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RĂ©action de Maillard

Les réactions de Maillard, mieux nommées réactions amino-carbonyles, sont des réactions de glycation[1], entre des sucres réducteurs et des composés qui portent un groupe amine, tels les acides aminés, les peptides et les protéines.

MĂ©canisme de formation des produits d'Amadori Ă  partir de glucose.
Formation d'acrylamide cancérigÚne suite à l'implication de l'asparagine dans la réaction de Maillard.

Dans les aliments, ces réactions engendrent des composés qui contribuent à la couleur, à la saveur, à l'odeur. Elles commencent par une condensation entre le groupe amine d'un acide aminé, d'un petite ou d'une protéine, et le groupe carbonyle de sucres réducteurs (glucoses, fructoses, lactose, ribose). Cette premiÚre étape est suivie de réactions diverses selon les réactifs et les conditions[2].

On observe notamment l'effet des rĂ©actions de glycation dans des aliments chauffĂ©s, cuits ou stockĂ©s, conduisant Ă  leur brunissement non enzymatique (ce qui ne l'apparente pas Ă  la caramĂ©lisation qui fait intervenir uniquement le saccharose). Dans les situations culinaires courantes, les rĂ©actions de glycation ont souvent lieu en mĂȘme temps que des pyrolyses (de protĂ©ines notamment), des oxydations (par exemple des lipides), et de nombreuses autres rĂ©actions. Se crĂ©ent finalement des « produits avancĂ©s de glycations » (molĂ©cules odorantes et mĂ©lanoĂŻdines, pigments bruns de structure variable[3]) responsables principaux des odeurs, des arĂŽmes et des pigments caractĂ©ristiques des aliments chauffĂ©s (sirop d'Ă©rable, beurre noisette), cuits (viandes rĂŽties, pain grillĂ©, cafĂ© fraĂźchement torrĂ©fiĂ©) ou du jambon cru. Elle peut aussi donner naissance Ă  des composĂ©s cancĂ©rogĂšnes (acrylamides, hydrocarbures polycycliques, amines hĂ©tĂ©rocycliques, HMF) et Ă©galement rĂ©duire la valeur nutritionnelle des aliments en dĂ©gradant des acides aminĂ©s essentiels[4].

Les réactions de glycation sont également importante dans un contexte non alimentaire. Elles expliquent par exemple la toxicité de l'excÚs de sucre en cas de diabÚte, ou le fonctionnement de certains autobronzant.

Historique

Plusieurs documents hagiographiques[5], notamment ceux de l'International Maillard Reaction Society[6] qui organise des CongrÚs Maillard[7], attribuent la paternité de la découverte de cette réaction au chimiste et médecin lorrain Louis-Camille Maillard, en 1911. Une recherche bibliographique montre une opposition franco-anglaise, les anglo-saxons notant qu'Arthur R. Ling avait écrit, dÚs 1908[8] , que, lors du touraillage du malt, au cours de la fabrication de la biÚre, des acides aminés doivent réagir avec des sucres, cette réaction étant à l'origine, selon Ling, de l'odeur et du brunissement du moût[5].

Louis-Camille Maillard a contribuĂ© aux rĂ©actions de glycation par un long mĂ©moire publiĂ© en 1913, aprĂšs un premier travail du dans une communication, L'action des sucres sur les acides aminĂ©s. Maillard, dont l’ambition Ă©tait de comprendre la structure des protĂ©ines, avait remplacĂ© le glycĂ©rol qui lui permettait de condenser ces derniĂšres par des sucres.

Il observa que la fonction rĂ©ductrice des sucres (carbonyle : C=O) est beaucoup plus rĂ©active que la fonction hydroxyle (OH). Cette dĂ©couverte, d’abord communiquĂ©e Ă  l’AcadĂ©mie des sciences, est ensuite reprise et dĂ©veloppĂ©e de maniĂšre minutieuse par Maillard dans un ouvrage publiĂ© en 1913, GenĂšse des matiĂšres humiques et des matiĂšres protĂ©iques[9].

Déçu de ne pas avoir conclu sur les protĂ©ines, il a pourtant conscience des nombreuses applications possibles de sa rĂ©action. Malheureusement, elle tombe dans l’oubli et Maillard meurt le sans avoir pu voir sa dĂ©couverte dĂ©clinĂ©e dans des domaines aussi divers que la cuisine, la lutte contre le diabĂšte, le vieillissement, les pĂ©troles.

Apports de cette découverte

Avec la comprĂ©hension des rĂ©actions de glycation, on explique une multitude de rĂ©actions qui interviennent lors de la prĂ©paration et le stockage des aliments, et dont la maĂźtrise a permis des progrĂšs importants. ContrĂŽler les rĂ©actions de glycation, c’est contrĂŽler en fait la conservation des produits, leur goĂ»t, leur aspect, autant de critĂšres qui dĂ©terminent le choix d’un produit.

Ainsi, en faisant varier de maniĂšre infime les paramĂštres environnementaux, on modifie le processus rĂ©actionnel (la cinĂ©tique) et les diffĂ©rences de rĂ©sultats peuvent ĂȘtre impressionnantes. Une variation peut rendre la rĂ©action agrĂ©able ou utile, ou indĂ©sirable. On passe du jambon aux arĂŽmes dĂ©licats, au goĂ»t de brĂ»lĂ© dans une sauce. En mĂ©decine, les rĂ©actions de glycation sont importantes : chez les diabĂ©tiques la glycation non enzymatique des protĂ©ines sous l'effet d'un taux trop important de sucre dans le sang (diabĂšte), altĂšre les vaisseaux. L’hĂ©moglobine glyquĂ©e, une variante de l’hĂ©moglobine due Ă  des modifications engendrĂ©es par les rĂ©actions de glycation, est maintenant utilisĂ©e comme marqueur Ă  long terme de l’état diabĂ©tique des patients.

Mécanismes des réactions de glycation

Les rĂ©actions de glycation font encore l'objet d'Ă©tudes. On se propose donc d'expliquer les mĂ©canismes principaux et bien connus de la rĂ©action :

  • le groupe carbonyle du sucre rĂ©agit avec le groupe amine de l'acide aminĂ©, produisant des glycosylamines N-substituĂ©es et de l'eau ;
  • les glycosylamines subissent une rĂ©action nommĂ©e rĂ©arrangement d'Amadori[10] pour former des imines ;
  • il existe trois voies pour les cĂ©tosamines de poursuivre la rĂ©action. On se limitera Ă  la voie spĂ©cifique de la rĂ©action de Maillard, les deux autres voies pouvant ĂȘtre observĂ©es dans d'autres rĂ©actions biochimiques.

La condensation Schiff

La premiÚre étape fait intervenir l'atome de carbone (C) électrophile du groupe carbonyle du sucre, et l'atome d'azote (N) nucléophile de l'acide aminé. Deux liaisons chimiques sont coupées, et deux nouvelles sont créées. La premiÚre coupure concerne une des deux liaisons de C=O, la seconde une des liaisons N-H. Il se crée à la place une liaison C-N, et une liaison O-H, au sein d'une nouvelle molécule unique formée des deux précédentes.


-C=O + 
-NH2 → 
-COH-NH-


En dĂ©tail, un doublet non liant se forme entre C et l'atome oxygĂšne (O) du carbonyle Ă  la place d'une des deux liaisons entre eux , car O est plus Ă©lectronĂ©gatif (tendance Ă  attirer les Ă©lectrons) que C ; O devient alors chargĂ© nĂ©gativement, car il est en excĂšs d’électron, tandis que le carbone se trouve avec seulement 3 Ă©lectrons en couche externe, et donc en dĂ©ficit car il lui en faudrait idĂ©alement 4 :


-C=O → 
-C-O−

Le dĂ©ficit du carbone est comblĂ© par la formation d'une liaison avec le N, mais celui-ci se retrouve Ă  son tour en situation dĂ©ficitaire, ce qui induit, pour compenser, la formation d'un nouveau doublet non liant entre lui et un des atomes d'hydrogĂšne auquel il Ă©tait liĂ© ; la liaison est rompue, cet atome d'hydrogĂšne est libĂ©rĂ© sous la forme H+ et va s'associer Ă  l'atome d'oxygĂšne nĂ©gativement chargĂ© par le processus mentionnĂ© plus haut, formant ainsi une nouvelle liaison OH (fonction alcool). Ce processus rĂ©versible est appelĂ© prototropie :

OH-G-C-O− + A-NH2 → OH-G-OHC-NH-A

En somme, un des deux atomes d'hydrogĂšne liĂ©s Ă  l'azote s'est dĂ©tachĂ© de lui pour s'associer Ă  l'oxygĂšne, et a Ă©tĂ© remplacĂ© dans sa liaison par l'atome de carbone. La molĂ©cule ainsi produite n'est pas encore stable, et un nouveau tour semblable se produit avec le second atome d'hydrogĂšne auquel l'azote Ă©tait liĂ© : lui aussi va Ă  son tour se lier avec l'oxygĂšne d'une fonction alcool et se faire remplacer par le carbone, tandis que la fonction alcool devient une molĂ©cule d'eau qui se dĂ©tache. Ce n'est pas la fonction alcool qui vient d'ĂȘtre formĂ©e qui est prĂ©fĂ©rentiellement attaquĂ©e, mais plutĂŽt une des autres fonctions alcool de l'ose : la premiĂšre dans la chaĂźne?

En dĂ©tail, la fonction alcool situĂ©e en dĂ©but de chaĂźne va se dĂ©tacher, le O transformant sa liaison avec le reste de la molĂ©cule en doublet non liant. Cela va libĂ©rer une possibilitĂ© de liaisons pour le C, et il va utiliser l’électron libĂ©rĂ© pour former une deuxiĂšme liaison avec l’azote de l’acide aminĂ© qui lui, pour pouvoir apporter un Ă©lectron va casser une liaison avec un de ses deux H. L’ion OH− et l’ion hydrogĂšne vont alors se lier, crĂ©ant une molĂ©cule d’eau.

OH-G-OHC-NH-A → G-OHC=N-A + H2O

La molécule obtenue est une base de Schiff, elle est encore instable et subira des transformations supplémentaires, dont la nature dépendra des conditions (notamment de pH) : réarrangements d'Amadori et de Heyns, ou bien synthÚse d'une réductone.

Les réarrangements d'Amadori et de Heyns

Le rĂ©arrangement d'Amadori (isomĂ©risation de la glycosylamine d'un aldose) et le rĂ©arrangement de Heyns (de) (isomĂ©risation de la glycosylamine d'un cĂ©tose), conduisent Ă  la formation d'aldosamines et de cĂ©tosamines, composĂ©s pas ou peu colorĂ©s[11]. En milieu acide, l’azote va se lier aux ions H+, caractĂ©ristiques du milieu acide, grĂące Ă  son doublet non liant, se chargeant ainsi positivement. Le C en 2e position va alors rompre sa liaison avec l’hydrogĂšne et libĂ©rer ainsi une possibilitĂ© de liaison avec l’autre C, provoquant un dĂ©gagement d’ions H+. Le carbone 1, ne pouvant faire cinq liaisons va donner un Ă©lectron Ă  l’azote, comblant ainsi son dĂ©faut d’électron (l’azote le transformera en doublet non liant). On note d’ailleurs que l’aciditĂ© du milieu n’est pas modifiĂ©e, car les ions H+ sont restituĂ©s au milieu.

Au niveau de la deuxiĂšme fonction alcool, l’oxygĂšne va provoquer un dĂ©gagement d’ions H+ en transformant en doublet sa liaison avec le H. Le carbone en 2e position va casser une de ses deux liaisons avec le 1er carbone pour rĂ©tablir l’équilibre : le 1er C va capter l’ion H+, et le 2e va se lier Ă  l’O, comblant son dĂ©faut d’électron. On appelle cette transformation un Ă©quilibre cĂ©to-Ă©nolique car elle transforme une fonction alcool (Ă©nol) en une fonction cĂ©tone (cĂ©to) et ceci dans les deux sens bien que le passage -OH vers =O soit majoritaire.

SynthÚse d'une réductone

Dans la voie de la dĂ©shydratation modĂ©rĂ©e, l'oxygĂšne va transformer une de ses deux liaisons avec le carbone 2 en doublet non liant. SimultanĂ©ment, le carbone en 3e position sur le squelette carbonĂ© va transformer sa liaison avec le H en liaison supplĂ©mentaire avec le carbone 2. Il va alors y avoir dĂ©gagement d'un ion H+ en dĂ©faut d'Ă©lectron qui va se lier avec le doublet non liant de l’oxygĂšne.

Ce processus est appelé énolisation, car il crée une fonction alcool à partir d'une fonction cétone et d'un atome hydrogÚne. Ici, on parle de l'énolisation 2 (place du carbone auquel est liée la fonction cétone), 3 (place du carbone auquel est lié l'atome d'hydrogÚne).

Les ions OH−, caractĂ©ristiques du milieu basique, vont alors intervenir dans la rĂ©action en tant que catalyseur. Le H va transformer sa liaison avec le O en doublet non liant, car le O, bien qu’électronĂ©gatif, est dĂ©jĂ  en excĂšs d’électrons. L’ion H− libĂ©rĂ© va alors crĂ©er une liaison avec l’azote qui, pour l’accueillir, va se sĂ©parer de la chaĂźne principale, abandonnant l’électron de sa liaison avec le C.

Au niveau de la chaĂźne carbonĂ©e principale, la double liaison entre les carbones 2 et 3 va ĂȘtre transformĂ©e en liaison avec un des deux oxygĂšnes des fonctions alcool, provoquant au passage un dĂ©gagement d’ion H−(pour les mĂȘmes raisons que prĂ©cĂ©demment) qui va alors se lier Ă  l’ion O, recrĂ©ant ainsi l’ion OH− (l’aciditĂ© du milieu est ainsi prĂ©servĂ©e).

Au niveau de la fonction alcool localisĂ©e sur le carbone 3, le O va transformer sa liaison avec le H en liaison supplĂ©mentaire avec le C, le stabilisant ainsi. Un ion H+ va alors ĂȘtre dĂ©gagĂ©, qui va se lier Ă  l’ion C−.

Une deuxiĂšme Ă©nolisation (3,4) va alors avoir lieu : l'oxygĂšne va transformer une de ses deux liaisons avec le carbone 3 en doublet non liant. SimultanĂ©ment, le carbone en 4e position sur le squelette carbonĂ© va transformer sa liaison avec le H en liaison avec le carbone 3. Il va alors y avoir dĂ©gagement d'un ion H+ en dĂ©faut d'Ă©lectron. L'oxygĂšne liĂ© au carbone 3 va alors transformer son doublet en excĂšs en liaison avec l'ion H+ qui pallie donc son dĂ©faut d'Ă©lectron.

La molécule ainsi obtenue est appelée réductone (elle a perdu son acide aminé et possÚde maintenant une fonction cétone).

Le C en 5e position va transformer sa liaison avec le H en doublet non liant, libérant un ion H+. Le carbone en 3e position va transformer une des deux liaisons avec le carbone 4 en liaison avec l'ion H+ et le carbone 5 va enfin transformer son doublet non liant en une liaison avec le carbone 4 pour stabiliser l'ensemble.

Facteurs influençant la réaction

La vitesse des rĂ©actions de glycation est fortement influencĂ©e par de nombreux facteurs. Ceux-ci agissent comme activateurs ou inhibiteurs de la rĂ©action, ou encore font privilĂ©gier l’une des trois voies de synthĂšse des arĂŽmes. Ce sont en grande partie ces facteurs qui dĂ©cident de la nature des composĂ©s formĂ©s.

Nature des sucres réducteurs et des acides aminés

La vitesse de la rĂ©action dĂ©pend d’abord de la nature des rĂ©actifs. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale plus le sucre rĂ©ducteur possĂšde de carbone moins la rĂ©action de glycation est facilitĂ©e[12]. Les pentoses comme le ribose sont donc plus rĂ©actifs que les hexoses comme les glucoses, les galactoses ou les fructoses. Les disaccharides comme le maltose ou le lactose sont formĂ©s de deux rĂ©sidus de monosaccharides et sont donc moins rĂ©actifs que les monosaccharides, et a fortiori l’amidon, composĂ© de nombreuses molĂ©cules de glucose. Enfin rappelons que le saccharose n’est pas un sucre rĂ©ducteur et ne donne donc pas lieu Ă  des rĂ©actions de glycation, sauf aprĂšs hydrolyse Ă©ventuelle.

Pour les composĂ©s portant un groupe amine, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. La lysine, qui possĂšde deux fonctions amine, est plus rĂ©active que les autres acides aminĂ©s. Pour les autres, plus la fonction amine est Ă©loignĂ©e de la fonction acide carboxylique et plus l’acide aminĂ© est rĂ©actif.

Si on considÚre des acides aminés, on remarque que les plus réactifs sont la lysine, la glycine et la méthionine, les moins réactifs sont la cystéine, l'acide glutamique et l'asparagine. On peut mettre en évidence que la fonction acide carboxylique, si elle est libre, est inhibitrice des réactions de brunissement[13]

Le pH

Toutes les rĂ©actions intervenant dans les rĂ©actions de glycation sont dĂ©pendantes du pH. En particulier le rĂ©arrangement d’Amadori nĂ©cessite un milieu acide (pH < 7) et la synthĂšse des rĂ©ductones un milieu basique (pH >7). Le pH optimal se situe donc entre 6 et 10[14]. La nature des composĂ©s formĂ©s est Ă©galement dĂ©pendante du pH. Les milieux basiques privilĂ©gieront plutĂŽt des rĂ©actions de rĂ©troaldolisation alors que les milieux acides privilĂ©gieront les dĂ©shydratations.

La teneur en eau du milieu

L'eau est indispensable Ă  certaines Ă©tapes de la rĂ©action, mais elle en est aussi l’un des produits. Donc, si l’eau est en trop grande quantitĂ© dans le milieu (supĂ©rieur Ă  60 %), les rĂ©actions de dĂ©shydratation sont inhibĂ©es. À l'inverse, en dessous de 30 % la rĂ©action est inhibĂ©e par l'absence d'eau solvante. Le mieux est une proportion de 30 Ă  60 % d’eau dans le milieu (Ames et al. 1993).

La température

Les rĂ©actions de glycation vĂ©rifient l'Ă©quation d'ArrhĂ©nius, ce qui signifie que plus la tempĂ©rature augmente, plus la vitesse de la rĂ©action est importante. À faible tempĂ©rature (4 °C par exemple), la rĂ©action a lieu, mais trĂšs lentement. Lors de la cuisson dans du beurre, la tempĂ©rature est largement plus Ă©levĂ©e ce qui permet aux rĂ©actions de glycation d'avoir lieu rapidement et donc de faire brunir la viande. Les rĂ©actions de glycation se produisent efficacement Ă  des tempĂ©ratures de l'ordre de 100 °C minimum.

D’autres facteurs peuvent Ă©galement intervenir dans le dĂ©roulement et la vitesse de la rĂ©action : ions mĂ©talliques, composĂ©s soufrĂ©s
 Comme chacun d’eux n’inhibe pas toutes les rĂ©actions, donc toutes les voies par lesquelles se dĂ©veloppe la rĂ©action, ce sont eux qui dĂ©terminent la voie privilĂ©giĂ©e dans chaque cas.

Applications de la réaction à l'alimentation

Tous les jours, nous assistons sans nous en douter à de trÚs nombreuses réactions glycation.

Depuis le grillĂ© du rĂŽti jusqu'au bon goĂ»t du pain, celles-ci sont en effet prĂ©sentes dans de nombreuses prĂ©parations culinaires, notamment dans les viandes cuites. C’est l’exemple le plus courant de rĂ©action de glycation en cuisine, que l’on pourrait qualifier de rĂ©action « à chaud ». C’est aussi la plus facilement observable grĂące au brunissement rapide de la viande produit notamment par les mĂ©lanoĂŻdines, pigments bruns Ă  haut poids molĂ©culaire rĂ©sultant de la condensation et de la polymĂ©risation des sucres aldĂ©hydiques et d'acides aminĂ©s. Mais il existe aussi des exemples de rĂ©action « Ă  froid » qui ont lieu sans nĂ©cessiter de chauffage, donc en dehors de toute cuisson.

C’est le cas par exemple pour les jambons crus d’Espagne. Leur saveur se forme au cours de la fabrication grĂące Ă  des rĂ©actions spontanĂ©es produisant des arĂŽmes.

Selon le procĂ©dĂ© traditionnel, les porcs destinĂ©s Ă  la fabrication de jambons doivent ĂȘtre Ă©levĂ©s en libertĂ© et ĂȘtre nourris de glands et d’herbe. AprĂšs l’abattage, la viande est conservĂ©e Ă  0 °C pendant deux jours, puis frottĂ©e avec du sel et du salpĂȘtre. Elle est ensuite placĂ©e pendant une semaine sur un lit de sel Ă  3 °C environ. Lors de cette phase, les protĂ©ines se dĂ©composent et libĂšrent des acides aminĂ©s. Les jambons sont ensuite conservĂ©s sans sel pendant deux ou trois mois, toujours Ă  basse tempĂ©rature. Progressivement, on augmente alors la tempĂ©rature jusqu’à 18 °C, et aprĂšs un mois et demi Ă  tempĂ©rature ambiante, vient la maturation finale. Celle-ci s’effectue dans une cave pendant 14 Ă  22 mois. La fabrication complĂšte dure prĂšs de deux ans aprĂšs quoi les jambons sont prĂȘts Ă  ĂȘtre mangĂ©s. Ils ont pris une couleur foncĂ©e qui trahit la prĂ©sence de composĂ©s colorĂ©s, dont les mĂ©lanoĂŻdines.

À partir de 1990, des scientifiques espagnols ont commencĂ© Ă  s’intĂ©resser Ă  la fabrication de ces jambons. Ils ont montrĂ© que des acides aminĂ©s libĂ©rĂ©s lors du salage Ă©taient dĂ©gradĂ©s pendant la longue pĂ©riode de maturation qui suivait, entre autres par la rĂ©action de Maillard. Celle-ci produit de nombreux composĂ©s, qui s’accumulent dans la viande. La quantitĂ© de ces produits croĂźt avec la durĂ©e de la maturation, ce qui explique la longueur de celle-ci, qui permet d’obtenir plus de composĂ©s, donc plus de goĂ»t. En outre, les rĂ©actions de glycation forment des mĂ©lanoĂŻdines, qui seraient responsables de la couleur des jambons. Mais d’autres rĂ©actions interviennent Ă©galement dans la formation de composĂ©s odorants. L’alimentation des porcs avec des glands produit par exemple des alcanes ramifiĂ©s.

Les rĂ©actions de glycation ont Ă©tĂ© signalĂ©es en brasserie dĂšs 1906 par R. Ling, lors du touraillage du malt, lors du brunissement non enzymatique des grains d’orge.

Cependant, si les rĂ©actions de glycation contribuent au goĂ»t des aliments, elles peuvent ĂȘtre gĂȘnantes, en particulier lors du sĂ©chage des pĂątes alimentaires. À la fin de leur fabrication, celles-ci sont en effet chauffĂ©es pour Ă©liminer l’eau qu’elles contiennent. À la fin du processus, des rĂ©actions de glycation peuvent se dĂ©velopper, donnant aux pĂątes une couleur rougeĂątre peu appĂ©tissante. Les mĂȘmes rĂ©actions pourraient d’ailleurs avoir des consĂ©quences plus graves. Elles formeraient en effet des composĂ©s comme les carbolines, des amines hĂ©tĂ©rocycles dĂ©rivĂ©es du tryptophane. Ces composĂ©s semblent Ă  hautes doses avoir des effets destructeurs sur le fonctionnement des rĂ©cepteurs cellulaires (adrĂ©nalines
) et les sites actifs des enzymes. Cependant, la toxicitĂ© de ces composĂ©s n’est pas prouvĂ©e car on les trouve aussi dans des aliments inoffensifs comme les reines-claudes ou les bananes.

Le physico-chimiste Hervé This relativise l'ampleur des réactions de glycation en cuisine. Selon lui, elles ne sont qu'une réaction de brunissement non enzymatique parmi d'autres, telles les pyrolyses, notamment la caramélisation, des oxydations[15].

Applications médicales et cosmétiques

Les rĂ©actions de glycation et de glycosylation non enzymatique des protĂ©ines, ont d’abord Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e dans le cadre du diabĂšte grĂące Ă  l’hĂ©moglobine glyquĂ©e, une variante de l’hĂ©moglobine due Ă  des modifications engendrĂ©es par Maillard, qui sert maintenant de marqueur Ă  long terme de l’état diabĂ©tique des patients. La glycation a des consĂ©quences dans tout l’organisme, qui sont plus marquĂ©es seulement dans le cas de personnes diabĂ©tiques.

La glycation produit des composĂ©s nommĂ©s Advanced glycation end-products (en) (AGEs) qui s'accumulent dans l'organisme. Ils conduisent Ă  des lĂ©sions cellulaires et tissulaires, au vieillissement vasculaire[16] et Ă  l’insuffisance rĂ©nale[17]. Ils favoriseraient Ă©galement la maladie d'Alzheimer[18].

Il faut aussi noter que la glycation est indĂ©pendante du diabĂšte mais la forte proportion de sucres dans le cas de cette maladie favorise grandement la rĂ©action de Maillard et donc la glycation car dans l’organisme, elle est ponctuelle et non enzymatique.

Les crĂšmes cosmĂ©tiques autobronzantes utilisent Ă©galement la rĂ©action de Maillard : la dihydroxyacĂ©tone qu’elles contiennent est un sucre qui rĂ©agit avec les protĂ©ines des cellules mortes de la couche cornĂ©e de la peau, crĂ©ant un pigment brun.

Bibliographie

  • Manger tue, numĂ©ro spĂ©cial de Courrier InternationalN° 686-687 du [19]
  • Revue du Palais de la DĂ©couverte, numĂ©ro spĂ©cial sur l’alimentation ()

Notes et références

  1. Nathan SHARON, « Nomenclature of glycoproteins, glycopeptides and peptidoglycans. Recommendations 1985 », European Journal of Biochemistry, vol. 159, no 1,‎ , p. 1–6 (ISSN 0014-2956 et 1432-1033, DOI 10.1111/j.1432-1033.1986.tb09825.x, lire en ligne, consultĂ© le )
  2. HervĂ© This, https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/?pli=1, « “Maillard products” and “Maillard reactions” are much discussed in food science and technology, but do such products and reactions deserve their name? », Notes AcadĂ©miques de l'AcadĂ©mie d'agriculture de France / Academic Notes of the French Academy of Agriculture, vol. 1, no 1,‎ (DOI 10.58630/pubac.not.129775, lire en ligne, consultĂ© le )
  3. O. Schmiedeberg, « Ueber die Elementarformeln einiger Eiweisskörper und ĂŒber die Zusammensetzung und die Natur der Melanine », Archiv fĂŒr Experimentelle Pathologie und Pharmakologie, vol. 39, nos 1-2,‎ , p. 1–84 (ISSN 0028-1298 et 1432-1912, DOI 10.1007/bf01825326, lire en ligne, consultĂ© le )
  4. (en) Mandeep K. Virk-Baker, Tim R. Nagy, Stephen Barnes et John Groopman, « Dietary Acrylamide and Human Cancer: A Systematic Review of Literature », Nutrition and cancer, vol. 66,‎ , p. 774–790 (ISSN 0163-5581, PMID 24875401, PMCID 4164905, DOI 10.1080/01635581.2014.916323, lire en ligne, consultĂ© le ).
  5. (en) HervĂ© This, « Solution to Maillard and grilled steak challenge », Analytical and Bioanalytical Chemistry, vol. 407, no 27,‎ , p. 8173-8174 (DOI 10.1007/s00216-015-9001-y)
  6. Site officiel de l'IMARS
  7. (en) J O'Brien, H E Nursten, M J Crabbe, J M Ames, The Maillard Reaction in Foods and Medicine, Elsevier, (lire en ligne), p. 19
  8. (en) Arthur R. Ling, « Malting », Journal of the Institute of Brewing, vol. 14, no 6,‎ , p. 494-521 (DOI 10.1002/j.2050-0416.1908.tb02233.x)
  9. « GenĂšse des matiĂšres humiques et des matiĂšres protĂ©iques » [PDF].
  10. Tanja M. Wrodnigg et Brigitte Eder, « The Amadori and Heyns Rearrangements: Landmarks in the History of Carbohydrate Chemistry or Unrecognized Synthetic Opportunities? », dans Topics in Current Chemistry, Springer Berlin Heidelberg, (ISBN 978-3-540-41383-7, lire en ligne), p. 115–152
  11. Muriel Jacquot, Philippe Fagot et Andrée Voilley, La couleur des aliments, Lavoisier, , p. 87.
  12. « Influence des saccharides », sur univ-lille1.fr (consulté le ).
  13. _Conception pédagogique :_ Stéphane BOUQUELET - Professeur, Université des Sciences et Technologies de Lille _Réalisation technique :_ SEMM, Université de Lille, Sciences et Technologies ©2008-2016 Université de Lille, Sciences et Technologies, « Réactions de brunissement - Influence des acides aminés », sur biochim-agro.univ-lille1.fr (consulté le ).
  14. « Les corps de Maillard : succulents et toxiques ! », sur www.sante-et-nutrition.com (consulté le ).
  15. Herve This, « Les réactions de Maillard ? Une goutte dans l'océan des brunissements », sur hervethis.blogspot.com,
  16. (en) « Advanced glycation end products and vascular inflammation: implications for accelerated atherosclerosis in diabetes » (consulté le ).
  17. (en) « Advanced glycation end products and the kidney » (consulté le ).
  18. (en) Peter J. O'Brien et William Robert Bruce, Endogenous Toxins, 2 Volume Set : Targets for Disease Treatment and Prevention, vol. 1, Weinheim, John Wiley & Sons, , 994 p. (ISBN 978-3-527-32363-0, lire en ligne), p. 591
    « Avance Maillard reaction end products are associated to Alzheimer disease pathology. »
  19. « Le titre de une. Hebdo n° 686-687 - Manger tue », sur Courrier international, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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