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Accident industriel de l'usine PEPCON

L'accident industriel de l'usine PEPCON est un accident majeur caractĂ©risĂ© par une succession d'explosions survenues le dans l'usine de la Pacific Engineering and Production Company of Nevada (PEPCON), Ă  Henderson, dans le Nevada, aux États-Unis. L'explosion de cette usine, qui fabriquait et stockait d'importantes quantitĂ©s de perchlorate d'ammonium, un composĂ© chimique utilisĂ© essentiellement comme propergol pour la propulsion des fusĂ©es et missiles amĂ©ricains, fit deux morts, 372 blessĂ©s, brisa des vitres sur un rayon de seize kilomètres et causa des dĂ©gâts pour un montant estimĂ© Ă  approximativement 100 millions de dollars de 1988 (soit 216 millions de dollars de 2023) dans la vallĂ©e de Las Vegas.

Accident industriel de l'usine PEPCON
L'explosion la plus importante sur le site de l'usine.
L'explosion la plus importante sur le site de l'usine.

Type Explosion d’un stock de propergol solide
Pays Drapeau des États-Unis États-Unis
Localisation Henderson, Nevada
CoordonnĂ©es 36° 02′ 07″ nord, 115° 02′ 05″ ouest
Date
Bilan
Blessés 372
Morts 2

GĂ©olocalisation sur la carte : Nevada
(Voir situation sur carte : Nevada)
Accident industriel de l'usine PEPCON

Une onde sismique artificielle d'une magnitude de 3 à 3,5 sur l'échelle ouverte de Richter fut également détectée. Très rapidement, plusieurs agences gouvernementales activèrent des plans d'urgence pour organiser les secours dans la zone de l'explosion[1] - [2].

Une équipe d'ingénieurs, effectuant ce jour-là une visite d'entretien routinière sur une tour de télévision située sur la colline Black Mountain (en) à quelques kilomètres de l'usine, réalisa une vidéo improvisée peu après le début des explosions[3]. Cette vidéo, devenue assez célèbre, est facilement accessible sur le web et permet de prendre la mesure de la puissance des explosions[4].

Contexte

L'usine PEPCON, situĂ©e Ă  Henderson Ă  16 kilomètres (10 miles) de la ville de Las Vegas dans l'État du Nevada, Ă©tait l'une des deux seules au monde Ă  produire du perchlorate d'ammonium (en anglais : ammonium perchlorate, aussi abrĂ©gĂ© en « AP »)[5], un oxydant utilisĂ© dans la fabrication des propulseurs Ă  propergol solide de nombreux systèmes, dont ceux de la Navette spatiale amĂ©ricaine, des armements — tels les missiles balistiques tirĂ©s depuis les sous-marins nuclĂ©aires ou les missiles sol-air Patriot — et de lanceurs spatiaux non-militaires, tels certaines versions des fusĂ©es du programme Atlas[6]. L'autre producteur, la Kerr-McGee Corporation, Ă©tait situĂ©e Ă  moins de 2,4 kilomètres (1,5 mile) de l'usine PEPCON, dans la zone qui fut en partie endommagĂ©e par le souffle de l'explosion[5]. En plus du perchlorate d'ammonium, l'usine produisait d'autres produits Ă  base de perchlorate, parmi lesquels du perchlorate de sodium (Ă©galement un produit utilisĂ© pour la fabrication de propulseurs Ă  propergol solide). Une conduite de gaz Ă  haute pression d'un diamètre de 41 cm passait Ă©galement sous l'usine, transportant du gaz naturel Ă  une pression de 2,1 MPa (soit 21 bars)[7]. La facture de cette conduite, qui fut installĂ©e en 1956, la caractĂ©risait comme un Ă©quipement Ă  « service limitĂ© »[8].

Avec une flotte de navettes spatiales clouĂ©e au sol pendant 32 mois[9], Ă  la suite de la dĂ©sintĂ©gration de Challenger au dĂ©collage le [10], un ordre Ă©manant du Gouvernement des États-Unis demanda que la production excĂ©dentaire de perchlorate — qui Ă©tait normalement utilisĂ©e pour les boosters de la navette et qui Ă©tait la propriĂ©tĂ© du Gouvernement ou de son contractant principal — soit stockĂ©e Ă  l'intĂ©rieur de conteneurs en aluminium appartenant au client lui-mĂŞme, dans un espace habituellement utilisĂ© pour stocker le produit en attente de livraison aux divers clients de l'usine[11]. Le perchlorate d'ammonium produit pour les autres programmes du Gouvernement amĂ©ricain n'Ă©tait pas stockĂ© Ă  l'usine PEPCON Ă  ce moment-lĂ .

Des tonneaux en acier et plastique de type polyĂ©thylène haute densitĂ© (PE-HD) Ă©taient utilisĂ©s pour le stockage additionnel et en cours de production au moment de l'accident, comme ils l'avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© pendant de nombreuses annĂ©es avant l'accident de Challenger[11]. Une quantitĂ© estimĂ©e Ă  4 500 tonnes de produit fini Ă©tait prĂ©sente en stockage sur le site de l'usine au moment de l'explosion[12] - [11] - [13].

L'usine occupait une surface au sol d'environ 32 000 m2, comprenant six bâtiments et des espaces de traitement et de stockage extĂ©rieurs[5]. L'usine avait Ă©tĂ© construite dans les annĂ©es 1950 dans une portion du dĂ©sert Ă  l'Ă©poque encore assez isolĂ©e[5]. Cet Ă©loignement des zones peuplĂ©es fut toutefois fortement diminuĂ© par l'expansion rapide de la mĂ©tropole de Las Vegas au cours de la dernière dĂ©cennie[5]. En plus des usines PEPCON et Kerr-McGee, il y avait Ă©galement une grosse usine de production de guimauve (marshmallow), la Kidd & Company (en)[14], situĂ©e Ă  seulement 150 mètres, et une carrière de gravier en cours de fonctionnement Ă  proximitĂ©, Ă  environ 1 000 mètres vers l'ouest. Les zones rĂ©sidentielles les plus proches Ă©taient situĂ©es Ă  environ 2,8 kilomètres de la zone de l'explosion[5].

Incendie et explosions

info sign Pour une meilleure visualisation : plan de l'usine, p. 45 du SANDIA Report SAND88-2902 / UC-70[15].

DĂ©part de l'incendie

De nombreuses théories furent avancées au sujet de la cause de l'incendie et des explosions[16]. Le Département des incendies du Comté de Clark (en anglais : Clark County Fire Department, ou CCFD), au Nevada, ne publia pas un rapport formel mais produisit une coupure de presse de deux pages le , décrivant ce qu'il pensait être la cause de l'incendie. Ce rapport préliminaire, ainsi que d'autres informations récoltées par le CCFD, furent incluses dans un rapport de l'Administration des incendies des États-Unis, l'USFA (pour United States Fire Administration (en)).

Le Département du Travail des États-Unis (United States Department of Labor, USDOL), travaillant avec la Division of Occupational Safety and Health (DOSH), publia un long rapport sur l'accident qui ne reprit que très légèrement les affirmations du CCFD au sujet de ses origines et de ses causes. L'USDOL nota que la Division Arson du CCFD avait maintenu le contrôle sur le site plusieurs semaines et que les équipes d'enquête du DOSH et de PEPCON ne furent pas autorisées à entrer dans l'usine avant treize jours après les événements[16]. La première inspection significative du DOSH ne fut réalisée qu'à partir du 33e jour après l'incendie[16]. À ce moment-là, les zones endommagées avaient été irrémédiablement perturbées, et les preuves importantes et les indices clés avaient été soit déplacés, soit retirés du site[16].

D'après le rapport de l'USFA[7], l'incendie dĂ©marra autour d'une structure de sĂ©chage de l'usine entre 11 h 30 et 11 h 40 ce jour-lĂ [7]. L'USDOL rapporta qu'au moins un feu Ă©tait en cours sur un tonneau de 55 gallons (208 litres) situĂ© du cĂ´tĂ© ouest de la partie sud des bâtiments d'assemblage, qui sĂ©paraient le sĂ©choir des rĂ©servoirs de stockage Ă  l'intĂ©rieur de la zone de traitement[16]. Un incendie fut aussi rapportĂ© au niveau du mur nord de la section des sĂ©choirs du bâtiment de traitement[16]. Une tempĂŞte de vent avait endommagĂ© une structure et un toit en fibre de verre et des employĂ©s Ă©taient en train d'utiliser des torches de soudage pour en rĂ©parer la structure en acier. Le rapport de l'USFA Ă©tablit que cette activitĂ© causa le dĂ©part d'un incendie qui se propagea rapidement Ă  travers la fibre de verre, accĂ©lĂ©rĂ© ensuite par les rĂ©sidus de perchlorate d'ammonium traĂ®nant dans les environs, puis atteignit les tonneaux de 208 litres stockĂ©s près du bâtiment[7].

Le rapport de l'USDOL minimisa cette thĂ©orie, se basant sur les dĂ©clarations de tĂ©moins oculaires et des tests scientifiques sur les incendies[16]. Dix personnes affirmèrent qu'elles avaient vu le feu et/ou avaient participĂ© aux premières tentatives de l'Ă©teindre[16]. L'USDOL rapporta que les tĂ©moignages avaient indiquĂ© que les activitĂ©s de soudage avaient dĂ©butĂ© entre 30 et 90 minutes avant la dĂ©couverte de l'incendie[16], que ces opĂ©rations avaient pris place sur le mur nord-ouest du bâtiment, et que les alentours avaient Ă©tĂ© copieusement inondĂ©s d'eau avant et pendant les opĂ©rations, afin de limiter les risques de dĂ©parts de feu accidentels[16]. De plus, l'USDOL affirma que la probabilitĂ© de propager du mĂ©tal fondu sur une distance de 20 mètres Ă  travers et autour des rĂ©servoirs de stockage Ă©tait considĂ©rĂ©e comme extrĂŞmement faible[16]. L'USDOL dĂ©clara que les Ă©tincelles provenant de telles activitĂ©s ne contiendraient pas assez d'Ă©nergie pour initier l'allumage de combustibles ordinaires Ă  proximitĂ© immĂ©diate, sans parler des 20 mètres prĂ©cĂ©demment citĂ©s, et conclut que « la possibilitĂ© [d'envisager] les opĂ©rations de dĂ©coupe et de soudage comme source d'ignition [Ă©tait] considĂ©rĂ©e comme Ă©tant très faible, selon l'opinion professionnelle de l'auteur »[16].

Propagation et premières explosions

Les rapports de l'USFA et de l'USDOL mentionnèrent tous deux que les flammes s'Ă©tendirent aux tonneaux en plastique de 55 gallons (208 litres) contenant le produit qui Ă©taient entreposĂ©s près du bâtiment, alors que les employĂ©s tentaient en vain d'Ă©teindre l'incendie initiĂ© Ă  l'intĂ©rieur du bâtiment grâce Ă  des tuyaux d'eau[7] - [16]. L'USFA rapporta qu'une première sĂ©rie d'explosions de produisit dans les tonneaux environ dix Ă  vingt minutes après le dĂ©part de l'incendie, et que les employĂ©s commencèrent Ă  s'enfuir en courant Ă  pied et en voiture[7], ce qui permit Ă  approximativement 75 personnes d'Ă©chapper Ă  l'accident, ne laissant derrière elles que les deux victimes tuĂ©es dans les plus grosses explosions qui suivirent peu après[7]. L'USDOL dĂ©crivit les Ă©vĂ©nements d'une manière diffĂ©rente, affirmant que le feu s'Ă©tait Ă©tendu rapidement vers le nord des locaux, les murs nord-est et sud, par transfert de chaleur convectif et radiatif[16]. L'expansion extrĂŞmement rapide de l'incendie dans le bâtiment de traitement et sa propagation subsĂ©quente aux autres bâtiments furent principalement causĂ©es par les cloisons sĂ©paratrices hautement inflammables en fibre de verre et le peu d'espace sĂ©parant les bâtiments entre eux[16]. Des vents importants soufflant vers le nord-est furent Ă©galement un facteur aggravant[16]. Le produit stockĂ© dans une aire au nord du bâtiment de traitement s'Ă©chauffa, puis, approximativement sept minutes plus tard, Ă  11 h 51, un container en aluminium contenant environ 1 814 kg (4 000 lb) de perchlorate d'ammonium et situĂ© Ă  environ dix mètres Ă  l'ouest du coin nord-ouest du bâtiment explosa, causant des dĂ©gâts aux structures avoisinantes et au bâtiment de sĂ©chage[16].

L'Ă©nergie de cette explosion fut estimĂ©e comme Ă©tant Ă©quivalente Ă  17 Ă  41 kg de TNT[11].

L'USDOL rapporta qu'il existait de nombreuses preuves qui suggéraient que des fuites de gaz naturel aient pu être présentes dans l'usine[16]. L'enquête effectué sur le terrain révéla la présence de dépôts carbonés autour du périmètre des fondations du bâtiment de séchage du produit[16]. D'autres preuves visuelles de brulures, probablement du gaz, provenant du sol, furent découvertes dans de nombreux autres emplacements de l'usine, parmi lesquels près des conduites de gaz et des lignes de téléphone et sous certaines portions du revêtement en asphalte[16].

L'USFA rapporta que le feu continua Ă  s'Ă©tendre dans les piles de tonneaux, ce qui crĂ©a une violente boule de feu et mena Ă  la première d'une sĂ©rie de quatre explosions — dont deux majeures — dans l'aire de stockage des tonneaux[7]. L'USFA prĂ©cisa que le feu se propagea ensuite Ă  la zone de stockage contenant les conteneurs en aluminium de transport, alors remplis, causant deux petites explosions, puis une Ă©norme explosion environ quatre minutes après la première[17]. L'USDOL rapporta de son cĂ´tĂ© que six ou sept dĂ©tonations se produisirent sĂ©parĂ©ment dans les zones oĂą des tonneaux en aluminium et en acier Ă©taient utilisĂ©s pour le stockage de produit fini Ă©talonnĂ© Ă  200 microns[16]. L'USFA rapporta que seule une faible quantitĂ© de carburant Ă©tait encore prĂ©sente après, ce qui fit rapidement diminuer l'intensitĂ© des flammes, exceptĂ© pour une boule de feu alimentĂ©e par la conduite de gaz naturel sous haute pression situĂ©e sous l'usine, qui avait Ă©tĂ© endommagĂ©e par une des explosions[18]. Cette conduite de gaz fut coupĂ©e vers 13 h 0 par la compagnie de gaz, grâce Ă  une vanne situĂ©e Ă  environ 1,6 km du site de l'incendie[18].

L'USDOL rapporta Ă©galement qu'il y avait des preuves solides de la prĂ©sence d'un feu de gaz naturel avant la seconde explosion Ă  l'extrĂ©mitĂ© nord-est de l'usine, sur une Ă©troite bande de sable de 2 Ă— 61 m[16]. L'extrĂ©mitĂ© la plus proche de cette bande sable Ă©tait situĂ©e approximativement Ă  340 m du bâtiment de sĂ©chage[16].

L'USFA rapporta qu'il y eut au total sept explosions au cours de l'accident[18]. Les dĂ©clarations des tĂ©moins oculaires et une vidĂ©o, qui fut tournĂ©e par Denis Todd and dĂ©buta après la première dĂ©tonation, ainsi que d'autres sources, indiquèrent qu'il y eut cinq explosions de forte magnitude : une au nord du sĂ©choir, une dans l'aire de stockage au sud du bâtiment d'administration, deux au niveau de l'aire de chargement et la dernière — la plus violente — dans la zone de stockage est, oĂą la conduite de gaz brĂ»lait après les dĂ©tonations[11]. Les deux plus grosses explosions produisirent des ondes sismiques atteignant des niveaux de 3,0 et 3,5 sur l'Ă©chelle ouverte de Richter [19]. La majeure partie des 4 500 tonnes de perchlorate d'ammonium furent brĂ»lĂ©s/dĂ©composĂ©s en combinaison avec un carburant ou explosèrent, l'explosion finale crĂ©ant un cratère de plus de 61 m de large pour 4,6 m de profondeur dans l'aire de stockage est[18]. Une quantitĂ© significative de perchlorate d'ammonium Ă©tait toujours prĂ©sente au sol après l'accident. Il fut rĂ©cupĂ©rĂ© et rapidement recyclĂ© dans l'annĂ©e qui suivit[11]. D'après une source, la plus grosse explosion dĂ©gagea une Ă©nergie estimĂ©e Ă  l'Ă©quivalent d'approximativement une kilotonne de TNT[20], ce qui correspond Ă  l'Ă©nergie pouvant ĂŞtre dĂ©gagĂ© par une petite arme nuclĂ©aire tactique.

L'USDOL conclut que le mode d'initiation de l'incendie était indéterminé. Il déclara que les cigarettes, les étincelles d'un équipement électrique, ou l'ignition d'un gaz par friction figuraient parmi les sources probables du départ de l'incendie[16].

Environ 75 personnes parvinrent Ă  s'Ă©chapper, mais deux furent tuĂ©es par les dernières deux plus grosses explosions : Roy Westerfield, contrĂ´leur de PEPCON, qui Ă©tait handicapĂ© par les effets de la polio et ne pouvait pas se dĂ©placer facilement sur ses jambes. Il semblerait qu'il ait dĂ©cidĂ© de rester sur les lieux pour lancer le premier appel aux services de lutte contre les incendies (CCFD)[21] - [22] - [23]. La deuxième Ă©tait Bruce Halker, administrateur de l'usine, qui Ă©tait en fauteuil roulant et n'eut pas le temps de partir. Il Ă©tait près de sa voiture lorsque la première explosion majeure se produisit[21] - [24] - [22]. Les employĂ©s de l'usine de marshmallows Kidd, situĂ©e Ă  cĂ´tĂ© de l'usine PEPCON, entendirent l'explosion et Ă©vacuèrent Ă©galement rapidement les lieux[25].

RĂ©ponse des services d'urgence

Prise en charge initiale par les services de lutte contre les incendies

Le chef des pompiers de la ville d'Henderson, qui quittait alors la principale caserne, Ă  environ 2,4 km au nord de l'usine PEPCON, remarqua l'Ă©norme colonne de fumĂ©e et ordonna immĂ©diatement Ă  ses unitĂ©s de se rendre sur place[21]. Il prit Ă©galement sa voiture, accompagnĂ© par un passager, et fonça vers l'usine, prĂ©cĂ©dant mĂŞme les camions de sa caserne. En approchant de l'usine, il put apercevoir une grosse boule de feu orange et blanche d'environ 30 m de diamètre et des douzaines de personnes fuyant les lieux Ă  toute vitesse en courant en plein milieu du dĂ©sert, malgrĂ© la tempĂ©rature y rĂ©gnant Ă  cette heure de la journĂ©e[18] - [21] - [24].

Ă€ environ 11 h 54, alors qu'il s'approchait des bâtiments en proie aux flammes, la première des deux explosions majeures libĂ©ra une violente onde de choc qui secoua et brisa les fenĂŞtres de sa voiture[21], recouvrant ensuite le conducteur et son passager de morceaux de verre[26]. Le conducteur d'un vĂ©hicule lourdement endommagĂ© s'Ă©loignant de l'usine s'arrĂŞta Ă  hauteur du chef et l'informa du danger d'explosions suivantes encore plus importantes, ce qui encouragea le chef des pompiers, de toutes façons impuissant face Ă  un Ă©vènement d'une telle ampleur, Ă  faire demi-tour et repartir en direction de sa caserne. Les autres unitĂ©s dĂ©cidèrent Ă©galement d'arrĂŞter leur progression vers l'usine après l'explosion[26], garant leurs vĂ©hicules sur le cĂ´tĂ© Ă  environ un mile (1,6 km) des lieux et regardant, impuissants, l'incendie incontrĂ´lable dĂ©truire l'usine[21].

La deuxième explosion majeure, se produisant seulement quatre minutes après la première, acheva presque totalement la voiture du chef des pompiers. Après que lui et son passager aient subi de nombreuses coupures par des éclats de verre, il parvint toutefois à conduire son véhicule endommagé jusqu'à l'hôpital, afin de recevoir des soins[26]. En parallèle, les autres véhicules de son unité, le Henderson Fire Department (en), avaient également été sévèrement malmenés par les explosions, blessant de nombreux pompiers, principalement par des coupures liées à la projection d'éclats de verre[26], et mettant hors de service la quasi-totalité de l'unité[26].

Plusieurs autres unitĂ©s de pompiers rĂ©pondirent aux appels d'urgence. Les unitĂ©s du comtĂ© de Clark s'installèrent Ă  2,4 km des lieux de l'accident et portèrent assistance aux pompiers blessĂ©s de l'unitĂ© de Henderson. Reconnaissant le danger prĂ©sentĂ© par un incendie Ă©tant très largement au-dessus de leurs capacitĂ©s de lutte, ils ne firent aucune tentative pour s'en approcher ou le combattre[26].

Évacuation des résidents et gestion globale de la situation

Le Henderson Police Department (en), la Nevada Highway Patrol (en), le Las Vegas Metropolitan Police Department et la Garde nationale du Nevada (en) firent évacuer les résidents situés à l'intérieur d'un cercle de huit kilomètres de rayon autour de l'usine, se focalisant surtout sur les zones situées dans le vent par rapport à l'explosion. Les artères routières de la zone furent complètement bouchées dans les deux directions, en raison des résidents désirant s'éloigner de la catastrophe et des spectateurs curieux voulant observer la scène, ce qui causa l'appartition d'un embouteillage qui prit deux heures à se défaire.

Plus d'une heure après les premières explosions, les autoritĂ©s locales dĂ©terminèrent que les aĂ©rosols et particules diffusĂ©s dans l'atmosphère pourraient avoir des effets respiratoires irritants. Cela ne fut toutefois pas considĂ©rĂ© comme hautement toxique, et le potentiel de l'apparition de futures explosions fut Ă©galement estimĂ© comme n'Ă©tant pas Ă©levĂ©. Les autoritĂ©s avaient envisagĂ© d'Ă©tendre la zone d'Ă©vacuation Ă  un rayon de dix kilomètres autour de l'usine, mais l'idĂ©e fut abandonnĂ© en raison des nouvelles informations, mĂŞme si quelques cas de troubles respiratoires furent rapportĂ©s au sein d'une petite commune, siutĂ©e dans le vent Ă  environ 50 km des lieux de l'accident.

Des équipes en tenues de protection se dirigèrent vers la zone à nettoyer, un processus qui s'annonça comme étant assez lent, en raison de la présence de réservoirs d'ammoniac anhydride percés, ainsi que de résidus d'acides et d'autres produits. De nombreux pompiers durent plus tard recevoir des traitements pour des irritations respiratoires. La prise en charge et les vérifications continuèrent jusqu'à la tombée de la nuit et reprirent le jour suivant. Les autorités retrouvèrent les restes de Bruce Halker, administrateur de l'usine, mais aucune trace de l'autre victime, le contrôleur Roy Westerfield, ne fut découverte[11].

Les services mĂ©dicaux d'urgence traitèrent et transportèrent environ une centaine de patients vers cinq hĂ´pitaux de la rĂ©gion — Ă©galement endommagĂ©s et fonctionnant alors sur les groupes Ă©lectrogènes de secours —, alors que les 200 Ă  300 autres personnes se dirigèrent vers les hĂ´pitaux par leur propre moyens[27]. La plupart des blessĂ©s Ă©taient des personnes ayant reçu des projections de bouts de verre Ă  cause de fenĂŞtres ayant volĂ© en Ă©clats au moment des explosions[28]. En plus des deux personnes dĂ©cĂ©dĂ©es, il y eut un total de 372 blessĂ©s parmi les employĂ©s prĂ©sents sur les lieux et les rĂ©sidents de la zone de Henderson[22] - [29]. Quinze pompiers furent blessĂ©s, dont huit par des Ă©clats de verre et sept par des irritations des voies respiratoires[27].

Environ quatre heures après l'accident, les hôpitaux reçurent l'information de la part des services de pompiers que leurs plans d'urgence pouvaient être désactivés[27].

Évaluation des dégâts et conséquences

Les explosions rasèrent complètement les bâtiments des usines PEPCON et Kidd & Co. Les dĂ©gâts dans un rayon de 2,4 km Ă©taient sĂ©vères, comprenant des voitures dĂ©truites, des bâtiments endommagĂ©s et des lignes Ă©lectriques coupĂ©es. Des fenĂŞtres touchĂ©es et des dĂ©gâts structurels modĂ©rĂ©s furent enregistrĂ©s dans un rayon de 4,8 km de l'accident. Les dĂ©gâts causĂ©s par l'accident attinrent une zone d'un rayon de 16 km, comprenant des fenĂŞtres brisĂ©es, des portes enfoncĂ©es, des encadrements de fenĂŞtres fissurĂ©s et des blessures par projection d'Ă©clats de verre. Ă€ l'AĂ©roport international McCarran, situĂ© dans la ville de Las Vegas Ă  11 km des lieux de l'accident, des vitres furent brisĂ©es et des portes soufflĂ©es. L'onde de choc secoua mĂŞme un Boeing 737 qui se trouvait en phase d'approche finale Ă  ce moment-lĂ [30].

Une enquĂŞte estima que la plus grosse explosion avait dĂ©gagĂ© dans l'atmosphère une Ă©nergie Ă©quivalente Ă  celle d'une kilotonne de TNT, soit l'effet d'une explosion de 0,25 kilotonne de TNT au niveau du sol, approximativement similaire Ă  celle dĂ©gagĂ©e par une petite arme nuclĂ©aire tactique[20] - [21]. Le montant des dĂ©gâts causĂ©s Ă  l'usine et aux zones habitĂ©es voisines fut Ă©valuĂ© Ă  environ 100 millions de dollars de 1988 (216,2 millions de dollars de 2023)[29].

En 1991, la législature du Nevada publia le Chemical Catastrophe Prevention Act, ce qui mena à la mise en place d'un programme de prévention, le Chemical Accident Prevention Program[31].

PEPCON n'avait qu'une assurance responsabilitĂ© civile dĂ©clarĂ©e d'un million de dollars, mais les sommes d'argent dĂ©boursĂ©es par son assureur dĂ©passèrent largement la valeur prĂ©vue[11]. Une bataille juridique impliquant des douzaines de compagnies d'assurance et plus de cinquante cabinets d'avocats menèrent Ă  un arrangement pour une somme 71 millions de dollars de 1992 (129,4 millions de dollars de 2023), avec des contributions de multiples parties incluant AMPAC/PEPCON et la Southwest Gas Corporation, qui fut rĂ©partie entre les compagnies d'assurances dĂ©clarant des subrogations et les victimes et leurs familles[11] - [21].

Après l'accident, l'American Pacific Corporation (AMPAC) changea le nom de sa subsidiaire de production de perchlorates en PEPCON Production, inc., puis en Western Electrochemical Co. (WECCO) en moins d'un an[11]. L'usine de Henderson ne fut jamais reconstruite, mais l'AMPAC construisit une nouvelle usine de production de perchlorate d'ammonium — toujours en activitĂ© de nos jours — dans une zone reculĂ©e Ă  environ 23 km Ă  l'extĂ©rieur de Cedar City, dans l'Utah[29], avec une zone d'exclusion volontaire substantielle autour des lieux. L'alimentation en gaz naturel de ces Ă©tablissements WECCO est agencĂ©e d'une manière diffĂ©rente de celle de la première usine PEPCON, avec des conduites essentiellement hors-sol et Ă  bonne distance des zones de stockage de produits finis[11]. Ces dispositions ne permettent toutefois pas de mettre dĂ©finitivement les employĂ©s Ă  l'abri du danger : le , une Ă©tincelle lors d'une opĂ©ration de soudage dĂ©clencha une nouvelle explosion, tuant un employĂ© et en blessant quatre autres[29] - [32].

De nos jours, le site de l'ancienne usine est une zone de développement commercial liée à l'Automobile, où résident plusieurs commerces et une université[11]. La société de marshmallows Kidd & Co. a reconstruit son usine à son emplacement d'origine. Cet établissement est désormais la propriété et est utilisé par le centre académique du Clark County School District (en) (CCSD)[33].

Culture populaire

Des images de l'explosion furent présentées dans de nombreuses émissions et docu-réalités liés aux catastrophes et au survivalisme, ainsi qu'un jeu vidéo :

  • Chemical plant explosion, troisième Ă©pisode de la sĂ©rie Destroyed in Seconds, sur Discovery Channel, diffusĂ© en ;
  • Un Ă©pisode de Blueprint for disaster ;
  • Un Ă©pisode de Shaockwave ;
  • L'Ă©mission spĂ©ciale World's most powerful explosions de la chaĂ®ne TLC parle Ă©galement de l'explosion[34]
  • L'Ă©mission spĂ©ciale Engineering disasters de la chaĂ®ne History prĂ©sente Ă©galement des images de l'accident ;
  • Le premier Ă©pisode du programme tĂ©lĂ©visĂ© Without warning (What went wrong?), produit par GRB Entertainment et diffusĂ© dans le monde entier ;
  • Un Ă©pisode de la sĂ©rie Maximum exposure, produite par la Paramount Domestic Television ;
  • Le site d'essais REPCONN[35], dans le jeu vidĂ©o post-apocalyptique Fallout: New Vegas, est une rĂ©fĂ©rence Ă  l'usine PEPCON impliquĂ©e dans l'accident. Il est d'ailleurs placĂ© dans le jeu au mĂŞme endroit que le site rĂ©el[35].

Notes et références

  1. (en) Reed 1988.
  2. (en) Routley 1988, p. 1, 10 & 11.
  3. (en) (ET-02-202) Case Study: The PEPCON Disaster, p. 3.
  4. (en) [vidéo] TheVino3, Pepcon explosion: Real audio + audio reconstruction sur YouTube, (consulté le ).
  5. (en) Routley 1988, p. 4.
  6. (en) Sutton et Biblarz 2001, p. 23, 474.
  7. (en) Routley 1988, p. 6.
  8. (en) Facture de la Jackson-Marcus Supply Company (Los Angeles, CA, États-Unis) délivrée à la Nevada Natural Gas Pipeline Company, le .
  9. (en) Elizabeth Howell, « Challenger: The Shuttle Disaster That Changed NASA », Space.com, (consulté le ).
  10. Véronique Laroche-Signorile, « Challenger 1986: la navette se désintègre devant des millions de téléspectateurs », Le Figaro, (consulté le ).
  11. (en) American Pacific Corporation, Las Vegas, NV USA, 89169, parent company of the former PEPCON subsidiary and current parent to the WECCO division which manufactures perchlorate chemicals, including Human Resources, employees on site 5-4-88.
  12. (en) Routley 1988, p. 4–5.
  13. (en) Jay Garmon, « Fuel for Disaster » [archive du ], sur techrepublic.com, Tech Republic, (consulté le ).
  14. (en) « The day Southern Nevada shook », Las Vegas Review-Journal Online, Donrey Newspapers,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le ).
  15. (en) Reed 1988, p. 45.
  16. (en) Luzik 1988.
  17. (en) Routley 1988, p. 6–7.
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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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Articles

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