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Police juive du ghetto

La police juive du ghetto (JĂŒdische Ghetto-Polizei en allemand) ou service d’ordre juif (JĂŒdischer Ordnungsdienst), communĂ©ment appelĂ©e police juive par les Juifs, est une unitĂ© de police mise en place dans les ghettos juifs de l’Europe sous domination nazie, pendant la Seconde Guerre mondiale. Les services d’ordre juifs sont crĂ©Ă©s dans les ghettos Ă  la suite des JudenrĂ€te — les conseils juifs locaux — auxquels ils sont formellement rattachĂ©s ; ils sont dans les faits soumis aux forces allemandes, dont ils appliquent les ordres au sein des ghettos.

Au second plan, plusieurs dizaines de policiers au garde-Ă -vous, sur deux rangs, de face, au fond d'une cour. Au premier plan, un policier de dos, et un autre lui faisant face.
Police juive dans le ghetto de Varsovie, en .

Dans un premier temps chargĂ©s pour l’essentiel de tĂąches bĂ©nĂ©ficiant aux habitants des ghettos (gestion de la circulation, rĂšglement des conflits, surveillance de l’hygiĂšne publique, etc.), ils se voient progressivement confier la responsabilitĂ© de mettre en Ɠuvre le travail forcĂ©, de confisquer les biens des Juifs et de surveiller l’enceinte des ghettos, dĂ©sormais sĂ©parĂ©s du reste de la ville. Dans ce cadre, corruption et extorsions sont omniprĂ©sentes, si bien que les polices juives sont rapidement perçues avec hostilitĂ© par la population.

L’annĂ©e 1942, durant laquelle les dĂ©portations vers les centres d’extermination se multiplient dans le cadre de la Solution finale, marque un tournant pour les polices juives : sous les ordres des nazis, les agents du JĂŒdischer Ordnungsdienst participent aux rafles et aux dĂ©portations, souvent en Ă©change de la promesse d’avoir, ainsi que leur famille, la vie sauve. NĂ©anmoins, la liquidation des ghettos, jusqu’en 1944, est suivie de celle des polices juives : pour la plupart, leurs membres sont in fine exĂ©cutĂ©s sur place ou dĂ©portĂ©s, comme les autres Juifs.

Si les services d’ordre juifs ont trĂšs majoritairement participĂ© aux exactions et aux dĂ©portations, quelques-uns ont collectivement refusĂ© d’y participer, certains policiers ont dĂ©missionnĂ©, ont aidĂ© leurs pairs juifs, voire ont rejoint la rĂ©sistance, souvent au prix de leur vie.

À l’issue de la guerre, les services d’ordre juifs sont haĂŻs par les survivants de la Shoah pour leur participation aux dĂ©portations. Certains de leurs membres — et dans une moindre mesure des conseillers juifs locaux — encore vivants sont convoquĂ©s devant des tribunaux d’honneur juifs organisĂ©s en Europe ou devant des tribunaux civils, notamment en Pologne et en IsraĂ«l. Les polices juives sont dans un premier temps dĂ©peintes comme coupables de collaboration avec les nazis. Le regard ultĂ©rieur des historiens, en particulier Ă  partir des annĂ©es 1990, est davantage nuancĂ© ; ils s’attachent moins Ă  les qualifier moralement (victimes, coupables ou dans une zone grise) qu’à comprendre et dĂ©crire leur rĂ©alitĂ©.

Chronologie

Contexte

Le rĂ©gime nazi et l’Union soviĂ©tique, liĂ©s par le Pacte germano-soviĂ©tique, envahissent la Pologne en 1939, provoquant l’entrĂ©e en guerre de la France et du Royaume-Uni et marquant le dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale. TroisiĂšme Reich et URSS se partagent le territoire polonais : certains territoires de l’Ouest sont annexĂ©s par l’Allemagne, la partie centrale de la Pologne devient le Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne sous domination nazie, tandis que les territoires de l’Est sont annexĂ©s par l’URSS.

DĂšs la fin de l’annĂ©e 1939, l’Allemagne nazie, de maniĂšre essentiellement dĂ©centralisĂ©e, confine les Juifs de Pologne dans des ghettos, de maniĂšre Ă  sĂ©parer strictement les populations juives — en attendant leur expulsion — de celles dites « aryennes », et afin d’exploiter Ă©conomiquement les premiĂšres, essentiellement via le travail forcĂ©[1] - [2].

À partir de , le TroisiĂšme Reich envahit l’URSS avec l’opĂ©ration Barbarossa. Cette invasion conduit les nazis Ă  occuper des territoires polonais de l’Est, qui sont dĂšs lors regroupĂ©s au sein du Reichskommissariat Ostland au Nord (lequel inclut Ă©galement la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie) et du Reichskommissariat Ukraine au Sud. Dans ces anciens territoires soviĂ©tiques dĂ©sormais sous domination nazie, les Allemands crĂ©ent Ă©galement des ghettos juifs, cette fois avec pour but premier l’extermination des Juifs dans le cadre de la Solution finale : les ghettos visent Ă  rassembler la population juive Ă  titre temporaire, en attendant que soient possibles sa dĂ©portation et son Ă©limination dans les centres d’extermination[1] - [2].

Des conseils juifs locaux, les JudenrĂ€te, sont crĂ©Ă©s dĂšs 1939 par les nazis dans les diffĂ©rents ghettos juifs afin d’y servir d’intermĂ©diaires auprĂšs de la population, qu’ils sont chargĂ©s d’administrer selon les ordres allemands. Les conseillers juifs, souvent des notables locaux, sont thĂ©oriquement Ă©lus par la population et en pratique nommĂ©s avec l’accord des forces allemandes[3].

Mise en place

Des hommes se tiennent debout devant la vitrine d’une boutique et regardent dans la direction du photographe. Deux portent des brassards et des casquettes, et l’un d’entre eux brandit un bñton.
Policiers juifs dans le ghetto de ƁódĆș en 1940.

Les services d’ordre juifs (en allemand, JĂŒdischer Ordnungsdienste), appelĂ©s « polices juives » par les Juifs, sont instaurĂ©s dans les diffĂ©rents ghettos Ă  partir de 1940 sur consigne des Allemands, bien qu’aucun ordre Ă©crit en ce sens Ă©manant des autoritĂ©s centrales nazies n’ait Ă©tĂ© retrouvĂ©[4]. Les JĂŒdische Ordnungsdienste sont chargĂ©s de maintenir l’ordre dans le ghetto et d’y faire appliquer les dĂ©cisions allemandes, notamment en matiĂšre d’exploitation Ă©conomique — travail forcĂ©, impĂŽts, confiscation de biens, etc.[5] - [6] - [7].

Un homme en veste de costume Ă  rayures et cravate, coiffĂ© d’un kĂ©pi dotĂ© d’une Ă©toile de David et portant un brassard sur lequel est lisible une partie du mot Ordnungsdienst pose face au photographe, dans l’embrasure d’une porte, entourĂ© de trois hommes plus ĂągĂ©s et d’un enfant.
Membre du JĂŒdischer Ordnungsdienst du ghetto de TomaszĂłw Mazowiecki (Pologne), date inconnue.

La mise en place des polices juives accompagne la constitution des ghettos[8]. Ainsi, Ă  ƁódĆș, l’ordre de constituer un service d’ordre juif intervient une dizaine de jours aprĂšs celui de crĂ©ation du ghetto[8] et deux mois avant son isolement effectif du reste de la ville, en p. 180)_9-0">[9] ; Ă  Varsovie, cet ordre intervient en , deux semaines environ avant celui Ă©tablissant le ghetto[10] (la police est effectivement mise en place fin novembre, deux semaines aprĂšs que le ghetto a Ă©tĂ© verrouillĂ©[4]) ; Ă  LwĂłw, la crĂ©ation de la force de police est ordonnĂ©e en mĂȘme temps que le ghetto est constituĂ©, le [11] ; Ă  Radom, l’ordre d’instaurer un JĂŒdischer Ordnungsdienst prĂ©cĂšde d’une semaine l’établissement du ghetto, en [8] ; Ă  Częstochowa, il suit d’une dizaine de jours celui de crĂ©ation du ghetto, en [8] - [12] ; Ă  Kolomya, il suit de trois jours l’instauration du ghetto en [13].

Insigne argentĂ©e pentagonale, avec en son centre une Ă©toile de David, et sur son pourtour l’inscription allemande « Ordnungsdienst » et celle en polonais « SƂuĆŒba porządkowa ».
Insigne de la police juive du ghetto de Częstochowa.

À propos du ghetto de Cracovie, l’historienne Alicja Jarkowska-Natkaniec Ă©crit : « La crĂ©ation du Judenrat et d’une force responsable du maintien de l’ordre et de l’hygiĂšne publique dans le quartier juif Ă©pargna aux Allemands la peine de crĂ©er leur propre systĂšme administratif«_The_creation_of_the_Judenrat_and_a_force_responsible_for_maintaining_order_and_sanitation_in_the_Jewish_quarter_saved_the_Germans_the_trouble_of_creating_their_own_system_of_administration._»_14-0">[14] ».

À l’inverse des JudenrĂ€te, imposĂ©s par les forces occupantes mais qui s’inscrivent dans la continuitĂ© d’organisations locales juives d’avant-guerre (notamment les kehillot)[15], les services d’ordre juifs sont des organisations sans prĂ©cĂ©dent dans les communautĂ©s juives locales, relĂšve l’historien israĂ©lien[16] Aharon Weiss[17]. Dans certains cas nĂ©anmoins, les services d’ordre sont crĂ©Ă©s Ă  partir de milices prĂ©existantes, quoique postĂ©rieures au dĂ©but de l’occupation[18]. Ainsi, dans le ghetto de Varsovie en devenir, la mise en place du JĂŒdischer Ordnungsdienst en s’appuie sur un « service de sĂ©curitĂ© du bataillon du travail » constituĂ© par le Judenrat en pour rĂ©pondre aux quotas de travailleurs forcĂ©s Ă©tablis par les Allemands ; il surveille aussi la construction de l’enceinte du ghetto quelques mois plus tard[19] - [20]. Des milices prĂ©existent Ă©galement Ă  Częstochowa et Ă  Kovno : respectivement la Inspekcja Ruchu Ulicznege (IRU), chargĂ©e de contrĂŽler la circulation des Juifs dans les rues, et l’Ordnunsgruppe, qui protĂšge l’équivalent local du Judenrat[21] - [18].

Les Allemands donnent pour consignes — diversement respectĂ©es — de recruter dans les JĂŒdischer Ordnungsdienste des jeunes qui soient sportifs, aient une expĂ©rience militaire et soient diplĂŽmĂ©s[5] - [6] - [22].

La crĂ©ation de ces services d’ordres, formellement placĂ©s sous la coupe des JudenrĂ€te, suscite des craintes au sein de ces derniers. Dans un certain nombre de cas, afin de s’assurer un contrĂŽle effectif sur la police juive et de veiller Ă  sa respectabilitĂ©, les conseils juifs locaux cherchent Ă  maĂźtriser le recrutement des effectifs policiers[6] - [23], qui leur est gĂ©nĂ©ralement confiĂ©, bien que les Allemands (notamment la Gestapo) nomment Ă©galement d’autoritĂ© certains policiers[24] - [25] — Ă  Thessalonique, en GrĂšce, le chef de la police juive est ainsi dĂ©signĂ© par les Allemands et prend ses ordres auprĂšs de la Gestapo[26] - [27]. Dans plusieurs ghettos, le Judenrat place ses membres Ă  la tĂȘte de la police juive[28] ; c’est notamment le cas dans les ghettos de Lublin, Pabianice, Skierniewice, ƻóƂkiew, Ć»arki ainsi que dans ceux de Sosnowiec et de l’Est de la Haute-SilĂ©sie, dont la direction des conseils locaux supervise aussi les polices juives[28] - [29].

La police juive est parfois le bras exĂ©cutif, obĂ©issant, du Judenrat — c’est entre autres le cas dans les ghettos de Kovno, ƁódĆș[30] et, dans un second temps, BiaƂystok[31] - [29] —, tandis que dans d’autres ghettos, la police juive agit indĂ©pendamment de celui-ci (par exemple, Ă  Vilnius[32]) voire en prend Ă  terme le contrĂŽle : Ă  Otwock par exemple, le commandant de la police, servile, est nommĂ© Ă  la tĂȘte du Judenrat par les Allemands lors de la liquidation du ghetto ; dans le ghetto de Nowy Sącz, c’est un criminel notoire qui dirige la police avec l’approbation des nazis et il obtient la direction du conseil juif local aprĂšs la dĂ©portation du [33]. Les forces allemandes encouragent ces configurations lorsque les JudenrĂ€te se montrent peu enclins Ă  exĂ©cuter les ordres reçus[34].

Officiellement rattachĂ©s au Judenrat, les services d’ordre juifs sont cependant Ă©galement soumis Ă  la supervision des autoritĂ©s administratives allemandes, des Schutzstaffel (SS) et, dans les ghettos du Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne, de la police bleue (policja granatowa en polonais ; surnom destinĂ© Ă  la distinguer de la police polonaise d’avant-guerre[10]), par exemple Ă  Częstochowa ou Cracovie[29] - [22] - [25]. Ils sont parfois placĂ©s directement ou indirectement sous les ordres de l’Ordnungspolizei (Orpo) : la police du ghetto de Kielce rĂ©pond ainsi Ă  la Schutzpolizei (et Ă  la Gestapo)[31] et celle de Varsovie Ă  la police bleue elle-mĂȘme subordonnĂ©e Ă  l’Orpo[35].

Évolution des prĂ©rogatives

Vu de profil, un homme, coiffĂ© d’un kĂ©pi et dotĂ© d’un brassard, assure la circulation avec un bĂąton blanc sur une place pavĂ©e. Un tramway (sur lequel est peinte une Ă©toile de David et qui porte l’inscription « MuranĂłw » et une automobile circulent devant lui. À l’arriĂšre-plan passent des piĂ©tons et cyclistes.
Un policier juif fait la circulation dans le ghetto de Varsovie, le .

Le pĂ©rimĂštre et la nature des prĂ©rogatives des polices juives varient d’un ghetto Ă  l’autre[22]. L’historien Aharon Weiss distingue cependant trois grands types de missions qui leur sont confiĂ©es[36] :

  • les missions qui dĂ©coulent des ordres allemands (directs ou par l’intermĂ©diaire du Judenrat) ;
  • les missions dĂ©cidĂ©es par le Judenrat lui-mĂȘme ;
  • les missions issues des besoins de la communautĂ© juive.

En plus de l’application des consignes allemandes, les polices juives effectuent donc d’autres missions Ă  la demande du Judenrat ou selon les besoins de la population. Ces missions tournĂ©es vers le bien-ĂȘtre de la population (contrĂŽle de la circulation, rĂšglement des conflits, contrĂŽle de la propretĂ©, etc.) priment dans un premier temps[37] ; elles constituent par exemple le quotidien des policiers du ghetto de Varsovie[38].

Au premier plan, de face, un policer allemand. Au second plan, toujours de face, un policier allemand et un policier juif, avec Ă  leur gauche l’extrĂ©mitĂ© d’une palissade. DerriĂšre eux, sur une place, une foule compacte ainsi qu’une carriole tractĂ©e par un cheval. En arriĂšre-plan, des immeubles.
Les polices juive et allemande gardent l’une des entrĂ©es du ghetto de ƁódĆș, circa 1941.

Rapidement cependant, les Allemands (directement ou via les JudenrÀte) tendent à imposer davantage de missions, notamment répressives, aux polices juives : contrÎle des prix, prélÚvement de taxes, etc.[36] - [22].

DĂšs 1940, les services d’ordre juifs sont chargĂ©s de seconder les Allemands pour mettre en Ɠuvre les travaux forcĂ©s, en sĂ©lectionnant des individus Ă  cette fin puis en les escortant jusqu’à leur lieu de travail Ă  l’extĂ©rieur du ghetto, ce qui n’est pas sans consĂ©quence sur leur perception par les populations[22] - [36]. En , dans le ghetto de Kovno, dans le Reichskommissariat Ostland (plus prĂ©cisĂ©ment en Lituanie), la police juive — sous les ordres de l’Arbeitsamt (l’équivalent local du Judenrat), lequel a l’obligation de remplir les quotas de travailleurs fixĂ©s par les Allemands — participe ainsi Ă  l’envoi de plusieurs centaines de Juifs vers le ghetto de Riga Ă  des fins de travail forcĂ©[39] - [40]. Des policiers Ă©crivent[39] :

« Tout le sale travail, le recrutement des gens et leur transfert en prison, incomba, comme toujours, à la police. Il est [évident] que personne ne voulait, de son propre gré, se rendre dans un endroit inconnu. Il fallut les recruter de force. Il y eut de nombreux cas de résistance, de combat et de désobéissance, pour lesquels les gens furent aussi punis. »

Dans la majoritĂ© des ghettos, la police juive est Ă©galement investie d’un pouvoir de sanction judiciaire : c’est usuellement le commandant qui prononce les sanctions (amendes, incarcĂ©ration
) ; il arrive Ă©galement que les services d’ordre soient forcĂ©s d’exĂ©cuter des Juifs sur ordre de tribunaux allemands[39] - [41].

Toujours avec des disparitĂ©s d’un ghetto Ă  l’autre, les activitĂ©s de police visant Ă  amĂ©liorer ou protĂ©ger le bien-ĂȘtre des populations reculent donc progressivement pour laisser la place Ă  des opĂ©rations essentiellement rĂ©pressives, avec un tournant majeur en 1942[42].

Participation à la déportation

De nombreuses personnes montent dans des wagons. Un policier juif, avec sa casquette et son brassard, marche le long de la foule.
Sur l’Umschlagplatz de Varsovie, lors de la « grande action » de l’étĂ© 1942, embarquement des Juifs dans des wagons, en prĂ©sence d’un policier.

La mise en place de la Solution finale, en 1942, ouvre une pĂ©riode nouvelle pour les polices juives, sommĂ©es de participer Ă  la dĂ©portation (et parfois Ă  la sĂ©lection) des Juifs vers les centres d’extermination[22].

Le but initial des nazis est de faire reposer les opĂ©rations de dĂ©portation dans les ghettos sur les JĂŒdische Ordnungsdienste, afin d’épargner physiquement et moralement les troupes allemandes. Face au manque d’efficacitĂ© de ceux-ci, nĂ©anmoins, les autoritĂ©s nazies prennent la main sur les opĂ©rations, tout en persistant Ă  impliquer les services d’ordre[43].

Une vingtaine d’hommes sont assis au sol ou sur leurs bagages, entourĂ©s de paquets, en extĂ©rieur. Plusieurs policiers, avec des brassards et des kĂ©pis, les entourent, debout. En arriĂšre-plan, quelques immeubles.
Des policiers juifs surveillent des Juifs rassemblĂ©s dans la prison centrale du ghetto de ƁódĆș, en , en vue de leur dĂ©portation au centre d'extermination de CheƂmno.

Le degrĂ© de participation des policiers juifs Ă  la dĂ©portation varie d’un ghetto Ă  l’autre, probablement en fonction des ordres des autoritĂ©s allemandes locales et de la posture de chaque police juive. Certains services d’ordre assistent les SS ou la police locale, tandis que d’autres participent eux-mĂȘmes Ă  la sĂ©lection des Juifs Ă  dĂ©porter, les escortent jusqu’aux wagons devant les convoyer vers les camps d’extermination, voire pourchassent et dĂ©nichent ceux qui tentent d’échapper Ă  la dĂ©portation en se cachant dans le ghetto[43]. Une survivante du ghetto de BorysƂaw, Gina Wieser, tĂ©moigne ainsi en 1945 : « Notre police juive s’est pliĂ©e en quatre pour rendre service aux Allemands pendant les rafles et a livrĂ© tous les Juifs qu’elle a pu trouver. Elle a appris aux Allemands Ă  fouiller les bunkers et les abris, creuser sous le sol et Ă  dĂ©molir les murs »[44]. Des cas de chantage ont Ă©tĂ© documentĂ©s dans plusieurs ghettos, oĂč des policiers Ă©vitent la dĂ©portation Ă  d’autres Juifs contre paiement[45].

Pour s’assurer de l’obĂ©issance des membres du JĂŒdische Ordnungsdienste, les forces allemandes manient la peur et comptent sur leur instinct de survie. Des policiers sont rĂ©guliĂšrement exĂ©cutĂ©s sommairement par les forces allemandes en reprĂ©sailles de dĂ©lits commis par la population — ou menacĂ©s de l’ĂȘtre s’ils sont jugĂ©s inefficaces[46] — ce qui contribue Ă  les terroriser[43] - [47]. Par ailleurs, il leur est promis qu’eux et leurs familles seront Ă©pargnĂ©s lors des dĂ©portations[37] - [43]. En , Ă  ƁódĆș, GĂŒnter Fuchs, de la Gestapo, menace ainsi de dĂ©portation les enfants des policiers juifs si ces derniers rechignent Ă  rafler les autres enfants du ghetto[30]. Certains policiers, en plus d’obĂ©ir, tĂąchent de prouver leur efficacitĂ© Ă  l’occupant en faisant preuve de cruautĂ© et de brutalitĂ© Ă  l’égard des autres habitants du ghetto[43]. À l’inverse, Oskar Rosenfeld relate dans son journal de bord le cas d’un policier juif de ƁódĆș qui a Ă©tĂ© fouettĂ© par un Allemand pour s’ĂȘtre comportĂ© de façon trop « humaine » avec les dĂ©portĂ©s[30].

Plusieurs historiens, pour expliquer la participation des policiers juifs aux rafles et dĂ©portations, soulignent la croyance bien ancrĂ©e selon laquelle la dĂ©portation aurait Ă©tĂ© pire, davantage brutale, si elle avait menĂ©e par les Allemands ; dĂšs lors, il apparaĂźt Ă  des policiers comme un moindre mal de la mener eux-mĂȘmes[48] - [49]. Certains membres de la police juive dĂ©peignent eux-mĂȘmes leur violence comme un moyen d’éviter l’intervention des Allemands dans le ghetto, et donc comme une maniĂšre de protĂ©ger les Juifs de l’oppresseur[50]. Ainsi en est-il dans le ghetto de ƁódĆș, lorsque le prĂ©sident du Judenrat Chaim Rumkowski, qui commande la police juive, confrontĂ© Ă  l’ordre des Allemands de « relocaliser » (en rĂ©alitĂ© dĂ©porter vers le centre d'extermination de CheƂmno) 20 000 Juifs en , puis de dĂ©porter des enfants en , estime qu’il est prĂ©fĂ©rable que la police juive s’en charge afin d’éviter la brutalitĂ© et l’arbitraire d’une intervention de la police allemande, indique l’historienne allemande Andrea Löw. Les policiers juifs de ƁódĆș forcent nĂ©anmoins les trĂšs nombreux rĂ©calcitrants Ă  les accompagner, avec brutalitĂ©, lors de vĂ©ritables rafles[30].

Individuellement ou collectivement, des policiers refusent nĂ©anmoins d’obĂ©ir, tentent d’aider la population, quittent la police ou rejoignent la rĂ©sistance[51] (cf. infra).

Liquidation des polices juives

Les promesses faites aux policiers par les autoritĂ©s allemandes sont dans la plupart des cas trahies : « La police juive ne fut Ă©pargnĂ©e qu’aussi longtemps que son aide Ă©tait requise », Ă©crit l’archiviste et historien amĂ©ricain d’origine polonaise Isaiah Trunk«_The_ghetto_police_were_spared_only_for_as_long_as_their_assistance_was_required._»_52-0">[52]. Lors de la liquidation des ghettos (1942-1943), la plupart des policiers, ainsi que leurs familles, sont tuĂ©s sur place ou dĂ©portĂ©s vers les centres d’extermination ; tout au plus ceux du ghetto de Siedlce sont-ils acheminĂ©s vers les camps d’extermination dans un wagon sĂ©parĂ© du reste de la population[22] - [37] - [43] - [53]. À PrzedbĂłrz, dans le Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne, huit policiers juifs (et un membre du Judenrat) se voient ainsi promettre par les Allemands d’avoir la vie sauve mais, le , la liquidation du ghetto terminĂ©e, ils sont abattus sur place[54] ; Ă  Drohobytch (Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne, aujourd'hui en Ukraine), les policiers sont assassinĂ©s une quinzaine de jours aprĂšs la liquidation du ghetto[55].

Lorsque la liquidation des ghettos se fait par Ă©tapes successives, comme c’est le cas Ă  Varsovie, Cracovie ou Lublin, l’effectif policier est gĂ©nĂ©ralement amputĂ© Ă  chaque Ă©tape, une partie Ă©tant dĂ©portĂ©e, tandis que l’autre croit aux promesses de survie[22] - [43]. Ainsi dans le ghetto de Lublin, lors de la premiĂšre dĂ©portation, en , 35 des 113 policiers juifs se voient promettre qu'ils demeureront en service de maniĂšre permanente ; ils sont cependant exĂ©cutĂ©s ou dĂ©portĂ©s en novembre de la mĂȘme annĂ©e[43]. À Cracovie, la liquidation finale du ghetto intervient en : une partie des Juifs est assassinĂ©e sur place, d’autres sont dĂ©portĂ©s Ă  Auschwitz, d’autres encore dĂ©placĂ©s au camp de travail voisin de PƂaszĂłw, tandis que la police demeure pour « nettoyer » le ghetto ; le , la plupart des policiers sont assassinĂ©s avec leur famille, tandis que le reste continue Ă  officier au sein du camp de PƂaszĂłw, qui sera Ă  son tour liquidĂ© Ă  partir de [56]. AprĂšs la liquidation des ghettos, de nombreux membres des services d’ordre qui ont Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s de la sorte dans des camps, avec les autres survivants de leur ghetto, y demeurent policiers ou y occupent des postes d’encadrement[57].

Photographie en noir et blanc d’un jeune homme brun à lunettes.
Calel Perechodnik dans les années 1930.

Calel Perechodnik, policier juif du ghetto d'Otwock, qui y a participĂ© aux opĂ©rations de dĂ©portation en , narre dans Suis-je un meurtrier ? comment il a alors lui-mĂȘme accompagnĂ© sa femme et sa fille sur la place centrale du ghetto d’Otwock aprĂšs qu’on lui a promis qu’elles seraient Ă©pargnĂ©es — elles sont en rĂ©alitĂ© toutes les deux dĂ©portĂ©es au centre d'extermination de Treblinka[58]. Il dĂ©crit Ă©galement l’état d’esprit de ses collĂšgues dont les compagnes viennent d’ĂȘtre dĂ©portĂ©es : « La souffrance ennoblissait le cƓur de certains qui compatissaient Ă  celle de tous les Juifs sans exception et les aidaient sans contrepartie. D’autres, rendus amers, cherchaient et trouvaient consolation dans les malheurs d’autrui[59] - [60]. »

Tribunaux d’honneur et perception aprùs la guerre

Au terme de la guerre, des policiers juifs et — dans une moindre mesure, souligne Isaiah Trunk — des membres des conseils juifs locaux sont accusĂ©s par les survivants d’avoir eu une position privilĂ©giĂ©e durant l’occupation, d’avoir brutalisĂ© leurs frĂšres juifs et d’avoir collaborĂ© avec les nazis.

Certains policiers sont jugĂ©s par des tribunaux. C’est notamment le cas en IsraĂ«l — oĂč la justice examine Ă©galement le cas de kapos et membres des JudenrĂ€te[61] —, en Pologne[62] - [56] et dans les pays intĂ©grĂ©s aprĂšs-guerre Ă  l’Union soviĂ©tique[63].

Plusieurs dizaines de policiers sont prĂ©sentĂ©s (ou, plus rarement, se prĂ©sentent eux-mĂȘmes pour ĂȘtre rĂ©habilitĂ©s) devant les tribunaux d’honneur juifs[62] ; ceux-ci jugent aussi des kapos juifs — les prisonniers chargĂ©s par les nazis d’encadrer leurs pairs dans les camps de concentration et, dans une moindre mesure, des membres des JudenrĂ€te[64] - [65]. Ces tribunaux d’honneur sont constituĂ©s sous divers noms dans plusieurs pays europĂ©ens, notamment dans des camps de personnes dĂ©placĂ©es en Allemagne et en Italie, dans lesquels prĂ©vaut au sein de la communautĂ© juive l’idĂ©e selon laquelle il est de son ressort de juger les crimes commis par des Juifs contre d'autres Juifs, notamment afin d’éviter toute manipulation antisĂ©mite[66]. Ils sont gĂ©nĂ©ralement prĂ©sidĂ©s par des survivants Ă  la Shoah et peuvent prononcer des peines allant de l’interdiction d’occuper des fonctions officielles dans les institutions juives Ă  l’exclusion de la communautĂ© juive[67] - [56]. En Pologne, un tribunal d’honneur, le Tribunal civil (en polonais, Sądy spoƂeczne) est crĂ©Ă© en 1946 par le ComitĂ© central des Juifs en Pologne (CCJP) aprĂšs que MichaƂ Weichert, un Juif de Cracovie accusĂ© de collaboration et considĂ©rĂ© comme un traitre par le CCJP, a Ă©tĂ© acquittĂ© par une cour d'État ; la premiĂšre personne poursuivie par la nouvelle instance est un membre du service d’ordre du ghetto de Varsovie, Shepsl Rotholc[68] - [69] - [70]. En Allemagne, dans la zone occupĂ©e par les États-Unis, des tribunaux d’honneur locaux Ă©mergent en 1945, puis le ComitĂ© central des Juifs libĂ©rĂ©s crĂ©e Ă  Munich un Tribunal d’honneur central en , lequel jugera notamment deux anciens membres de la police juive de Kovno ; dans la zone soviĂ©tique, un tribunal d’honneur est crĂ©Ă© fin 1945[71].

La question posĂ©e, plus encore pour les polices juives que pour les conseils locaux, est celle de la collaboration avec les nazis : il s’agit alors d’évaluer s’ils ont « agi sous la contrainte et s’ils auraient pu se soustraire au service », Ă©crit l’historienne polonaise Katarzyna Person«_From_the_postwar_perspective,_the_main_issue_in_assessing_the_behavior_of_police_functionaries_was_to_determine_to_what_extent_they_acted_under_duress_and_whether_they_could_have_evaded_the_service._»_72-0">[72]. Ni les tribunaux d’honneur — Ă  l'exception notable du Tribunal civil polonais mis en place par le CCJP[73] — ni la justice israĂ©lienne (qui s’appuie sur une loi votĂ©e par le parlement) ne considĂšrent la simple appartenance aux services d’ordres juifs comme condamnable, eu Ă©gard Ă  la grande diversitĂ© des situations[74] - [75] - [76]. En IsraĂ«l, la loi votĂ©e par la Knesset en 1950 considĂšre que n’est pas coupable celui qui applique les ordres allemands lorsque les refuser lui fait courir un risque imminent de mort[77]. Des interprĂ©tations diffĂ©rentes interviennent entre les juges de district et ceux de la Cour suprĂȘme quant Ă  savoir si la participation des polices juives Ă  la mise en Ɠuvre du travail forcĂ© est sanctionnĂ©e par la loi[78].

Les policiers accusĂ©s se dĂ©fendent pour la plupart en affirmant n’avoir pas participĂ© aux dĂ©portations et autres exactions, Ă  l’inverse de leurs collĂšgues ; ceux qui admettent leur participation Ă©voquent un simple rĂŽle destinĂ© Ă  donner le change et affirment avoir sauvĂ© des Juifs ou aidĂ© la rĂ©sistance, ou bien encore expliquent n’avoir Ă©tĂ© que des rouages d’une machine qui les dĂ©passait[79].

Certains policiers, accusĂ©s par de nombreux survivants, sont reconnus coupables ; d’autres ne sont pas condamnĂ©s par manque de preuves et tĂ©moignages ou parce qu’ils ont Ă©migrĂ© ; d’autres encore sont innocentĂ©s et voient reconnus leurs efforts pour aider autant que possible les Juifs — un tribunal d’honneur loue mĂȘme l’attitude de l’ensemble de la police du ghetto de BiaƂystok qui a refusĂ© de participer aux rafles prĂ©cĂ©dant la dĂ©portation[22] - [80].

Quant Ă  l’URSS, les historiens français Alain Blum, Thomas Chopard et Emilia Koustova consacrent une Ă©tude Ă  quinze membres des JĂŒdischer Ordnungsdienst des ghettos lituaniens qui ont Ă©tĂ© jugĂ©s par les tribunaux soviĂ©tiques aprĂšs la guerre. Ils distinguent deux grandes pĂ©riodes. De la LibĂ©ration Ă  la fin des annĂ©es 1940, les investigations, menĂ©es Ă  charge, se concentrent sur une minoritĂ© de policiers, dont les actions violentes sont envisagĂ©es sous un prisme individuel, sans analyse du contexte — la vie dans les ghettos —, ni prise en compte des contraintes qui pesaient sur eux. Au tournant des annĂ©es 1950, dans un contexte rĂ©pressif marquĂ© par un regain de l’antisĂ©mitisme stalinien (chasse aux sionistes, aux « cosmopolites »), certains anciens policiers sont accusĂ©s d’ĂȘtre des ennemis de l’Union soviĂ©tique, par exemple pour leur appartenance Ă  l’Union of Jewish Fighters for Lithuanian Independence durant l’entre-deux-guerres. Leur participation passĂ©e aux polices juives n’est pas le cƓur de l’accusation : elle fait figure d’argument supplĂ©mentaire pour dĂ©montrer qu’ils sont des Juifs « fascistes » ou « chauvinistes » ; indĂ©pendamment de leurs actes effectifs — voire en inventant des accusations absentes des tĂ©moignages des survivants —, leur appartenance aux JĂŒdischer Ordnungsdienst permet de les dĂ©peindre sous les traits stĂ©rĂ©otypĂ©s d’individus sadiques et brutaux[63].

Si les polices juives ont Ă©tĂ© dĂ©crites trĂšs sĂ©vĂšrement au sortir de la guerre, leur analyse ultĂ©rieure par les historiens, comme pour les conseils juifs, est plus nuancĂ©e, relĂšve l’historienne Katarzyna Person[81]. Selon l’historien français Georges Bensoussan, les services d’ordre se retrouvent d’emblĂ©e enfermĂ©s dans le mĂȘme piĂšge que les conseils juifs locaux, dĂ©sireux d’Ɠuvrer Ă  la survie des Juifs : celui de l’accommodement aux ordres allemands — et lorsque « la police juive du ghetto se fait l’auxiliaire des assassins, l’accommodement vire au pire »[82]. « Les procĂšs, Ă©crit Isaiah Trunk, ont mis Ă  nu les racines profondes de la fragilitĂ© et de la dĂ©gradation humaines, notamment la perfidie du rĂ©gime nazi dans les ghettos et les camps pour duper ses collaborateurs«_The_trials_exposed_deep_roots_of_human_frailty_and_degradation,_including_the_perfidy_of_the_Nazi_regime_in_the_ghettos_and_camps_in_luring_their_collaborators._»_83-0">[83] ». Paul R. Batrop souligne qu’« il est parfois difficile de porter un jugement sur la police juive du ghetto. Dans une large mesure, ils se situent dans une « zone grise » similaire Ă  celle dans laquelle tombent les dirigeants et membres des JudenrĂ€te pour lesquels ils travaillaient »«_It_is_sometimes_difficult_to_pass_judgment_on_the_Jewish_ghetto_police._To_a_large_degree_they_fall_into_a_similar_"gray_zone"_as_the_leaders_and_members_of_the_''JudenrĂ€te''_for_whom_they_worked._»_84-0">[84]. L’historienne allemande Andrea Löw, dans une Ă©tude sur le ghetto de ƁódĆș, Ă©voque Ă©galement la « zone grise » dĂ©crite par l’écrivain italien et survivant Ă  la Shoah Primo Levi (pour qualifier la situation des kapos, les prisonniers des centres d’extermination qui ont secondĂ© les nazis[85]) et souligne que la participation aux polices juives dĂ©coule avant tout d’une volontĂ© de survivre au ghetto[30].

Caractéristiques

Brassard en tissu beige sur lequel est cousue une Ă©toile de David bleue et est portĂ©e la mention « JĂŒdische Ghetto Polizei » en lettres capitales noires.
Brassard d’un policier juif du ghetto de Varsovie.

Rémunération et avantages

Les policiers de certains ghettos (par exemple Lublin ou Pabianice) sont normalement rĂ©munĂ©rĂ©s par le Judenrat, quoique les salaires soient dans bien des cas irrĂ©guliers ; dans les autres ghettos, aucune rĂ©munĂ©ration n’est prĂ©vue[22] - [86].

Des privilĂšges sont toutefois octroyĂ©s aux membres de la police juive du ghetto, notamment l’exemption de travaux forcĂ©s, la rĂ©ception de rations alimentaires plus importantes, l’exonĂ©ration de certaines taxes et la promesse — souvent trahie — d’échapper, ainsi que leur famille, aux dĂ©portations[87].

L’absence ou la faiblesse de la rĂ©munĂ©ration est rĂ©putĂ©e avoir entraĂźnĂ© des difficultĂ©s de recrutement dans certains ghettos, avoir encouragĂ© la candidature d’individus jugĂ©s peu recommandables et avoir participĂ© Ă  l’omniprĂ©sence de la corruption dans les rangs de la police. En situation de pouvoir et affectĂ©s pour certains Ă  la garde de l’enceinte du ghetto, les policiers peuvent en effet tirer profit de la contrebande et spolier les autres Juifs[87] - [22].

Équipement

Une douzaine d’hommes, chacun tenant une bicyclette Ă  sa droite, est alignĂ©e. Dans le prolongement, en arriĂšre-plan, d’autres policiers juifs se tiennent debout, en rangs.
Policiers Ă  bicyclette du ghetto de Varsovie, en .

Les membres de la police juive ne portent pas d’uniformes officiels harmonisĂ©s. Ils sont gĂ©nĂ©ralement dotĂ©s d’un brassard d’identification, d’un chapeau et d’un insigne, identiques au sein d’un ghetto mais variables d’un ghetto Ă  l’autre ; ils arborent cependant tous une Ă©toile de David[86]. Certains portent Ă©galement leur matricule, voire leur grade[86]. Ils sont Ă©quipĂ©s de matraques ou bĂątons, en bois ou en caoutchouc, mais ne sont pas autorisĂ©s Ă  porter d’armes Ă  feu[86] - [5]. Quelques-uns sont Ă©quipĂ©s de vĂ©los, par exemple les agents chargĂ©s des communications dans le ghetto de Varsovie[88].

Effectifs

En extĂ©rieur, vus de trois-quart, deux rangs d’hommes, Ă  raison d’une dizaine par rang, immobiles, debout. Ils portent des casquettes et une Ă©toile de David sur la poitrine.
Membres de la police juive du ghetto de ƁódĆș, en ou .

Les effectifs de police sont uniquement composĂ©s d’hommes, Ă  quelques exceptions prĂšs (ƁódĆș, entre et [30], et Vilnius comportĂšrent notamment des effectifs fĂ©minins)[89]. Les policiers sont d’origines sociales diverses, avec des niveaux d’étude et des professions variables, mais un niveau d’éducation gĂ©nĂ©ralement supĂ©rieur Ă  la moyenne : on y trouve d’anciens commerçants comme des artisans, ainsi qu'un certain nombre d’anciens soldats et d’avocats[90]. En outre, notamment en raison de la corruption pour y entrer, certains dĂ©linquants et criminels parviennent Ă  l’intĂ©grer, dans le but d’en tirer des bĂ©nĂ©fices personnels[22] - [90] - [20].

Dans certains ghettos (par exemple Ă  Kovno[39]), les policiers sont essentiellement des rĂ©sidents locaux, tandis que dans d’autres figurent (y compris Ă  la tĂȘte de la police) de nombreux rĂ©fugiĂ©s d’autres villes ou pays, parfois nommĂ©s par les Allemands[91]. Selon l’historien Aharon Weiss, au sein d’un Ă©chantillon de cent ghettos du Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne, la majoritĂ© des commandants de police n’était pas impliquĂ©e dans la vie publique locale d’avant-guerre, Ă  l’inverse des JudenrĂ€te composĂ©s essentiellement de figures publiques juives bien connues localement[92].

Les effectifs varient selon la taille des ghettos, et augmentent Ă  l’approche des dĂ©portations, lorsqu'il faut de la main-d’Ɠuvre pour les mener, avant de diminuer de nouveau aprĂšs, quand certains policiers dĂ©missionnent, sont exĂ©cutĂ©s ou dĂ©portĂ©s[93]. La plus grande unitĂ© de police juive se trouve dans le ghetto de Varsovie, qui accueille plus de 300 000 personnes : elle compte jusqu’à environ 2 300 agents[93]. Le ghetto de ƁódĆș dĂ©nombre quant Ă  lui environ 1 200 agents, le ghetto de LwĂłw 500[94] et le ghetto d'Otwock une centaine[95].

Organisation

Un policier debout se tient dans l’embrasure d’une porte. À sa droite, une plaque sur le mur extĂ©rieur indique (en allemand puis en polonais) : « Service d’ordre du Judenrat de Varsovie, gestion du quatriĂšme arrondissement ».
Un policier Ă  l’entrĂ©e du commissariat du quatriĂšme arrondissement du ghetto de Varsovie.

La police juive est hiĂ©rarchisĂ©e : Ă  sa tĂȘte, un commandant, nommĂ© en allemand Leiter des OD (« OD » signifie Ordnungsdienst, « service d’ordre » et Leiter signifie « chef » ou « dirigeant ») ou Chef der Ghettopolizei ; il est assistĂ© d’un adjoint. Selon la taille du ghetto et de sa police, des postes de police sont installĂ©s dans les diffĂ©rents quartiers ; chacun est dotĂ© d’un responsable et comporte Ă©ventuellement des subdivisions et une hiĂ©rarchie subalterne. À Varsovie par exemple, le plus grand ghetto juif, chaque commissariat de quartier comporte un commandant assistĂ© de deux adjoints, Ă  la tĂȘte de (notamment) trois pelotons d’une cinquantaine d’hommes, chacun sous la direction d’un commandant adjoint de quartier et divisĂ© en groupes de douze hommes, eux-mĂȘmes dotĂ©s d’un responsable et subdivisĂ©s en sections[88].

Photo en noir et blanc reprĂ©sentant plusieurs dizaines d’hommes coiffĂ©s de casquettes, matraque Ă  la main, avançant en rangs de trois, dans une rue pavĂ©e.
Policiers juifs du ghetto de Varsovie, circa 1941.

Dans les ghettos de taille moyenne et grande, la police comporte divers services spĂ©cialisĂ©s : unitĂ© chargĂ©e du travail forcĂ©, contrĂŽle de l’hygiĂšne publique et lutte contre les Ă©pidĂ©mies, surveillance de la prison, brigade criminelle, gardiens de l’enceinte du ghetto, dĂ©fense anti-aĂ©rienne (Ă  Varsovie[96]), etc.[97].

Des unitĂ©s de lutte contre l’incendie sont crĂ©Ă©es dans plusieurs ghettos, oĂč elles sont tantĂŽt rattachĂ©es au conseil juif local, tantĂŽt Ă  la police. Leurs membres sont Ă©galement amenĂ©s Ă  endosser des missions de police dans certains ghettos ; des documents en tĂ©moignent Ă  Kovno, ƁódĆș et Zelechow[98].

Corruption

Une charrette est remplie de cadavres squelettiques d’enfants. Trois hommes l’entourent, dont au moins un porte une casquette de policier ; un autre porte un cadavre dans ses bras.
La police juive du ghetto de Varsovie transporte des corps Ă©maciĂ©s d’enfants morts.

La corruption est omniprĂ©sente dans les services d’ordre juifs et elle est souvent dĂ©noncĂ©e dans les tĂ©moignages d’habitants des ghettos[99] - [37].

Elle est de maniĂšre gĂ©nĂ©rale favorisĂ©e par l’état de dĂ©nuement et de famine qui prĂ©vaut dans les ghettos, relĂšve l’historien Isaiah Trunk ; chez les policiers, elle est plus encore rĂ©pandue du fait de leur situation de pouvoir, de leurs contacts avec les Allemands et la police polonaise locale (possibilitĂ© concrĂšte de marchander avec eux et influence dĂ©lĂ©tĂšre de ces derniers sur l’éthique des policiers) et enfin, comme relevĂ© prĂ©cĂ©demment, de la prĂ©sence en leur sein d’individus cherchant Ă  tirer profit de leur position privilĂ©giĂ©e[22] - [99].

Des policiers de Varsovie estiment que la corruption de la police juive, et la violence qui l’accompagne, font partie d’une stratĂ©gie allemande, « diviser pour mieux rĂ©gner », dont le but est de corrompre moralement la communautĂ© juive dans son ensemble[100].

La corruption prend plusieurs formes. ChargĂ©s de faire appliquer les ordres sur le travail forcĂ©, certains membres de la police juive en exemptent ceux qui peuvent leur verser des dessous-de-table — ou Ă  tout le moins leur attribuent des postes moins Ă©puisants. Lorsque, pour le compte du conseil juif local ou des forces allemandes, ils collectent des taxes et confisquent certains biens, ils en profitent pour s’enrichir personnellement ; certains vont jusqu’à s’associer Ă  la Gestapo pour spolier les Juifs[101].

Les policiers, Ă©galement responsables de la garde de l’enceinte du ghetto — au sein duquel sĂ©vit souvent la famine — extorquent pour certains tout ou partie de la contrebande qu’ils viennent Ă  dĂ©couvrir[101]. Dans certains cas nĂ©anmoins, par exemple Ă  Skierniewice, ils organisent la contrebande en faveur de la population[102]. Les membres du service d’ordre juif servent souvent d’intermĂ©diaires entre la population et les Allemands ou les policiers polonais[101] - [103].

À Varsovie, il est Ă©galement rapportĂ© que les actions de dĂ©sinfection des appartements (menĂ©es dans le cadre de l’épidĂ©mie de typhus, par la police juive et parfois par l’Ordnungspolizei et la police bleue) sont l’occasion de vols et de brutalitĂ©s ; les policiers juifs se font verser des pots-de-vin par la population pour prĂ©venir des inspections sanitaires, les empĂȘcher, faire libĂ©rer des personnes confinĂ©es aux bains publics ou encore dĂ©truire des rapports d’inspection[104] - [20].

Toujours Ă  Varsovie, de nombreux membres du service d’ordre chargĂ©s de la surveillance de la prison du ghetto — crĂ©Ă©e Ă  l’étĂ© 1941 ; sa surpopulation et plus largement ses conditions de dĂ©tention inhumaines engendrent une forte mortalitĂ© — sont enclins Ă  relĂącher plus rapidement les dĂ©tenus (gĂ©nĂ©ralement emprisonnĂ©s pour contrebande) qui les payent, ou Ă  leur octroyer des avantages. Quelques policiers aident cependant gracieusement des dĂ©tenus Ă  s’évader[105] - [20].

La corruption s’étend dans certains ghettos (Varsovie, ƁódĆș[30], etc.) jusqu’aux actions de liquidation, au cours desquelles des policiers juifs monnayent la vie sauve d’autres Juifs ainsi que des services (porter une lettre Ă  la famille, vendre du pain) Ă  ceux qui vont ĂȘtre dĂ©portĂ©s[45] - [106].

Dans les ghettos oĂč il se soucie de la respectabilitĂ© du service d’ordre juif, le conseil local Ɠuvre Ă  lutter contre la corruption en son sein[36]. À Kovno, des Ă©crits de policiers font ainsi mention d’un groupe corrompu qui aurait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© par la section criminelle de la police du ghetto[39]. Dans le ghetto de BiaƂystok, la police juive est largement corrompue et terrorise tant la population que le Judenrat, si bien que le prĂ©sident de ce dernier opĂšre en une purge durant laquelle une vingtaine de policiers corrompus sont envoyĂ©s dans des camps de travail[31].

À Varsovie, en revanche, en dĂ©pit des rĂšglements internes du service d’ordre juif qui interdisent explicitement l’enrichissement personnel des agents et les actes de corruption, ceux-ci « deviennent la principale source de revenus pour les policiers et sont tolĂ©rĂ©s Ă  contrecƓur par l’administration juive et les autoritĂ©s allemandes », souligne l’historienne Katarzyna Person«_In_reality,_however,_collecting_larger_or_smaller_amounts_during_daily_duty_became_the_main_source_of_income_for_policemen_and_was_reluctantly_tolerated_by_both_the_Jewish_administration_and_the_German_authorities._»_107-0">[107] ; quelques efforts sont entrepris tardivement par le Judenrat et le commandant pour amĂ©liorer les pratiques et l’image de la police juive, sans grand succĂšs[108].

Relations avec la population, les nazis et la résistance

Variété des situations

Le positionnement des JĂŒdische Ordnungsdienste vis-Ă -vis des occupants nazis, de la population et du Judenrat varie d’un ghetto Ă  l’autre, ainsi qu’avec le temps[22].

Dans une Ă©tude de cent ghettos du Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne, Aharon Weiss recense quatre grands cas de figure : dans quatorze communautĂ©s, le Judenrat et la police juive cherchent Ă  protĂ©ger au mieux la population juive de la rĂ©pression nazie ; dans vingt-deux autres, elle tente de protĂ©ger la population dans un premier temps avant de se soumettre aux nazis ; dans vingt-sept communautĂ©s, les deux institutions sont d’emblĂ©e infĂ©odĂ©es aux Allemands ; enfin, dans les trente-sept cas restants, la police — soumise aux nazis — absorbe ou dirige le Judenrat[109].

Désobéissance aux ordres allemands

Au premier plan, troies voies ferrĂ©es, puis Ă  leur abord un poteau Ă©lectrique. Au second plan, Ă  une certaine distance, une vaste assemblĂ©e de personnes assises sur un terrain. À droite, en bordure du terrain, un bĂątiment. En arriĂšre plan, au loin, un bois.
Photo clandestine des Juifs du ghetto d’Otwock rassemblĂ©s sur l’Umschlagplatz, le , en attendant leur dĂ©portation pour le centre d'extermination de Treblinka.

Si les membres des JĂŒdische Ordnungsdienste ont participĂ© Ă  la spoliation des Juifs et aux dĂ©portations, ce n’est pas systĂ©matique : certains policiers refusent d’obĂ©ir aux Allemands, aident la population (dans de nombreux cas au prix de leur vie) ou quittent la police[51] - [110]. À Varsovie, quelques-uns se seraient suicidĂ©s[51] - [110]. D’autres choisissent d’ĂȘtre dĂ©portĂ©s avec l’ensemble des Juifs, avec leur famille, alors qu’ils peuvent demeurer au ghetto[111]. Le policier Calel Perechodnik narre ainsi l’acte de son collĂšgue, survenu le sur la place oĂč sont rassemblĂ©s les Juifs d’Otwock pour ĂȘtre dĂ©portĂ©s Ă  Treblinka :

« Je me tais, mais l’attitude d’Abram Willendorf Ă©claire la situation. Lui non plus ne dit rien Ă  sa femme, il enlĂšve son brassard, sa casquette et son matricule, les jette et s’assied tranquillement par terre. Nous partons ensemble, voilĂ  la rĂ©ponse tacite de Willendorf, homme d’honneur. [
] Tu as sauvĂ© l’honneur des Juifs d’Otwock, l’honneur de la police. [
] Et moi, l’intellectuel, qu’ai-je fait ? Ai-je ĂŽtĂ© mon brassard ? Non, je n’en ai pas eu le courage[112]. »

Plusieurs actions collectives de dĂ©sobĂ©issance ont Ă©galement Ă©tĂ© documentĂ©es. Ainsi, dans le ghetto de Kovno (dans l’actuelle Lituanie, alors intĂ©grĂ©e au Reichskommissariat Ostland), les et , une quarantaine de policiers juifs qui refusent d’aider les Allemands lors d’une Aktion — qui fit 1 300 victimes — sont emmenĂ©s dans le NeuviĂšme Fort oĂč ils sont torturĂ©s puis exĂ©cutĂ©s[39]. D’autres policiers collaborent Ă  l’inverse avec les nazis et intĂšgrent la nouvelle police juive instituĂ©e dans la foulĂ©e de ces Ă©vĂ©nements, directement sous les ordres de la Gestapo[39]. Dans le ghetto de BiaƂystok, lors des dĂ©portations de , la police refuse de participer Ă  la rafle des Juifs ordonnĂ©e par les Allemands — ses membres sont en consĂ©quence rouĂ©s de coups[31]. Dans plusieurs ghettos, des policiers juifs, parfois la majoritĂ© d'entre eux, prĂ©viennent la population de l’imminence d’une opĂ©ration de dĂ©portation, afin qu’elle puisse se cacher[51].

Selon l’historien Aharon Weiss, sur 100 polices juives de ghettos du Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne Ă©tudiĂ©es, 88 ont accĂ©dĂ©, durant leur existence, aux demandes allemandes, y compris lors des opĂ©rations de dĂ©portation dans le cadre de la liquidation des ghettos. NĂ©anmoins, ces Ă©pisodes « se sont surtout produits dans les derniĂšres phases de l’existence des ghettos, aprĂšs que des changements de personnel avaient Ă©tĂ© effectuĂ©s dans les rangs de la police » : les policiers — ainsi que les membres du Judenrat — les moins obĂ©issants dĂ©missionnent ou sont exĂ©cutĂ©s, et sont remplacĂ©s par des membres davantage serviles«_[
]_the_vast_number_of_episodes_in_which_the_Jewish_Police_ceded_to_German_demands_occurred_most_noticeably_in_the_final_stages_of_the_ghettos'_existence,_at_a_time_when_personnel_changes_had_been_effectuated_within_the_ranks_of_the_Police._»_113-0">[113]. ConsidĂ©rĂ©es par les Allemands comme davantage obĂ©issantes que les JudenrĂ€te, les polices juives leur sont prĂ©fĂ©rĂ©es[114].

Attitude vis-à-vis de la résistance

Dans certains ghettos existent des mouvements de rĂ©sistance, plus ou moins organisĂ©s. Leurs relations avec les JĂŒdische Ordnungsdienste sont variables d’un ghetto Ă  l’autre.

Dans de nombreux cas, les relations entre rĂ©sistants et policiers sont hostiles ; ainsi que le rĂ©sume l’historien Paul R. Bartrop : « tandis que [les rĂ©sistants] voient la police du ghetto comme des traĂźtres Ă  leur peuple qui font le travail des nazis, [les policiers] considĂšrent comme leur rĂŽle d’éliminer les menaces pesant sur le bon fonctionnement du ghetto et de ne pas attiser la colĂšre des occupants«_[
]_while_the_former_[the_resistance]_saw_the_ghetto_police_as_traitors_to_their_people_who_did_the_Nazi's_work_for_them,_the_latter_[the_police]_saw_it_as_their_role_to_eliminate_the_threats_to_the_smooth_running_of_the_ghetto_and_not_bring_down_the_wrath_of_the_occupiers._»_115-0">[115] ». Souvent, la police juive s’oppose ainsi Ă  la rĂ©sistance, voire dĂ©nonce ses membres Ă  la Gestapo[116]. À Novogroudok (RuthĂ©nie blanche), la police juive cherche Ă  empĂȘcher les Juifs de quitter le ghetto et confisque Ă  cette fin les chaussures de ceux soupçonnĂ©s d’un tel projet[117].

Selon Isahia Trunk, plusieurs raisons peuvent expliquer l’attitude de la police juive : les actions de la rĂ©sistance vont Ă  l’encontre du maintien de l’ordre dans le ghetto, dont les policiers sont responsables devant les Allemands ; les policiers tiennent la rĂ©sistance pour responsable des brutales reprĂ©sailles des Allemands contre des Juifs (y compris parfois des membres du Judenrat ou de la police) aprĂšs une de leurs actions ; enfin, la croyance selon laquelle ils survivront au ghetto est rĂ©pandue parmi les policiers[116].

Photo en noir et blanc, au format portrait, d’un jeune homme, bouche lĂ©gĂšrement entrouverte, qui regarde l’objectif. Photographie en extĂ©rieur, avec en arriĂšre-plan des passants.
Izrael Kanal, membre de la police juive et de l’organisation de rĂ©sistance Ć»ydowska Organizacja Bojowa.

Les policiers juifs ainsi que les membres de conseils juifs qui se sont opposĂ©s le plus frontalement Ă  la rĂ©sistance ont souvent Ă©tĂ© assassinĂ©s par cette derniĂšre[118]. À Varsovie, le , pendant la liquidation du ghetto, Izrael Kanal, Ă  la fois membre de la police juive et de l'organisation de rĂ©sistance juive Ć»ydowska Organizacja Bojowa (Ć»OB), tente ainsi, sans succĂšs, d’assassiner le commandant de la police, JĂłzef SzeryƄski ; son successeur, Jacob Lejkin, est exĂ©cutĂ© par la Ć»OB deux mois plus tard. D’autres policiers sont par la suite exĂ©cutĂ©s par la Ć»OB et la Ć»ydowski Związek Wojskowy (Ć»ZW)[119] - [120] - [121].

NĂ©anmoins, il existe de nombreux exemples de policiers, parfois l’essentiel des effectifs, qui entretiennent de bonnes relations avec la rĂ©sistance. Isahia Trunk estime que la police juive est plus souvent susceptible d’aider la rĂ©sistance dans l’Est (Est de la Pologne, Lituanie et BiĂ©lorussie) que dans le centre et l’Ouest de la Pologne, probablement parce que s’y trouvent les forĂȘts abritant les partisans et que les jeunes policiers y ont plus souvent qu’ailleurs eu un engagement avant-guerre dans des partis politiques[122].

Plusieurs cas de Juifs concomitamment policiers et rĂ©sistants ont Ă©tĂ© documentĂ©s, de mĂȘme que de policiers finissant par rejoindre la rĂ©sistance[116]. MĂȘme dans les polices largement hostiles Ă  la rĂ©sistance, il arrive qu’un individu fournisse des informations aux rĂ©sistants, comme ce fut le cas Ă  Cracovie[116].

Ainsi, quinze des vingt-deux policiers que compte le ghetto de Baranavitchy (RuthĂ©nie blanche) appartiennent Ă  la rĂ©sistance, dont le commandant (qui est exĂ©cutĂ© par les Allemands pour cette raison)[116]. Dans le ghetto de Kovno, une partie de la JĂŒdische Ghetto-Polizei appartient Ă  la rĂ©sistance ; dans les pas de l’Arbeitsamt (l’équivalent local du Judenrat), elle entraĂźne aux armes des Juifs et aide quelque 300 rĂ©sistants Ă  fuir le ghetto pour rejoindre les partisans soviĂ©tiques dans les forĂȘts environnantes[116] - [39] - [123]. Le soutien d’une partie de la police Ă  la rĂ©sistance a Ă©galement Ă©tĂ© documentĂ© dans les ghettos de Riga (Reichskommissariat Ostland), Minsk et Lida (RuthĂ©nie blanche) ainsi que Rohatyn (Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne)[116].

La rĂ©sistance cherche par ailleurs Ă  infiltrer ses membres dans les polices juives, afin d’obtenir des informations sur la vie du ghetto et d’aider Ă  dĂ©masquer les informateurs de la Gestapo ; c’est par exemple le cas Ă  Vilnius, oĂč le Fareynikte Partizaner Organizatsye (FPO) est actif[116].

Perception par la population

Si, dans les premiers temps, la police juive a pu ĂȘtre perçue sous un jour positif par la population juive des ghettos, qui y voyait une force Ă  mĂȘme de la protĂ©ger de la criminalitĂ© et des Allemands, ce sentiment s’est estompĂ©, au plus tard lors des premiĂšres dĂ©portations auxquelles les policiers juifs ont participĂ© : aprĂšs quoi, les Juifs ne ressentent gĂ©nĂ©ralement que de la haine Ă  l’égard du service d’ordre juif et vont jusqu’à se rĂ©jouir de la dĂ©portation des policiers[5] - [22] - [124] - [125].

La dĂ©fiance, puis la haine de la population Ă  l’égard de la police du ghetto et des conseils juifs locaux trouvent leur source dans le fait que ces deux institutions mettent en Ɠuvre en pratique les diktats rĂ©pressifs allemands et sont dĂšs lors le visage des exactions (travail forcĂ©, confiscation de biens, diverses taxes, etc.). Les Allemands demeurent en retrait jusqu’aux dĂ©portations, durant lesquelles ils agissent en premiĂšre ligne[126]. Le journal de l’écrivain en yiddish Yehoshua Perle[127] - [128], habitant du ghetto de Varsovie, tĂ©moigne de cette perception :

« Incidemment, il convient d’observer qu’à partir du toutes les affiches et tous les dĂ©crets Ă©taient revĂȘtus de la signature du Judenrat ou de la direction de la police juive. Les forces d’occupation allemandes n’ont signĂ© aucune affiche, aucune ordonnance. [
] De maniĂšre Ă  ce que l’on constate ultĂ©rieurement que ce n’était pas eux qui avaient procĂ©dĂ© Ă  l’expulsion forcĂ©e mais bien la communautĂ© juive[124]. »

La population reproche Ă  la police et au Judenrat leur corruption, leur inhumanitĂ© et leur brutalitĂ©[126]. Dans le ghetto de ƁódĆș, les dĂ©buts de la police juive sont certes marquĂ©s par la fiertĂ© des familles qui comptent un policier en leur sein, mais la population devient rapidement hostile en raison de la corruption et de la violence de l’Ordnungsdienst ; l’écrivain Oskar Rosenfeld, Ă  l’image d’autres habitants du ghetto, dĂ©crit des « policiers [qui] crient, frappent, matraquent, au niveau de la poitrine » et les compare Ă  l’occupant allemand«_Die_Polizisten_brĂŒllen,_schlagen_um_sich,_prĂŒgeln,_stoáșžen_vor_die_Brust_[
]._»_129-0">[129]. Dans la ville alors polonaise de Buczacz, un survivant tĂ©moigne que la JĂŒdischer Ordnungsdienst sĂ©lectionne pour le travail forcĂ© les Juifs les plus pauvres, qui ne peuvent pas soudoyer les policiers ; un autre Ă©crit que « la police juive vole et tue, pire que les Allemands »«_The_Jewish_Police_are_robbing,_killing,_worse_than_the_Germans_»._130-0">[130]

Les policiers sont souvent perçus comme des privilĂ©giĂ©s, dont la consommation parfois ostentatoire d’alcool et de bonne chĂšre dans des bars et restaurants, alors que les autres Juifs peinent Ă  manger Ă  leur faim, tĂ©moigne de l’arrogance[39] - [131]. Cependant, les hommes du rang sont eux-mĂȘmes pauvres, souligne l’historienne Katarzyna Person s’agissant de Varsovie[132].

AprĂšs avoir dĂ©crit la participation de la police juive de Varsovie Ă  l’exĂ©cution, par la police bleue polonaise, de dĂ©tenus de la prison du ghetto, en novembre et , Katarzyna Person relate«_For_the_first_time,_Jewish_Order_Service_members_were_used_as_an_auxiliary_service_during_the_execution_of_other_Jews._[
]_For_many,_these_executions_became_a_symbol_of_the_final_moral_collapse_of_the_Jewish_police—and_in_hindsight_came_to_be_seen_even_as_an_initiation_to_their_actions_on_the_Umschlagplatz_during_Operation_Reinhard._»_133-0">[133] :

« Pour la premiĂšre fois, les membres du service d’ordre juif furent utilisĂ©s comme des auxiliaires durant l’exĂ©cution d’autres Juifs. [
] Pour beaucoup, ces exĂ©cutions devinrent un symbole de l’effondrement moral final de la police — et, rĂ©trospectivement, elles ont mĂȘme Ă©tĂ© considĂ©rĂ©es comme une amorce de leurs actions sur l’Umschlagplatz pendant l’Aktion Reinhard. »

Les publications clandestines de plusieurs ghettos, souvent Ă©ditĂ©es par des partis politiques, dĂ©noncent ou moquent le Judenrat et, parfois davantage encore, le service d’ordre juif[126]. Ce dernier est frĂ©quemment et unanimement dĂ©criĂ© dans les tĂ©moignages Ă©crits d’habitants et de rĂ©sistants du ghetto de Varsovie ; l’écrivain Yehoshua Perle, Ă©voquant les policiers qui ont participĂ© aux dĂ©portations, Ă©crit Ă  chaud[124] - [134] :

« Pourtant la question doit ĂȘtre posĂ©e, hurlĂ©e aux cieux : mais oĂč donc ont-ils Ă©tĂ© Ă©levĂ©s, ces jeunes ? Quels sont les [sic] de pĂšres juifs qui ont pu engendrer cette semence d’assassins ? Quelles mamans juives ont donc allaitĂ© ces meurtriers ? Il faut croire qu’ils sont issus d’un croisement d’assassins et de putains. La police juive s’est dĂ©carcassĂ©e pour donner satisfaction Ă  ses maĂźtres sanguinaires qui ont jurĂ© d’extirper le judaĂŻsme. »

L’historien juif polonais et archiviste du ghetto de Varsovie Emanuel Ringelblum, tentant d’analyser la passivitĂ© des plus pauvres face Ă  l’oppresseur, Ă©crit : « La police juive a appris comment frapper, comment faire respecter l’ordre, et comment envoyer les gens dans les camps de travail, et elle est l’un des facteurs contribuant Ă  garder les gens dans le rang«_The_Jewish_polce_have_learned_how_to_hit,_to_enforce_order,_and_to_send_people_to_the_labor_camps,_and_they_are_one_of_the_contributing_factors_that_keep_people_in_line._»_135-0">[135]. »

RĂ©sultent de cette hostilitĂ© Ă  l’égard de la plupart des polices juives (et des JudenrĂ€te) des actes d’opposition, individuels ou collectifs, tantĂŽt spontanĂ©s, tantĂŽt organisĂ©s : dĂ©sobĂ©issance aux policiers voire rĂ©bellion physique lorsqu’ils tentent d’appliquer les directives relatives au travail forcĂ© ou qu’ils cherchent Ă  rĂ©guler la contrebande, manifestations et grĂšves dirigĂ©es contre le conseil juif. Les actions individuelles sont parfois punies de prison (ou d’un passage Ă  tabac, jusqu’à la mort dans deux cas documentĂ©s), les manifestations rĂ©primĂ©es brutalement, avec l’aide des Allemands si nĂ©cessaire[126]. Lors de la liquidation du ghetto de Varsovie, Ă  l’étĂ© 1942, les policiers qui tentent d’amener les Juifs sur l’Umschlagplatz sont frĂ©quemment attaquĂ©s[136].

La police juive — plus encore que les conseils juifs, Ă©crit l’historien Georges Bensoussan[137] — finit ainsi, bien souvent, par ĂȘtre perçue comme criminelle, et ĂȘtre associĂ©e aux forces nazies avec lesquelles elle est accusĂ©e d’avoir collaborĂ©[56] - [31] - [138]. Plusieurs policiers sont attaquĂ©s voire tuĂ©s par d’autres Juifs et par la rĂ©sistance avant la fin de la guerre[119] ; celle-ci venue, plusieurs dizaines d’entre eux sont traduits devant des tribunaux (cf. supra).

Historiographie

De nombreuses publications sont consacrĂ©es aux conseils juifs de ghettos spĂ©cifiques, avec des mentions de leur service d’ordre, mais peu de sources de synthĂšse exhaustives existent. L’ouvrage de l’historien Isaiah Trunk — le plus complet qui soit paru sur les JudenrĂ€te, note l’historien Dan Michman — consacre un chapitre aux polices juives, « mais l’étude la plus complĂšte sur ce phĂ©nomĂšne demeure la thĂšse de doctorat d’Aharon Weiss »[16] - [139]. Les historiens s’appuient notamment sur les rĂ©cits de survivants et les archives des ghettos ; les rares Ă©crits de policiers, notamment celui anonyme Ă  Kovno et celui de Calel Perechodnik Ă  Otwock, sont des sources utiles aux historiens[16] - [81] - [140].

L’historiographie des polices juives du ghetto s’inscrit dans celle, dĂ©battue, des conseils juifs locaux, les JudenrĂ€te — auxquels elles sont officiellement rattachĂ©es. L’historienne polonaise Katarzyna Person souligne qu’aprĂšs la guerre, les premiers travaux d’historiens, qui s’appuient sur des rĂ©cits de survivants, prĂ©sentent exclusivement les polices juives comme des instruments de terreur et d’oppression aux mains des Allemands. Dans les annĂ©es 1960 Ă©mergent des dĂ©bats sur la responsabilitĂ© morale des conseils juifs — et, dans une faible mesure, des polices juives — dans la Shoah : sont-ils coupables, victimes, ou dans une « zone grise » telle que dĂ©finie par l’écrivain italien Primo Levi, rescapĂ© de la Shoah ? Ces dĂ©bats portent notamment sur les Ă©crits de Raul Hilberg dans La Destruction des Juifs d'Europe et ceux d’Hannah Arendt dans Eichmann Ă  JĂ©rusalem, pour qui une partie des leaders juifs ont collaborĂ© avec les nazis[16] - [141] - [142]. Ce n’est que par la suite, et vĂ©ritablement Ă  partir des annĂ©es 1990, Ă©crit Katarzyna Person, que l’histoire des services d’ordre juifs est Ă©tudiĂ©e sans chercher Ă  qualifier moralement leurs actions[143]. Les historiens français Alain Blum, Thomas Chopard et Emilia Koustova soulignent que l’émergence de nouvelles sources, telles que le document sur la police de Kovno ou l’ouvrage de Katarzyna Person consacrĂ© Ă  la police du ghetto de Varsovie, a permis de mettre l’accent sur le vĂ©cu et le quotidien des membres des polices juives, plutĂŽt que sur la question morale de leur responsabilitĂ©[63].

Par ailleurs, l’image des polices juives est parfois manipulĂ©e Ă  des fins antisĂ©mites, lors de certains procĂšs soviĂ©tiques[63] ou aprĂšs mars 1968 en Pologne, quand fleurissent des publications visant Ă  accabler les policiers juifs pour mieux dĂ©douaner les Polonais non juifs de leur passivitĂ© durant la Shoah[143].

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  113. «_[
]_the_vast_number_of_episodes_in_which_the_Jewish_Police_ceded_to_German_demands_occurred_most_noticeably_in_the_final_stages_of_the_ghettos'_existence,_at_a_time_when_personnel_changes_had_been_effectuated_within_the_ranks_of_the_Police._»-113" class="mw-reference-text">Weiss 1979, p. 213-216. Citation originale : « [
] the vast number of episodes in which the Jewish Police ceded to German demands occurred most noticeably in the final stages of the ghettos' existence, at a time when personnel changes had been effectuated within the ranks of the Police. »
  114. Weiss 1979, p. 216.
  115. «_[
]_while_the_former_[the_resistance]_saw_the_ghetto_police_as_traitors_to_their_people_who_did_the_Nazi's_work_for_them,_the_latter_[the_police]_saw_it_as_their_role_to_eliminate_the_threats_to_the_smooth_running_of_the_ghetto_and_not_bring_down_the_wrath_of_the_occupiers._»-115" class="mw-reference-text">Bartrop 2017. Citation originale : « [
] while the former [the resistance] saw the ghetto police as traitors to their people who did the Nazi's work for them, the latter [the police] saw it as their role to eliminate the threats to the smooth running of the ghetto and not bring down the wrath of the occupiers. »
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]._»-129" class="mw-reference-text">Löw 2006, p. 159. Citation originale : « Die Polizisten brĂŒllen, schlagen um sich, prĂŒgeln, stoáșžen vor die Brust [
]. »
  130. «_The_Jewish_Police_are_robbing,_killing,_worse_than_the_Germans_».-130" class="mw-reference-text">Megargee et Dean 2012, Omer Bartov, « Buczacz », p. 762. Citation originale : « The Jewish Police are robbing, killing, worse than the Germans ».
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  133. «_For_the_first_time,_Jewish_Order_Service_members_were_used_as_an_auxiliary_service_during_the_execution_of_other_Jews._[
]_For_many,_these_executions_became_a_symbol_of_the_final_moral_collapse_of_the_Jewish_police—and_in_hindsight_came_to_be_seen_even_as_an_initiation_to_their_actions_on_the_Umschlagplatz_during_Operation_Reinhard._»-133" class="mw-reference-text">Person 2021, p. 73-75. Citation originale : « For the first time, Jewish Order Service members were used as an auxiliary service during the execution of other Jews. [
] For many, these executions became a symbol of the final moral collapse of the Jewish police—and in hindsight came to be seen even as an initiation to their actions on the Umschlagplatz during Operation Reinhard. »
  134. Person 2021, p. 137-138.
  135. «_The_Jewish_polce_have_learned_how_to_hit,_to_enforce_order,_and_to_send_people_to_the_labor_camps,_and_they_are_one_of_the_contributing_factors_that_keep_people_in_line._»-135" class="mw-reference-text">Trunk 1996, p. 544. Citation originale : « The Jewish polce have learned how to hit, to enforce order, and to send people to the labor camps, and they are one of the contributing factors that keep people in line. »
  136. Person 2021, p. 132-133.
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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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Articles

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  • Dov Levin (trad. Claire Drevon), « La police juive du ghetto vue par elle-mĂȘme », Revue d'histoire de la Shoah, vol. 2, no 197,‎ , p. 435-483 (DOI 10.3917/rhsho.197.0435, lire en ligne). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (he) Aharon Weiss (thĂšse de doctorat), Ha'mishtara ha'yehudit be'general gouvernement u'ba'shlezia ilit bi'tekufat ha'shoa [« La police juive dans le Gouvernement gĂ©nĂ©ral et en Haute SilĂ©sie pendant la Shoah »], JĂ©rusalem, UniversitĂ© hĂ©braĂŻque de JĂ©rusalem, .

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