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Guerre biologique

La guerre biologique, parfois appelée, à tort, guerre bactériologique, est l'utilisation en tant qu'arme biologique des propriétés nocives de certains micro-organismes ou de certaines toxines. Elle est destinée à invalider ou tuer un adversaire.

Symbole international de contamination biologique.

La guerre biologique est proscrite par l'ONU parce qu'une attaque réussie pourrait vraisemblablement engendrer des milliers, des millions, voire des milliards de morts[1] et qu'elle pourrait détruire des sociétés et des marchés économiques.

Historique

Les premiers usages

Le pouvoir destructeur de certaines maladies n'a pas échappé aux belligérants de toutes les époques. Certaines techniques simples sont les précurseurs de la guerre biologique :

  • Empoisonner un puits avec des charognes ou des excrĂ©ments
  • Propulser des cadavres pestifĂ©rĂ©s dans une ville assiĂ©gĂ©e (En 1346, les Mongols vinrent Ă  bout de la rĂ©sistance du comptoir gĂ©nois de Caffa avec cette mĂ©thode)
  • Enduire les pointes des flĂšches au moyen d'excrĂ©ments
  • Offrir des objets souillĂ©s par des malades Ă  ses ennemis

En Chine, l'envoi de cadavres de pestifĂ©rĂ©s dans les villes assiĂ©gĂ©es constitue un exemple ancien d'arme bactĂ©riologique, bien que personne ne sĂ»t Ă  l'Ă©poque ce qu'Ă©tait une bactĂ©rie. Durant l’AntiquitĂ©, Grecs, Romains et Perses utilisaient des cadavres d’animaux pour contaminer les sources et puits ennemis.

Dans l'époque moderne, des documents de la rébellion de Pontiac entre 1760 et 1764 évoquent la guerre biologique, selon les modalités possibles de l'époque, opportuniste, improvisée, éventuellement défensive, artisanale, la dimension génocidaire largement hors de portée à l'époque relÚve de l'emphase, du fantasme, voire de l'anachronisme. Par exemple, le général britannique Jeffery Amherst suggÚre d'offrir aux Amérindiens en révolte des couvertures infectées par la variole. Si de semblables moyens semblent avoir été utilisés ici ou là, les historiens doutent de leur efficacité. Il semble trÚs difficile notamment de distinguer d'hypothétiques épidémies causées intentionnellement d'entre les épidémies naïves, touchant tous les belligérants, toutes les populations en temps de guerre comme en temps de paix.

Limitation des armements biologiques

Au cours de la Grande guerre, l'Allemagne fut accusée d'usage de telles armes, que ce soit en utilisant le choléra en Italie, la peste à Pétrograd ou bien en contaminant 4500 mules à la morve en Mésopotamie. Des ampoules de morve furent saisies en 1917 à la légation de Bucarest[2]. Du cÎté des alliés, des projets isolés furent menés contre les animaux de guerre des puissances centrales[3]. L'utilisation d'armes biologiques a été interdite par le protocole de GenÚve de 1925. La Convention sur les armes biologiques et les toxines de 1972 a élargi l'interdiction à presque toute production, stockage et transport.

Pendant la guerre sino-japonaise (1937-1945) et la Seconde Guerre mondiale, l'Unité 731 et l'armée impériale japonaise ont mené des expérimentations humaines sur des milliers de personnes, principalement des Chinois mais aussi des prisonniers de guerre américains, anglais et russes. Durant les campagnes militaires, l'armée japonaise a utilisé des armes biologiques sur les soldats et les civils chinois, notamment lors de la bataille de Changde.

À la suite des recherches menĂ©es au Royaume-Uni durant la Seconde Guerre mondiale, l'Ăźle Gruinard, en Écosse, fut contaminĂ©e en 1942 par la maladie du charbon qui y persista les 48 annĂ©es suivantes.

Des efforts considĂ©rables dans la recherche d'armes biologiques ont Ă©tĂ© mis en Ɠuvre par l'Union soviĂ©tique dĂšs 1928 (de trĂšs loin le premier État en ce domaine) avec une vaste organisation nommĂ©e « Biopreparat » Ă  partir des annĂ©es 1970[4]. Les États-Unis, l'Irak, l'Afrique du Sud et probablement d'autres États ont aussi, durant la guerre froide, effectuĂ© de telles recherches. Cependant on pense que de telles armes n'ont jamais Ă©tĂ© utilisĂ©es de maniĂšre massive et aucun État n'a revendiquĂ© officiellement avoir fait usage de telles armes.

Le , Nixon fait une dĂ©claration unilatĂ©rale de renoncement au dĂ©veloppement et Ă  la production d’armes biologiques par les États-Unis. Tout l’arsenal des É.-U. est dĂ©truit avant la fin de 1973, Ă  l’exception de rĂ©serves de semences conservĂ©es pour les besoins de la recherche.

En 1972, une centaine de nations signent la convention sur l'interdiction des armes biologiques et des toxines, qui interdit le dĂ©veloppement, la production et le stockage et l'utilisation de microbes ou de leurs produits toxiques, exceptĂ© dans des quantitĂ©s nĂ©cessaires Ă  la recherche d'applications de dĂ©fense et de paix. On pense cependant que depuis sa signature, le nombre des pays capables de produire de telles armes n'a cessĂ© d'augmenter et l'Union soviĂ©tique n'a pas respectĂ© cet accord : Biopreparat ne fut dĂ©mantelĂ© officiellement qu'en 1992 aprĂšs la disparition de cet État.

Le vendredi , l'usine de production d'armes bactĂ©riologiques de Sverdlovsk (actuellement Ekaterinbourg) laisse Ă©chapper de l'anthrax Ă  la suite d'un non-remplacement d'un filtre ; l'Ă©pidĂ©mie fait entre 66 et 600 morts selon les sources.

Entre 1975 et 1983, des cas d’intoxication causĂ©s par ce que l’on a nommĂ© la « pluie jaune » ont aussi Ă©tĂ© constatĂ©s au Laos et au Cambodge alors sous contrĂŽle du Viet-Nam.

En 1986, le gouvernement américain a dépensé 42 millions de dollars dans la recherche sur les maladies infectieuses et les toxines. Cette somme est dix fois plus élevée que celle investie en 1981. L'argent a été destiné à vingt-quatre universités dans l'espoir de développer des souches d'anthrax, de la fiÚvre de la vallée du Rift, de l'encéphalite japonaise, de la tularémie, de shigelle, de la toxine botulique et de la fiÚvre Q. Quand la faculté de biologie du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a voté contre les fonds du Pentagone en faveur de la recherche biotechnologique, l'administration Reagan l'a forcée à changer sa décision en la menaçant de lui couper d'autres fonds.

Cependant les États-Unis appliquent une politique fĂ©dĂ©rale de non-utilisation d'armes biologiques en toute circonstance, se concentrant sur les mesures dĂ©fensives.

Caractéristiques des armes biologiques

Les caractéristiques de l'arme biologique idéale sont sa faible visibilité, sa puissance, son accessibilité et sa dissémination facilitée.

Les agents infectieux sont choisis en fonction de leur lĂ©talitĂ© et de leur robustesse (ainsi ils pourront ĂȘtre dissĂ©minĂ©s au moyen d'aĂ©rosols).

Les agents biologiques utilisĂ©s dans les armes biologiques peuvent ĂȘtre produits facilement et rapidement. La difficultĂ© principale n'est pas la production de l'agent biologique mais sa dissĂ©mination sous une forme infectieuse pour une cible vulnĂ©rable.

Par exemple, le bacille du charbon (appelĂ© anthrax par les Anglo-Saxons), est considĂ©rĂ© comme un agent excellent. PremiĂšrement, il forme des spores rĂ©sistantes, parfaites pour la dissĂ©mination sous forme d'aĂ©rosols. DeuxiĂšmement, les personnes dont les poumons sont contaminĂ©s ne sont gĂ©nĂ©ralement pas contagieuses. L'effet de l'agent est ainsi confinĂ© Ă  la cible. L'infection pulmonaire dĂ©bute avec des symptĂŽmes « froids » et devient rapidement lĂ©tale. Enfin, le personnel alliĂ© peut ĂȘtre protĂ©gĂ© avec les antibiotiques ou les vaccins appropriĂ©s.

Une attaque massive au moyen du charbon nĂ©cessiterait la crĂ©ation de particules aĂ©rosols de 1,5 Ă  5 micromĂštres de diamĂštre. Si les gouttelettes sont trop grosses, elles sont filtrĂ©es par le systĂšme respiratoire en amont des bronches. À ces dimensions, les poudres tendent en outre Ă  se grouper et Ă  s'attacher en raison des charges Ă©lectrostatiques et des forces de Van der Waals. Cela nuit Ă  la dissĂ©mination. Ainsi le matĂ©riel doit ĂȘtre traitĂ© avec de la silice (agent antiagglomĂ©rant). L'aĂ©rosol doit ĂȘtre dissĂ©minĂ© de sorte que ni la pluie ni le soleil ne le dĂ©grade et que cependant le poumon humain puisse ĂȘtre infectĂ©.

Les maladies envisagĂ©es pour l'armement ou dĂ©jĂ  utilisĂ©es Ă  cet effet sont notamment le charbon, la maladie Ă  virus Ebola, la peste, le cholĂ©ra, la tularĂ©mie, la brucellose, la fiĂšvre Q, le Machupo, VEE, SEB et la variole. Les toxines naturelles qui pourraient ĂȘtre utilisĂ©es comme armes sont entre autres la ricine, la toxine botulique et les mycotoxines.

Destruction des récoltes

Au lieu de cibler des humains, les armes biologiques pourraient ĂȘtre conçues pour cibler des rĂ©coltes. Cela pourrait engendrer des consĂ©quences dĂ©sastreuses au niveau de la capacitĂ© d'un pays Ă  s'auto-suffire. Les agents biologiques utilisĂ©s pour cibler des plantes sont appelĂ©s bioherbicides et ceux qui visent les champignons sont appelĂ©s mycoherbicides.

Mesures de protection

La premiÚre défense civile contre les armes biologiques consiste à se laver les mains à chaque fois que l'on se déplace vers un autre bùtiment ou d'autres personnes. Il faut aussi éviter de toucher les poignées de porte, les murs, le sol, et sa bouche, son nez et ceux d'autres personnes.

Des méthodes plus exotiques comprennent la décontamination, généralement effectuée à l'aide d'eau de Javel. Un moyen de décontamination efficace consiste à laisser ses chaussures à l'entrée et marcher et tremper les mains dans un bain d'eau de javel diluée. La décontamination périodique des sols et des poignées de porte peut se révéler trÚs utile.

Les méthodes médicales de la protection civile comprennent le stockage d'antibiotiques et de vaccins et l'entraßnement à un diagnostic rapide et précis ainsi qu'au traitement. De nombreuses maladies utilisées dans les armes biologiques sont inhabituelles aux médecins généralistes.

Des boucliers Ă  pression positive sont possibles mais trĂšs coĂ»teux par rapport Ă  leur efficacitĂ© au niveau de la plupart des installations importantes. Ceci est dĂ» au fait que, dans la plupart des attaques, l'agent est dissĂ©minĂ© dans une ellipse longue et Ă©troite dans le sens du vent Ă  partir du point de largage. Les personnes situĂ©es hors de cette ellipse ne sont pas affectĂ©es par une infection secondaire. Les personnes Ă  l'intĂ©rieur de cette ellipse ne peuvent pas ĂȘtre aidĂ©es par les mesures de protection civile. Elles ont besoin d'un diagnostic mĂ©dical et d'un traitement.

Limites inhérentes aux armes biologiques

Les analystes militaires estiment que la guerre biologique est peu efficace sur un terrain conventionnel, bien qu'elle puisse ĂȘtre une arme psychologique dans le cas du bioterrorisme. La principale faiblesse d'une attaque biologique est le dĂ©lai de plusieurs jours entre sa diffusion et ses premiers effets. Elle ne peut pas bloquer la progression d'une armĂ©e, Ă  l'inverse d'une attaque nuclĂ©aire ou chimique.

StratĂ©giquement, l'attaque biologique pose problĂšme aussi. Les assaillants risquent en effet de subir eux-mĂȘmes les consĂ©quences de la propagation du micro-organisme. Une attaque biologique appelle en outre une contre-attaque massive immĂ©diate. Enfin, la zone contaminĂ©e serait difficile Ă  occuper et Ă  exploiter (tant Ă©conomiquement que militairement) sans une trĂšs lourde infrastructure de protection des soldats ou des civils.

Exemples de guerre biologique

Assassinat de Reinhard Heydrich en 1942

Selon une hypothĂšse Ă©voquĂ©e par certains historiens[5], Reinhard Heydrich, un dignitaire nazi qui fut l'adjoint direct de Heinrich Himmler, pourrait avoir Ă©tĂ© victime d'une arme biologique antipersonnel fondĂ©e sur l'utilisation de la toxine botulique. L'ObergruppenfĂŒhrer, atteint par des fragments d'une grenade lancĂ©e contre lui par des rĂ©sistants tchĂšques (opĂ©ration Anthropoid), est mort alors que le pronostic vital n'Ă©tait pas engagĂ©, peut-ĂȘtre du botulisme[6], provoquĂ© par la toxine botulique mĂȘlĂ©e Ă  la couche de colle enduisant la grenade.

Attaque bioterroriste de The Dalles

En 1984, dans la petite ville de The Dalles en Oregon, les disciples de Bhagwan Shri Rajneesh ont tentĂ© de contrĂŽler des Ă©lections locales en infectant des bars Ă  salade avec des salmonelles. Environ 900 personnes en sont tombĂ©es malades. Cet Ă©vĂ©nement est considĂ©rĂ© comme le premier cas de bioterrorisme perpĂ©trĂ© aux États-Unis.

Enveloppes contaminées au bacille du charbon en 2001

En septembre et octobre 2001, des enveloppes contaminĂ©es au bacille du charbon font quatre morts aux États-Unis. Le , le photographe amĂ©ricain Robert Stevens fut la premiĂšre victime connue du bioterrorisme.

Autres cas possibles d'attaque bactériologique

Les mystÚres entourant les événements de Pont Saint-Esprit (affaire du pain maudit), de l'affaire du talc Morhange, du scandale de l'huile frelatée en Espagne peuvent, en l'absence de preuves et de conclusions formelles, s'inscrire dans un processus de guerre biologique.

Notes et références

  1. La progression d'une pandémie est géométrique.
  2. T. Debord, Philippe Binder, J. Salomon et RenĂ© RouĂ©, « Les armes biologiques », Topique, vol. 81, no 4,‎ , p. 93 (ISSN 0040-9375 et 1965-0604, DOI 10.3917/top.081.0093, lire en ligne, consultĂ© le )
  3. « « Entre 1914 et 1918, Allemands et AlliĂ©s se sont livrĂ©s une guerre bactĂ©riologique » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  4. Pierre Lellouche, Guy-Michel Chauveau et Aloyse Warhouver, « La prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, rapport d'information n⁰ 2788, L'incroyable programme biologique soviétique », sur Assemblée nationale française, Commission de la Défense nationale et des Forces armées, (consulté le )
  5. Elle est notamment dĂ©veloppĂ©e par Patrick Berche dans son ouvrage L'histoire secrĂšte des armes biologiques. Mensonges et crimes d'État (Éditions Robert Laffont, 2009, p. 65).
  6. Quelques heures avant de mourir, Heydrich présente les symptÎmes du botulisme, à savoir la « paralysie progressive des muscles des membres, des muscles du thorax, de la face et de la gorge » (ibd, p. 65).

Annexes

Bibliographie

  • Patrick Berche, L'histoire secrĂšte des guerres biologiques, Robert Laffont, 2009, (ISBN 9782221112144)
  • Boyle Francis A., Guerre Biologique et Terrorisme, Demi Lune, 2007, (ISBN 978-2-952557-19-1) (BNF 41098030)
  • Henri Mollaret, L'Arme biologique : Microbes, virus et terrorisme, Plon, 2002, (ISBN 2259196802)
  • Judith Miller, Stephen Engelberg, William Broad, Germes : Les armes biologiques de la guerre secrĂšte, Fayard, 2002, (ISBN 2213611858)
  • Ken Alibek, La Guerre des germes, Presses de la CitĂ©, 2000, (ISBN 2258053455)
  • Peter Williams, David Wallace, La guerre bactĂ©riologique, Albin Michel, 1990, (ISBN 2226041192)
  • Bouquet, Henri, "The papers of Col. Henry Bouquet". Prepared by Frontier forts and trails survey, Federal works agency, Work projects administration; edited by Sylverster K. Stevens and Donald H. Kent
  • "Plains Indian Smallpox Genocide", by O. N. Eddins
  • Étienne Aucouturier, Biological Warfare - Another French Connection, Éditions MatĂ©riologiques, 2020 (ISBN 978-2-37361-239-4)
  • Étienne Aucouturier, La guerre biologique. Aventures françaises, Éditions MatĂ©riologiques, 2017 (ISBN 978-2-37361-118-2)

Articles connexes

Liens externes

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