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Cornue (industrie)

En mĂ©tallurgie, en sidĂ©rurgie et dans l'industrie des gaz manufacturĂ©s, une cornue, appelĂ©e parfois « cornue Ă  feu Â», est une enceinte Ă©tanche en matĂ©riau rĂ©fractaire, en fait un four, dans laquelle on dĂ©compose par chauffage, du charbon (de la houille), du zinc, du sodium, etc. Une première famille de cornues fut utilisĂ©e dans la production du coke ou des gaz manufacturĂ©s, une autre, dans la production de l'acier.

Manipulation d'une cornue dans une usine Ă  gaz.

En chimie

Distillation Ă  la cornue dans un alambic.

Les premières cornues sont des récipients en verre utilisés dans un laboratoire de chimie pour la distillation ou la distillation sèche de substances.

Dans les cokeries et les usines Ă  gaz

Cornues. Biggar Gasworks Museum.

Dans les usines Ă  gaz ou les cokeries, la « distillation Â» de la houille s'opère dans des cornues.

Dès le XVIIIe siècle, des opérations de « distillation » de la houille sont réalisées dans l'industrie pour obtenir entre autres du coke, ou des gaz manufacturés[1]. Ces opérations doivent être plus justement appelées pyrolyse : le terme « pyrolyse » est apparu probablement au XIXe siècle[2] pour établir la distinction entre la distillation (procédé de séparation de mélange de substances liquides dont les températures d'ébullition sont différentes) et les opérations de décomposition ou thermolyse, d'un composé organique par la chaleur pour obtenir d'autres produits (gaz et matière) qu'il ne contenait pas : dans la pyrolyse, le matériau est détruit.

On peut supposer que par analogie, la cornue en verre utilisée dans les opérations de distillation donnera son nom aux cornues en matériau réfractaire utilisées dans les opérations de pyrolyse bien qu'il n'existe pas grand chose de commun entre les deux.

La distillation de la houille dans des cornues est pratiquée dans un premier temps pour obtenir le coke, invention de l’industrie métallurgique anglaise réalisée pour pallier l'utilisation de charbon de bois, initialement utilisé dans les fonderies, et dont l'usage intensif a diminué de manière préoccupante les ressources. Le charbon de terre, comme on appelle la houille, à l’état brut, est impropre aux utilisations de cette industrie ; il nécessite une « distillation » qui est effectuée dans des fours à l'abri de l'air, les cornues, regroupés en batteries, dans une usine appelée cokerie.

La distillation de la houille est ensuite réalisée pour obtenir le gaz d'éclairage (appelé gaz manufacturé ou gaz de ville) ensuite dans des usines à gaz. Les gaz manufacturés furent essentiellement du gaz de houille. Mais des expériences furent tentées avec quelquefois des applications industrielles avec les gaz manufacturés suivants : gaz de bois, gaz d'huile, gaz de pétrole (le gaz Pintsch et le gaz Blau), gaz de résine, gaz de tourbe, gaz de haut fourneau, gaz à l'eau, etc. À chaque gaz produit correspond une technique différente, toujours dans des cornues.

La distillation de la houille permet d'obtenir le coke, le gaz de houille et, objet d'étude de la carbochimie, le goudron de houille, hétérogène et visqueux, vendu d'abord aux usines, et qui par distillation fractionnée produit huiles, benzol (mélange de benzène, de toluène et de xylène), couleurs, et naphtaline, etc.

Dans les opérations de distillation en vue d'obtenir du gaz d'éclairage, les appareils comporteront toujours les organes suivants :

  • Four Ă  sept cornues Ă  un seul foyer. ÉlĂ©vation.
    Four à sept cornues à un seul foyer. Élévation.
  • TĂŞtes de cornues avec tampons et Ă©triers de fermeture.
    TĂŞtes de cornues avec tampons et Ă©triers de fermeture.
  • Four Ă  sept cornues. Tuyau de dĂ©gagement et barillet. Coupe verticale.
    Four à sept cornues. Tuyau de dégagement et barillet. Coupe verticale.
  • Fours Ă  coke en 1879.
    Fours Ă  coke en 1879.

Les premiers appareils conçus par Frédéric-Albert Winsor ou par William Murdoch pour obtenir du gaz d'éclairage ne produisent qu'une fumée épaisse que l'on allume et qui prend le nom de gaz d'éclairage. L'espèce de poêle, ou fourneau portatif, dans lequel on introduit verticalement une cornue qui se pose sur un trépied de fer battu, qui envoie le gaz dans un condensateur divisé en trois compartiments superposés :

  • l'un supĂ©rieur contenant de l'eau ;
  • l'autre au milieu contenant une solution de potasse caustique, composĂ©e d'environ deux parties de potasse et de seize parties d'eau, ou d'un mĂ©lange de chaux vive et d'eau, Ă  la consistance d'une crème très lĂ©gère ;
  • le troisième, au-dessous, restant vide pour recevoir le goudron que l'on soutire au moyen d'un robinet, pour que le gaz se rende ensuite dans le gazomètre, oĂą il n'arrive qu'après avoir traversĂ© une multitude de petits trous formĂ©s Ă  un coude recourbĂ© dans l'eau de la cuve et « oĂą, plus sa surface Ă©tait divisĂ©e, mieux le gaz se lavait et se purifiait »[3].

Dans les usines à gaz ou les cokeries, les cornues sont des récipients cylindriques ou demi-cylindriques, en terre réfractaire, dans lesquels on charge une certaine quantité de houille. Les cornues sont chauffées au rouge cerise, dans des fours spéciaux en maçonnerie.

En sidérurgie

Convertisseur

Convertisseur ou « cornue Bessemer Â» en soufflage.
Convertisseur Bessemer ou « cornue Bessemer ».

Le four de Henry Bessemer ou convertisseur Bessemer est une installation mĂ©tallurgique capable d'affiner de grandes quantitĂ©s de fonte (mĂ©tallurgie) en acier. Sa forme, proche de celle d'une cornue en verre, le fait aussi appeler « cornue Bessemer Â».

Dans le procĂ©dĂ© Bessemer, de l'air soufflĂ© traverse le bain de fonte dans toute son Ă©paisseur. Il brĂ»le le carbone de la fonte, le silicium, le manganèse, le phosphore. En brĂ»lant, ces Ă©lĂ©ments fournissent la chaleur nĂ©cessaire pour maintenir liquide la fonte enfournĂ©e, alors que la tempĂ©rature de fusion passe de 1 250 Ă  1 600 °C.

Dans le procédé Thomas, le revêtement de la cornue est un revêtement réfractaire de type basique à base de dolomie. Grâce à ce revêtement, il est possible de mettre de la chaux dans le convertisseur avant de charger la fonte. Celle-ci se combine au phosphore. On récupère le laitier par décantation de la fonte. La scorie résultante est utilisée comme engrais. Les procédés Bessemer, et surtout Thomas, ont comme inconvénient que l'air injecté, contenant de l'azote, se combine au fer pour donner des nitrures qui rendent le fer cassant. L'azote emporte aussi de la chaleur dans l’atmosphère.

Dans les cornues LD (Linz et Donawitz), de l'oxygène pur est soufflé au-dessus du bain. D'autres méthodes furent mises en œuvre qui améliorent les aciers produits. Le procédé LD-AC (Linz, Donawitz, Arbed et CRM), la chaux est fluidifiée dans le jet d'oxygène, etc.[4]. Pour faciliter la pénétration de la lance dans la cornue et éviter que le réfractaire du bec, en tombant, ne bouche l'ouverture, ces convertisseurs ont un bec symétrique.

Il reste cependant que qualifier de cornue les convertisseurs est impropre car la chaleur est générée par une réaction chimique à l'intérieur de la cuve. La notion de production de gaz n'apparait, quant à elle, qu'au milieu du XXe siècle, avec la mise au point du convertisseur à l'oxygène, qui produit un gaz au potentiel énergétique intéressant[5].

RĂ©duction directe

La chauffe de minerai de fer avec du carbone, dans une enceinte fermée est un moyen d'obtention de minerai de fer préréduit : le carbone retire l'oxygène combiné avec le fer, pour former du CO et du CO2. Cette production de gaz par la chauffe d'un matériau solide fait que ces procédés appartiennent à la catégorie des cornues.

Quelques procédés historiques ont été industrialisés, comme celui d'Adrien Chenot, opérationnel dans les années 1850 dans quelques usines en France et en Espagne. Ses améliorations successives, par Blair, Yutes, Renton et Verdié[6] ne sont pas significatives[7] - [8]. Parmi les procédés développés subsiste le procédé HOGANAS, mis au point en 1908. Trois petites unités sont encore opérationnelles (en 2010). Peu productif, il se limite à la production de fer en poudre mais, lent et opérant dans des cornues fermées, il permet d'atteindre facilement les puretés requises par la métallurgie des poudres[9].

D'autres procédés à la cornue ont vu le jour, comme le KINGLOR-METOR, mis au point en 1973. Deux petites unités ont été construites en 1978 (fermée) et 1981[10].

Notes et références

  1. « Si les charbons, au lieu de brûler à l'air libre, sont distillés dans des vaisseaux fermés, on peut recueillir à part toutes leurs parties constituantes. La portion bitumineuse se condense sous la forme de goudron, il s'en précipite, en même temps, un fluide aqueux mêlé d'une portion d'huile et d'ammoniaque. Une quantité considérable d'hydrogène carburé et d'autres gaz inflammables se dégagent, et laissent dans l'appareil distillatoire la base fixe du fossile, sous la forme d'une substance carbonacée appelée coke ». Dans M. Accum. Traîté pratique de l’Éclairage par le gaz inflammable, contenant une description sommaire de l'appareil et du mécanisme employés pour l'illumination des rues, des maisons et des manufactures. Librairie encyclopédique de Roret, 1816 (Consulter en ligne).
  2. Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux, Gauthier-Villars, 1869 (Google Livres).
  3. Désiré Magnier, Nouveau manuel complet de l'éclairage au gaz, ou Traité élémentaire et pratique à l'usage des ingénieurs, directeurs, etc., Librairie encyclopédique de Foret, 1849 (Google Livres).
  4. Robert Halleux. Cockerill, Deux siècles de technologie, Éditions du Perron, 2002.
  5. Olivier C. A. Bisanti, « Un siècle d'oxygène en sidérurgie », Soleil d'acier, (consulté le ).
  6. Emmanuel-Louis Grüner, Traité de métallurgie — métallurgie générale, t. 2 (procédé de métallurgiques, chauffage et fusion, grillage, affinage et réduction), Dunod, [détail des éditions] (lire en ligne), partie I, p. 240 ; 250-254 ; 257.
  7. Adolf Ledebur (trad. Barbary de Langlade revu et annoté par F. Valton), Manuel théorique et pratique de la métallurgie du fer, Tome I et Tome II, t. 2, Librairie polytechnique Baudry et Cie éditeur, [détail des éditions], p. 350-352.
  8. Jacques Corbion (préf. Yvon Lamy), Le savoir… fer — Glossaire du haut-fourneau : Le langage… (savoureux, parfois) des hommes du fer et de la zone fonte, du mineur au… cokier d'hier et d'aujourd'hui, t. 2, 5, [détail des éditions] (lire en ligne [PDF]), p. 44 ; 64 ; 59-60.
  9. (en) Amit Chatterjee, Sponge Iron Production By Direct Reduction Of Iron Oxide, PHI Learning Private Limited, (ISBN 978-81-203-3644-5, lire en ligne), p. 8-171.
  10. (en) J. Feinman, « Direct Reduction and Smelting Processes » [PDF], The AISE Steel Foundation, .

Annexes

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