Pères de l'Église
Les Pères de l'Église sont, selon l'historiographie moderne et depuis le XVIe siècle, des auteurs ecclésiastiques, généralement (mais non exclusivement) des évêques, dont les écrits (appelés littérature patristique), les actes et l'exemple moral ont contribué à établir et à défendre de multiples aspects de la doctrine chrétienne. Ceux-ci restent « modelés jusqu'à ce jour par l’exégèse patristique »[1].
La période historique au cours de laquelle ils ont travaillé s'étend approximativement de la fin du Ier au milieu du VIIIe siècle, s'épanouissant plus particulièrement aux IVe et Ve siècle, de l'admission du christianisme dans l'Empire romain à son évolution en tant qu'Église d'état.
Définition
Ceux que le théologien catholique Henri de Lubac appelle « nos pères dans la foi » sont des personnages qui satisfont selon lui à quatre exigences :
- avoir appartenu à la période de l'Église antique ou primitive (avant le VIIIe siècle) avant que les auteurs scolastiques ne leur succèdent ;
- avoir mené une sainte vie ;
- avoir écrit une œuvre complètement exempte d'erreurs doctrinales, et qui doit constituer une excellente défense de la doctrine chrétienne ou en être une illustration ;
- avoir bénéficié de l'approbation implicite ou explicite de l'Église.
Cependant, si on prend les critères actuels qui font les Pères de l’Église, en tenant compte de la présence de Tertullien, Origène, Eusèbe de Césarée et de beaucoup d'autres qui présentent des éléments douteux sur leur doctrine ou leurs mœurs, il faut satisfaire trois exigences pour être Père de l'Église :
- avoir appartenu à la période de l'Église antique ou primitive (avant le VIIIe siècle) avant que les auteurs scolastiques leur succèdent ;
- avoir écrit une œuvre exempte d'erreurs doctrinales portant sur le fondement de toute la foi (la divinité du Christ), et avoir apporté une pierre à l'édification de la doctrine de l’Église ; il peut y avoir eu des erreurs portant sur des aspects secondaires de la foi (même sur certains points plus techniques portant sur la Trinité ou le rapport entre les deux natures du Christ) ;
- avoir bénéficié de l'approbation implicite ou explicite de l'Église sur certains points remarquables de sa doctrine. Il n'est pas nécessaire d'être approuvé sur l'entièreté de la doctrine (exemples : saint Jean Chrysostome qui est docteur de l’Église malgré son rejet de la pureté de la Vierge Marie, saint Irénée et son millénarisme).
Les auteurs classés par l'Église chrétienne nicéenne comme « hérétiques », comme Arius ou Marcion, ou « schismatiques », comme Novatien, ne font donc pas partie des Pères de l'Église, de même que certains poètes (comme Prudence) ou historiens (comme Grégoire de Tours), auteurs chrétiens d'ouvrages qui ne sont pas dogmatiques. Les fondements de la foi chrétienne nicéenne ont été établis grâce à des formations de ces Pères dans des écoles théologiques (celles d'Antioche ou d'Alexandrie)[2].
On range fréquemment avec les Pères de l'Église certains auteurs importants comme Origène dont l'étude est indispensable aux spécialistes. Ce sens large de l'expression, qui définit un domaine d'étude, peut être dit scientifique ou universitaire ; il a présidé à l'établissement de la liste ci-dessous.
On peut classer les Pères de l'Église selon leur époque (apostoliques), la nature de leurs écrits (apologistes), le style de leur pensée (orientaux ou occidentaux, de l'école d'Alexandrie ou de celle d'Antioche), leur langue (latine, grecque ou syriaque), leur milieu de vie (l'empire chrétien)...
Position des Églises sur les Pères
Contrairement à la liste des Docteurs de l'Église, celle des Pères de l'Église n'est pas « officiellement » établie par les Églises.
L'Église catholique a tendance à assigner un terme à une « période patristique » et à considérer Jean Damascène et Isidore de Séville comme les derniers Pères.
L'Église orthodoxe ne voit pas les choses de la même façon et estime que la paternité ne suppose pas obligatoirement l'antiquité. Elle estime de plus qu'un Père n'est pas forcément un écrivain. Elle a tendance à considérer comme Pères de l'Église les Pères du désert et les grands instituteurs de la vie monastique car leur travail d'ascèse de direction spirituelle est éminemment doctrinal.
Les Pères anténicéens (jusqu'en 325)
Les Pères apostoliques
- l'auteur de la Didachè - (Ier siècle)
- Clément de Rome - (? - 101)
- Ignace d'Antioche - (? - entre 105 et 135)
- l'auteur de l'Épître de Barnabé - (vers 130/132)
- Hermas, auteur du Pasteur - (entre 130 et 140)
- Papias d'Hiérapolis - (? - v. 140)
- Polycarpe de Smyrne - (? - entre 155 et 167)
Les Pères du IIe siècle
Les apologètes
- Aristide d'Athènes - (v. 130/140 - ?)
- Justin de Naplouse - (? - 165)
- Athénagoras d'Athènes - (v. 180 - ?)
- Tatien le Syrien - Disciple de Justin - (av. 155 - ap. 172)
- Méliton de Sardes - (v. 160/170 - ?)
- Théophile d'Antioche - (v. 180 - ?)
- l'auteur de l'Épître à Diognète - (entre 140 et 200)
La littérature anti-hérétique
- Irénée de Lyon - Docteur de l'Église, évêque de Lyon - (v. 120 - 208)
- Hippolyte de Rome - (v. 170 - v. 235)
Les Pères du IIIe siècle
Pères grecs
- Origène (°185 - †254) (n'a pas fait l'objet du consensus ecclésiastique)
- Clément d'Alexandrie (° vers 150 - † vers 220)
- Denys d'Alexandrie (°? - †264/265)
- Pierre d'Alexandrie (°? - †311)
- Méthode d'Olympe
Pères latins
- Tertullien (° vers 155 - † après 220) (n'a pas fait l'objet du consensus ecclésiastique)
- Minucius Félix (° vers 200 - † ?)
- Cyprien de Carthage (° vers 200 - †258) ; saint fêté le 16 septembre
- Lactance (°vers 260 – † vers 325), appelé aussi le Cicéron chrétien.
L'âge patristique (325-451)
Pères opposés à l'arianisme
- Eustathe d'Antioche - (230 - 327 ou 330)
- Cyrille de Jérusalem - Docteur de l'Église (? - 387)
- Alexandre d'Alexandrie - (? - 328)
- Athanase d'Alexandrie - Docteur de l'Église (v. 296 - 373)
- Didyme l'Aveugle - (313 - 398)
- Hilaire de Poitiers - (315 - 367)
- Marius Victorinus - (? - ap. 362)
- Ambroise de Milan - Docteur de l'Église (339 - 394)
Pères cappadociens et Jean Chrysostome
- Basile de Césarée ou Basile le Grand - Docteur de l'Église (330 - 379)
- Grégoire de Nazianze le Théologien - Docteur de l'Église (329 - 390)
- Grégoire de Nysse le Mystique - (335 - 394)
- Jean Chrysostome - Docteur de l'Église, patriarche de Constantinople (345 - 407)
Autres pères : 2e, 3e et 4e conciles (Ve siècle)
Pères grecs
- Cyrille d'Alexandrie - Docteur de l'Église, le « sceau des Pères » (v. 380 - 444)
- Épiphane de Salamine († 403), répertoire des hérésies.
Pères latins
- Jérôme de Stridon - Docteur de l'Église (v. 347 - 420)
- Ambroise de Milan, Docteur de l'Église, évêque(v. 340 - 397)
- Augustin d'Hippone - Docteur de l'Église, évêque (354 - 430)
Pères syriens
- Éphrem le Syriaque, docteur de l'église († 379),
- Diodore de Tarse (? - av. 394)
- Théodoret de Cyr (? - v. 466)
Les Pères de tradition chalcédonienne (après 451)
Pères grecs antérieurs à la crise iconoclaste
- le Pseudo-Denys l'Aréopagite (fin Ve siècle).
- Sophrone de Jérusalem († 644), patriarche.
- Maxime le Confesseur - moine byzantin, théologien mystique - (v. 580 - 662).
Pères grecs défenseurs des saintes images
- Germain Ier de Constantinople († 740).
- Jean Damascène (v. 675 - 749), Docteur de l'Église.
- Théodore Studite († 826).
Pères latins
- Eucher de Lyon (?- 449/455?)
- Boèce - le Philosophe - (480 - 524)
- * Grégoire le Grand - pape et Docteur de l'Église (v. 540 - 604)
- Isidore de Séville - Docteur de l'Église (v. 560 - 636)
Pères propres à une seule confession
Pères propres à l'Église orthodoxe
- Photios Ier de Constantinople († 891).
- Théophylacte d'Ohrid (XIIe siècle)
- Grégoire Palamas (XIVe siècle).
- Marc d'Éphèse (XVe siècle).
Pères propres aux Églises non chalcédoniennes
- Sévère d'Antioche (456 - 538)
- Jacques de Saroug (vers 450 - vers 521)
- Jacques d'Édesse (vers 633 - 708)
Pères propres à l'Église de l'Orient
- Théodore de Mopsueste - (? - 428)
- Narsaï - (av. 437 - 503)
Iconographie
L'iconographie occidentale représente ensemble les quatre Pères de l'Église latine qui ont été proclamés Docteur de l'Église en 1295 par le pape Boniface VIII :
Notes et références
- Charles Kannengiesser, « La Bible dans l’Eglise ancienne. Nature et présupposés de l’exégèse patristique », Concilium, no 233, , p. 52.
- Une distinction trop stricte est faite dans l'herméneutique patristique entre l'école alexandrine, axée sur l'allégorie, et celle d'Antioche, dénonçant une allégorie excessive et privilégiant davantage le sens historique et la typologie. Cf. (en) Tad W. Guzie, « Patristic Hermeneutics and the meaning of Tradition », Theological Studies, vol. 32, no 2, , p. 647.
Voir aussi
Articles connexes
- Patristique
- Docteur de l'Église
- Sources chrétiennes
- Liste de théologiens chrétiens (pour les époques ultérieures)
- Clavis Patrum Græcorum, Patrologia Graeca, Chronicon Paschale
Bibliographie
- Berthold Altaner, Précis de Patrologie, Salvator, Toulouse, 1961.
- Johannes Quasten, Initiation aux Pères de l'Église, 3 vol., Éditions du Cerf, Paris, 1957 à 1962.
- Hans von Campenhausen (en), Les Pères grecs et Les Pères latins, éditions de l'Orante, coll. « Livre de vie », Paris, 1963.
- Jean-Marie Auwers, La lettre et l'esprit. Les Pères de l'Église, lecteurs de la Bible, coll. Connaître la Bible, no 28, Bruxelles, Lumen Vitae, 2002, 80 p. (ISBN 2-87324-185-3).
- Jean Laporte, Les Pères de l'Église - I - Les Pères latins, II - Les Pères grecs, Paris, Éditions du Cerf, .
- Michel Fédou, Les Pères de l'Église et la Théologie chrétienne, Édition facultés jésuites de Paris, 352 p.
- Michel Fédou, La Voie du Christ II ; Développement de la christologie dans le contexte de l'Orient ancien ; d'Eusèbe de Césarée à Jean Damascène (IVe – VIIIe siècle) ; Éditions du Cerf , 670 pages.
Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Ressource relative aux beaux-arts :
- (de + en + la) Sandrart.net
- Association pour l’Étude et l'Enseignement des Pères de l’Église
- (en) Textes des Pères apostoliques
- (fr) écrits des Pères apostoliques