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Germaine de Staël

Anne-Louise-Germaine Necker, baronne de Staël-Holstein, connue sous le nom de Madame de Staël (/stal/)[1], est une romancière, épistolière et philosophe genevoise[2] et française[3] née le à Paris où elle est morte le [4].

Germaine de Staël
Portrait de Germaine de Staël par Marie-Éléonore Godefroid d'après François Gérard, château de Versailles.
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Anne-Louise Germaine Necker
Surnom
Madame de Staël
Nationalités
Activité
Père
Mère
Conjoints
Erik Magnus Staël von Holstein (de à )
Albert de Rocca (Ă  partir de )
Enfants
Auguste-Louis de Staël-Holstein
Albertine de Broglie (en)
Louis Alphonse de Rocca (d)
Parentèle
Louis Necker (oncle)
Jacques Necker (d) (cousin)
Autres informations
Propriétaire de
Mouvement
Genre artistique
Adjectifs dérivés
staëlien
Prononciation
Ĺ’uvres principales
signature de Germaine de Staël
Signature de Germaine de Staël.
Plaque commémorative de la rencontre entre Germaine de Staël et Napoléon.

Issue d'une famille de Protestants valdo-genevois[5] richissimes, fille du ministre des finances de Louis XVI Jacques Necker, elle est élevée dans un milieu de gens de lettres. Elle épouse, en 1786, le baron Erik Magnus Staël von Holstein, ambassadeur du roi Gustave III de Suède auprès de la cour de France à Versailles. Le couple se séparera en 1800. Devenue baronne de Staël, elle mène une vie sentimentale agitée et entretient en particulier une relation orageuse avec Benjamin Constant, écrivain et homme politique franco-vaudois rencontré en 1794.

Entretemps, sa réputation littéraire et intellectuelle s'est affirmée grâce à trois essais philosophiques que sont les Lettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques Rousseau (1788), De l'influence des passions sur le bonheur de l'individu et des nations (1796) et De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1800)[alpha 1].

Favorable à la Révolution française et aux idéaux de 1789, elle adopte une position critique dès 1791 et ses idées d'une monarchie constitutionnelle la font considérer comme une opposante gênante par les maîtres de la révolution. Malgré le statut de diplomate de son mari, elle doit se réfugier auprès de son père en Suisse à plusieurs reprises. Interdite de séjour sur le sol français par Napoléon Bonaparte qui la considère comme un obstacle à sa politique, elle s'installe en Suisse dans le château familial de Coppet qui sert de lieu principal de rencontres au groupe du même nom, et d'où elle fait paraître Delphine (1802), Corinne ou l'Italie (1807) et De l'Allemagne (1810/1813[alpha 2]).

Veuve en 1802, elle se remarie en 1811 avec un jeune officier genevois, Albert de Rocca, et rouvre son salon parisien Ă  la faveur de la Restauration de la maison de Bourbon.

Grâce à la publication de De l'Allemagne (1813-14), elle popularise en France les œuvres des auteurs de langue allemande, jusqu'alors relativement méconnues. Elle ouvre ainsi la voie au romantisme français, directement inspiré des premiers romantiques allemands et anglais. Ses œuvres fictionnelles majeures, dans lesquelles elle représente des femmes victimes des contraintes sociales qui les enchaînent, sont Delphine (1802) et Corinne ou l'Italie (1807).

Elle meurt en 1817, peu de temps après une attaque de paralysie qui la terrasse au cours d'un bal que donnait le duc Decazes, laissant inachevées ses Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, ouvrage posthume publié en 1818, ainsi que ses Dix années d'exil, parues à titre posthume en 1821.

Biographie

Jeunesse

Suzanne Curchod (Madame Jacques Necker), mère de Germaine Necker.

Germaine Necker naît à Paris, dans l'ancien hôtel d'Hallwyll, rue Michel-le-Comte, le . Élevée par sa mère Suzanne Curchod, fille d'un pasteur calviniste, aux conceptions religieuses dévotes, Germaine reçoit une éducation opposée au système de Rousseau, qui considérait que le développement moral devait suivre le perfectionnement des organes de perception, Mme Necker considérant qu'il faut exercer l'intelligence par un afflux précoce d'idées[6]. Elle lui donne une instruction encyclopédique et l'enfant suscite rapidement la curiosité des hôtes de ses parents par l'étendue de son érudition. Son père est le financier Jacques Necker qui a fait fortune comme banquier à Paris. Il sera ministre des finances du roi de France Louis XVI de 1776 à 1781.

Elle est élevée dans un milieu de gens de lettres, qui fréquentent assidûment le salon de sa mère (Buffon, Marmontel, Grimm, Edward Gibbon, l'abbé Raynal et Jean-François de La Harpe).

Le goût de la vie sociale parisienne et l'intérêt de sa famille pour la politique la lient cependant davantage à la France. Très jeune, à quatorze ans à peine, elle tient son cercle et sait converser avec les hôtes du salon de sa mère. Elle a appris l'anglais et le latin, l'art de la danse et la musique, la récitation et la diction, est souvent allée au théâtre. Tout fait d'elle une jeune fille différente, par son érudition et sa culture, des jeunes filles de son milieu, élevées de façon plus traditionnelle, qui étonne ses contemporains par la vivacité de son intelligence[7].

Mariage

Erik de Staël, premier mari de Germaine Necker vers 1782.

Le prestige de son père lui ouvre les portes de ce que l'Europe compte à la fois d'aristocrates et d'intellectuels éclairés. Ses parents ne veulent pas d'un gendre catholique, mais il y a fort peu de protestants dans la noblesse française, et les amis suisses qu'ils fréquentent sont jugés trop provinciaux. Elle rejette inlassablement ses nombreux prétendants : Axel de Fersen, ambassadeur de Suède, Georges-Auguste de Mecklembourg, Louis Marie de Narbonne-Lara, fils naturel de Louis XV[8], qui devient un de ses amants par la suite, et même William Pitt[9], sont parmi les plus connus.

À vingt ans, obéissant au projet de ses parents, elle se marie avec le baron de Staël-Holstein, ambassadeur de Suède, de seize ans son aîné, en 1786[10]. S'étant porté candidat alors qu'elle n'a que treize ans, il sait attendre, et leur mariage est célébré le dans la chapelle luthérienne de l'ambassade de Suède. Le soir de son mariage, en changeant de nom, elle décide d'utiliser son troisième prénom, devenant Germaine de Staël[11].

Jeune femme

L'Ambassade de Suède à l’hôtel de Ségur, devenu hôtel de Salm-Dyck.

Ce mariage arrangĂ© n'est pas un mariage d'amour, pas mĂŞme un mariage heureux, et la jeune femme cherche ailleurs un bonheur qu'elle n'a pas. Sa vie entière est d'ailleurs une quĂŞte perpĂ©tuelle d'un bonheur, qu'elle ne trouve guère. Son mari dĂ©sargentĂ© parvient Ă  se faire nommer ambassadeur de Suède, ce qui lui procure une pension confortable de 25 000 livres alors que sa femme lui apporte une dot de 25 000 livres[12] - [13]. La fortune de son Ă©pouse permet au diplomate scandinave de mener un train de vie qui rehausse l'Ă©clat de sa patrie aux yeux des Français.

À la suite de sa mère, elle ouvre un salon à l'hôtel de Suède, rue du Bac, en 1795, où elle reçoit les représentants d'une nouvelle génération professant les idées neuves qui sont proches des siennes, contemporains de la guerre d'indépendance en Amérique, qui y ont participé parfois d'ailleurs – La Fayette, Noailles, Clermont-Tonnerre, Condorcet, François de Pange et les trois hommes qu'elle aime le plus à cette époque : Louis Marie de Narbonne-Lara, sa première grande passion, Mathieu de Montmorency, l'ami de toute sa vie, Talleyrand, le traître à l'amitié. Elle favorisera notamment le retour d'exil aux États-Unis d'Amérique de ce dernier. Ils entretiendront une relation épistolaire fournie tout au long de leur vie.

La RĂ©volution

Le 5 mai 1789, Germaine de Staël assiste à l'ouverture des États généraux à Versailles où elle rencontre le jeune Mathieu de Montmorency.

Voyant dans l'Angleterre la meilleure expression de la liberté, lectrice passionnée de Rousseau, marquée par les idées des Lumières, elle accueille favorablement la Révolution et, le , assiste à l'ouverture des États généraux. Son père doit démissionner en , contraint de laisser au Trésor royal deux millions de livres qu'il lui avait prêtés, et que sa fille s'efforcera en vain de réclamer toute sa vie. À partir de 1792, la situation devient difficile. Elle déploie une grande énergie dans les dernières semaines de la monarchie s'efforçant de sauver proches et amis. Soutenant l'idée d'une monarchie constitutionnelle, elle se coupe tant des partisans d'une République que des tenants de l'absolutisme, et doit s'exiler, en 1793, en Angleterre, où elle séjourne quelques mois avec les amis qui fréquentaient son salon. Sa vie est par la suite souvent marquée par l'exil.

En Suisse, elle s'éprend de François de Pange, qui a émigré dans des conditions difficiles et qui, devenu imprimeur pour survivre, publiera ses œuvres La Paix puis Zulma. Ami sincère, il se montrera un critique objectif et sévère. En revanche, nature délicate et droite, il ne répond pas aux sentiments passionnés de Germaine. Ayant appris que sa cousine Anne-Louise de Domangeville avait échappé de peu à la guillotine et avait été libérée après la chute de Robespierre, il retourne en France et l'épouse, au grand dam de Germaine. Lorsqu’il meurt, quelques mois plus tard, Anne-Louise de Domangeville se résout, pour faire face à ses créanciers, à convoler pour la troisième fois, suscitant les remarques amères de Germaine de Staël.

Revenue à son tour en France, Germaine publie, en septembre, des Réflexions sur le procès de la Reine, plaidoyer en faveur de Marie-Antoinette à l'adresse des autres femmes[14] où elle dénonce les misères de la condition féminine. Désormais, elle fait publier elle-même ses œuvres littéraires, rejetant d'une part le merveilleux et l'allégorique des contes, et d'autre part le roman historique et le décor antique, mettant en scène, d'une manière moderne pour l'époque, les caractères et les conditions sociales de son temps.

Le Directoire et Napoléon

Bonaparte en 1803 par François Gérard.

« Un seul homme de moins et le monde serait en repos[15]. »

Elle est de retour en France pendant le Directoire, elle parvient à se mettre à dos aussi bien royalistes que jacobins, ces derniers dénonçant l'aide qu'elle apporte aux émigrés et les deux partis étant agacés par la prétention de Germaine et de Benjamin Constant de devenir les mentors de la vie politique parisienne. Lorsque le Directoire envisage d'envahir les cantons suisses, elle s'efforce d'en dissuader Bonaparte, par crainte que la France n’y abroge les droits féodaux dont jouit son père à Coppet.

Elle est fascinée par le jeune général, mais celui-ci répond par une grande froideur à ses avances. Le , Talleyrand lui ménage une entrevue avec Bonaparte, en qui elle voit un libéral appelé à faire triompher le véritable idéal de la Révolution ; elle le rencontre plusieurs fois par la suite. Impressionnée, elle l'assaille de questions : « — Général, quelle est pour vous la première des femmes ? — Celle qui fait le plus d'enfants, Madame » lui aurait-il répondu. C'est le début d'une longue animosité.

Madame de StaĂ«l achève de perdre ses illusions, après le coup d'État du 18 Brumaire et la promulgation de la Constitution de l'an VIII. Elle devient l'une des pierres angulaires de la rĂ©sistance contre le rĂ©gime de plus en plus dictatorial de Bonaparte. Victor Hugo cite Madame de StaĂ«l parmi les rares qui ne se sont pas agenouillĂ©s devant NapolĂ©on[16]. Beaucoup d'intellectuels doivent opter pour une vie dans la clandestinitĂ©, et c'est dans l'interdit qu'elle poursuit son Ĺ“uvre de philosophie politique. PlutĂ´t que de se rĂ©fugier dans le silence, elle publie les romans qui lui valent une grande cĂ©lĂ©britĂ©, mais ne tardent pas Ă  lui valoir un exil – de Paris d'abord, puis de France.

L'exil

Benjamin Constant.

En , Madame de Staël est chassée de Paris dont elle ne doit pas s'approcher de moins de « quarante lieues »[17]. Avec la publication de Delphine, roman où se mêlent les questions politiques et sociales de son temps, l'anglophilie de l'époque, la supériorité du protestantisme sur le catholicisme, le divorce, qui dénonce ouvertement la régression à tous points de vue de la condition féminine, malgré la Révolution, les malheurs auxquels leur position dans la famille patriarcale condamne les femmes. Cela n'est évidemment pas pour plaire à Napoléon, devenu empereur, à qui on doit un Code civil français qui fait perdre aux femmes certains acquis de la Révolution qu'elles vont mettre plus d'un siècle à recouvrer.

Cela lui vaut, en revanche, un immense succès dans toute l'Europe — également des critiques, virulentes, attisées par l'hostilité de l'Empereur à son encontre.

Veuve en 1802, elle entretient une longue relation avec Benjamin Constant, rencontré en 1794, qui l'accompagne dans son exil. Vaudois comme elle, il est en définitive issu de la même région et protestant comme elle, mais il aime vivre seulement à Paris. Il ne parvient à se fixer ni auprès d'elle ni ailleurs. Cette liaison, longue et orageuse, est l'une des plus surprenantes qu’ait laissée l'histoire du monde littéraire. « Je n'avais rien vu de pareil au monde » écrit-il, « J'en devins passionnément amoureux ». Mais la volonté de tout régenter de Madame de Staël, et les tromperies de Benjamin Constant, font qu'ils se séparent après une demande en mariage que Madame de Staël refuse.

Johann Wolfgang von Goethe.

De la fin de l'année 1803 au printemps 1804, Madame de Staël fait avec Benjamin Constant un voyage de plusieurs mois en Allemagne, où elle est reçue dans les cours princières comme un chef d'État. Sur le chemin de l'exil, elle s'arrête plus d'une semaine à Metz, pour y rencontrer Charles de Villers avec qui elle entretenait une importante correspondance, et qui se rendait à Paris[18]. Elle a appris l'allemand auprès du précepteur de ses enfants, ce qui est une curiosité originale à l'époque alors que la plupart de ses contemporains tiennent les États allemands pour des nations arriérées. Elle rencontre Schiller, Goethe et, de façon générale, la majeure partie de l'intelligentsia allemande. Elle y découvre une littérature inconnue en France, qu'elle révèle aux Français dans son ouvrage De l'Allemagne, où elle dépeint une Allemagne sentimentale et candide, image qui eut une grande influence sur le regard que les Français ont porté sur ce pays durant tout le XIXe siècle. Elle entreprend également un voyage en Italie à la fin de la même année : il faut, dit-elle, avoir « l'esprit européen » ; elle ne cessera, de sa vie, de défendre cette position.

Benjamin Constant s'éprend de Juliette Récamier, dans une passion malheureuse. Son ancienne amante écrit de lui : « Un homme qui n'aime que l'impossible ».

Le château de Coppet.

En 1805, de retour au château de Coppet[17], le seul endroit où elle peut vivre dans l'Europe napoléonienne, elle y commence Corinne ou l'Italie, roman dans lequel l'héroïne, à la recherche de son indépendance, meurt de cette recherche. Elle s'inspire du défunt François de Pange pour créer le personnage d'Oswald. En ce lieu, elle reçoit également nombre de personnalités et d'intellectuels européens gravitant autour du Groupe de Coppet.

Germaine de StaĂ«l en Corinne (1807), Firmin Massot, huile sur bois, 61 x 52 cm - Collection du château de Coppet (Suisse).

Elle se remarie, en 1811, avec Albert de Rocca, jeune officier d'origine suisse, de 22 ans son cadet, dont elle a un fils.

Albert Jean Michel Rocca, deuxième mari de Germaine de Staël.

À la parution de De l'Allemagne, en 1810, où elle appelle explicitement à l'unité allemande, l'ouvrage est immédiatement saisi et mis au pilon[17] sur ordre de Napoléon. Cela marque pour Madame de Staël le début des années d'exil. Le , le ministre de la Police, Savary, duc de Rovigo, lui envoie un courrier : « Votre dernier ouvrage n’est point français. Il m’a paru que l’air de ce pays-ci ne vous convenait point, et nous n’en sommes pas encore réduits à chercher des modèles dans les peuples que vous admirez[19]. » L'assignant à résidence dans son château de Coppet, l'Empereur la fait espionner sans trêve, lui interdisant toute publication et punissant d'exil toutes les personnes ayant souhaité adoucir ses souffrances en lui rendant visite, parmi lesquelles Juliette Récamier. En , elle quitte Coppet avec ses deux enfants et son époux, Albert de Rocca. Espérant rallier l'Angleterre, elle est contrainte de passer par la Russie et séjourne à Saint-Pétersbourg. Là, elle prend des notes pour le futur De la Russie et des royaumes du Nord — les futures Dix années d'exil.

Charles XIV Jean de Suède.

Elle rencontre aussi à Saint-Pétersbourg le baron vom Stein, fervent opposant de Napoléon. Elle parvient enfin à se réfugier à Stockholm, auprès de Bernadotte, devenu prince héritier du trône de Suède, où elle devient l'inspiratrice d'une alliance anti-napoléonienne, acquérant ainsi une stature politique plus marquée. Elle se rend en Angleterre en 1813, et rencontre à Londres le futur Louis XVIII, en qui elle souhaite voir un souverain capable de réaliser la monarchie constitutionnelle.

Elle rentre en France au printemps 1814, après avoir publié outre-Manche Sapho, où reparaît le thème de la femme géniale et incomprise qui finit par mourir de douleur et d'amour, ainsi que ses Réflexions sur le suicide.

Retour Ă  Paris

Joséphine de Beauharnais.

De retour à Paris, Germaine de Staël reçoit rois, ministres et généraux. Madame de Staël se démarque par une réelle ambition politique ; combative et passée à l'opposition, elle est une propagandiste très active. Durant le premier exil de Napoléon, bien qu'alliée avec circonspection aux Bourbons[20], elle fait prévenir l'empereur d'une tentative d'assassinat[21], et celui-ci, pour la rallier à sa cause, lui fait promettre le remboursement d'une somme jadis prêtée par son père au trésor[22]. Cette thèse est vue différemment par l'historien Jean Tulard. En effet Madame de Staël aurait offert ses services à l'Empereur en échange de deux millions de francs. Elle était disposée à lui offrir sa plume et ses principes. Napoléon répondit qu'il n'était pas assez riche pour les payer tout ce prix[23].

Elle visite Joséphine, très malade, au château de Malmaison pour lui demander ce qu'a été sa vie avec l'empereur.

Affligée, depuis quelque temps, d’un gonflement œdémateux des jambes, elle consulte, à son retour à Paris, le Dr Portal, son médecin depuis l’enfance, ainsi que celui de son père[24]. Celui-ci constate, outre l’aggravation de l’œdème, que son teint, naturellement sombre, est devenu encore plus sombre, que ses yeux ont même pris une couleur jaune et que sa digestion était douloureuse[24].

Éprouvant une grande agitation et un manque de sommeil, elle avait longtemps été incapable de les soulager à l’aide d’un ou plusieurs grains d’opium, qu’elle prenait tous les soirs[24]. L’ennui qui la consumait en Suisse l’a amenée à trop user de l’opium, qui soutenait son génie[25], mais dont elle a fini par devenir dépendante[26].

Elle succombe, le , à une hémorragie cérébrale, s'écroulant dans les bras de son gendre Victor de Broglie.

On lui prête ce mot que lui aurait inspiré la vue du vignoble de Coppet : « Je préfère le vin d'ici à l'eau de là ».

Elle est inhumée conformément à ses vœux auprès de ses parents dans la chapelle funéraire qu'avait fait édifier sa mère, fille d'un pasteur vaudois, en 1793-1794 (architecte Jean-Pierre Noblet, marbrier Jean-François Doret) à peu de distance du château de Coppet[27].

La postérité

Portrait de Germaine de Staël en 1812 par Vladimir Borovikovski.

L'histoire littéraire laisse d'elle l'image d'une femme curieuse de tout, à la conversation brillante et aux écrits avant-gardistes. Car Germaine de Staël est une pionnière dans bien des domaines, ayant touché dans ses écrits tant à l'histoire qu'à la théorie littéraire, en passant par le roman. Si on lui doit notamment (ainsi qu'à Chateaubriand) l'introduction du romantisme en littérature française, c'est également elle qui popularise en France le terme de « romantisme »[28], introduit par Pierre Le Tourneur[29], et celui de « littérature », qui se substitue dès lors à celui de « belles-lettres », achevant de consacrer l'émancipation de la littérature vis-à-vis des sciences normatives notamment. Dans ses romans, elle présente les femmes comme les victimes des contraintes sociales les empêchant d'affirmer leur personnalité, et ne pouvant vivre de leur talent qu'au prix de la renonciation à l'amour. Elle revendique le droit au bonheur pour toutes, et pour elle-même. Cette revendication de droit au bonheur (qui se confondait avec le droit d'aimer) sera reprise, bien que sous des modalités différentes, par George Sand. Égérie, par sa place centrale dans le Groupe de Coppet, d'un cosmopolitisme en avance sur son temps, Germaine de Staël est une femme moderne dans une Europe qu'elle parcourt en tous sens et décrit abondamment.

À Paris, sa mémoire est honorée par une rue et une statue, donnant sur le jardin du côté sud de l'hôtel de ville. A Genève, une rue porte son nom depuis le , la Rue Madame-De-Staël[30]. La Bibliothèque de Genève possède un buste de Germaine de Staël, ce qui fait d'elle une des rares femmes à avoir été portraiturée de cette manière à Genève au 19e siècle[31].

Descendance

Germaine de Staël et sa fille Albertine en 1805, par Marguerite Gérard.

De son mariage avec son premier époux Erik Magnus Staël von Holstein Germaine de Staël a quatre enfants :

  • Gustavine de StaĂ«l (1787-1789), dont le roi de Suède Gustave III est le parrain ;
  • Auguste de StaĂ«l (1790-1827) ;
  • Albert de StaĂ«l (1792-1813) ;
  • Albertine de StaĂ«l (1797-1838) Ă©pouse en 1816 Victor de Broglie (1785-1870), duc de Broglie, d'oĂą une nombreuse postĂ©ritĂ©[32].

De son second mariage, avec Albert de Rocca Germaine de StaĂ«l a, Ă  46 ans, un fils :

  • Louis-Alphonse Rocca (1812-1842).

Hommages

Plaque Ă  l'hĂ´tel de Gallifet (Paris).
Plaque Ă  Londres (Soho).

Postérité

Littérature

Germaine de Staël apparaît, en compagnie de Benjamin Constant, de Charles de Villers et de Dorothea von Rodde, dans un roman d'Anne Villemin Sicherman, 1803 la nuit de la sage-femme, 2023.

Littérature jeunesse

Cinéma

Télévision

Ĺ’uvres

Delphine, par Madame de Staël, édition de 1803 en plusieurs volumes.
  • Journal de Jeunesse, 1785.
  • Sophie ou les sentiments secrets, pièce en trois actes et en vers, 1786, publiĂ©e en 1790.
  • Jane Gray (tragĂ©die en cinq actes et en vers), 1787 (publiĂ© en 1790).
  • Lettres sur les ouvrages et le caractère de J.-J. Rousseau, 1788 (lire en ligne sur Gallica), rĂ©Ă©d. & augmentĂ©e en 1789.
  • Éloge de M. de Guibert.
  • Ă€ quels signes peut-on reconnaĂ®tre quelle est l'opinion de la majoritĂ© de la nation ?
  • RĂ©flexions sur le procès de la Reine, 1793.
  • Zulma : fragment d'un ouvrage, 1794, lire en ligne sur Gallica
  • RĂ©flexions sur la paix adressĂ©es Ă  M. Pitt et aux Français, 1795, lire en ligne sur Gallica.
  • RĂ©flexions sur la paix intĂ©rieure.
  • Recueil de morceaux dĂ©tachĂ©s (comprenant : ÉpĂ®tre au malheur ou Adèle et Édouard, Essai sur les fictions et trois nouvelles : Mirza ou lettre d'un voyageur, AdĂ©laĂŻde et ThĂ©odore et Histoire de Pauline), 1795.
  • De l'influence des passions sur le bonheur des individus et des nations, 1796, lire en ligne sur Gallica.
  • Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la RĂ©volution et des principes qui doivent fonder la RĂ©publique en France.
  • De la littĂ©rature considĂ©rĂ©e dans ses rapports avec les institutions sociales, 1800, lire en ligne sur Gallica.
  • Delphine, 1802, lire en ligne sur Gallica.
  • ÉpĂ®tres sur Naples.
  • Corinne ou l'Italie, 1807, lire en ligne sur Gallica.
  • Agar dans le dĂ©sert.
  • Geneviève de Brabant.
  • La Sunamite[36].
  • Le Capitaine Kernadec ou sept annĂ©es en un jour (comĂ©die en deux actes et en prose).
  • La Signora Fantastici.
  • Le Mannequin, comĂ©die.
  • Sapho, 1811.
  • De l'Allemagne, publiĂ© Ă  Londres en 1813 et Ă  Paris en 1814, AndrĂ© Lagarde, Laurent Michard, XIXe siècle (Les Grands auteurs du programme français - Anthologie et histoire littĂ©raire), Paris, Bordas, 1985, p. 13.
    L’ouvrage était déjà prêt en 1810, mais les épreuves en ont été détruites sur ordre de Napoléon.
  • RĂ©flexions sur le suicide, 1813 ,lire en ligne sur Gallica.
  • De l'esprit des traductions.
  • ConsidĂ©rations sur les principaux Ă©vĂ©nements de la RĂ©volution française, depuis son origine jusques et compris le , 1818 (posthume), lire en ligne sur Gallica.
  • Ĺ’uvres complètes de Mme la Baronne de StaĂ«l, publiĂ©es par son fils, prĂ©cĂ©dĂ©es d'une notice sur le caractère et les Ă©crits de Mme de StaĂ«l, par Mme Necker de Saussure, 1820-1821, lire en ligne sur Gallica.
  • Dix annĂ©es d'exil, 1821 (posthume).

Éditions modernes

  • Lettres de Madame de StaĂ«l Ă  Madame de RĂ©camier, première Ă©dition intĂ©grale, prĂ©sentĂ©es et annotĂ©es par Emmanuel Beau de LomĂ©nie, Ă©ditions Domat, Paris, 1952.
  • Ĺ’uvres complètes de Madame de StaĂ«l, en cours de publication aux Ă©ditions HonorĂ© Champion :
    1. SĂ©rie I. Ĺ’uvres critiques :
      • Tome I. Lettres sur les Ă©crits et le caractère de J.-J. Rousseau. - De l'influence des passions sur le bonheur des individus et des nations. - De l'Ă©ducation de l'âme par la vie./RĂ©flexions sur le suicide. - Sous la direction de Florence Lotterie. Textes Ă©tablis et prĂ©sentĂ©s par Florence Lotterie. Annotation par Anne Amend Söchting, Anne Brousteau, Florence Lotterie, Laurence Vanoflen. 2008. (ISBN 978-2-7453-1642-4).
      • Tome II. De la littĂ©rature et autres essais littĂ©raires. En prĂ©paration
      • Tome III. De l'Allemagne. En prĂ©paration
    2. série II. Œuvres littéraires :
      • Tome I. Écrits autobiographiques. Nouvelles. Ĺ’uvres poĂ©tiques. En prĂ©paration
      • Tome II. Delphine. Texte Ă©tabli par Lucia Omacini et annotĂ© par Simone BalayĂ©. 2004. (ISBN 978-2-7453-0957-0).
      • Tome III. Corinne ou l'Italie. Édition critique par Simone BalayĂ©. Prix Chartier 2001. 2000. (ISBN 978-2-7453-0288-5).
      • Tome IV. Ĺ’uvres dramatiques. En prĂ©paration
    3. SĂ©rie III. Ĺ’uvres historiques :
      • Tome I. Des circonstances actuelles et autres essais politiques sous la RĂ©volution. 2009. (ISBN 978-2-7453-1905-0).
      • Tome II. ConsidĂ©rations sur la RĂ©volution française. En prĂ©paration
      • Tome III. Dix annĂ©es d'exil et autres essais politiques sous l'Empire et la Restauration. En prĂ©paration
  • Correspondance gĂ©nĂ©rale. Texte Ă©tabli et prĂ©sentĂ© par BĂ©atrice W. Jasinski et Othenin d'Haussonville. Slatkine (RĂ©impression), 2008-2009.
    1. Tome I. 1777-1791. (ISBN 978-2-05-102081-7).
    2. Tome II. 1792-1794. (ISBN 978-2-05-102082-4).
    3. Tome III. 1794-1796. (ISBN 978-2-05-102083-1).
    4. Tome IV. 1796-1803. (ISBN 978-2-05-102084-8).
    5. Tome V. 1803-1805. (ISBN 978-2-05-102085-5).
    6. Tome VI. 1805-1809. (ISBN 978-2-05-102086-2).
    7. Tome VII. –. (ISBN 978-2-05-102087-9).
  • La passion de la libertĂ©, PrĂ©face de Michel Winock, Paris, Robert Laffont, 2017 (ISBN 9782221191996). Le livre contient:
    • De l'influence des passions sur le bonheur
    • Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la RĂ©volution
    • ConsidĂ©rations sur la RĂ©volution française
    • Dix annĂ©es d'exil
  • Madame de StaĂ«l ou l'intelligence politique. Sa pensĂ©e, ses amis, ses amants, ses ennemis…, textes de prĂ©sentation et de liaison de Michel Aubouin, Omnibus, 2017, 576 p. (ISBN 978-2-258-14267-1)
    Lettres de Mme de Staël, extraits de ses textes politiques et de ses romans, textes et extraits de lettres de Chateaubriand, Talleyrand, Napoléon, Benjamin Constant…

Bibliographie

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  • Claire Garry-Boussel, Statut et fonction du personnage masculin chez Madame de StaĂ«l, Paris, HonorĂ© Champion, 2002 (ISBN 978-2-7453-0647-0).
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  • J. Christopher Herold, Germaine Necker de StaĂ«l, Paris, Plon, 1962, 517 p..
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  • Marcel Laurent, Prosper de Barante et Madame de StaĂ«l, Saint-Laure, M. Laurent, 1972.
  • Maurice Levaillant, « Le grand amour de Madame de StaĂ«l », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  • Liesel Schiffer, Femmes remarquables au XIXe siècle (prĂ©face de Jean Tulard). Paris, Vuibert, 2008, 305 p. (ISBN 978-2-71174-442-8).
  • Georges Solovieff, Madame de StaĂ«l. Choix de textes. ThĂ©matique et actualitĂ©, Paris, Klincksieck, , 278 p.
    Avec une notice biographique, un résumé de chaque ouvrage et des commentaires.
  • (en) Chinatsu Takeda, Mme de StaĂ«l and political liberalism in France, Singapour, Palgrave Macmillan, , 366 p. (ISBN 978-981-10-8086-9)
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  • Michel Winock, Madame de StaĂ«l, Paris, Fayard, 2010.
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Notes et références

Notes
  1. Dans l'essai De la littérature…, elle présente Ossian comme « l'Homère du Nord ».
  2. Mais en octobre 1810, la censure ayant été renforcée en France napoléonienne, De l'Allemagne est envoyé au pilon avant sa parution. Un jeu d'épreuves est sauvé par A.W. Schlegel et mis en sûreté à Vienne en mai 1811, tandis que Madame de Staël commence les Dix années d'exil. De l'Allemagne paraît en français à Londres en 1813. Voir la « Chronologie » de Simone Balayé dans Madame de Staël, De l'Allemagne, Paris, GF-Flammarion, 1968.
Références
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  5. Etienne Hofmann, « StaĂ«l, Germaine (de) » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
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  13. Jean Serruys, De Colbert au Marché commun : la princesse de Chalais, les Talleyrand et quelques autres, Paris, Émile-Paul, , 305 p. (OCLC 977237476, lire en ligne), p. 154.
  14. Voir l'avertissement des Réflexions dans le volume des Œuvres de Madame la baronne de Staël-Holstein, Paris, Lefèvre, (lire en ligne), p. 50-51.
  15. Mme de Staël, lettre à James Galiffe, 20 mars 1813.
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  28. Albert Sorel, Mme de Staël, Paris, Hachette, 1890, 216 pages, p. 171.
  29. Michel Brix, Le Romantisme français : Esthétique platonicienne et modernité littéraire, Éditions Peeters, 1999, 302 pages, introduction, p. 17 (ISBN 904290738X).
  30. Noms géographiques du canton de Genève
  31. Nicolas Schaetti, « Les bustes de la Bibliothèque: une collection de sculptures à Genève. : #5 Pourquoi si peu de portraits sculptés de femmes dans les collections de la Bibliothèque de Genève? », sur Bibliothèque de Genève Le Blog, (consulté le )
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  33. La rose « Madame de Staël ».
  34. « Planetary Names: Crater, craters: de Staël on Venus », sur planetarynames.wr.usgs.gov (consulté le )
  35. « Les femmes de la Révolution à l’honneur dans « Secrets d'Histoire » sur France 2 », La Depeche du Midi,‎ (lire en ligne).
  36. Par référence à Sunem.

Articles connexes

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