Accueil🇫🇷Chercher

Adrien Chenot


Adrien Chenot, né le à Bar-sur-Aube[1], et, mort le à Paris[2], est un ingénieur français, connu pour ses inventions en métallurgie ainsi que ses recherches sur les gaz manufacturés. Il est notamment l'inventeur d'un des premiers procédés modernes de réduction directe du minerai de fer, fondé sur l'utilisation de charbon réagissant avec le minerai dans des cornues. Il expose les premiers échantillons de minerai de fer préréduit à l'Exposition universelle de Lisbonne de 1849[3], et est récompensé par une médaille d'or à Exposition universelle de Paris de 1855[L 1] - [note 1].

Adrien Chenot
Nom de naissance Claude Bernard Adrien Chenot
Naissance
Bar-sur-Aube (France)
Décès
Paris (France)
Nationalité Français
Domaines Métallurgie, gaz manufacturés
Diplôme École des mines de Paris

Biographie

Né à Bar-sur-Aube, il est scolarisé à Nancy puis à Paris. En 1820, il entre à l'École des mines de Paris, et au sortir de cette école, il est attaché au Secrétariat général de la direction des ponts et chaussées. Il quitte quelque temps après ce poste pour exploiter des mines en Auvergne[3].

En 1826, il est sollicité par le duc de Raguse pour y mener des études métallurgiques à Châtillon-sur-Saône, où il dépose un premier brevet relatif à la fabrication directe du fer en traitant le minerai en poudre, mêlé de charbon, sur une sole de four à réverbère. En 1932, il construit à son domicile de Haute-Saône un premier appareil de réduction directe, qui fait sensation chez les maîtres de forges voisins, puis vient s'installer à Clichy-la-Garenne[3].

Il s’intéresse également à la production de gaz manufacturé, plus particulièrement les gaz de bois pour l'alimentation des fours à réverbère. Jusqu'en 1842, il travaille et brevette sur les gaz, les huiles de schiste, les sulfates de plomb, etc.. Il invente l'emploi d'alcalins pour la déphosphoration et la désulfuration de gaz manufacturés, et propose une classification des gaz combustibles fondée sur leur réactivité avec les alcalins. Il étudie l'emploi des matériaux poreux, les éponges, pour améliorer la production des gaz, etc[3].

En 1849, il se replonge dans ses recherches métallurgiques liées à la réduction des oxydes métalliques[3]. Le développement de la métallurgie directe, qui consiste à produire des métaux sans passer par les étapes de fusion (au haut fourneau) et d'affinage (alors réalisé péniblement par puddlage), passe par une optimisation scientifique des réactions chimiques réalisées jadis empiriquement dans les bas fourneaux. Cette approche lui semble alors capable de révolutionner la métallurgie :

« En effet, dégager la chaleur par oxydation et l'absorber par réduction en donnant lieu à des courants électro-chimiques et électro-dynamiques, qui répartissent rapidement les effets locaux dans l'univers, tel est le grand mécanisme qui fonctionne dans la nature par les actions des corps à l'état naissant ou d'éponges. La science de la fabrication des éponges métalliques doit donc désormais servir de base non seulement à l'art métallurgique, mais à tous les autres[3]. »

— C.-B.-A. Chenot, 1849

Sa connaissance de la production des gaz réducteurs est essentielle pour la mise au point de ses procédés de réduction d'oxydes : il améliore simultanément l'obtention des gaz nécessaires à ses procédés métallurgiques, tout comme les procédés eux-mêmes. Il comprend également l'importance qu'a la pureté du minerai pour assurer un intérêt économique aux procédés de réduction directe, et invente une « électrotrieuse » qui retire aux minerais bruts une partie importante de leur gangue stérile[3].

Ses recherches concernent l'obtention d'éponges métalliques de beaucoup de corps (aluminium, calcium, silicium, baryum, etc.), dont il étudie aussi les propriétés de leurs alliages avec le fer[3].

Chenot meurt en 1855, âgĂ© donc de seulement 52 ans, encore actif mais très affaibli par les gaz inhalĂ©s lors de ses expĂ©rimentations. Il est d'ailleurs l'un des premiers Ă  avoir signalĂ© la toxicitĂ© du monoxyde de carbone[3] - [5] - [6].

Procédé Chenot de réduction directe

Principe

Le procĂ©dĂ© Chenot est un des tout premiers procĂ©dĂ©s de rĂ©duction directe succĂ©dant aux bas fourneaux. Il s'agit d'un four Ă  cornues de 10 m de haut, 1,5 m de large et 0,5 m de profondeur, associĂ©es par paires et dont les parois sont chauffĂ©es par 4 feux de houille. Les cornues sont chargĂ©es par le haut avec un mĂ©lange de charbon de bois et de minerai de fer, et leur contenu est Ă©vacuĂ© vers le bas dès que la charge est suffisamment rĂ©duite[P 1] - [G 1] - [4]. MalgrĂ© la prĂ©sence d'un refroidisseur sous les cornues, conçu pour restituer sa chaleur au minerai enfournĂ©, le « mode de chauffage est […] fort imparfait ; on perd plus de chaleur au-dehors qu'on en utilise dans la cornue mĂŞme[G 2] ». En effet, pour produire une tonne de minerai de fer prĂ©rĂ©duit, le procĂ©dĂ© Chenot consomme 350 kg de charbon de bois et 780 kg de houille, soit bien plus que les hauts fourneaux d'alors qui rĂ©alisent Ă  la fois la fusion et la rĂ©duction, en consommant moins de 1 000 kg de coke[note 2] ; le rendement thermique du procĂ©dĂ© est alors estimĂ© Ă  26%, Ă  comparer aux 70 voire 80% des hauts fourneaux de l'Ă©poque[G 4]. Ainsi, Isaac Lowthian Bell estime le coĂ»t en combustible 2,3 fois supĂ©rieur, et la perte en 3,5 fois supĂ©rieure Ă  une fabrication par haut fourneau et convertisseur Bessemer[8] - [4].

Le minerai utilisĂ© doit ĂŞtre d'excellente qualitĂ© (80 Ă  82% d'hĂ©matite), et sĂ©journe près de 8 jours dans l'appareil (moitiĂ© du temps dans la cornue, puis dans le refroidissoir[4]). Les chargements et vidanges sont cependant partiels, donc plus rĂ©guliers : on compte une capacitĂ© de traitement de 1,2 Ă  1,5 tonne par jour de minerai, soit 400 tonnes annuelles par unitĂ© de production, bien loin des capacitĂ©s de production des hauts fourneaux de l'Ă©poque[G 3]. L'Ă©ponge de fer obtenue contient 13% de stĂ©riles, qu'il faut chauffer et cingler, ou fondre, pour obtenir une masse de fer utilisable[G 5].

Impact technique

Le four de réduction directe de Blair-Adams. Ce procédé est une transformation du procédé Chenot dans lequel on emploie des hydrocarbures gazeux chauffés au préalable par leur passage dans des régénérateurs, au lieu de charbon de bois mélangé à la charge. L'appareil est monté au-dessus de la voûte d'un four Martin dans lequel tombe l'éponge aussitôt qu'elle est produite[L 2].

Le procédé marque cependant fortement ses contemporains car il exploite et valide la compréhension nouvelle des réactions chimiques d'oxydoréduction en métallurgie. Mais, bien qu'il illustre la parfaite connaissance de son auteur de la métallurgie moderne, il suscite de nombreuses interrogations quant à sa rentabilité :

« On a peine Ă  comprendre aujourd'hui qu'on ait pu considĂ©rer Ă  l'origine le procĂ©dĂ© Chenot comme destinĂ© Ă  rĂ©volutionner l'industrie du fer, alors qu'il ne peut s'appliquer qu'Ă  des minerais absolument purs, toutes les fois qu'on ne se rĂ©sout pas Ă  refondre l'Ă©ponge au creuset ou au four Martin. On ne comprend pas davantage que, dans une seule usine, dix fours aient pu ĂŞtre montĂ©s, reprĂ©sentant une dĂ©pense considĂ©rable, pour fabriquer un produit entrainant, par tonne d'Ă©ponge, une consommation de 1 400 kilos de charbon de bois pour la rĂ©duction et 1 723 kilos de houille pour le chauffage des cornues[note 3] : on ne pouvait transformer l'Ă©ponge en fer qu'en l'agglomĂ©rant au feu comtois au prix d'une nouvelle consommation de charbon et d'un dĂ©chet considĂ©rable[L 5]. »

— A. Ledebur, Manuel théorique et pratique de la métallurgie du fer

Opérationnel dans les années 1850 dans quelques usines en France (à l'usine de Chenot de Clichy en 1855, à Pontcharra en 1856 et Hautmont en 1857), en Espagne (à Barakaldo en 1852), en Belgique (à Couillet en 1856)[P 2] et en Italie[L 1]. Le procédé est également essayé aux États-Unis où une variante légèrement améliorée[note 4] par Blair fonctionne à Pittsburg jusqu'en 1846. Un autre four, à Ravensdale (North Staffordshire (en)), démarre en 1875, sans s'avérer plus rentable[G 7].

L'anglais Yates tire parti du fait que les foyers chauffant les cornues peuvent être alimentés par un gaz au lieu de houille, et propose dans ce sens une modification du procédé Chenot en 1860[G 6] - [P 3].

En 1860 aussi, l'américain Renton puis, en 1875, le français Verdié à Firminy, proposent une variante plus originale, consistant à utiliser la chaleur perdue à la cheminée des fours de puddlage[note 5] pour chauffer une cornue de dimension réduite. Mais, si « au premier abord, l’opération semble rationnelle, la réduction est incomplète, le déchet élevé, le bas de la cornue […] rapidement corrodé. Il est toujours difficile de coordonner, dans un même four, deux opération distinctes : la réduction par la chaleur perdue et l'affinage sur la sole du reverbère[G 6] ».

Enfin, son fils Eugène Chenot[note 6] poursuit les études de son père en construisant en 1862, à l'usine de la Ramade à Clichy, un four de réduction directe préfigurant les procédés continus de réduction directe aux gaz seuls, qui ne réussit cependant pas mieux que le procédé mis au point par son père[G 8].

L'obtention d'acier se fait en trempant une partie (environ un quart) de l'Ă©ponge de fer dans un liquide carburĂ© (goudron de bois, etc.), puis en fondant les Ă©ponges carburĂ©es avec les Ă©ponges non carburĂ©es. L'acier obtenu ainsi est rĂ©putĂ© de bonne qualitĂ©, quoiqu'il en existe de meilleurs. En 1867, le coĂ»t de revient de la tonne d'acier Chenot produit Ă  Clichy est estimĂ© Ă  1 097,29 Fr[P 4], et Ă  500 Fr Ă  Barakaldo[P 5].

Autres contributions

Adrien Chenot a souffert des séquelles des intoxications au monoxyde de carbone subies lors de ses nombreuses expériences. Il a été notamment gravement intoxiqué en 1846, alors qu'il travaillait dans les usines du marquis de Sassenay, en Prusse. Selon lui, « l'oxyde de carbone se transforme en acide carbonique provoquant de ce fait une désoxydation mortelle. […] La cause des troubles physiopathologiques pourrait être également une brusque augmentation de la température due à la suroxydation du carbone dans le sang[5] ». Bien entendu, Chenot, qui « admet que l'oxyde de carbone joue dans le sang le [même] rôle de corps réducteur que dans la métallurgie[5] », ne peut proposer qu'une explication partielle dès lors qu'il n'analyse pas soigneusement les aspects physiologiques. Mais il reste le premier à proposer une théorie chimique du mécanisme d'intoxication par ce gaz[5] - [6]

Adrien Chenot militera aussi pour l'abrogation de la loi relative Ă  l'Ă©tablissement des grandes lignes de chemin de fer en France.

Publications et Ĺ“uvres

  • Claude Bernard Adrien Chenot, Souvenir de 1855. Exposition universelle. CrĂ©puscule d'un nouveau système de mĂ©tallurgie : rationnelle, positive et philosophique, Firmin Didot Frères, , 74 p. (OCLC 43484634, lire en ligne)
  • Claude Bernard Adrien Chenot, Les Chaudières Ă  vapeur sont des machines Ă©lectriques. Les moyens de sĂ»retĂ© actuels sont impuissants. Moyen de gĂ©nĂ©rer la vapeur sans aucun danger. Machine Ă  pressions Ă©gales et constantes permettant l'emploi des rĂ©actions chimiques., Carilian-Goeury et Dalmont, , 130 p. (OCLC 23422713, lire en ligne)
  • Claude Bernard Adrien Chenot, Question des sucres d'un point de vue gĂ©nĂ©ral, Thibaud-Landriot, , 76 p. (ASIN B001CE1Q5Q)
  • Claude Bernard Adrien Chenot, Exercice 1845. L'Entente cordiale et Cie, sociĂ©tĂ© humanitaire pour la traite des blancs par les marons sous prĂ©texte d'Ă©mancipation des noirs. Question des fers, fontes et aciers. Proposition du retrait de la loi de 1842 sur les chemins de fer, Fain et Thunot, , 35 p. (ASIN 2B001DAGG4U)
  • Claude Bernard Adrien Chenot, Chemins de fer. Compagnie anonyme l'Entente cordiale et Cie, capital social la France… lettre Ă  messieurs les membres des deux Chambres… InopportunitĂ© des chemins de fer en France…, Fain et Thunot, , 34 p. (ASIN B001DAKH90)
  • Claude Bernard Adrien Chenot, Note sur l'oxyde de carbone pur,

Notes et références

Notes

  1. Le mĂ©tallurgiste amĂ©ricain Henry Marion Howe (en), très rĂ©servĂ© sur l'efficacitĂ© du procĂ©dĂ©, relativise les critères d'attribution (apparently on questionable grounds) de cette distinction[4].
  2. Ou 800 kg de charbon de bois, pour les quelques hauts fourneaux utilisant encore ce combustible[G 3]. Ă€ noter qu'un haut fourneau moderne ne consomme, Ă  la fin du XXe siècle, que 480 kg de coke Ă  la tonne de fonte[7].
  3. Ă€ la mĂŞme Ă©poque, la production d'une tonne de fonte en fusion nĂ©cessite typiquement 740 kilos de charbon de bois[L 3] ou 1 100 kilos de coke[L 4].
  4. Les cornues sont cylindriques mais « en résumé, l'appareil de Blair, présente quelques perfectionnement de détail mais les inconvénients de la réduction sans fusion subsistent tous[G 6] ».
  5. Le rendement thermique d'un four à puddler ne dépasse pas 7 %[L 6].
  6. Né à Saponcourt en 1835, diplômé des Arts et Métiers (Angers, promotion 1850), Eugène Chenot débute dans les usines métallurgiques de Wendel. Il est ensuite associé dirigeant avec son frère aîné, Alfred, dans l'entreprise familiale à Clichy[9]. Après s'être ruiné dans des recherches sur la fabrication de vin à partir de raisins secs, il s'installe à la Guadeloupe pour y diriger l'usine sucrière Blanchet. Il meurt à Capesterre-Belle-Eau le 22 août 1908[10].

Références

  1. Archives de l'Aube, commune de Bar-sur-Aube, acte de naissance non numérotée, année XI républicaine (consulté le 12 octobre 2014)
  2. Archives de Paris reconstituées, acte de naissance non numérotée, année 1855 (consulté le 12 octobre 2014)
  3. Jean Chrétien Ferdinand Hoefer, Nouvelle biographie universelle depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, t. 10, Firmin-Didot Frères, (lire en ligne), p. 210-211
  4. [PDF](en) Henry Marion Howe, The metallurgy of steel, vol. 1, The scientific publishing company, (lire en ligne), p. 278-280
  5. Mirko Dražen Grmek, Raisonnement expérimental et recherches toxicologiques chez Claude Bernard, Librairie Droz S.A., (ISBN 978-2-600-03369-5, lire en ligne), p. 108-109
  6. (en) Christopher P. Hopper, Paige N. Zambrana, Ulrich Goebel et Jakob Wollborn, « A brief history of carbon monoxide and its therapeutic origins », Nitric Oxide, vol. 111-112,‎ 2021-06-xx, p. 45–63 (DOI 10.1016/j.niox.2021.04.001, lire en ligne, consulté le )
  7. [PDF](en) Best Available Techniques (BAT) Reference Document for Iron and Steel Production, Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, , 597 p. (lire en ligne), p. 291-293 ; 338-345
  8. (en) Isaac Lowthian Bell, Principles of the Manufacture of Iron and Steel : With some notes on the economic conditions of their production, George Routledge and Sons, , 34 p. (lire en ligne)
  9. Notice d'autorité : « Chenot, Eugène », sur symogih.org, Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA) (consulté le ).
  10. [PDF]« Notice nécrologique d'Eugène Chenot », Société des ingénieurs Arts et Métiers,
  • Emmanuel-Louis GrĂĽner, TraitĂ© de mĂ©tallurgie — mĂ©tallurgie gĂ©nĂ©rale, t. second, procĂ©dĂ© de mĂ©tallurgiques, chauffage et fusion, grillage, affinage et rĂ©duction, Dunod, (lire en ligne), partie I
  1. p. 244-249
  2. p. 244
  3. p. 245
  4. p. 247-248
  5. p. 249
  6. p. 251
  7. p. 250
  8. p. 240
  • Adolf Ledebur (trad. Barbary de Langlade revu et annotĂ© par F. Valton), Manuel thĂ©orique et pratique de la mĂ©tallurgie du fer, t. II, Librairie polytechnique Baudry et Cie Ă©diteur,
  1. p. 350
  2. p. 351-352
  3. p. 82 ; 99-101
  4. p. 90 ; 99-101
  5. p. 351
  6. p. 377-381
  • J. Percy (trad. traduction supervisĂ©e par l'auteur), TraitĂ© complet de mĂ©tallurgie, Paris, Librairie polytechnique de Noblet et Baudry Ă©diteur, (lire en ligne)
  1. Tome 2, p. 532-545
  2. Tome 2, p. 533
  3. Tome 2, p. 545-550
  4. Tome 4, p. 168-171
  5. Tome 2, p. 536

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.