ibagué pour lutter contre la dictature à la demande du vice-président José de Obaldía.

En de nombreux endroits du pays, des soulÚvements éclatent contre la dictature. L'ancien président José Hilario López, commandant de l'Armée du sud, bat les mélistes de Cali, Buenaventura et Cartago.

Les forces combinées de Pedro Alcåntara Herrån, Tomås Cipriano de Mosquera et López parviennent à vaincre les forces de Melo à Bogotå le . L'acte de reddition est signé dans l'actuel parc Santander.

José María Melo est jugé et destitué par le CongrÚs. Le général Mosquera demande que Melo soit fusillé mais Herrån s'y oppose et lui impose l'exil.

Guerre civile colombienne de 1860-1862

Le gĂ©nĂ©ral TomĂĄs Cipriano de Mosquera. Ancien prĂ©sident de la RĂ©publique de Nouvelle-Grenade, il se proclame prĂ©sident de la ConfĂ©dĂ©ration grenadine et la renomme États-Unis de Colombie, poussant la logique fĂ©dĂ©raliste Ă  son paroxysme.

La guerre civile de 1860-1862 est la manifestation des intĂ©rĂȘts du parti libĂ©ral colombien qui souhaite aller plus loin dans la politique de fĂ©dĂ©ralisme initiĂ©e en 1858 par la crĂ©ation de la ConfĂ©dĂ©ration grenadine qui succĂšde Ă  la RĂ©publique de Nouvelle-Grenade et achever la sĂ©paration de l'Église et de l'État. Il s'oppose en cela au gouvernement central tenu par le parti conservateur.

En 1861, le gĂ©nĂ©ral TomĂĄs Cipriano de Mosquera (ancien prĂ©sident de la RĂ©publique de Nouvelle-Grenade entre 1845 et 1849 et chef de file des libĂ©raux) dĂ©clare la sĂ©cession de l'État souverain de Cauca, le plus vaste des États fĂ©dĂ©rĂ©s, et la guerre au gouvernement de la ConfĂ©dĂ©ration afin d'augmenter le pouvoir du Cauca. Le , Mosquera prend Bogota et se dĂ©clare prĂ©sident provisoire. L'un de ses premiers actes est de renommer le pays en États-Unis de Nouvelle-Grenade (espagnol : Estados Unidos de Nueva Granada), nom abandonnĂ© en novembre de la mĂȘme annĂ©e pour celui d'États-Unis de Colombie (espagnol : Estados Unidos de Colombia).

Le se rĂ©unit la convention de Rionegro. Il en rĂ©sulte une nouvelle constitution qui entĂ©rine le changement de nom du pays et redĂ©finit la rĂ©partition des pouvoirs entre le gouvernement central et les États fĂ©dĂ©rĂ©s au profit de ces derniers. La diminution du pouvoir central entraĂźnera de nombreux heurts entre les États fĂ©dĂ©rĂ©s, certains dĂ©gĂ©nĂ©rant en guerre civile (notamment en 1876-1877).

Guerre civile colombienne de 1876-1877

Le mécontentement des conservateurs, à la suite des mesures laïcisantes adoptées dans le domaine de l'éducation et par l'esprit ouvertement antireligieux et anticlérical des libéraux radicaux, débouche sur un nouveau conflit en 1876.

L'Ă©lĂ©ment dĂ©clencheur est l'Ă©lection prĂ©sidentielle de 1876, oĂč aucun candidat n'atteint la majoritĂ© absolue. C'est le CongrĂšs qui dĂ©signe le libĂ©ral Aquileo Parra le [3]. Les États dirigĂ©s par des conservateurs refusent de reconnaĂźtre cette nomination et entrent en rĂ©bellion contre le pouvoir central.

Les troupes libérales, qui défendent le gouvernement radical d'Aquileo Parra, sont sous les ordres des généraux Juliån Trujillo, Santos Acosta, Sergio Camargo et Tomås Rengifo. Les troupes conservatrices sont dirigées par les généraux Leonardo Canal, Manuel Briceño, Manuel Casablanca, Sergio Arboleda et Marceliano Vélez.

La guerre civile dĂ©bute dans l'État souverain de Cauca avant de s'Ă©tendre aux États d'Antioquia, Tolima, Santander, Cundinamarca et BoyacĂĄ.

Le , le gĂ©nĂ©ral Trujillo gagne la bataille de Los Chancos, dans l'État du Cauca, qui voit s'opposer entre 24 et 25 000 libĂ©raux et entre 16 et 20 000 conservateurs et fait entre 200 et 770 morts cĂŽtĂ© conservateur et 212 Ă  300 morts cĂŽtĂ© libĂ©ral[3].

La bataille de Guarrapata, dans l'État de Tolima, qui se dĂ©roule entre le 19 et le , voit s'affronter 12 000 combattants, faisant 1 319 morts et 190 blessĂ©s[3].

Lors de la bataille de Mutiscua (État de Santander), le , 1 200 libĂ©raux affrontent 1 000 conservateurs, faisant 24 morts[3].

À La Donjuana (État de Santander), le , 4 900 libĂ©raux combattent contre 4 000 conservateurs. Les libĂ©raux comptent entre 110 et 500 morts et les conservateurs 250[3].

D'autres combats mineurs ont lieu Ă  Tequia (32 morts) et CĂșcuta (6 morts)[3].

La guerre voit finalement la victoire des libĂ©raux et le maintien d'Aquileo Parra Ă  la prĂ©sidence des États-Unis de Colombie.

Le général Juliån Trujillo Largacha, grand vainqueur de la guerre, est élu président lors de l'élection suivante et prend ses fonctions le .

Guerre civile colombienne de 1885

Rafael NĂșñez, inspirateur de la politique de RegeneraciĂłn qui conduit Ă  la crĂ©ation de la RĂ©publique de Colombie et la fin de la pĂ©riode fĂ©dĂ©raliste en Colombie.

Les libĂ©raux radicaux dirigeant l'État souverain de Santander s'opposent Ă  la politique centraliste du prĂ©sident Rafael NĂșñez et son projet de RegeneraciĂłn. Ce dĂ©saccord se transforme en une dĂ©claration de guerre, rapidement suivi par les États souverains aux dirigeants libĂ©raux. Les États conservateurs prennent aussitĂŽt la dĂ©fense de Nuñez.

Le se livre la bataille de la Humareda qui, bien que gagnée par les libéraux radicaux, voit la mort de plusieurs de leurs principaux dirigeants. Les libéraux insurgés finissent par se rendre en novembre 1885.

Le triomphe des forces gouvernementales sert de prétexte au président Nuñez pour annoncer la fin de la validité de la constitution de 1863, inspirée par le radicalisme libéral. Il lance une profonde réforme constitutionnelle qui se conclut par l'adoption d'une nouvelle constitution en 1886 et l'avÚnement de la République de Colombie.

Guerre civile colombienne de 1895

Durant la pĂ©riode 1892-1896, le parti libĂ©ral colombien n'est reprĂ©sentĂ© au CongrĂšs que par Luis Antonio Robles (es), tandis que la prĂ©sidence est occupĂ©e par Miguel Antonio Caro, membre du Parti national, aprĂšs le retrait de Rafael NĂșñez pour raison de santĂ©. Ce dernier meurt Ă  CarthagĂšne des Indes le .

DĂšs sa prise de fonction, Caro prend des mesures impopulaires basĂ©es sur la Loi 61 de 1888, appelĂ©e Ley de los Caballos. Les libertĂ©s individuelles et la libertĂ© de la presse sont diminuĂ©es, et le gouvernement peut arrĂȘter ses ennemis politiques sans procĂšs.

Dans la nuit du , le directeur de la nouvelle police nationale colombienne, le commissaire français Jean Marie Marcelin Gilibert, dĂ©joue un complot ourdi depuis son exil Ă  Curaçao par le gĂ©nĂ©ral libĂ©ral Avelino Rosas CĂłrdoba qui projetait de faire arrĂȘter le prĂ©sident Caro.

Le , les libéraux se soulÚvent sous le commandement du général Siervo Sarmiento. Il est vaincu par les partisans de Rafael Reyes lors de la bataille de La Tribuna (Cundinamarca).

Le conflit s’étend alors Ă  l'ensemble du pays. Le dĂ©partement du Cauca se range du cĂŽtĂ© des libĂ©raux durant les batailles de Chicoral et El Papayo (Tolima).

La guerre civile se termine par la dĂ©faite des forces libĂ©rales lors de la bataille d'El Enciso (le ) oĂč le gĂ©nĂ©ral Ruiz est mis en dĂ©route aprĂšs avoir perdu plus de mille hommes.

Guerre des Mille Jours (1899-1902)

Commencée en octobre 1899 sous le prétexte de la récession causée par la chute du cours du café, la guerre des Mille Jours (guerra de los Mil Días en espagnol) est le fruit de la rivalité entre les conservateurs et les libéraux, les forces gouvernementales conservatrices étant bien mieux organisées et armées que leurs adversaires.

Cette guerre civile de grande ampleur, qui provoque la crĂ©ation de nombreux fronts de guĂ©rilla et est marquĂ©e par l'ingĂ©rence de forces Ă©trangĂšres (vĂ©nĂ©zuĂ©liennes, cubaines, nicaraguayennes et Ă©quatoriennes), prend fin en 1902 aprĂšs avoir causĂ© la mort d’environ cent mille personnes, soit 3,5 % de la population de l’époque.

De plus, la guerre amĂšne la perte du Panama, Ă  la suite de l’intervention des États-Unis, qui provoquent la sĂ©cession de ce territoire (devenu en 1903 un État indĂ©pendant), afin de pouvoir y creuser le canal qui allait relier l'ocĂ©an Atlantique et l'ocĂ©an Pacifique.

La Violencia (1948-1960)

Le , le leader libĂ©ral Jorge EliĂ©cer GaitĂĄn est assassinĂ© lors de la rĂ©union constitutive de l’Organisation des États amĂ©ricains (OEA) Ă  BogotĂĄ. La mort violente de cet Ă©minent dirigeant du Parti libĂ©ral, souvent taxĂ© de populisme et dont la popularitĂ© effrayait autant les responsables du Parti conservateur qu’une frange non marginale de sa propre faction, provoque des Ă©meutes d’une violence dĂ©chaĂźnĂ©e dont l’histoire colombienne se souviendra sous le nom de « Bogotazo ».

La rĂ©pression orchestrĂ©e par les conservateurs au pouvoir, rĂ©unis autour du prĂ©sident Laureano GĂłmez, se transforme progressivement en une vĂ©ritable guerre civile opposant une droite catholique Ă  une gauche libĂ©rale mais radicalisĂ©e par l’assassinat de son chef et l’ambiance d’intolĂ©rance politique du moment.

Ce conflit qui dure de 1948 Ă  1953 est connu comme « La Violencia » et provoque la mort de prĂšs de 300 000 Colombiens[4] sur une population estimĂ©e Ă  15 millions d’habitants (2 %). Il s’agit certainement lĂ  de l’un des plus violents conflits politiques de l’histoire du pays et d’une pĂ©riode excessivement traumatisante pour le peuple colombien. La Violencia est Ă  plus d’un titre une Ă©poque clĂ© pour comprendre le dĂ©veloppement du conflit actuel.

Tout d’abord, elle provoque la renaissance de mouvements guĂ©rilleros de gauche, libĂ©raux puis communistes. C’est de l’époque de la Violencia que date l’apparition des milices d’autodĂ©fense paysanne[4] modernes Ă©tablies pour lutter contre les exactions des militaires et des groupes armĂ©s conservateurs, milices qui donneront postĂ©rieurement naissance, entre autres, aux Forces armĂ©es rĂ©volutionnaires de Colombie (FARC)[4].

Il s’agissait en premier lieu de guĂ©rillas d’origine libĂ©rale dont certaines se transformeront en guĂ©rillas communistes, principalement dans les dĂ©partements de Cundinamarca (BogotĂĄ) et de Tolima (IbaguĂ©).

À la suite de la Violencia, le gĂ©nĂ©ral Rojas Pinilla prend le pouvoir en juin 1953 par un coup d’État dans le but de faire cesser ce bain de sang et de stabiliser une dĂ©mocratie vacillante. La reprise en main du pouvoir par les militaires permet progressivement un retour Ă  la normale, sans que cela signifie l’arrĂȘt total des combats qui reprennent avec force fin 1953, grĂące Ă  une loi d’amnistie et Ă  la relative neutralitĂ© de Pinilla face au conflit qui oppose libĂ©raux et conservateurs. Une grande partie des combattants de gauche refuse de dĂ©poser les armes (les factions libĂ©rales acceptent le compromis alors que les socialistes se radicalisent), prennent le maquis dans le sud du pays principalement dans les rĂ©gions de Huila et Tolima et, Ă  la suite de la rĂ©volution cubaine de 1959, se rapprochent du communisme.

Le gĂ©nĂ©ral Rojas Pinilla est renversĂ© en 1957 et le Front National est mis en place. Il s’agit d’un accord entre libĂ©raux et conservateurs qui, ayant conscience de la ruine du pays aprĂšs 10 ans de guerre civile et de l’impossibilitĂ© de sortir de la crise par de simples Ă©lections, dĂ©cident de partager le pouvoir en se rĂ©partissant Ă©quitablement les charges gouvernementales. Ainsi, de 1958 Ă  1978, libĂ©raux et conservateurs se succĂ©deront au pouvoir par pĂ©riode de quatre ans (la durĂ©e du mandat prĂ©sidentiel) sans qu’aucune autre formation politique ne puisse se prĂ©senter aux Ă©lections[5].

En outre, c'est dans les annĂ©es 1960 que l'État crĂ©e et soutient les paramilitaires (qui deviendront par la suite les AutodĂ©fenses unies de Colombie, AUC, d'extrĂȘme-droite) dans le cadre d'une stratĂ©gie contre-insurrectionnelle. Ainsi, les dĂ©crets du CongrĂšs colombien 3398 de 1965 visant Ă  organiser la dĂ©fense nationale autorise le ministĂšre de la Guerre Ă  « armer des groupes de civils avec un matĂ©riel normalement rĂ©servĂ© aux forces armĂ©es ». Ce dĂ©cret devient permanent en 1968 avant d’ĂȘtre dĂ©clarĂ© inconstitutionnel en 1989 par la Cour suprĂȘme[6].

Conflit armé colombien (depuis 1964)

Le conflit armĂ© colombien dĂ©bute au milieu des annĂ©es 1960 avec la crĂ©ation de diffĂ©rentes guĂ©rillas marxistes, originairement des milices d’autodĂ©fense paysanne[4] modernes Ă©tablies pour lutter contre les exactions des militaires et des groupes armĂ©s conservateurs, Ă  l’Ɠuvre durant la Violencia. Ces milices donneront postĂ©rieurement naissance, entre autres, aux Forces armĂ©es rĂ©volutionnaires de Colombie (FARC)[4].

À partir des annĂ©es 1980, des groupes paramilitaires se constituent, se prĂ©sentant comme une force de contre-insurrection opposĂ©e aux guĂ©rillas que l'État ne parvient pas Ă  vaincre. Au cours des annĂ©es 2000, les AutodĂ©fenses unies de Colombie, principal groupe paramilitaire, sont officiellement dĂ©sarmĂ©es aprĂšs un accord de paix avec le gouvernement (remplacĂ©es par des «groupes Ă©mergents» moins puissants).

Le conflit se poursuit à la fin des années 2000 entre les FARC et l'ELN (marxistes), les groupes paramilitaires comme les Águilas Negras et les forces gouvernementales.

Références

  1. Liberalismo, la constituciĂłn de 1863, y la reforma constitucional de 1936
  2. Origenes del Liberalismo Colombiano
  3. (es) Edna Carolina Sastoque R. et Mario GarcĂ­a M., La guerra civil de 1876-1877 en Los Andes nororientales colombianos[PDF], Revista de EconomĂ­a Institucional, Vol 12, no 22, premier semestre 2010
  4. (fr) « 50 ans de guerre en Colombie », sur www.monde-diplomatique.fr (consulté le )
  5. (fr) « Cent ans de violence en Colombie par JosĂ© Del Pozo, professeur d’histoire », sur www.er.uqam.ca (consultĂ© le )
  6. Philippe Dufort (Université du Québec), Paramilitarisme et scandale de la parapolitique en Colombie, La Chronique des Amériques, octobre 2007, no 17

Voir aussi

Liens externes

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