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Union démocratique (Argentine)

Dans l’histoire politique de l’Argentine, l’Union dĂ©mocratique (en espagnol UniĂłn DemocrĂĄtica, en abrĂ©gĂ© UD) Ă©tait une alliance Ă©lectorale conclue en 1945 entre l’Union civique radicale (UCR), le Parti socialiste, le Parti communiste et le Parti dĂ©mocrate progressiste, en vue d’affronter le binĂŽme (fĂłrmula) Juan PerĂłn / Hortensio Quijano lors de l'Ă©lection prĂ©sidentielle argentine de 1946.

Union démocratique
UniĂłn DemocrĂĄtica
Image illustrative de l’article Union dĂ©mocratique (Argentine)
Logotype officiel.
Présentation
Duo de candidats à la présidentielle José Tamborini

Enrique Mosca

Fondation
Disparition 24 février 1946
SiĂšge Buenos Aires, Drapeau de l'Argentine Argentine
Positionnement Centre droit / centre gauche / gauche
Idéologie Antipéronisme
Antifascisme
Antinazisme
RĂ©publicanisme
Social-démocratie
Social-libéralisme
Radicalisme
Couleurs Bleu ciel, blanc et rouge

Peu de mois aprĂšs la fin de la DeuxiĂšme Guerre mondiale, tant les AlliĂ©s que les classes moyennes argentines continuaient de percevoir dans le rĂ©gime issu de la RĂ©volution de 1943 en gĂ©nĂ©ral, et dans la figure de PerĂłn en particulier, des rĂ©miniscences du fascisme vaincu — ce qui motiva la constitution de la susmentionnĂ©e alliance Ă©lectorale, jusque-lĂ  inĂ©dite.

L’UCR, dont la direction Ă©tait aux mains des alvĂ©aristes, gardait au sein de cette coalition une nette prĂ©pondĂ©rance, Ă  telle enseigne que c’est elle qui fournit les candidats tant Ă  la prĂ©sidence qu’à la vice-prĂ©sidence, Ă  savoir le binĂŽme JosĂ© P. Tamborini / Enrique Mosca. Cette configuration cependant laissait Ă  l’écart la fraction yrigoyĂ©niste du radicalisme, laquelle se partageait entre l’appui assumĂ© Ă  la candidature de PerĂłn (posture incarnĂ©e par l’UniĂłn CĂ­vica Radical Junta Renovadora) et l’opposition interne aux dĂ©nommĂ©s « unionistes », laquelle opposition interne Ă©tait reprĂ©sentĂ©e principalement par la fraction dite « intransigeante » (de centre-gauche) emmenĂ©e entre autres par Ricardo BalbĂ­n et Arturo Frondizi. D’autre part, les radicaux exclurent de la coalition leurs anciens ennemis, les conservateurs, regroupĂ©s dans le Parti dĂ©mocrate national (PDN), exclusion qui se rĂ©vĂ©lera un coup mortel pour le PDN, lequel finit par se dĂ©sagrĂ©ger peu d’annĂ©es plus tard, sans que dans la suite aucun parti conservateur ne rĂ©ussisse Ă  prendre la relĂšve avec quelque chance de succĂšs Ă©lectoral.

La dĂ©faite de la coalition au scrutin du 24 fĂ©vrier 1946 dĂ©termina la dissolution de l’UD et modifia notablemente le rapport de forces entre les partis qui la composaient et leur stratĂ©gie ultĂ©rieure.

Antécédents

L’Union dĂ©mocratique avant 1943

Les prĂ©mices de l’Union dĂ©mocratique remontent aux derniĂšres annĂ©es de la dĂ©nommĂ©e DĂ©cennie infĂąme (1930-1943), lorsque les partis Union civique radicale (UCR), socialiste et dĂ©mocrate progressiste (le Parti communiste agissant Ă  l’ombre de ce dernier) commencĂšrent une sĂ©rie de rĂ©unions dans la perspective de constituer une alliance Ă©lectorale capable d’affronter la Concordancia, la coalition politique sur laquelle s’appuyait le pouvoir alors en place et qui Ă©tait composĂ©e de l’Union civique radicale antipersonnaliste (sĂ©cessionniste de l’UCR), du Parti dĂ©mocrate national et du Parti socialiste indĂ©pendant.

Le nom proposĂ© pour dĂ©signer cette alliance d’opposition Ă©tait UniĂłn DemocrĂĄtica ou Unidad DemocrĂĄtica. Les partisans de cette coalition reçurent la dĂ©nomination d’« unionistes » (dĂ©nomination utilisĂ©e surtout entre radicaux) ou de « dĂ©mocratiques ».

Cette alliance cependant ne rĂ©ussit pas Ă  se mettre sur pied, en partie Ă  cause de l’opposition interne au sein de l’UCR, oĂč faisait obstacle la fraction qui dans la suite se donnera le nom d’intransigeant, et en partie Ă  cause de la rivalitĂ© entre socialistes et dĂ©mocrates progressistes pour la vice-prĂ©sidence.

Il faut se garder de confondre l’Union dĂ©mocratique qui tenta de se constituer entre 1940 et 1942, avec celle qui prit corps en 1945, encore qu’il ait existĂ© des connexions entre ces deux expĂ©riences.

Origine

Péronisme et antipéronisme

Le 4 juin 1943 eut lieu un coup d’État militaire qui renversa le prĂ©sident RamĂłn Castillo, prĂ©lude Ă  une pĂ©riode de l’histoire argentine connue sous le nom de RĂ©volution de 43, rĂ©gime au sein duquel le colonel Juan PerĂłn, s’appuyant sur les syndicats et menant une politique sociale hardie, allait Ă  partir d’octobre 1943 jouer un rĂŽle de plus en plus prĂ©pondĂ©rant. Si au dĂ©but la majoritĂ© des partis politiques (Ă  l’exception du Parti communiste) soutenaient, Ă  des degrĂ©s divers, le nouveau gouvernement militaire, une ample opposition se mit peu Ă  peu en place, dans laquelle plus particuliĂšrement le mouvement Ă©tudiant occupait une place de premier plan.

En 1945, cette opposition se mit Ă  s’organiser et Ă  se coordonner, en particulier sous la houlette de l’ambassadeur des États-Unis Spruille Braden, notoirement hostile au syndicalisme et favorable Ă  la politique dite du gros gourdin, consistant Ă  faire intervenir les États-Unis directement dans les pays latinoamĂ©ricains, sous couvert de combattre d’abord le nazisme (pendant la DeuxiĂšme Guerre mondiale), puis le communisme (pendant la Guerre froide).

L’opposition choisit de miser sur une dĂ©nonciation du prĂ©sumĂ© caractĂšre nazi du gouvernement militaire issu du putsch de 1943 et sur une critique de la politique sociale que celui-ci menait avec l’appui d’une fraction majoritaire du syndicalisme, et fit ainsi de Juan PerĂłn, Ă  ce moment vice-prĂ©sident, ministre de la Guerre et secrĂ©taire au Travail du rĂ©gime militaire, la cible privilĂ©giĂ©e de ses critiques.

La premiĂšre action coordonnĂ©e de l’opposition eut lieu le 16 juin 1945 sous la forme du cĂ©lĂšbre Manifeste du commerce et de l’industrie (Manifiesto del Comercio y la Industria), dans lequel 321 organisations patronales, avec Ă  leur tĂȘte la bourse de commerce de Buenos Aires et la Chambre de commerce d’Argentine, mettaient violemment en cause la politique sociale du gouvernement. La principale dolĂ©ance du secteur entrepreneurial concernait l’instauration d’« un climat de mĂ©fiance, de provocation et de rĂ©bellion, qui attise le ressentiment et un esprit permanent d’hostilitĂ© et de revendication »[1].

Le mouvement syndical, au sein duquel un appui franc et ouvert Ă  PerĂłn n’avait pas prĂ©dominĂ© jusque-lĂ [2], ne fut pas long Ă  rĂ©agir en dĂ©fense de la politique sociale menĂ©e par le gouvernement, et la confĂ©dĂ©ration syndicale CGT organisa le 12 juillet une manifestation de foule sous le mot d’ordre « Contre la rĂ©action capitaliste »[3]. D’aprĂšs l’historien radical FĂ©lix Luna, ce fut la premiĂšre fois que les travailleurs s’identifiaient comme pĂ©ronistes[4].

La polarisation sociale et politique cependant ne cessa de s’exacerber. L’anti-pĂ©ronisme se saisit du drapeau de la dĂ©mocratie et critiqua virulemment chez ses adversaires ce qu’elle qualifia d’attitudes anti-dĂ©mocratiques ; les pĂ©ronistes pour leur part se drapĂšrent de la banniĂšre de la justice sociale et blĂąmaient vertement chez leurs adversaires leur dĂ©dain envers les travailleurs. En Ă©cho Ă  cette polarisation, le mouvement Ă©tudiant exprima son opposition avec le slogan « Non Ă  la dictature des espadrilles »[5], Ă  quoi le mouvement syndical rĂ©pliqua par « Espadrilles oui, livres non »[6].

Le Comité de coordination démocratique

Vers la mi-aoĂ»t 1945 fut crĂ©Ă© un ComitĂ© de coordination dĂ©mocratique (Junta de CoordinaciĂłn DemocrĂĄtica), prĂ©sidĂ© par le radical Ricardo Garbellini et composĂ© de Justiniano Allende Posse (Centre argentin des ingĂ©nieurs), GermĂĄn LĂłpez (FĂ©dĂ©ration universitaire argentine), Bernardo Houssay (homme de science), JosĂ© Santos GollĂĄn (recteur de l’universitĂ© nationale du Litoral), Alejandro Lastra, JoaquĂ­n de Anchorena (SociĂ©tĂ© rurale argentine), Laureano Landaburu (PDN), Juan JosĂ© DĂ­az Arana (Parti dĂ©mocrate progressiste), des radicaux antipersonnalistes JosĂ© M. Cantilo et DiĂłgenes Taboada, des socialistes NicolĂĄs Repetto et Alfredo Palacios, du dĂ©mocrate chrĂ©tien Manuel Ordóñez, du radical Gabriel Oddone, Carlos E. DĂ­az Cisneros, et du communiste Rodolfo ArĂĄoz Alfaro[7].

Marche pour la constitution et la liberté

Marche pour la constitution et la liberté du 19 septembre 1945.

Le 19 septembre 1945, l’opposition se prĂ©senta unie pour la premiĂšre fois, sous les espĂšces d’une Ă©norme manifestation de plus de 200 000 personnes, appelĂ©e Marche pour la constitution et la libertĂ©, qui dĂ©fila du palais du CongrĂšs jusqu’au quartier de la Recoleta. Une cinquantaine de personnalitĂ©s de l’opposition ouvrirent la marche, parmi lesquelles les radicaux JosĂ© P. Tamborini, Enrique Mosca, Ernesto Sammartino et Gabriel Oddone, le socialiste NicolĂĄs Repetto, les radicaux antipersonnalistes JosĂ© M. Cantilo et DiĂłgenes Taboada, le conservateur (PDN) Laureano Landaburu, les dĂ©mocrates chrĂ©tiens Manuel Ordóñez et Rodolfo MartĂ­nez, le philocommuniste Luis Reissig, le dĂ©mocrate progressiste Juan JosĂ© DĂ­az Arana et le recteur de l’UBA, Horacio Rivarola.

L’historien Miguel Ángel Scenna commente ainsi cet Ă©vĂ©nement :

« La marche fut une spectaculaire dĂ©monstration de force de l’opposition. Une longue et compacte masse de 200 000 personnes ― quelque chose qui ne s’était vu que peu de fois, voire jamais ― inonda les trottoirs et la chaussĂ©e[8]. »

Il a Ă©tĂ© dit que la manifestation se composait majoritairement de personnes issues des classes moyennes et supĂ©rieures, ce qui est historiquement indiscutable[9] ; cela toutefois n’enlĂšve rien Ă  sa signification historique, Ă  son amplitude sociale et Ă  sa pluralitĂ© politique. Il serait sans doute possible, avec le recul, de considĂ©rer que ne s’y exprimait que l’une de ces deux moitiĂ©s en lesquelles la population se trouvait alors partagĂ©e, mais au moment mĂȘme la marche apparut comme l’unitĂ© de la quasi-totalitĂ© des forces politiques et sociales actives dans le pays.

La marche de l’opposition eut une forte rĂ©percussion sur le pouvoir de Farrell-PerĂłn et dĂ©chaĂźna une succession de rĂ©bellions militaires antipĂ©ronistes, qui atteignirent leur point culminant le 8 octobre 1945, lorsque les forces militaires de Campo de Mayo, sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Eduardo Ávalos (l’un des chefs de file du GOU), exigĂšrent la dĂ©mission et la dĂ©tention de PerĂłn. Le 11 octobre, les États-Unis sollicitĂšrent la Grande-Bretagne de cesser d’acheter des biens argentins pendant deux semaines pour provoquer la chute du gouvernement[10]. Le 12 octobre, PerĂłn fut apprĂ©hendĂ© et conduit sur l’üle MartĂ­n GarcĂ­a, Ă  la suite de quoi les dirigeants du mouvement d’opposition eurent le pays et le gouvernement Ă  leur disposition ; en effet, « PerĂłn Ă©tait un cadavre politique »[11], et le gouvernement, formellement encore prĂ©sidĂ© par Farrell, se trouvait en rĂ©alitĂ© aux mains du gĂ©nĂ©ral Ávalos, qui accĂ©da au poste de ministre de la Guerre en remplacement de PerĂłn et n’avait d’autre intention dĂ©sormais que de remettre le pouvoir aux civils dĂšs que possible.

AussitĂŽt aprĂšs la dĂ©mission de PerĂłn, la Casa Radical, siĂšge de l’UCR, sise rue de TucumĂĄn Ă  Buenos Aires, devint le centre de delibĂ©ration de l’opposition. Cependant, les jours se passĂšrent sans que la moindre rĂ©solution ne fĂ»t prise, et le 17 octobre 1945 se produisit une vaste manifestation ouvriĂšre qui obtint la libĂ©ration de PerĂłn et la convocation d’élections libres.

CrĂ©ation de l’Union dĂ©mocratique

Rassemblement de fin de campagne devant le CongrĂšs.

AprĂšs l’appel Ă  Ă©lections, les partis socialiste, communiste, dĂ©mocrate progressiste et dĂ©mocrate national (PDN) insistaient sur la nĂ©cessitĂ© de conclure une alliance avec l’Union civique radicale. Celle-ci toutefois demeurait indĂ©cise, car la fraction intransigeante, avec Ă  sa tĂȘte notamment Amadeo Sabattini, Arturo Frondizi et Ricardo BalbĂ­n, y faisaient obstacle.

Finalement, le 14 novembre 1945, la fraction radicale unioniste de l’UCR sut imposer son point de vue et la coalition UniĂłn DemocrĂĄtica (UD) fut mise sur pied, moyennant toutefois qu’en restĂąt exclu le Parti dĂ©mocrate national (PDN) et que le binĂŽme (fĂłrmula) prĂ©sidentiel fĂ»t exclusivement radical. Le radicalisme choisit pour ses candidats Ă  la prĂ©sidentielle deux radicaux unionistes : JosĂ© P. Tamborini et Enrique Mosca[12]. Les historiens s’accordent Ă  mettre en relief les qualitĂ©s morales de Tamborini, mais aussi son manque de « stature politique » pour affronter Juan PerĂłn[13] - [14].

Les autres partis pour leur part rĂ©prouvaient l’ostracisme prononcĂ© contre le Parti dĂ©mocrate national ; l’UCR cependant ne pardonnait pas la rĂ©pression et la fraude Ă©lectorale systĂ©matique auquel ce parti s’était livrĂ© pendant la DĂ©cennie infĂąme. Ce nĂ©anmoins, le PDN donnera la consigne de voter pour le binĂŽme Tamborini-Mosca, mais son exclusion de l’alliance antipĂ©roniste prĂ©cipitera son ultĂ©rieure fragmentation. Pourtant, dans quelques cas, comme dans la province de CĂłrdoba, le PDN sera formellement intĂ©grĂ© Ă  l’alliance[12].

Se joindront Ă©galement Ă  l’alliance UD une sĂ©rie de petits partis, tels que le Parti populaire catholique et l’UniĂłn Centro Independientes, ainsi que quelques organisations importantes tant Ă©tudiantes (la FĂ©dĂ©ration universitaire argentine, la FĂ©dĂ©ration universitaire de Buenos Aires, etc.) que patronales (l’Union industrielle argentine, la SociĂ©tĂ© rurale argentine, la Chambre de commerce d'Argentine, etc.) et professionnelles (le Centro de Ingenieros, l’Association des avocats, la SociĂ©tĂ© argentine des Ă©crivains, etc.).

L’UD prĂ©senta des candidats uniques, sous l’étiquette de la fĂłrmula prĂ©sidentielle, mais permit que chaque parti prĂ©sentĂąt aussi ses propres candidats dans les diffĂ©rentes circonscriptions. Si l’UCR entra effectivement en lice avec ses propres candidats dans tous les cas, les autres partis de la coalition mettront en Ɠuvre diffĂ©rentes variantes. Les dĂ©mocrates progressistes et les communistes conclurent dans la capitale fĂ©dĂ©rale une alliance dĂ©nommĂ©e UnitĂ© et RĂ©sistance, qui prĂ©senta comme candidats au sĂ©nat Rodolfo Ghioldi (PC) et Julio Noble (PDP), et dans la province de CĂłrdoba, l’alliance incluait les conservateurs du PDN. Les socialistes aussi Ă©taient inclins Ă  prĂ©senter toujours leurs propres candidats. À noter que ces Ă©lections Ă©taient un scrutin indirect oĂč l’on Ă©lisait les membres d’un collĂšge Ă©lectoral chargĂ© de dĂ©signer le prĂ©sident.

Campagne Ă©lectorale

De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les forces politiques et sociales de l’époque prĂ©voyaient de façon certaine une ample victoire de l’Union dĂ©mocratique. Le journal CrĂ­tica calcula que Tamborini obtiendrait 332 grands Ă©lecteurs contre seulement 44 pour PerĂłn[15]. En fĂ©vrier 1946, les dĂ©mocrates progressistes et les communistes avaient envisagĂ© de tenter un coup d’État sous la conduite du colonel SuĂĄrez, coup de force que l’Union civique radicale jugea cependant superflu, attendu que la victoire Ă  l’élection Ă©tait selon eux acquise[16]. Le jour mĂȘme des Ă©lections, peu aprĂšs la fermeture des bureaux de vote, le dirigeant socialiste NicolĂĄs Repetto exprima comme suit cette assurance dans la victoire, en mĂȘme temps qu’il louangeait la transparence du scrutin :

« L’on peut ĂȘtre assurĂ© que le rĂ©gime en place a Ă©tĂ© battu de façon Ă©crasante par les forces dĂ©mocratiques, pendant une journĂ©e civique oĂč il y a lieu de reconnaĂźtre que les forces armĂ©es ont tenu leur parole de garantir la puretĂ© du processus Ă©lectoral[17]. »

Durant la campagne électorale se produisirent deux événements qui auront une incidence importante sur le résultat final du scrutin :

  • Pendant la campagne, le gouvernement fit adopter le dĂ©cret-loi 33.302/45 portant crĂ©ation de la Solde annuelle complĂ©mentaire (Sueldo Anual Complementario, prime de fin d’annĂ©e, en abrĂ©gĂ© SAC), ainsi que d’autres mesures sociales. Les organisations patronales firent ouvertement opposition Ă  cette mesure et fin dĂ©cembre 1945 aucune entreprise n’avait encore versĂ© le SAC. En rĂ©action, la CGT dĂ©clara une grĂšve gĂ©nĂ©rale, Ă  laquelle le patronat Ă  son tour rĂ©pliqua par un lock-out dans les grandes entreprises commerciales. L’Union dĂ©mocratique, y compris les partis ouvriers (socialiste et communiste) qui en faisaient partie, soutint dans le conflit le secteur patronal en s’opposant au SAC, alors que le pĂ©ronisme appuyait ouvertement les syndicats dans leur lutte pour l’obtenir. Peu de jours plus tard, les syndicats remportĂšrent sur ce point une importante victoire, qui renforça le pĂ©ronisme et provoqua la discorde dans les forces antipĂ©ronistes, aprĂšs que celles-ci eurent nĂ©gociĂ© avec le patronat la reconnaissance du SAC et son versement en deux tranches[18].
  • Un autre fait important survenu pendant la campagne fut la publication du Livre bleu. Moins de deux semaines avant les Ă©lections, le 11 fĂ©vrier 1946, fut rendue publique une initiative officielle du gouvernement des États-Unis, intitulĂ©e Consultation entre les rĂ©publiques amĂ©ricaines relativement Ă  la situation argentine, mieux connue sous la dĂ©nomination de Livre bleu[19]. Ladite initiative avait Ă©tĂ© prĂ©parĂ©e par Spruille Braden et consistait dans la tentative par les États-Unis d’obtenir une mise sous occupation militaire internationale de l’Argentine, en application de la dĂ©nommĂ©e Doctrine RodrĂ­guez Larreta. L’Union dĂ©mocratique appuya le Livre bleu et l’immĂ©diate occupation militaire de l’Argentine par des forces armĂ©es sous les ordres des États-Unis, et exigea de surcroĂźt l’inĂ©ligibilitĂ© lĂ©gale de PerĂłn Ă  la prĂ©sidence. PerĂłn contre-attaqua en publiant le Libro Azul y Blanco (le Livre bleu et blanc, en rĂ©fĂ©rence aux couleurs du drapeau argentin), et lança un slogan Ă©tablissant de façon percutante l’alternative en prĂ©sence, « Braden ou PerĂłn », qui eut une forte influence sur l’opinion publique au moment du scrutin[20].

À l’encontre des pronostics, PerĂłn obtint aux Ă©lections du 24 fĂ©vrier 1 527 231 voix (55 %) contre 1 207 155 voix en faveur de Tamborini (45 %), et de plus sortit vainqueur dans toutes les provinces moins celle de Corrientes et de CĂłrdoba[21]. La dĂ©faite fut particuliĂšrement cuisante pour les partis socialiste et communiste, qui n’auront plus aucune reprĂ©sentation au CongrĂšs national.

Conséquences de la défaite du 24 février 1946

La dĂ©faite Ă©lectorale prit figure de dĂ©bĂącle pour la plupart des forces politiques qui avaient Ă©tĂ© partie prenante de l’Union dĂ©mocratique, qui par la suite cessa tout Ă  fait de se rĂ©unir.

Au sein de l’UCR, les intransigeants critiquaient durement les unionistes et les Ă©vincĂšrent dĂ©finitivement de la tĂȘte du parti.

Les partis socialiste et communiste s’engageront dans une pĂ©riode de dĂ©cadence prolongĂ©e, oĂč ils n’auront quasiment plus aucune reprĂ©sentation dans la classe ouvriĂšre, pourtant leur Ă©lectorat naturel. En ce qui concerne plus particuliĂšrement le socialisme, les dissensions internes Ă  propos de la position qu’il convenait d’adopter vis-Ă -vis du pĂ©ronisme allaient fragmenter le parti en une myriade de petites factions.

Le Parti démocrate national (conservateur) disparut, et jamais depuis lors un parti conservateur ayant quelque envergure électorale ne surgira plus en Argentine.

Bibliographie

  • Roberto A. Ferrero, Del fraude a la soberanĂ­a popular, Buenos Aires, La Bastilla,
  • FĂ©lix Luna, El 45, Buenos Aires, Sudamericana,
  • Robert A. Potash, El ejĂ©rcito y la polĂ­tica en la Argentina; 1928-1945, Buenos Aires:Sudamericana,
  • JosĂ© MarĂ­a Rosa, Historia Argentina, vol. tome 13, Buenos Aires, Oriente,
  • Carlos Russo, Historia integral argentina; El peronismo en el poder, Buenos Aires, Centro Editor de AmĂ©rica Latina, , « La UniĂłn DemocrĂĄtica », p. 119-140

Notes et références

  1. (es) Julio Godio, Historia del movimiento obrero argentino (1870-2000), t. II, Buenos Aires, Corregidor, (ISBN 9500513188, lire en ligne), p. 823
  2. (es) Hiroshi Matushita, Movimiento obrero argentino. 1930-1945, Buenos Aires, Hyspamérica, , p. 289
  3. Matushita, Movimiento obrero argentino, p. 287.
  4. (es) FĂ©lix Luna, El 45, Buenos Aires, Sudamericana, (ISBN 84-499-7474-7)
  5. (es) Alfredo López, Historia del movimiento social y la clase obrera argentina, Buenos Aires, A. Peña Lillo, , p. 410
  6. (es) NoĂ© Jitrik, « Exquisitos y Justos », PĂĄgina 12, Buenos Aires,‎ (lire en ligne)
  7. Carlos Russo, Historia integral argentina. El peronismo en el poder, Buenos Aires, Centro Editor de América Latina, , « La Unión Democråtica », p. 132
  8. (es) Miguel A. Scenna, Braden y PerĂłn, Buenos Aires, Ă©d. Korrigan, , p. 76
  9. F. Luna, El 45, p. 219.
  10. (es) Jorge Schvarzer, La industria que supimos conseguir. Una historia polĂ­tico-social de la industria argentina, Buenos Aires, Planeta, , p. 194
  11. Miguel A. Scenna, Braden y PerĂłn, p. 81.
  12. José María Rosa, Historia Argentina, vol. tome 13, Buenos Aires, Oriente, , p. 216
  13. F. Luna, El 45, p. 506.
  14. J. M. Rosa, Historia Argentina, p. 214.
  15. J. M. Rosa, Historia Argentina, p. 225.
  16. J. M. Rosa, Historia Argentina, p. 231.
  17. (es) Juan José Real, 30 años de historia argentina, Buenos Aires & Montevideo, éd. Actualidad, , p. 90
  18. J. Godio, Historia del movimiento obrero argentino, p. 272.
  19. Blue Book on Argentina. Memorandum of the United States Gouvernement, février 1946.
  20. Miguel A. Scenna, Braden y PerĂłn, p. 76.
  21. (es) « A 60 años del primer triunfo electoral de PerĂłn », La Gaceta de TucumĂĄn, San Miguel de TucumĂĄn,‎ (lire en ligne)
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