Élections législatives en France
Les élections législatives en France déterminent les représentants siégeant à la chambre basse du Parlement. Cette chambre a eu plusieurs dénominations au cours de l'histoire, notamment : Assemblée législative sous la Révolution, Chambre des députés sous la Restauration, la monarchie de Juillet et la IIIe République, puis enfin Assemblée nationale sous les IVe et Ve Républiques.
Sous la Cinquième République, toutes les élections législatives ont eu lieu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours sauf les élections de 1986.
Les dernières élections législatives ont eu lieu en métropole les et et un jour plus tôt pour les territoires ultramarins[1].
Mode de scrutin
Actuel
À la différence de l'élection présidentielle, le mode de scrutin pour les élections législatives n'est pas fixé par la Constitution. L'article 25 de la constitution précise seulement qu'une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités. Il limite par ailleurs le nombre de députés à 577 depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008.
Les modalités du scrutin sont fixées par le code électoral qui prescrit un scrutin uninominal majoritaire à deux tours : un député est élu dans chacune des 577 circonscriptions législatives. Chaque électeur dispose d'une voix : au premier tour de scrutin, un candidat doit pour être élu recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés représentant au moins 25 % des électeurs inscrits (et pas seulement des suffrages exprimés). Si aucun candidat n'est élu, un second tour a lieu et il est organisé comme suit :
- se présentent les candidats ayant obtenu un nombre de suffrages égal à au moins 12,5 % des électeurs inscrits[2] s'il y a au moins deux de tels candidats
- sinon, si un seul candidat ou aucun candidat ne remplit cette condition, peuvent se présenter les deux candidats ayant obtenu le plus de voix au premier tour
Au second tour, le candidat obtenant le plus de suffrages exprimés est élu, même s'il ne s'agit pas de la majorité absolue, ce qui signifie qu'un candidat peut-être élu avec moins de 12,5 % des votes des électeurs inscrits, surtout si l'absention est particulèrement élévée. En cas d'égalité, le candidat le plus âgé est élu[3].
En même temps que chaque député, et sur le même bulletin de vote, un suppléant est élu dans le but de remplacer le député, si son mandat prend fin dans certaines circonstances.
Historique
Depuis l'instauration du suffrage universel (seulement masculin jusqu'en 1945) pour les élections législatives, celles-ci se sont déroulées selon différents modes de scrutin.
Date | Mode de scrutin | Participation électorale au premier tour (en %) |
---|---|---|
Seconde République | ||
Élections de 1848 | Scrutin de liste majoritaire à un tour départemental (Décret du ) |
83,4 |
Élections de 1849 | Scrutin de liste majoritaire à un tour départemental (Loi électorale du ) |
68,1 |
Élections de 1852 | Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par arrondissement (Décret organique du ) |
63,3 |
Second Empire | ||
Élections de 1857 | Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par arrondissement (Décret organique du ) |
64,5 |
Élections de 1863 | 72,7 | |
Élections de 1869 | 78,0 | |
Troisième République | ||
Élections de 1871 | Scrutin de liste majoritaire à un tour départemental (Selon les dispositions de la loi du ) |
inconnue |
Élections de 1876 | Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par arrondissements (Loi organique du 30 novembre 1875) |
75,9 |
Élections de 1877 | 81,3 | |
Élections de 1881 | 70,6 | |
Élections de 1885 | Scrutin de liste majoritaire à deux tours départemental (Loi du 16 juin 1885) |
70,4 |
Élections de 1889 | Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par arrondissements (Loi du 13 février 1889) |
76,6 |
Élections de 1893 | 71,1 | |
Élections de 1898 | 75,2 | |
Élections de 1902 | 76,1 | |
Élections de 1906 | 77,7 | |
Élections de 1910 | 75,9 | |
Élections de 1914 | 74,6 | |
Élections de 1919 | Système mixte (Loi du 12 juillet 1919) L'électeur vote pour un candidat membre d'une liste départementale. Sont élus ceux ayant obtenu la majorité absolue. Les sièges non pourvus sont répartis au quotient entre les différentes listes. Les sièges restants sont attribués à la liste arrivée en tête. |
70,2 |
Élections de 1924 | 80,5 | |
Élections de 1928 | Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par arrondissements (Loi du 21 juillet 1927) |
81,9 |
Élections de 1932 | 81,6 | |
Élections de 1936 | 84,5 | |
Quatrième République | ||
Élections de 1945 | Représentation proportionnelle départementale (Ordonnance du ) |
77,8 |
Élections de juin 1946 | 81,8 | |
Élections de nov. 1946 | Représentation proportionnelle départementale (Loi du ) |
78,1 |
Élections de 1951 | Système mixte Même système modifié par la loi des apparentements. |
80,1 |
Élections de 1956 | 82,8 | |
Cinquième République | ||
Élections de 1958 | Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par circonscription (Ordonnance du [4]) |
77,1 |
Élections de 1962 | 68,7 | |
Élections de 1967 | 80,9 | |
Élections de 1968 | 80,0 | |
Élections de 1973 | 81,2 | |
Élections de 1978 | 82,8 | |
Élections de 1981 | 70,7 | |
Élections de 1986 | Représentation proportionnelle départementale Seuil départemental de 5 % (Loi du [5]) |
78,5 |
Élections de 1988 | Scrutin uninominal majoritaire à deux tours par circonscription (Loi du [6], modifiée notamment par le redécoupage des circonscriptions législatives françaises de 2010) |
65,7 |
Élections de 1993 | 68,9 | |
Élections de 1997 | 67,9 | |
Élections de 2002 | 64,4 | |
Élections de 2007 | 60,4 | |
Élections de 2012 | 57,2 | |
Élections de 2017 | 48,7 | |
Élections de 2022 | 47,5 |
Les règles fixant les conditions d'accès des candidats au second tour dans le cadre du scrutin uninominal majoritaire à deux tours ont évolué au fil du temps. À partir de 1958, il faut avoir recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés[4]. Cette disposition, qui avait été prise par ordonnance, est introduite en octobre 1964 dans le code électoral à l'article L162[7] - [8]. La loi du 29 décembre 1966 modifie cet article en fixant le seuil d'accès au second tour à 10 % du nombre d'électeurs inscrits[9]. Cette disposition est à nouveau modifiée par la loi du 19 juillet 1976 qui augmente le seuil à 12,5 % du nombre d'électeurs inscrits[10].
Dates du scrutin
Le mandat de l'Assemblée nationale est de cinq ans.
La loi organique 2001-419 du fixe au 3e mardi du mois de juin la fin des pouvoirs de l'Assemblée nationale, cinq ans après son élection[11]. Cette loi a allongé le mandat de la XIe législature afin que les élections législatives aient lieu après l'élection présidentielle.
Comme le mandat présidentiel a également été fixé à cinq ans en 2000, les élections législatives ont lieu tous les cinq ans quelques semaines après l'élection présidentielle. Ce changement de calendrier permet au président nouvellement élu ou réélu de disposer d'une majorité à l'Assemblée nationale et de diminuer les risques d'une cohabitation. Néanmoins, plusieurs évènements peuvent modifier ce rapprochement électoral, notamment lors d'une démission ou d'un décès du Président de la République et également lors de la dissolution de l'Assemblée nationale[12].
Les élections doivent se tenir dans les soixante jours qui précèdent l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée sortante[13]. La date exacte du scrutin est fixée par le gouvernement.
Les circonscriptions
Le dernier découpage législatif (le 12e) date de 2009. Il est voté en 2010 et appliqué depuis les élections législatives de 2012. Mais les circonscriptions sont constituées de cantons (plusieurs communes) et parfois d'une partie d'une commune. Le découpage des cantons a été modifié par des lois votées en 2013 pour les élections départementales de 2015 (président du conseil général). Il y a donc un redécoupage des circonscriptions indirecte implicite par redécoupage des cantons. De plus, certaines circonscriptions qui sont peu peuplées (DOM, COM, TAAF) ne permettent pas un découpage pour atteindre 120 000 habitants par circonscription ou député.
Il y a en tout 577 circonscriptions réparties de la sorte :
- France métropolitaine : 539 ;
- Départements d'outre-mer : 19 ;
- Collectivités d'outre-mer : 8 ;
- Français établis hors de France : 11.
Pour des raisons organisationnelles, ce sont d'abord les électeurs français de l'étranger qui votent, puis les électeurs des territoires d'outre-mer ou ultramarins et enfin les électeurs de la métropole.
Électeurs
Le scrutin législatif est ouvert à tous les électeurs des scrutins nationaux inscrits sur les listes électorales, c’est-à-dire à toute personne :
- âgée de 18 ans au moins à la date du premier tour
- n'étant pas déchue de ses droits civiques
- de nationalité française
- jouissant de ses droits civils et politiques
- inscrite sur une liste électorale[14].
Candidats
Pour se présenter, un candidat doit être électeur[15] - [16]. Il n'est pas obligé de se présenter dans la circonscription où il est inscrit mais il est en revanche interdit de se présenter dans plusieurs circonscriptions (ce qui était autorisé sous la IIIe République jusqu'à une loi de 1889 à la suite du parcours de Georges Boulanger). L'inscription sur les listes électorales n'est pas une obligation, seule la qualité d'électeur l'est.
Le cumul du mandat de député avec certains autres mandats est interdit. Ainsi, un député ne peut être :
De manière générale, il est interdit d'exercer plus de deux mandats électifs simultanément (sauf un mandat municipal d'une commune de moins de 3500 habitants).
En outre, le cumul de la fonction de député sera interdit à compter des élections de 2017 avec les fonctions de[17] :
- maire, maire d'arrondissement, maire délégué ou adjoint au maire ;
- président ou vice-président d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte ;
- président ou vice-président d'un conseil départemental, conseil régional ou d'une autre assemblée délibérante de collectivité territoriale ;
- président ou membre du conseil exécutif de Corse ou de Martinique ;
- président ou membre du bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger et de vice-président de conseil consulaire.
Enfin, un député ne peut pas être ministre : si un député est nommé au gouvernement, il est remplacé par son suppléant pendant la durée de ses fonctions gouvernementales.
Financement des partis
Une partie du financement public des partis politiques est déterminée par les résultats des élections législatives[18]. Chaque parti ayant présenté des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions se voit attribuer une fraction de l'aide publique prévue, au prorata du nombre de suffrages de ses candidats. Des dispositions particulières sont applicables pour les partis des collectivités d'outre-mer. Ce financement est modulé par l'application de la parité (proportion d'hommes et de femmes présentés aux élections législatives), conformément à la loi n°88-227 du relative à la transparence financière de la vie politique[19] modifiée par la loi n°2000-493 du [20]. Une autre partie de l'aide publique est attribuée aux partis proportionnellement au nombre de députés et sénateurs qui y sont inscrits ou rattachés. Lors de la législature 2007-2012, chaque suffrage rapportait environ 1,70 euro par an et chaque parlementaire environ 44 000 euros par an[21].
Majorité parlementaire
Sous la Ve République, toutes les élections législatives ont eu lieu selon le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, sauf celle de 1986 qui eut lieu à la proportionnelle au scrutin de liste. Neuf ont résulté de la fin d'une législature, les cinq autres d'une dissolution de l'Assemblée nationale par décret du président de la République.
Conséquences sur la direction du pays
La Constitution voulue par le général de Gaulle visait à renforcer les prérogatives du chef de l'État et du gouvernement au détriment du Parlement. Au cours de la Ve République, la hiérarchisation au profit du président élu au suffrage universel et non en faveur du chef du gouvernement responsable devant le Parlement, a montré qu'il n'existait pas toujours de réelle prééminence, en particulier lors des périodes de cohabitation[22]. Le « phénomène majoritaire » de l'Assemblée nationale est une des clefs de voûte du système institutionnel. En 1958, Michel Debré l'évoquait en s'exclamant : « Ah ! si nous avions la possibilité de faire surgir demain une majorité nette et constante[23]. ». Paradoxalement, malgré la volonté initiale de supprimer le « régime des partis », la Ve République a renforcé, législature après législature, un système partisan fondé sur les grands groupes parlementaires[24]. Ainsi, et même si la décision appartient au seul chef de l'État, tous les premiers ministres sont nommés en fonction de la majorité qui se dégage à l'Assemblée nationale à l'issue des élections législatives, rappelant, sans pour autant que ce mécanisme soit formalisé par la Constitution, les régimes parlementaires étrangers qui portent systématiquement à la tête du gouvernement le chef de la coalition victorieuse aux élections.
Notes et références
- « Quelles sont les dates des prochaines élections ? », sur www.service-public.fr (consulté le )
- L'article L162 du code électoral précise la règle des 12,5 % d'inscrits nécessaires pour devenir candidat en ballotage Voir l'article L162 sur legifrance.gouv.fr
- "Les modalités d'élection en France" sur www.interieur.gouv.fr
- « Ordonnance n°58-945 du 13 octobre 1958 » (consulté le )
- « Loi n°85-690 du 10 juillet 1985 » (consulté le )
- « Loi n°86-825 du 11 juillet 1986 » (consulté le )
- Décret n°64-1086 du 27 octobre 1964 portant révision du code électoral, Journal officiel de la République française du 28 octobre 1964.
- Jean-Louis Pezant, Jean-Pierre Delannoy et Jean-Pierre Camby, « Connaissance de l'Assemblée n° 8 : L'élection des députés », sur https://www.assemblee-nationale.fr/, (consulté le ).
- Loi n°66-1022 du 29 décembre 1966 modifiant et complétant le code électoral, Journal officiel de la République française du 30 décembre 1966.
- Loi 76-665 du 19 juillet 1976, art. 1er, Journal officiel de la République française du 20 juillet 1976.
- Art LO121 du Code électoral, legifrance.gouv.fr
- « Le quinquennat », sur Vie publique.fr (consulté le )
- Art LO122 du Code électoral, legifrance.gouv.fr
- règles du scrutin sur vie-publique.fr
- Modification du code électoral du 14 avril 2011
- Loi organique relative à l'élection des députés et sénateurs, sur le site du Sénat
- Loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur
- Articles 8 et 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique
- Voir la Loi n°88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique sur Légifrance.
- Voir la Loi n°2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives sur Légifrance.
- « Le régime de financement de la vie politique », sur senat.fr (consulté le ).
- Jean Massot, Chef de l'État et chef du Gouvernement : la dyarchie hiérarchisée, Documentation française, 2008, 223 p. .
- Michel Debré, « L'exercice du pouvoir », discours devant le Conseil d'État, 27 août 1958, lire en ligne.
- Didier Maus, « La Constitution jugée par sa pratique. Réflexions pour un bilan. », Revue française de science politique, 34e année, no 4-5, 1984. pp. 875-909.
Voir aussi
- Tous les articles commençant par « élections législatives en France »
- Toutes les pages avec « élections législatives en France » dans le titre
Articles connexes
Liens externes
- Jean-Louis Pezant, Jean-Pierre Delannoy et Jean-Pierre Camby, « Connaissance de l'Assemblée - N° 8 - L'élection des députés », Secrétariat Général de l'Assemblée nationale, (consulté le )
- Le site du gouvernement
- Les professions de foi et bulletins de vote des élections législatives de la Ve république conservés au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) ont été numérisés en partenariat avec la bibliothèque de Sciences Po et sont disponibles en ligne.