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Crédit-carbone

unité de réduction certifiée d'émissions de gaz à effet de serre

Une unitĂ© de rĂ©duction certifiĂ©e des Ă©missions, URCE, crĂ©dit-carbone, ou quota-carbone (en anglais Certified emission reduction unit, CER), parfois REC (acronyme de « RĂ©duction d'Ă©missions, certifiĂ©es Â»), est une unitĂ© nouvelle créée dans le cadre du protocole de Kyoto[1] qui contraignait ses signataires Ă  limiter les Ă©missions de six gaz Ă  effet de serre (Ă©missions calculĂ©e en Ă©quivalent CO2) en quatre ans, de 2008 Ă  2012. Ces signataires pouvaient le faire autoritairement (ce que personne n'a fait) ou via l'un des mĂ©canismes de flexibilitĂ© promus par le monde Ă©conomique, notamment via la mise en place d'un marchĂ© du carbone, plus prĂ©cisĂ©ment via son « mĂ©canisme de dĂ©veloppement propre Â» (MDP).

Le prix du carbone s'est plusieurs fois effondrĂ© de mĂŞme que la valeur des URCE : ici : Ă©volution temporelle du prix des URCE (UnitĂ©s certifiĂ©es de rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre ; en Ă©quivalent CO2) pour l'annĂ©e 2012

Ce crĂ©dit est lĂ©galement transmissible et nĂ©gociable ; il est « inscrit au compte des Ă©missions d'une entreprise, d'une institution, d'un pays, après constatation d'une diminution de ses Ă©missions de gaz Ă  effet de serre Â», et on compte ensuite sur la main invisible du marchĂ© pour rĂ©sorber les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre (GES).

Depuis sa création, ce mécanisme s'est montré sans effet de réduction de la tendance à la hausse annuelle et régulière des émissions mondiales de CO2 qui s'est poursuivi de 1992 à 2019 sur une pente croissante très régulière, mais la situation serait peut-être pire sans cela. En outre, le prix du carbone s'est plusieurs fois effondré, tout comme la valeur de l'URCE (voir graphique ci contre pour 2012). Et le prix du carbone n'a jamais atteint les 30 euros par tonne jugés nécessaires pour être efficace sur le marché.

Définition métrologique

Un crĂ©dit-carbone (ou URCE pour « unitĂ© de rĂ©duction certifiĂ©e des Ă©missions Â») correspond Ă  l’émission d’une tonne d'Ă©quivalent dioxyde de carbone, mise sur le marchĂ© du carbone.

Modélisation

À la fin des années 1990, plusieurs scénarios et modélisations numériques ont porté sur les incertitudes d'un marché de titres carbone échangeables, dont par exemple pour évaluer le poids administratif du MDP (notamment dans les pays manquant d'expertise, d'infrastructure ou de moyens d'évaluation), et/ou l'effet du retrait des États-Unis du marché du carbone (qui a selon Eyckmans et al. (2002) significativement affaibli le protocole de Kyoto[2].
Après un premier travail, par Ellerman & Decaux en 1998[3], diverses études ont été produites, dont van der Mensbrugghe (1998)[4], Zhang (1999)[5], van Rooijen & al. (2000)[6], Manne et Richels (2001)[7], Bernard et al. (2002)[8], Blanchard et al. (2002)[9], Den Elzen et de Moor (2002), Eyckmans et al. (2002)[10], Jotzo et Michaelowa (2002)[11], Löschel et Zhang (2002)[12], plus ou moins reprises par les grands pays préparant alors le protocole de Kyoto. En 2004, Grandjean a cherché à préciser les bases méthodologiques de ces modèles[13].

Rem : dans les modèles on parle parfois d'« air chaud Â» pour dĂ©signer les crĂ©dits Ă  valeur environnementale nulle[13]. La durabilitĂ© des puits de carbone a une grande importance, et peut ĂŞtre incertaine[13].

Utilisation

Le Bourse du carbone concerne potentiellement tous les gaz Ă  effet de serre, et pas seulement le dioxyde de carbone : on peut transposer tout type d'Ă©mission de gaz Ă  effet de serre en Ă©quivalent CO2. Sachant que chaque type de gaz Ă  effet de serre possède un potentiel de rĂ©chauffement global plus ou moins important, afin de connaĂ®tre l'Ă©quivalence d'une tonne de GES en crĂ©dits carbone il faut appliquer au gaz en question un coefficient spĂ©cifique pour convertir la tonne en tonne d'Ă©quivalent CO2.

Pour diminuer l'émission mondiale de gaz à effet de serre (CO2 et méthane notamment), un système de quotas carbone (droit à polluer) échangeables sur le marché a été instauré dans le cadre du Protocole de Kyoto. Les URCE sont supposés pouvoir aider les pays industrialisés à atteindre plus facilement leurs objectifs globaux de réduction d'émissions de CO2, en aidant des projets d'investissements propres dans des pays en développement.

Principaux gaz concernés

Arbres et forĂŞts

La forĂŞt, y compris urbaine ou pĂ©riurbaine peut ainsi ĂŞtre incluse, de mĂŞme que l'arbre urbain[14] dans le marchĂ© du carbone apparu Ă  la fin du XXe siècle, Ă  la suite du Protocole de Kyoto, comme l'une des solutions proposĂ©es par les Ă©conomistes au problème du gaspillage d'Ă©nergie et de l'Ă©mission croissante de gaz Ă  effet de serre[14].

Aviation

L'aviation internationale reste épargnée par les écotaxes et obligations concernant le climat, mais le mécanisme de marché mondial du carbone pourrait bientôt fixer un prix international, pour les émissions de carbone des transports aériens internationaux

Une directive europĂ©enne (2003/87/CE) impose [15] qu'en Europe, le produit de la mise aux enchères des quotas pour l’aviation serve Ă  lutter contre le changement climatique, dont en rĂ©duisant les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre et en finançant l'adaptation au changement climatique ; dans l’Union europĂ©enne et les pays tiers (pays en dĂ©veloppement notamment). Cet argent doit aussi « financer des travaux de recherche et dĂ©veloppement sur la mitigation et l’adaptation Â», en particulier dans l’aĂ©ronautique et le transport aĂ©rien (transports Ă  faibles Ă©missions). Il doit aussi couvrir les « coĂ»ts de gestion du système communautaire Â» et contribuer au Fonds mondial pour la promotion de l'efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique et des Ă©nergies renouvelables, et Ă  des mesures visant Ă  Ă©viter la dĂ©forestation. Les États-membres doivent informer la Commission europĂ©enne de la manière dont ils ont utilisĂ© le produit de la mise aux enchères des quotas aviation Cf. MĂ©canisme pour la surveillance et la dĂ©claration des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre et pour la dĂ©claration, au niveau national et au niveau de l’Union, avec des rapports publics permettant Ă  la Commission de publier des donnĂ©es agrĂ©gĂ©es pour l'Union « sous une forme aisĂ©ment accessible Â»[16].

Limites et contestations

Certaines voix se sont Ă©levĂ©es pour contester ou critiquer la pertinence du système de crĂ©dit carbone pour lutter contre les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre :

  • Divers auteurs comme Pico, L., & Daniel, L. en 2018 font le constat d'une dĂ©rive vers la spĂ©culation, et des fraudes, nombreuses, ont Ă©tĂ© mises en Ă©vidence[17] ;
  • Alors que de nombreux projets sont basĂ©s sur la sĂ©questration de carbone par le reboisement dans d'autres rĂ©gions ou pays[18], divers auteurs constatent que les relations homme-nature n'avaient pas Ă©tĂ© suffisamment prises en compte, notamment concernant les Ă©missions de carbone dues aux incendies (de plus en plus graves et frĂ©quents, globalement depuis l'Ă©poque du protocole de Kyoto), Ă  la dĂ©forestation volontaire et Ă  la dĂ©gradation des sols forestiers et de certaines forĂŞts avaient Ă©tĂ© ignorĂ©es ou sous-estimĂ©es, ce qui pose un problème pour la crĂ©dibilitĂ© de certains concepts de neutralitĂ© carbone, de compensation carbone et donc du marchĂ© du carbone[19] ;
  • Le pape François dans son encyclique Laudato si’ pointe du doigt le risque de spĂ©culation (sur le prix du crĂ©dit carbone) qui « ne servirait pas Ă  rĂ©duire l’émission globale des gaz polluants Â». Il note Ă©galement que « ce système semble ĂŞtre une solution rapide et facile, sous l’apparence d’un certain engagement pour l’environnement, mais qui n’implique, en aucune manière, de changement radical Ă  la hauteur des circonstances. Au contraire, il peut devenir un expĂ©dient qui permet de soutenir la sur-consommation de certains pays et secteurs (Ă©conomiques) Â»[20].

Notes et références

  1. Protocole de Kyoto, dĂ©cisions prises Ă  COP7 (UNFCCC, 2001) : articles 3, 6 et 12 concernant les règles rĂ©gissant de mĂ©canisme, article 17 concernant le MDP.
  2. Eyckmans, J., Van Regemorter, D., & Van Steenberghe, V. (2002). Is Kyoto fatally flawed ? An analysis with MacGEM.
  3. Ellerman A.D & Decaux A (1998) Analysis of post-Kyoto COâ‚‚ emissions trading using marginal abatement curves.
  4. Van der Mensbrugghe, D. (1998, September). A (Preliminary) analysis of the Kyoto Protocol: using the OECD GREEN Model. In OECD Workshop on the Economic Modelling of Climate Change (pp. 17-18).
  5. Zhang, Z. (2000). Estimating the size of the potential market for the Kyoto flexibility mechanisms. Weltwirtschaftliches Archiv, 136(3), 491-521.
  6. van Rooijen, S. N. M., Voogt, M. H., van Wees, M. T., Martens, J. W., Ormel, F. T., Sijm, J. P. M., & Zoeten-Dartenset, C. D. (2000). Kyoto mechanisms: the role of joint implementation, the clean development mechanism and emissions trading in reducing greenhouse gas emissions.
  7. Manne, A., & Richels, R. (2004). US rejection of the Kyoto Protocol: the impact on compliance costs and CO2 emissions. Energy Policy, 32(4), 447-454.
  8. Bernard, A., Reilly, J., Vielle, M., & Viguier, L. (2002, June). The effects of US withdrawal from the Kyoto Protocol on international emission trading. In International Energy Workshop jointly organized by the Energy Modeling Forum (EMF), International Energy Agency (IEA) and IIASA (pp. 18-20).
  9. Blanchard, O., Criqui, P., & Kitous, A. (2002). After The Hague, Bonn and Marrakech: the future international market for emissions permits and the issue of hot air.
  10. Den Elzen, M. G., & de Moor, A. P. (2002). Evaluating the Bonn—Marrakesh agreement. Climate Policy, 2(1), 111-117. résumé
  11. Jotzo, F., & Michaelowa, A. (2002). Estimating the CDM market under the Marrakech Accords. Climate policy, 2(2-3), 179-196.
  12. Löschel, A., & Zhang, Z. X. (2002) The economic and environmental implications of the US repudiation of the Kyoto Protocol and the subsequent deals in Bonn and Marrakech. Weltwirtschaftliches Archiv, 138(4), 711-746.
  13. Grandjean G (2004) Une Analyse Economique du Marché du Carbone. Center for Operations Research & Econometrics (CORE), Université Catholique de Louvain.
  14. Neelam C. Poudyal, Jacek P. Siry, J.M. Bowker, Quality of urban forest carbon credits Urban Forestry & Urban Greening Volume 10, Issue 3, 2011, Pages 223-230 doi:10.1016/j.ufug.2011.05.005
  15. article 3 quinquies de la directive 2003/87/CE
  16. Eur-Lex (2013), Décision n°377/2013/UE du 24 avril 2013 dérogeant temporairement à la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté européenne, voir déclaration de la commission en fin de texte
  17. Pico L & Daniel L (2018) La finance carbone: De la rĂ©gulation Ă  la spĂ©culation? | Ed : Arnaud Franel
  18. Fortin C (2019) Approche de quantification et de récompense des bénéfices climatiques associés à un projet de séquestration de carbone en milieu forestier: implications pour le marché du carbone québécois | Université de Laval.
  19. Biettlot M (2019) Regards croisés sur le nexus entre les entités humaines et non humaines: Une analyse éco-philosophique de la politique internationale de lutte contre les émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts (Doctoral dissertation, Université d'Ottawa/University of Ottawa)
  20. François, Lettre encyclique Laudato si' : La sauvegarde de la maison commune, Vatican, , 192 p. (lire en ligne), § 171

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie