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Canal de Neufossé

50° 41′ 09″ N, 2° 23′ 56″ E

Canal de Neuffossé
Illustration.
GĂ©ographie
Pays France
CoordonnĂ©es 50° 38′ 42″ N, 2° 24′ 38″ E
DĂ©but Aire-sur-la-Lys
Fin Saint-Omer
Traverse Pas-de-Calais, Nord
Caractéristiques
Statut actuel En service
Longueur 18 km
Altitudes DĂ©but : m
Fin : m
Maximale : 19 m
Minimale : 3 m
Gabarit À partir de 1820-1830 : Becquey
Ă€ partir de 1884 : Freycinet
À partir de 1967 : gabarit européen
Mouillage 3,40 m
Hauteur libre 4,45 m
Infrastructures
Écluses XVIIIe siècle : 3 dont une quintuple
1887 : l'ascenseur des Fontinettes double l'Ă©cluse quintuple
1967 : une Ă©cluse de haute chute remplace l'Ă©cluse quintuple et l'ascenseur
Histoire
Année début travaux 1046
Commanditaire Baudouin V de Flandre, Vauban
Concepteur Pierre du Buat

Le canal de NeufossĂ©, de NeuffossĂ© ou canal du Bassin minier ou canal de Saint-Omer Ă  Aire est un cours d'eau artificiel situĂ© dans le Nord-Pas de Calais, et crĂ©Ă© pour des raisons de stratĂ©gie militaire dĂ©fensive, peu après l'an 1000. Il relie le fleuve cĂ´tier l'Aa Ă  la rivière la Lys, qui prennent leur source dans les collines de l'Artois, le bassin versant dirigĂ© vers la plaine de Flandre. Le canal Dunkerque-Escaut auquel le canal est intĂ©grĂ©, illustre et clarifie cette configuration: le but n'Ă©tait pas de relier les communes d'Aire-sur-la-Lys au sud et de Saint-Omer au nord par une voie fluviale navigable.

Divers ossements d'animaux prĂ©historiques ont Ă©tĂ© trouvĂ©s lors de travaux sur le canal ou Ă  proximitĂ©, dont ce mammouth, reconstituĂ© dans le cabinet d'histoire naturelle du Dr Pontier Ă  Lumbres au dĂ©but du XXe siècle

Origines historiques

Dérivation du canal de Neuffossé à Arques
Entrée du siphon permettant à l'Aa de passer sous la déviation du canal de Neuffossé à Arques, près du lieu-dit Grand vannage ; les macro-déchets flottants s'y accumulent (septembre 1996)

Des documents médiévaux parlent d'un « fossé neuf » réalisé au XIe siècle (entre 1046 et 1054) à la demande expresse de Baudouin de Lille, comte de Flandre. Ce nom (noeuf fossé) était assez courant en France[1], mais dans ce cas, l'ensemble fossé et talus était une ligne de défense destinée à protéger une partie des domaines du comte d'un assaut qu'il savait être imminent de l’empereur du Saint-Empire-Romain-Germanique Henri III, lequel s'était déjà emparé de Lille.

On peut supposer qu'il s'agissait d'un large et profond fossé voire d'un petit canal, creusé sans écluses ou presque, pour des raisons de défense,

Ce neuf-fossé est alimenté par les eaux de l'Aa qui traversent Arques, avant d'obliquer vers Saint-Omer au nord. Le canal capte une partie des eaux de l'Aa à Arques qui sont déviées vers le sud pour se jeter dans la Lys à Aire. En reliant ces deux cours d'eau, le canal coupait efficacement le nord de la France en deux parties, de Dunkerque à La Bassée sur un axe est-ouest comme le montre le tracé du canal Dunkerque-Escaut.

L'ouvrage initial - renforcĂ© d'un talus - aurait Ă©tĂ© creusĂ© sur 12 ou 16 km de long, en urgence, par toute une armĂ©e et en vingt-quatre chantiers se rejoignant les uns les autres, ou en trois nuits selon la lĂ©gende.

Il semble qu'il ait réellement bloqué l’avancée de l’Empereur, mais Baudouin, privé de l'aide de Godefroid IV qui lui avait antérieurement permis de résister à l'Empire ne put repousser Henri III plus au nord. Ce dernier a ravagé la Flandre plus au nord, mais il a été bloqué par la résistance organisée par Baudouin de Arques à La Bassée, derrière le « Neuf-fossé ». Henri III, aidé de Jean de Béthune (ancien châtelain de Cambrai) devra se contenter de Tournai et sa région (qu'il soumet en juin 1054) alors que Baudouin stagne devant Anvers défendue par Frédéric de Luxembourg (1055).

Un siècle plus tard, ce petit canal « de Neuf-Fossé » a été complété de petits forts défensifs dits Boulevers ou Blocus qui ont joué un rôle dans diverses batailles sur cette frontière artificielle. Une garnison importante a longtemps été maintenue à Saint-Omer et Aire sur la Lys, avec sur le proche Plateau d'Helfaut une zone d'entraînement et de campement.

Ce canal aurait pu avoir pour origine des fonctions secondaires de drainage (ne serait-ce que pour les nécessités du chantier) et de liaison commerciale entre le fleuve côtier de l'Aa et la rivière de la Lys et entre les communes d'Aire-sur-la-Lys et de Saint-Omer, qui étaient à l'époque deux grands centres urbains, culturels, militaires et religieux importants, mais cette hypothèse n'est pas attestée par les chroniqueurs de l'époque ou les archives.

Au XVIIIe siècle (en 1688 au moins), Vauban a dĂ©cidĂ© d'Ă©largir ce canal pour en permettre la navigabilitĂ© pour de petits bateaux grâce Ă  un ou deux larges chemins de halage, mais aussi pour en amĂ©liorer les fonctions dĂ©fensives (talus Ă©levĂ©s et raides), ponts faciles Ă  contrĂ´ler. Ces travaux ne furent vraiment achevĂ©s qu'un siècle plus tard, au milieu des annĂ©es 1780, la jonction par dĂ©rivation (de 18 km de long) n'ayant Ă©tĂ© commencĂ©e qu'en 1753, pour ĂŞtre mise en service 21 ans plus tard, en 1774.

Ces travaux d'agrandissement et rectification du « chenal de Saint-Omer » ont Ă©tĂ© supervisĂ©s par l'ingĂ©nieur des fortifications Pierre du Buat. Les archives du Service Navigation montrent qu'Ă  cette occasion de très importantes levĂ©es dĂ©fensives de terre ont rehaussĂ© celles de Baudouin, Ă  partir des terres issues du creusement d'Ă©largissement qui a permis d'atteindre entre Aire et Arques localement 50 m de large et une hauteur de m, avec au pied de cet ouvrage « (..) un contre-fossĂ© qui reçoit les eaux du coteau sur le flanc duquel le canal a Ă©tĂ© Ă©tabli ». Le canal n'Ă©tait alors franchissable que via quelques ponts, faciles Ă  contrĂ´ler.

En 1835, les MĂ©moires des « antiquaires de la Morinie » de Saint-Omer signalaient la mise au jour de nombreux restes d'animaux prĂ©historiques lors de travaux effectuĂ©s dans le canal de NeuffossĂ© : en particulier des molaires et des dĂ©fenses provenant de plusieurs espèces furent extraites des terres. Une sĂ©rie de travaux a abouti Ă  la mise au gabarit Freycinet (300 tonnes) en 1887 puis au gabarit europĂ©en (1 350 tonnes) en 1967, mais une partie du rĂ©seau ferrĂ© construit sur les restes de l'ancienne muraille dĂ©fensive de terre a Ă©tĂ© abandonnĂ©e.

Fonctions

Ses fonctions défensives et de canal-frontière ont perdu de leur importance lors de la Seconde Guerre mondiale à cause du développement de l'aviation. Mais des documents d'archive relatives au « Neuf-fossé »[2] montrent qu'il y a encore eu des conflits sur la propriété ou la gestion du canal comme limite interdépartementale et la propriété du cours d'eau (au XIXe siècle). Cet ancien fossé défensif est resté une limite de frontière linguistique et culturelle : flamand occidental au nord et picard au sud.

Ce canal fait partie de l'infrastructure canal Dunkerque-Escaut voulue après la Seconde Guerre mondiale pour valoriser le Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. De nombreuses usines se sont installées à ses abords. Un petit port fluvial a été construit à Arques dans les années 1990, à l'initiative de la Chambre de commerce et d'industrie de Saint-Omer.

Avant 1967, il descendait rejoindre l'Aa Ă  Saint-Omer grâce Ă  l'ascenseur Ă  bateaux des Fontinettes, depuis remplacĂ© par une Ă©cluse de plus de 13 m de dĂ©nivelĂ©. Cette dernière a elle-mĂŞme pris la place d'une Ă©cluse quintuple du XVIIIe siècle, troisième de France par ordre d'importance et chronologiquement. Les ingĂ©nieurs des annĂ©es 1960 Ă©taient assez impermĂ©ables Ă  la notion de patrimoine fluvial…

Il Ă©vacue vers la mer les eaux de drainage d'une partie de la Flandre, et les eaux d'exhaure du bassin minier. Cette fonction est devenue vitale pour les zones d'affaissement minier

Contre-fossés

Il existe un long contre-fossé longeant la rive gauche du canal entre le Pont de Campagne-lez-Wardrecques et la commune de Wittes. Il s'agit en fait du « contre-fossé du parapet défensif du canal de Neuffossé[3] », ce qui explique les conflits qui ont pu exister entre communes et autres acteurs à propos des charges liées à son entretien. Il en existait un identique entre Aire et La Bassée, mais il a été détruit et a servi à construire les talus des lignes de chemin de fer Lille-Béthune, Berguette-Aire. La zone de l'ancien mur est présentée par les archives comme « dépendances du canal », dépendances qui ont fait l'objet d'un bornage homologué par les décrets des 5 juin 1861 et 29 avril 1868, avant d'être modifié par des ventes ou remises de terrains aux collectivités (Saint-Omer, Aire et Wittes) ainsi qu'à la compagnie du chemin de fer[4], et au domaine de la navigation et à l’Administration des Domaines pour l'agrandissement ou la rectification du canal.

Aujourd'hui appelé « fossé noir » par ses riverains sur sa partie finale, en raison d'une forte pollution organique ancienne et contemporaine, le contre-fossé est situé à une altitude très supérieure au niveau du canal sur sa partie amont, et longé par une voie ferrée sur une partie de son cours.

Son Ă©coulement est intermittent sur jusqu'Ă  Wardrecques, au lieu-dit Pont d’Asquin (commune de Racquinghem, près de la Papeterie-Cartonnerie de Gondardennes sise Ă  Wardrecques). Ă€ partir de lĂ , il est toujours alimentĂ© en eau, notamment par la Papeterie-cartonnerie qui y rejette 1 500 m3/j d'eau de refroidissement (originellement pompĂ©e dans le canal et dans un forage) ainsi que des eaux pluviales après les pluies. La tuilerie « Immerys Toiture » (ancien Comptoir tuilier du nord) de Racquinghem y rejette (par pompage) des eaux de carrières auxquelles s'ajoutent divers rejets d'eaux pluviales et de ruissellement (dont une part des eaux pluviales de Racquinghem)

Le Contre-Fossé coule alors – mais en sens inverse de celui du canal – vers Wittes où il rejoint dans la Melde et où ses eaux se mélangent aussi à celles de la Liauwette, puis de l’Oduel, avant de passer dans un siphon qui passe sous la Lys Municipale pour déboucher juste en aval du lieu-dit « Grand-Vannage ».

Après ce siphon l'eau plonge dans un autre siphon qui la fait passer sous le canal à grand gabarit pour rejoindre la Lys canalisée.

Ce -dont le SYMSAGEL a estimĂ© qu'il drainait environ (Ă  Wittes) un sous-bassin versant de 16,6 km2 (qui fait partie du bassin de la Melde qui est de 84 km2[5] a Ă©tĂ© très polluĂ© (pollution organique) par les rejets industriels (filasses bactĂ©riennes en aval de rejets papetiers, et peut-ĂŞtre mĂ©taux lourds après une tuilerie dans les annĂ©es 1970-1980 avant la mise en place de stations d'Ă©puration performantes. Il reçoit les eaux de 14 affluents dont 12 sont des fossĂ©s de drainage et 2 sont alimentĂ©s par une source : aujourd'hui ce pourrait ĂŞtre la pollution d'origine agricole (nitrates, phosphates, pesticides, turbiditĂ© liĂ©e Ă  l'Ă©rosion des sols cultivĂ©s) qui est devenue dominante, bien que des eaux grises et domestiques non Ă©purĂ©es posent aussi problème (donnĂ©e 2006) (Ă  Racquinghem notamment selon le Symsagel).

En cas de crues, en 7 points des buses ou rigoles[6] font office de déversoir vers le fossé d'assèchement du chemin de halage du canal situé un peu plus bas. Ces ouvrages sont postérieurs à la construction du canal[7].

Environnement

Intégrité écologique

Faute de gués et d'écoducs, en raison de berges particulièrement artificielles (béton et/ou palplanches) et de par sa vocation première (il s'agissait de construire un mur infranchissable par les armées), ce canal est un facteur de fragmentation écologique majeur et supplémentaire pour cette région déjà très fragmentée par un réseau routier particulièrement dense.

S'il a néanmoins été un des axes de dévalaison et de remontée de l'anguille, espèce aujourd'hui menacée de disparition, ce canal et l'Aa canalisée ont surtout contribué à la diffusion d'espèces exotiques envahissantes aquatiques, dont la moule zébrée, le corbicule Corbicula fluminea (Rafinesque, 1817), le gammare tigré Gammarus tigrinus (Sexton, 1939), Echinogammarus ischnus (Stebbing, 1899) [8].

Une petite expérimentation de restauration de berges écologiques a été réalisée à Renescure dans les années 1990. Une partie des berges pourraient jouer un rôle dans le cadre de la trame verte régionale. En tant que cours d'eau artificiel il est intégré dans les SAGEs de l'Aa et de la Lys, sous le contrôle de l'État, avec l'aide de l'Agence de l'eau Artois - Picardie.

Pollution

Ce canal a été considéré par les Agences de l'eau comme l'un des plus pollués de France en raison de l'industrie lourde qui s'est installée sur ses berges aux XIXe et XXe siècles et à cause des apports du Bassin minier.

Il a subi les séquelles de deux guerres (apports d'eaux polluées à la suite des bombardements et incendies.

Deux problèmes importants sont la gestion des boues de curage et la remise en suspension de polluants lors du passage de grosses péniches ou lors de crues majeures. Les pollutions industrielles ont significativement diminué, soit grâce aux stations d'épuration, soit à la suite de la fermeture des usines les plus polluantes, mais les pollutions d'origine agricole ont augmenté, et la turbidité et l'eutrophisation sont devenus un problème chronique dans tous les canaux navigués, exacerbé par la puissance croissante des moteurs de bateaux automoteurs, depuis l'abandon du halage.

Comme tous les grands canaux reliant entre eux des bassins versants différents et des ports, c'est un axe de pénétration d'espèces envahissantes, dont la moule zébrée, une espèce de corbicule et divers crustacés. C'était autrefois un axe de circulation pour l'anguille européenne, mais elle est depuis quelques décennies en forte régression.

Notes et références

  1. On le trouve aussi dans d'autres régions pour désigner de larges fossés de drainages, éventuellement navigables
  2. Exemple des conflits sur la propriété
  3. Voir note du Symsagel dans les liens externes (pages 19/21)
  4. Acquisitions foncières faites en vertu des décrets des 25 avril 1868 et 30 août 1871, selon les archives citées par le Symsagel
  5. Voir note SYMSAGEL accessible dans la rubrique "Liens externes"
  6. Rigole : nom local d'un petit fossé de drainage
  7. Source : Note Symsagel, accessible en lien externe
  8. Bouquerel Jonathan (2008) Les canaux : des milieux privilégiés pour les macroinvertébrés invasifs Étude de la région Nord-Pas-de-Calais Août 2008 (Rapport de Master 2 Professionnel "Diagnostic biologique des pollutions et bioremédiation" réalisée en 2008-2010


Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes

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