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Fossé (infrastructure)

Les fossés sont des structures linéaires initialement creusées pour drainer, collecter ou faire circuler des eaux. Les terres d'excavation rejetées sur les côtés forment les berges.

Fossé

Bien que de nature artificielle, ils peuvent jouer un rôle majeur comme éléments de la trame bleue.

Typologies

Le Dictionnaire de l'Académie française t. 1 de 1835 définit le fossé comme une fosse creusée en long pour clore, pour enfermer quelque espace de terre, ou pour faire écouler les eaux, ou pour la défense d'une place. Une fosse assume donc deux fonctions principales :

  • une fonction de clĂ´ture :
    • un fossĂ© peut ĂŞtre une large tranchĂ©e entourant une fortification afin de constituer un obstacle Ă  la progression des assaillants,
    • on parle aussi de fossĂ© en eau (« teralliis plenis aque ») pour dĂ©signer les douves ou certains Ă©lĂ©ments temporairement ou toujours en eau de certaines fortifications,
    • dans les zoos ou parcs animaliers, de simples fossĂ©s servent Ă  enclore des parcelles abritant des animaux refusant le contact avec l'eau (nombreuses espèces de singes par exemple) ;
  • une fonction de drainage des eaux :
    • un fossĂ© très Ă©largi aux berges en pentes très douces, et sans exutoire est appelĂ© noue. Il est en gĂ©nĂ©ral destinĂ© Ă  collecter temporairement des eaux de ruissellement, qui s'infiltreront ensuite dans le sol,
    • Des fossĂ©s de drainages longs, larges et profonds sont dits « wateringues » ou « watergang » dans les polders et anciennes zones humides du nord de la France et dans les pays flamands. Ils Ă©taient vidĂ©s en mer ou dans des canaux exutoires autrefois par des moulins Ă  vent dits poldermolens, et aujourd'hui par des stations de pompage (pompes de relevage).

S'il s'agit comme pour le fossé d'une excavation, la tranchée est plus étroite et ne rejoint en quelque sorte pas les deux fonctions précitées.

Art militaire

Dans l'art militaire, spécialement au Moyen Âge, le fossé est une tranchée longue dans le sol pour opposer un obstacle autour d’un camp, d’un château, d’une ville, d’un parc, d’un enclos. Eugène Viollet-le-Duc distingue les fossés secs, les fossés pleins d’eau, les fossés en talus ou à fond de cuve et les fossés revêtus ou non revêtus.

  • Les fossĂ©s secs sont ceux qui sont taillĂ©s autour d’un château, d’un manoir ou d’une place situĂ©s en des lieux trop Ă©levĂ©s pour pouvoir y amener et y conserver l’eau.
  • Les fossĂ©s pleins sont ceux dans lesquels on fait passer un cours d’eau ou que l’on inonde au moyen d’une prise dans la mer, dans un lac ou un Ă©tang.
  • Les fossĂ©s en talus sont ceux simplement creusĂ©s dans un sol inconsistant, et dont l’escarpe et la contrescarpe, revĂŞtues de gazon, donnent un angle de 45 degrĂ©s.
  • Les fossĂ©s revĂŞtus sont ceux dont les parois, c’est-Ă -dire l’escarpe et la contrescarpe, sont revĂŞtues d’un mur en maçonnerie avec un faible talus.
  • Les fossĂ©s Ă  fond de cuve sont ceux dont le fond est plat, les parois revĂŞtues, et qui peuvent ainsi permettre d’ouvrir des jours dans l’escarpe servant de soubassement Ă  une fortification. Les fossĂ©s taillĂ©s dans le roc peuvent ĂŞtre aussi Ă  fond de cuve[1].

Des fossés sont creusés depuis l'Antiquité comme élément de protection contre des attaques ou invasions.

En France, le plus large et long d'entre eux est le « NeufossĂ© » creusĂ© il y a environ 1 000 ans par Baudouin VI pour bloquer les armĂ©es venues du Nord.

Le fossĂ© permet Ă©galement d'Ă©viter que l'ennemi soit directement au contact des fortifications. Le château de BrĂ©zĂ© en est un bon exemple avec les fossĂ©s les plus profonds d'Europe (18 m). En Syrie, la citadelle Salah El-Din possède un fossĂ© de 28 m de profondeur.

Plus récemment, on a construit des tranchées destinées à bloquer la progression des véhicules motorisés d'armées ennemies (ex. : fossé antichar) ; leur vocation est alors sans rapport avec l'eau.

Dans de nombreuses fortifications Vauban, les fossés sans eau sont dits « fossé sec », toutefois une tranchée « cunette », creusée dans l'axe du fossé, servait à l’écoulement des eaux de pluie et permettait d’assécher le fossé.

Les fossés remplis d'eau en permanence sont, eux, appelés des douves.

Environnement

De nombreux animaux s'abreuvent aussi dans les fossés.
Le fossé, bien que non naturel est potentiellement aussi un habitat de substitution pour une partie de la flore des zones humides.

Bien que de nature artificielle, noues ou watringues peuvent potentiellement jouer un rôle en matière de petits corridors biologiques et habitat de substitution ; plus ou moins efficacement selon les caractéristiques du paysage, leur durée de maintien en eau, la connectivité du réseau et les traits d'histoire de vie des espèces qui y vivent[2]. C'est une question étudiée par les scientifiques, notamment dans le cadre de la trame bleue et de la trame verte en France (ex : programme CORECOL[3] en région Nord-Pas-de-Calais pour différentes espèces (animales et végétales)[4]. C'est une question d'intérêt notamment dans l'hémisphère nord où au moins 77 % du réseau hydrographique était en 1994 déjà considéré comme artificialisé et dégradé[5]. Il existe un risque de « piège écologique » dans les fossés pollués ou éclairés par des luminaires. Le fossé ne semble pas être un bon corridor pour certaines espèces dans certains milieux (sableux par exemple pour trois coléoptères dont la dispersion a été étudiée dans ce milieu ; Pterostichus lepidus, Harpalus servus et Cymindis macularis[6]). Dans le nord de la France, dans une région d'agriculture intensive et densément peuplée (et la moins boisée de France), les fossés jouent un rôle important de connexion biologique, en cours d'étude sur 3 ans. Dans ce cas, ce sont pour la trame verte et bleue des corridors de substitution, qui joignent la vallée de la Lawe, la ceinture verte de Béthune et d'autres milieux dispersés dans la matrice écopaysagère dominée par l'agriculture[7]. Il a été montré à cette occasion que les caractéristiques du réseau de fossés ont un effet sur « la structuration des flux de gènes chez deux espèces végétales de berges de fossés[2]. Ces fossés feront l'objet d'une gestion particulière dans le cadre du SAGE ». Les fossés peuvent avoir de nombreux impacts (positifs ou négatifs, directs ou indirects) quant au « forçage » environnemental et d'écologie du paysage ;

  • Un fossĂ© en eau peut Ă  la fois et dans le mĂŞme temps jouer le rĂ´le d'habitat (pour les hĂ©lophytes et diverses plantes aquatiques), d'un petit corridor biologique pour des espèces aquatiques ou de zones humides, et inversement avoir un effet de fragmentation Ă©cologique pour de petites espèces peu mobiles et refusant de traverser l'eau. Cet effet est limitĂ© par le fait que les fossĂ©s sont souvent localement busĂ©s ou couverts de passerelles, et qu'ils sont rarement en eau toute l'annĂ©e sur toute leur longueur.
  • Leur fonction de drainage conduit Ă  abaisser le plafond de la nappe superficielle et Ă  modifier la vĂ©gĂ©tation et le paysage naturel. Ils peuvent alors provoquer la destruction de zones humides, attĂ©nuer ou augmenter le risque d'inondations et de sĂ©cheresse ou d'incendies de forĂŞt (selon leur position et linĂ©aire dans le bassin versant).
  • Lorsqu'ils ne sont pas enherbĂ©s ou stabilisĂ©s par les racines de haies, ils peuvent ĂŞtre Ă©rodĂ©s par l'eau et contribuer aux phĂ©nomènes d'Ă©rosion en amont, et d'eutrophisation et augmentation de la turbiditĂ© des eaux en aval.
  • Ils peuvent ĂŞtre polluĂ©s par les eaux usĂ©es et les eaux de ruissellement ou de drainage (engrais, pesticides, cadmium amenĂ© avec les engrais, etc) qu'ils collectent. Les fossĂ©s vĂ©gĂ©talisĂ©s et bordĂ©s de haies peuvent dans une certaine mesure jouer un rĂ´le de « lagunage naturel ». Les roselières qui y poussent peuvent ĂŞtre faucardĂ©es, ce qui contribue Ă  leur dĂ©seutrophisation, en veillant Ă  programmer ces opĂ©rations hors des pĂ©riodes de nidification ou reproduction.

Lorsqu'ils sont « propres », les fossés ont une importante fonction écopaysagère de corridors biologiques.

Ils peuvent faire l'objet d'une gestion écologique et donc différentiée. Ils peuvent jouer un rôle majeur pour la protection ou le retour de certaines espèces, dont l'anguille (espèce devenue menacée) ou d'autres espèces en forte régression telles que les épinoches, les tritons, les orvets, certains lézards, couleuvres, sangsue médicinale, etc. et pour la circulation des graines et propagules de nombreuses plantes des zones humides notamment[8] - [9];

Ils sont cependant très vulnérables aux pesticides, à l'eutrophisation, au drainage excessif ou gestion trop « dure » et fréquente de leurs berges, particulièrement dans les zones industrielle ou d'agriculture intensive. En zone polluée, leurs sédiments peuvent être le réceptacle de nombreux déchets, effluents toxiques, métaux lourds, PCB, pesticides, nitrates, phosphates, perturbateurs endocriniens et nécessiter une gestion particulière.

Les zones d'herbages extensives présentent des fossés dont la clarté, la qualité d'eau et des sédiments est généralement bien meilleure.

En France, ils deviennent un des éléments du réseau écologique national, et plus précisément de la trame bleue, de la trame verte et bleue nationale, dans le cadre des suites données au Grenelle de l'environnement. Ils peuvent être associés à un dispositif de bande enherbée qui les protège.

Règlementation

Selon les lieux et les époques, les fossés peuvent être protégés, gérés par la collectivité ou le propriétaire riverain. En France, par exemple :

  • en zone de polder, les watringues font l'objet d'une rĂ©glementation spĂ©cifique ;
  • certaines noues ou fossĂ©s font partie de dispositifs de lutte contre les crues, ou pouvaient ĂŞtre utilisĂ©s pour ennoyer des zones Ă  risque d'incendie ou explosion (poudreries…). Ils peuvent alors ĂŞtre aussi considĂ©rĂ©s comme des servitudes particulières ;
  • la plupart des fossĂ©s ruraux, sauf s'ils abritent des espèces ou des habitats protĂ©gĂ©s, rĂ©pondent gĂ©nĂ©ralement Ă  l'article 668 du Code civil qui veut que le voisin dont l'hĂ©ritage joint un fossĂ© ou une haie non mitoyens ne puisse contraindre le propriĂ©taire de ce fossĂ© ou de cette haie Ă  lui cĂ©der la mitoyennetĂ©. Sous rĂ©serve qu'il n'abrite pas d'espèce protĂ©gĂ©e qui en pâtirait, le copropriĂ©taire d'un fossĂ© mitoyen peut le dĂ©truire jusqu'Ă  la limite de sa propriĂ©tĂ©, Ă  la charge de construire un mur ou une clĂ´ture sur cette limite. Localement, le dĂ©broussaillement peut ĂŞtre obligatoire avec une pĂ©riodicitĂ© minimale.
    La lutte contre certaines espèces invasives, (rat musqué en particulier), peut y faire l'objet d'obligations et règlements spécifiques. Dans le cadre des SAGEs, des dispositions particulières peuvent exister pour faciliter une gestion cohérente de l'eau à échelle du bassin versant ;
  • en Europe et donc en France, dans le cadre de l'Ă©coĂ©ligibilitĂ© de la nouvelle Politique agricole commune (PAC), les fossĂ©s aux berges non-artificialisĂ©es situĂ©s dans le territoire d'une exploitation agricole, ainsi que quelques autres Ă©lĂ©ments paysagers semi-naturels d'intĂ©rĂŞt agroĂ©cologique et Ă©cologique (ex : Prairies permanentes, bandes enherbĂ©es, lisières, bords de mares, bocage, arbres groupĂ©s..) sont Ă©ligibles au dispositif des « surfaces Ă©quivalentes topographiques ».

Galerie d'images

  • Exemples de fossĂ©s
  • Changer la vitesse de l'eau ou sa hauteur a un impact sur les sol et les racines.
    Changer la vitesse de l'eau ou sa hauteur a un impact sur les sol et les racines.
  • Des seuils en escalier favorisent le ralentissement du courant et la remontĂ©e de certains poissons.
    Des seuils en escalier favorisent le ralentissement du courant et la remontée de certains poissons.
  • FossĂ© d'un château-fort (ici Vincennes).
    Fossé d'un château-fort (ici Vincennes).
  • Exemple de grand fossĂ© de drainage de la plaine flamande, tels qu'ils existaient au XIXe siècle.
    Exemple de grand fossé de drainage de la plaine flamande, tels qu'ils existaient au XIXe siècle.
  • MĂŞme type de fossĂ© de drainage, mais rectifiĂ© et recalibrĂ© Ă  la fin du XXe siècle (moins intĂ©ressant en termes Ă©copaysager, de biodiversitĂ©, de services Ă©cosystĂ©miques ou de qualitĂ© de l'eau).
    Même type de fossé de drainage, mais rectifié et recalibré à la fin du XXe siècle (moins intéressant en termes écopaysager, de biodiversité, de services écosystémiques ou de qualité de l'eau).
  • Certains fossĂ©s de drainage ont Ă©tĂ© bĂ©tonnĂ©s (on parle de « Becques Ă  plaques » en Flandre française), pour limiter l'Ă©rosion de leurs berges et la prĂ©sence des rats musquĂ©s.
    Certains fossés de drainage ont été bétonnés (on parle de « Becques à plaques » en Flandre française), pour limiter l'érosion de leurs berges et la présence des rats musqués.
  • Depuis le Moyen Ă‚ge au moins, la plupart des petits fossĂ©s ont une fonction de drainage.
    Depuis le Moyen Âge au moins, la plupart des petits fossés ont une fonction de drainage.
  • Certains fossĂ©s ont une fonction d'irrigation (ici en Italie).
    Certains fossés ont une fonction d'irrigation (ici en Italie).
  • FossĂ© ou noue renforcĂ© par des gabions pour rĂ©sister Ă  des flux torrentiels et/ou protĂ©ger des sols fragiles, notamment des rats musquĂ©s.
    Fossé ou noue renforcé par des gabions pour résister à des flux torrentiels et/ou protéger des sols fragiles, notamment des rats musqués.

Notes et références

  1. « Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Fossé - Wikisource », sur fr.wikisource.org (consulté le )
  2. Lisa Favre-Bac (2015) . Rôle de corridor écologique des fossés pour la dispersion des espèces végétales dans les paysages agricoles. Ecologie, Environnement. Thèse Université Rennes 1 (résumé)
  3. Fiche de présentation synthétique du programme CORECOL (Rôle des fossés dans les paysages agricoles du nord de la France)
  4. Présentation du programme Corecol par l'Association partenaire, Lestrem-Nature, Consulté 2012-06-02
  5. Mats Dynesius, Christer Nilsson ; Fragmentation and Flow Regulation of River Systems in the Northern Third of the World ; Science 4 November 1994 ; Vol. 266. no. 5186, p. 753 - 762 ; DOI:10.1126/science.266.5186.753
  6. Hendrik J.W. Vermeulen, Corridor function of a road verge for dispersal of stenotopic heathland ground beetles carabidae ; Biological Conservation Volume 69, Issue 3, 1994, Pages 339–349 (Résumé)
  7. Projet de reconquête environnementale du Fossé d'Avesnes (Résumé non technique), dans le cadre d'un SAGE ; Rapport final, SYMSAGEL, 21 octobre 2003, consulté 2010 08 01
  8. Restoring Lateral Connections Between Rivers and Floodplains: Lessons from Rehabilitation Projects ; Pages 15-32 ; ISSN 0070-8356 ; Volume 190 ; in "Wetlands and Natural Resource Management" ; Éditeur : Springer Berlin Heidelberg ; DOI:10.1007/978-3-540-33187-2 ; 2006 ; (ISBN 978-3-540-33186-5) (Papier) (ISBN 978-3-540-33187-2) (Online) ; 22 novembre 2006
  9. Bornette & Amoros, 2001

Voir aussi

Articles connexes

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