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Anticléricalisme par pays

L’anticléricalisme est un système opposé aux tendances du clergé[1].

Les Corbeaux, no 145, 5 janvier 1908.
En 2005, lors de la visite du Pape en Allemagne.

Selon l'historien et politologue René Rémond : « En dehors de la France, où il ne saurait y avoir de doute, l'Italie assurément, l'Espagne et le Portugal, la Belgique, espagnole et portugaise, sont des pays où l'anticléricalisme a trouvé un milieu d'élection. Ailleurs, il est moins apparent, ou bien il ne présente plus ce caractère massif qui en fait une réalité sociologique incontestable. Cette énumération dessine un ensemble relativement homogène dont on perçoit aisément les traits communs : ce sont, pour la plupart, des pays de civilisation latine et méditerranéenne. Mais là n'est sans doute pas le caractère déterminant qui motive leur présence dans cette liste. Le facteur décisif est que tous ces pays sont de tradition catholique : le catholicisme romain y a été majoritaire, quand il n'y détenait pas un monopole. Une question surgit aussitôt. N'y a-t-il donc d'anticléricalisme qu'anticatholique ? En d'autres termes, s'il est vrai que l'anticléricalisme puise sa raison d'être dans le cléricalisme, le seul cléricalisme serait-il catholique ? La réponse de l'expérience paraît bien être positive. Les pays de tradition réformée, en particulier les pays anglo-saxons, ne paraissent pas connaître le phénomène : le mot ne figure dans leur vocabulaire que comme un emprunt étranger[2]. »

France

« L'action cléricale sur notre malheureuse planète », illustration du journal La Calotte (Asmodée, 1908).

En France, et notamment depuis la Révolution française, l'anticléricalisme a toujours été présent dans le but d'empêcher le clergé catholique de retrouver son influence sur la population.

  • Dès avant la RĂ©volution, on se moque des moines, des prĂŞtres, des frères et des sĹ“urs dans la littĂ©rature française, souvent par grivoiserie. François Rabelais fait dire Ă  Gargantua que les moines « molestent tout leur voisinage Ă  force de trinqueballer leurs cloches ». Voltaire, le dĂ©iste, affirme plus sĂ©rieusement dans son Dictionnaire philosophique que JĂ©sus avait exclu l'autoritĂ© civile des prĂŞtres.
  • Pendant la rĂ©volution, Stanislas-Marie Maillard, hĂ©ros de la Bastille, conduit le massacre de 3 Ă©vĂŞques, 120 prĂŞtres, 50 religieux et quelques laĂŻcs (Voir les Massacres de Septembre Ă  la Prison de l'Abbaye, Ă  la Prison des Carmes). La plupart des grands Ă©crivains français nĂ©s après ces Ă©vĂ©nements (Michelet, Hugo, etc.) ont uni leur anticlĂ©ricalisme avec une grande confiance en la RĂ©publique.
  • Lors de la Seconde Restauration, le « triomphe culturel et politique de l'Église, cette association intime entre les tenants de l'Ancien RĂ©gime et le catholicisme sont lourds de consĂ©quences. L'Église est identifiĂ©e aux forces de rĂ©action. Le clĂ©ricalisme devient son visage. Et, par lĂ  mĂŞme, l'anticlĂ©ricalisme s'affirme comme le nĂ©cessaire comportement politique et intellectuel des adversaires (libĂ©raux ou rĂ©publicains) de l'Ancien RĂ©gime »[3].
  • Sous la monarchie de Juillet, en rĂ©action aux excès du « parti prĂŞtre » sous la Restauration, des poussĂ©es anticlĂ©ricales sont observĂ©es. Durant la rĂ©volution de 1830, les insurgĂ©s mettent Ă  sac l'archevĂŞchĂ© de Paris, la cathĂ©drale Notre-Dame et plusieurs maisons de congrĂ©gations religieuses. L'archevĂŞque de Paris, Mgr de QuĂ©len – il est vrai très liĂ© Ă  Charles X – doit s'enfuir de Paris et se cacher quelque temps. En province, l'on s'en prend aux prĂŞtres et aux croix de mission : « les processions, rapporte le duc de Broglie dans ses Souvenirs, sont poursuivies Ă  coups de pierres, les croix de mission culbutĂ©es et traĂ®nĂ©es dans la boue, il ne fait pas trop bon Ă  un Ă©vĂŞque de sortir de sa cathĂ©drale ». Des pamphlets circulent Ă  l'encontre du clergĂ© catholique, tandis que les théâtres de Paris donnent des pièces violemment anticlĂ©ricales, qui mettent en scène des prĂŞtres malhonnĂŞtes, vicieux ou criminels. Le ministre de l'IntĂ©rieur, François Guizot, lui-mĂŞme protestant nĂ®mois, mande aux prĂ©fets de rĂ©primer ces abus : « La libertĂ© des cultes doit ĂŞtre entière et sa première condition, c'est qu'aucun culte ne soit insultĂ© ». Mais avec le ministère Laffitte, le laissez-faire devient le mot d'ordre d'un gouvernement qui veut avant tout ne pas se couper de sa base rĂ©volutionnaire.
  • Les 14 et , Ă  la suite d’un service funèbre organisĂ© par les lĂ©gitimistes Ă  Saint-Germain-l'Auxerrois pour l’anniversaire de l’assassinat du duc de Berry des Ă©meutes Ă©clatent Ă  Paris. L’église est envahie et mise Ă  sac par les rĂ©publicains. Le lendemain, l’émeute saccage l’archevĂŞchĂ© et de nombreuses Ă©glises Ă  Paris et en province[4].

La Troisième République

La Petite Lune : « À la foire aux pains d'épices. Un amateur distingué ». Jules Ferry croque un prêtre en pain d'épice.

L'anticléricalisme est très actif sous la Troisième République.

Au début des années 1900, la France connait une certaine fracture religieuse appelée parfois la « guerre des deux France »[5]. L’année 1902 voit la victoire aux élections du Bloc des Gauches et la nomination au poste de Président du Conseil d’Émile Combes, figure du radicalisme et anticlérical convaincu. La place de l’Église catholique dans les affaires politiques provoque de violentes querelles (« Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! »[6]) entre des partis cléricaux et des groupes politiques anticléricaux souvent à gauche[7] et représentés à la chambre des députés. L’anticléricalisme est donc la réaction contre cette tendance à subordonner le politique au religieux. Edgar Quinet voulait par exemple détruire toutes les églises et instaurer un athéisme et un laïcisme à l'ensemble de la société. Ces attaques frontales, aboutissent aux Loi de Séparation de l’Église et de l’État de 1905, dont Jules Ferry reste cependant à l'origine de la sécularisation concrète et réelle (l’enseignement public, laïque et obligatoire). La laïcité telle qu’elle s’est construite en France à partir de la loi de Séparation de l’Église et de l’État de 1905, assure la liberté de conscience et d’expression de chacun.

Arrêté du interdisant le port de la soutane.
Éléments historiques
  • Le , le ministre de l'Instruction publique Jules Ferry prend deux dĂ©crets par lesquels il ordonne aux JĂ©suites de quitter l'enseignement dans les trois mois[8].
  • En 1895, la loi dite « d'abonnement » (complĂ©tĂ©e par la loi de 1901) vise Ă  sĂ©culariser les CongrĂ©gations religieuses.
  • En 1900, le maire du Kremlin-BicĂŞtre, imitĂ© par d’autres, prend un arrĂŞtĂ© interdisant le port de la soutane, estimant que « l’État ne doit pas tolĂ©rer qu’une catĂ©gorie de fonctionnaires serve Ă  amuser les passants »[9].
  • Au lendemain du dĂ©but de la Grande Guerre, le , le gouvernement français fera passer un tĂ©lĂ©gramme aux prĂ©fets demandant que les congrĂ©gations catholiques soient de nouveaux tolĂ©rĂ©es[11]. Toutes les mises Ă  l'Ă©cart du catholicisme sont rĂ©voquĂ©es : « Une ouverture apprĂ©ciable est faite vers le monde catholique, qui n'est plus au ban de la RĂ©publique »[12]. Ce revirement paradoxal et « rarement signalĂ© » atteindra son paroxysme en 1921 avec les cĂ©lĂ©brations nationales de Jeanne d'Arc, un an après sa canonisation[11].

Victor Hugo et la loi Falloux de 1850

Le à l'Assemblée nationale, tout en confirmant son attachement à la liberté religieuse, Victor Hugo fustige la Loi Falloux (sur la liberté d'enseignement laissant une ample place à l'enseignement confessionnel) et toute interférence entre Église et sphère publique :

« Cessez de mêler l'Église à vos affaires, à vos stratégies, à vos combinaisons, à vos doctrines, à vos ambitions. Ne l'appelez pas votre mère pour en faire votre servante. Surtout ne l'identifiez pas avec vous ; voyez le mal que vous lui faites. M. l'évêque de Langres vous l'a signalé. Voyez comme elle dépérit depuis qu'elle vous a ! Vous vous faites si peu aimer que vous finiriez par la faire haïr. En vérité, je vous le dis, elle se passera fort bien de vous ; laissez-la en repos ; dès que vous n'y serez plus, on y viendra. Laissez-la cette vénérable Église, cette vénérable mère, dans sa solitude, dans son abnégation, dans son humilité, tout cela compose sa grandeur, sa solitude lui attirera la foule ; c'est son abnégation qui est sa puissance ; c'est son humilité qui est sa majesté.
Vous parlez de l'enseignement religieux ? L'enseignement religieux véritable, l'enseignement religieux suprême, celui devant lequel il faut se prosterner, celui qu'il ne faut pas troubler, le voici… C'est la sœur de charité au chevet du mourant; c'est le frère de la Merci rachetant l'esclave ; c'est Vincent de Paul ramassant l'enfant trouvé ; c'est l’évêque de Marseille au milieu des pestiférés ; c'est l'archevêque de Paris affrontant avec un sourire sublime le faubourg Saint-Antoine révolté, levant son crucifix au-dessus de la guerre civile et s'inquiétant peu de recevoir la mort, pourvu qu'il apporte la paix. Voilà le véritable enseignement religieux ».

Léon Gambetta : « Le cléricalisme ? Voilà l’ennemi ! »

Le , Léon Gambetta qui veut rompre avec le régime de Mac Mahon du « sabre et du goupillon », lance dans un discours à la Chambre son célèbre « Le cléricalisme, voilà l'ennemi ! »[13] :

« L’Église est arrivée à supprimer dans tous les séminaires, même à Saint-Sulpice, l’enseignement des libertés gallicanes et à proscrire comme une hérésie tout ce qui rappelait la vieille Église de France, les libertés traditionnelles de cette Église qui avait été constituée sous le double empire de la protection nationale et de la dignité même de l’Église.
On a demandé à enseigner, d’abord les petits, les humbles, puis on s’est élevé, on est passé à l’enseignement secondaire, et aujourd’hui nous voici à l’enseignement supérieur, à la collation de grades par les universités catholiques au détriment de l’État. On pense à l’effrayante multiplication dont les ordres religieux, les congrégations de toute sorte, hommes et femmes, offrent le spectacle depuis le dernier recensement.
Nous en sommes arrivés à nous demander si l’État n’est pas maintenant dans l’Église, à l’encontre de la vérité des principes qui veut que l’Église soit dans l’État.
Quant à moi, je suis partisan du système qui rattache l’Église à l’État. Oui ! j’en suis partisan, parce que je tiens compte de l’état moral et social de mon pays, mais je veux, entendez-le, je ne veux défendre le Concordat et rester fidèle à cette politique que tout autant que le Concordat sera interprété comme un contrat bilatéral qui vous oblige et vous tient, comme il m’oblige et comme il me tient !
Je ne fais que traduire les sentiments intimes du peuple de France en disant ce qu’en disait un jour mon ami Peyrat : le cléricalisme ? Voilà l’ennemi ! »[14].

Émile Combes et la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905

Émile Combes caricaturé dans la presse catholique en 1902 (Achille Lemot).

L'anticlĂ©ricalisme dont fait preuve Émile Combes est relativement paradoxal pour un homme issu d'un milieu religieux et destinĂ© Ă  la prĂŞtrise. C'est pourtant avec intransigeance qu'il applique les lois de 1901 et 1904 sur le droit des associations et la libertĂ© d'enseignement des congrĂ©gations religieuses : plus de 2 500 Ă©tablissements d'enseignement privĂ©s sont alors fermĂ©s. Les catholiques rĂ©sistent, et l'on doit employer la force. Toutes les congrĂ©gations de femmes sont dissoutes, seules cinq congrĂ©gations d'hommes restent. Combes considère que la lutte contre l'Église fortifie et glorifie la RĂ©publique.

Il finit par s'engager dans un conflit avec le Vatican au sujet de l'interprétation du Concordat de 1801. Combes profite de la succession de Léon XIII, qui voit arriver un pape intransigeant, Pie X. Aussitôt, l'ambassade de France auprès du Vatican est retirée. Le , il y a rupture diplomatique avec le Saint-Siège.

Combes n'est pas véritablement opposé au Concordat, est même farouchement opposé à une séparation de l'Église et de l'État, ce qui peut sembler paradoxal. En vérité, il a besoin de cet instrument de pression qui lie l'Église à l'État. S'en séparer, c'est prendre le risque d'un renouveau de l'Église. Preuve en est qu'il conserve un contact permanent, bien que ténu, entre l'État et l'Église. De même, en 1902, il repousse 8 propositions pour les ranger dans une commission le pour examiner ces propositions et rédiger un projet de loi.

Attaqué par les catholiques, puis progressivement par les socialistes, l'affaire des Fiches va causer sa ruine. Il s'agit d'une opération de fichage des opinions politiques et religieuses des officiers. La révélation de ce procédé, dans la droite ligne du Combisme, dénoncé à la tribune, fait tomber la majorité ministérielle à quatre voix, le . On reproche à Combes un système de délation s'étendant à toutes les administrations. Paul Doumer reproche à Combes d'être « un républicain récent attaché aux procédés bonapartistes ». Sans attendre d'être mis en minorité, Combes et son ministère se retirent le .

Symbole de la politique anticléricale et prologue à la séparation de l'Église et de l'État, l'expression « combisme » s'impose. Pourtant, Émile Combes, souvent tenu pour unique responsable de la crise sociale, politique et religieuse en germe, ne fait que traduire en actes le programme du bloc des gauches (radicaux et socialistes). Mais le front républicain se divise sur cette question. La séparation des Églises et de l'État en 1905 y mettra un terme.

Le « petit père Combes » était ainsi nommé à cause de son passage au séminaire, et était aussi ministre des Cultes.

Époque contemporaine

  • PrĂ©vert et le Groupe Octobre font de la dĂ©nonciation de l'Église un des axes de leurs interventions de rue dans les annĂ©es 1930.
  • Actuellement, l'influence du clergĂ© en France est plus faible comparĂ©e Ă  celle de la plupart des autres pays du monde[15]. Ă€ la mort de Jean-Paul II, l'association Act Up-Paris s'est rĂ©jouie, le dĂ©clarant « responsable de la mort d'un million d'hommes » et adressant « un vĹ“u dĂ©sespĂ©rĂ© Ă  son successeur ». Aujourd'hui, l'anticlĂ©ricalisme continue de s'exprimer par le biais de la presse satirique, comme Charlie Hebdo[16], SinĂ© Mensuel ou Le Canard enchaĂ®nĂ©.

Belgique

Revue de la Fédération des Étudiants Libéraux de l'Université de Liège, 1921.

Au XIXe siècle, des gouvernements de tendance libérale menèrent une politique délibérément anticléricale, en particulier le dernier cabinet de Frère-Orban, qui déclencha la première guerre scolaire. En , Didier Dubucq lance sa revue férocement satirique Les Corbeaux.

En et en 1995[17], une campagne retentissante est organisée par la Liaison pour l'autonomie des personnes, contre la visite du pape Jean-Paul II en Belgique[18]. À cette occasion est coéditée par le journal Alternative libertaire avec l'Association pour l'Art et l'Expression Libre de Toulouse[19], Act Up Bruxelles, le Cercle du Libre Examen de l'Université libre de Bruxelles et la revue Tels Quels, la fameuse affiche Contre le SIDA : la capote, pas la calotte[20]. Le journal publie également un numéro spécial (diffusé dans toutes les librairies du pays) en collaboration avec les revues Golias Magazine Belgique et Toudi (José Fontaine).

Entre 1999 et 2007, les gouvernements menés par Guy Verhofstadt excluaient les partis chrétiens (CVP flamand et PSC francophone) après une présence continue dans les coalitions au pouvoir depuis 1958. Un des buts clairement affichés était de permettre des avancées dans divers domaines touchant à l'éthique et que ces deux partis bloquaient. Parmi les cibles recherchées, on peut citer la dépénalisation partielle et l'encadrement de l'euthanasie en 2002 et le mariage homosexuel en 2003.

Espagne

L'histoire de l'anticléricalisme en Espagne est généralement divisé en deux périodes. D'une part, l'« anti-cléricalisme chrétien », aussi ancien que l'Église elle-même, qui se caractérise par la critique les abus supposés du clergé ou de sa puissance excessive, sans pour autant remettre en question son rôle dominant dans la société et son influence sur l'État. D'autre part, un « anticléricalisme contemporain » qui apparait avec le Siècle des Lumières et qui, dans une perspective rationaliste, considère l'Église catholique comme un obstacle au progrès et veut l'écarter des affaires publiques.

Anti-cléricalisme chrétien

Dès la première moitié du XVIe siècle, tant au sein du peuple que chez les lettrés humanistes et spirituels, l'homme d'Église fait l'objet de satires, de critiques souvent mordantes, volontiers facétieuses, moqué pour ses vices, excès ou immoralité supposés.

Goya est un célèbre peintre espagnol anticlérical.

Anticléricalisme contemporain

Francisco Ferrer Guardia, l'un des cinq condamnés à mort en répression aux événements de la Semaine tragique.
Almanach de La Traca, Espagne 1932.

La critique du clergé peut être classée en trois grands groupes d'arguments : la fonction idéologique de l'Église au service des classes sociales dominantes prônant un conformisme moral, l'« obscurantisme » du clergé contraire à l'esprit de progrès et la « trahison » des valeurs de l'Évangile par ses comportements (avidité et luxure).

Dans les années 1930, « sur l'anticléricalisme traditionnel s'est greffé un anticléricalisme révolutionnaire en grande partie dû à l'influence du mouvement anarchiste, particulièrement désireux de s'attaquer aux manifestations culturelles et éducatives de la société oppressive, dans lesquelles le clergé était dominant »[21].

De nombreuses insurrections anticléricales marquent l'histoire moderne de l'Espagne :

  • Le Ă  Madrid, une Ă©meute anticlĂ©ricale marque la rĂ©gence de Marie-Christine de Bourbon. Plusieurs couvents sont investis par la foule qui tue 73 moines Ă  la suite d'une rumeur Ă  propos de l'Ă©pidĂ©mie de cholĂ©ra qui ravage, depuis fin juin, la capitale.
  • En 1835, des Ă©meutes anticlĂ©ricales Ă©clatent en Aragon et surtout en Catalogne. En cause, le soutien du clergĂ© aux carlistes dans le contexte des soulèvements de la rĂ©volution libĂ©rale qui cherche Ă  mettre fin Ă  l'absolutisme royal. Ă€ Saragosse, Reus, Barcelone et d'autres villes catalanes, des couvents et des monastères sont incendiĂ©s et des membres du clergĂ© tuĂ©s.
  • Entre le et le , lors de la Semaine tragique, Barcelone et d'autres villes de Catalogne s'enflamment. L'Ă©lĂ©ment dĂ©clencheur est le dĂ©cret du Premier ministre Antonio Maura d'envoyer des conscrits rĂ©servistes des classes populaires dĂ©fendre les possessions espagnoles au Maroc. La protestation au dĂ©part pacifiste prend un tournant anticlĂ©rical avec l'incendie de nombreuses Ă©glises, couvents et Ă©coles religieuses; on assiste mĂŞme Ă  la profanation de sĂ©pultures[22]. En revanche, aucune banque ni usine n'est affectĂ©e. La loi martiale est dĂ©crĂ©tĂ©e Ă  Barcelone et l'ArmĂ©e intervient : les premiers coups de feu sont Ă©changĂ©s dans la zone des ramblas. Le bilan des troubles fait Ă©tat d'un total de 78 morts (75 civils et 3 militaires), un demi-millier de blessĂ©s et 112 Ă©difices incendiĂ©s (dont 80 religieux). Plusieurs milliers de personnes sont arrĂŞtĂ©es, parmi lesquelles 2000 sont poursuivies pĂ©nalement. Il y eut 175 condamnation Ă  l'exil, 59 peines de prison Ă  perpĂ©tuitĂ© et 5 peines capitales. De plus les syndicats sont interdits et des Ă©coles laĂŻques fermĂ©es. Les cinq condamnĂ©s Ă  mort sont exĂ©cutĂ©s le 13 octobre au château de Montjuic. Parmi eux, Francisco Ferrer Guardia, cofondateur de l'École moderne, rendu coupable d'ĂŞtre l'instigateur de la rĂ©volte en se fondant uniquement sur une accusation formulĂ©e dans une lettre remise par les prĂ©lats de Barcelone.
  • Du 10 au , quelques semaines après avoir la proclamation de la Seconde RĂ©publique, Ă  la suite de l'inauguration d'un Cercle monarchiste Ă  Madrid, des Ă©meutes Ă©clatent et s'Ă©tendent Ă  d'autres villes de la pĂ©ninsule. Une centaine de bâtiments religieux sont totalement ou partiellement brĂ»lĂ©s et plusieurs membres du clergĂ© tuĂ©s.
  • En 1934, lors de la rĂ©volution asturienne, la violence anticlĂ©ricale est la plus importante subie par le clergĂ© catholique au XXe siècle avant la guerre civile : 34 membres du clergĂ© sont tuĂ©s.
  • Pendant la rĂ©volution sociale espagnole de 1936 et la guerre d'Espagne, l'Église catholique soutient avec enthousiasme les nationalistes menĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Francisco Franco, elle appelle Ă  une « croisade », « guerre sainte » pour la dĂ©fense de la religion. Dans la zone contrĂ´lĂ©e par les loyalistes Ă  l'Ă©gard du gouvernement lĂ©galement Ă©tabli de la IIe RĂ©publique plus de 6000 membres du clergĂ© catholique sont tuĂ©s et de nombreuses Ă©glises pillĂ©es ou incendiĂ©es. Ă€ noter que les attaques contre les bâtiments religieux qui ont lieu après les Ă©lections gĂ©nĂ©rales de fĂ©vrier 1936 ne font pas de victime, ce n'est qu'après le Soulèvement nationaliste des 17 et 18 juillet que des membres du clergĂ© sont tuĂ©s.

Presse

Don Quijote, hebdomadaire satirique est publié à Madrid de 1892 à 1902[23].

Italie

L'Asino, Italie, 1907.
Caricature antimilitariste et anticléricale signée Rata Langa, (Gabriele Galantara), Der Wahrer Jacob, no 346, 1899.
La une de L'Assiette au beurre, Gabriele Galantara, no 242, 18 novembre 1905.

L'anticléricalisme en Italie est fortement lié avec l'absolutisme dont ont fait preuve les États pontificaux jusqu'en 1870. De nombreux hommes politiques italiens, qui ont joué un rôle dans l'unification de l'Italie, et donc dans l'annexion des États pontificaux par le Royaume d'Italie, à l'image de Cavour, étaient connus comme hostiles au pouvoir temporel de l'Église catholique.

L'hostilité entre le Saint-Siège et le Royaume d'Italie atteint son paroxysme lors du pontificat de Pie XI sous le régime fasciste de Benito Mussolini, et la signature des accords du Latran n'a rien fait pour la diminuer.

Après la Seconde Guerre mondiale, l'anticléricalisme en Italie était incarné par le parti socialiste et surtout par le parti communiste, en opposition au parti chrétien-démocrate, fervent soutien du Vatican.

La révision des accords du Latran par le premier ministre italien Bettino Craxi durant les années 1980, retira à la religion catholique le statut de religion d'État, mais conserva à l'Église catholique un certain nombre de privilèges, notamment comme la loi « otto per mille » ou l'enseignement de la religion à l'école.

L'Église Catholique a récemment pris des positions plus fermes vis-à-vis de la politique italienne, en particulier au travers des interventions du cardinal Camillo Ruini, qui fait souvent entendre sa voix sur divers sujets, commentant le débat politique et rappelant la ligne officielle de l'Église.Cet « interventionnisme » est par ailleurs croissant depuis l'élection du pape Benoît XVI. L'anticléricalisme, n'entre cependant pas dans les positions officielles de la plupart des partis politiques italiens (à l'exception des radicaux italiens, qui s'identifient comme « laïques »), ceux-ci considérant comme un handicap électoral de s'opposer publiquement à l'Église: depuis que les démocrates chrétiens ne forment plus un parti uni, le vote « catholique » oscille entre gauche et droite, et est généralement décisif pour la victoire à une élection.

Presse

L'Asino, hebdomadaire satirique engagé à gauche fondé par le dessinateur Gabriele Galantara et le journaliste Podrecca est lancé en 1892 à Rome. Il est proche des positions du Parti socialiste italien. Par les dessins de Galantara, le journal se veut anticapitaliste, antimilitariste et anticlérical, tirant avant 1914 entre 30000 et 70000 exemplaires. Galantara impressionne à l'étranger : il publie dans la presse satirique allemande, mais également française (L'Assiette au Beurre, Les Corbeaux)[24].

Pologne

Comme dans tous les pays sous régime communiste, la politique en vigueur vis-à-vis de la religion durant la période soviétique était l'anticléricalisme dur. Cette politique ne trouva pas d'écho dans la population, l'Église Catholique devenant ainsi l'un des principaux centres d'opposition au régime communiste. Ironiquement, c'est ce qui a précipité la chute du communisme en Pologne, le pouvoir de l'Église sur la vie politique s'accroissant avec le temps. Certains prêtres (Henryk Jankowski, Tadeusz Rydzyk) gagnèrent beaucoup d'influence sur la vie politique, même si leur vision n'était pas forcément celle de l'Église, mais plutôt celle de certains partis (Ligue des familles polonaises) ou d'une certaine radio (Radio Maryja). Ceci a donné lieu à la mise en place d'une opposition basée sur une philosophie anticléricale (qui reprend le terme péjoratif de moherowe berety (pl) (Bérets de Mohair) pour désigner les auditrices ultra-catholiques de radio Maryja).

En 2010, Janusz Palikot fonde le Mouvement Palikot, à la fois social-libéral et anticlérical.

Portugal

Comme l'Espagne, le Portugal a connu des vagues d'anticléricalisme. Au XVIIIe siècle, la Compagnie de Jésus fut chassée. En 1834 sous Dom Pedro : les monastères, couvents, ainsi que de nombreuses écoles primaires furent fermées. En 1910, la chute de la monarchie par la révolution républicaine initia une nouvelle vague d'anticléricalisme. De nombreux biens de l'Église furent spoliés par l'État, et il fut interdit à l'Église de posséder des biens. Le port de signes religieux et l'instruction religieuse furent abolis, ainsi que les serments et les impôts religieux. Des artistes portugais comme Gil Vicente ou Eça de Queirós furent notoirement anticléricaux.

Roumanie

Canada

Le Québec connaît des poussées d'anticléricalisme depuis le début des années 1960. La Révolution tranquille se caractérise essentiellement par une ouverture au socialisme et un refus du modèle social de l'Église et du clergé. Quelques écrivains québécois issus de l'Institut canadien avaient exprimé de l'anticléricalisme à la fin du XIXe siècle (Arthur Buies, Louis-Antoine Dessaulles).

Le Devoir, qui est devenu le journal de la gauche québécoise, publie régulièrement des textes d'opinions écrits par des professeurs de philosophie anticléricaux.

Brésil

Au début du XXe siècle, animé par des libertaires (dont Edgard Leuenroth), l'anticléricalisme brésilien « présente d'emblée un caractère bouleversant parce qu'il vient ouvrir une fêlure, sans précédent et sans suite, dans la tradition catholique dominante dans le pays ». Le mouvement s'exprime au travers du journal La Lanterna et s'organise autour de trois objectifs : lutte contre les prêtres pour montrer que leur vie n'est pas conforme aux doctrines qu'ils professent, lutte contre l'influence politique de l'Église et dénonciation de son pouvoir économique[25].

Mexique

Un groupe de Cristeros.

Au Mexique, à la suite de la révolution de 1860, le président Benito Juárez, soutenu par les États-Unis, fait passer un décret nationalisant les biens ecclésiastiques, séparant l'Église de l'État, et supprimant les ordres religieux. Il est le symbole de l'anticléricalisme mexicain.

À la suite de la révolution de 1910, la nouvelle constitution mexicaine de 1917 comporte des articles qui vont encore plus loin :

  • l'article 3 impose la sĂ©cularisation de l'Ă©ducation, et interdit toute intervention de l'Église Ă  l'Ă©cole primaire ;
  • l'article 5 rend hors-la-loi les ordres monastiques ;
  • l'article 24 interdit toute cĂ©lĂ©bration publique du culte en dehors des Ă©glises ;
  • l'article 27 impose des restrictions au droit de propriĂ©tĂ© des organisations religieuses ;
  • l'article 130 interdit aux prĂŞtres de porter leurs habits religieux, ils perdent le droit de vote et se voient privĂ©s de tout commentaire sur les affaires publiques dans les organes de presse.

Guerre des Cristeros : 1926-1929

En , le président Plutarco Elías Calles prive de droits civiques les catholiques (laïcs et prêtres) sous prétexte qu'ils obéissent à un souverain étranger, le pape. Il expulse tous les ecclésiastiques étrangers et interdit aux prêtres toute critique du gouvernement en vertu de l'article 130 de la Constitution de 1917, jusque-là resté inappliqué. Il interdit les congrégations enseignantes et ferme pas moins de 20000 églises.

Les paysans se soulèvent au cri de « ¡ Viva Cristo Rey ! » (Vive le Christ-Roi !), c'est la Guerre des Cristeros de 1926 à 1929, la plus importante rébellion qu'ait connu le pays.

Le , un accord est finalement conclut entre les autorités et le pape Pie XI. Le président mexicain s'engage à ne plus tenter d'appliquer les articles antireligieux de la Constitution[26].

Russie

Des ouvriers se débarrassent de Jésus, Bezbojnik, 1929.

En Russie, plusieurs milliers de prêtres furent tués par balles ou par travaux forcés pendant le gouvernement de Staline. L'anticléricalisme a été mis entre parenthèses durant la Seconde Guerre mondiale afin de s'assurer du soutien de l'ensemble de la population. Il a cependant repris à la fin de la guerre.

Au ViĂŞt Nam et en Chine

Au Viêt Nam, comme en Chine, on considère les prêtres comme un opium pour le peuple et les autorités s'en méfient.

Liens externes

Cercle des RĂ©sistants Ă  l'oppression des Agenouillistes, site officiel.
Cartes anticléricales du journal « Les Corbeaux ».
Atheisme.org.

Notes et références

  1. Claude Augé, Petit Larousse illustré, 1905, lire en ligne.
  2. René Rémond, « Géographie de l'anticléricalisme », sur Encyclopædia Universalis.
  3. Max Gallo, Histoire du monde, de la Révolution française à nos jours en 212 épisodes : Les clés de l'histoire contemporaine, Fayard, , 760 p. (ISBN 978-2-213-64216-1, présentation en ligne)
  4. Roger Limouzin-Lamothe, La dévastation de Notre-Dame et de l'archevêché de Paris en février 1831, Revue d'histoire de l'Église de France, tome 50, no 147, 1964. p. 125-134.
  5. Jacqueline Lalouette, La République anticléricale, XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, « L’Univers historique », 2002.
  6. Jacqueline Lalouette, L'anticléricalisme, in L'histoire religieuse en France et en Espagne, Collection de la Casa de Velázquez, no 87, 2004, page 334.
  7. René Rémond, L'Anticléricalisme en France de 1815 à nos jours, Paris, Fayard, 1976.
  8. 29 mars 1880 - Jules Ferry expulse les religieux de l'enseignement, HĂ©rodote, lire en ligne.
  9. Sandrine Martinez, Le Kremlin-Bicêtre, fief de l'anticléricalisme, Le Parisien, 25 août 2000, [lire en ligne].
  10. 9 décembre 1905 - Séparation des Églises et de l'État, Hérodote, 1er avril 2011, lire en ligne.
  11. Jean-Jacques Becker, Stéphane Audoin-Rouzeau, La France, la Nation, la Guerre : 1850-1920, Paris : SEDES, 2012, p. 272
  12. Jean-Marie Mayeur, La vie politique…, cité dans « Jean-Jacques Becker, Stéphane Audoin-Rouzeau, La France, la Nation, la Guerre : 1850-1920, Paris : SEDES, 2012, p. 272 »
  13. Formule inspirée de celle de Alphonse Peyrat : « Ce qui est redoutable, c'est le parti clérical. Voilà l'ennemi ! », Discours lors d'une réunion générale des électeurs sénatoriaux de la Seine, janvier 1876, in L'anticléricalisme, Jacqueline Lalouette, dans L'histoire religieuse en France et en Espagne : colloque international (Casa de Velásquez, 2-5 avril 2001), Casa de Velázquez, 2004, page 334.
  14. Léon Gambetta, « Le cléricalisme voilà l’ennemi », discours à la Chambre des députés, 4 mai 1877, texte intégral sur le site de la Fédération nationale de la libre pensée.
  15. EnquĂŞte Pew Research Center du 17/09/2008 : http://pewglobal.org/reports/pdf/262.pdf, pages 15, 18 et 23
  16. « l’anticléricalisme anarchiste et sympa », Claude Soula, Être à la hauteur, L'Obs, 23 janvier 2015, lire en ligne.
  17. « Une Pentecôte bruxelloise à la fois papale et... athée », Le Soir,‎ (lire en ligne)
  18. « La Liaison pour l'autonomie des personnes lance le débat », Le Soir,‎ (lire en ligne)
  19. Association pour l'Art et l'Expression Libre Toulouse CIRA Lausanne)
  20. Contre le SIDA : la capote, pas la calotte : voir en ligne ou sur le site du Centre international de recherches sur l'anarchisme (Lausanne), voir en ligne
  21. Aline Angoustures, L'Espagne, Éditions Le Cavalier Bleu, 2004, page 63.
  22. Dolors Marín, Barcelona en llamas: La Semana Trágica, La Aventura de la Historia, Año 11, no. 129, p. 47.
  23. (es) Bibliotheca National de Espana, Don Quijote (Madrid. 1892), lire en ligne.
  24. Presse satirique illustrée italienne : L'Asino, Caricatures et caricature, 2 mars 2011, en ligne.
  25. J. A. De Seixas, Mémoire et oubli : Anarchisme et syndicalisme révolutionnaire au Brésil : mythe et histoire, Maison des sciences de l'homme, 1992, page 221.
  26. 22 juin 1929 - Le Vatican «s'arrange» avec le Mexique, Hérodote, 20 mai 2014, lire en ligne.
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