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Nationalisme européen

Le nationalisme européen, nationalisme pan-européen ou pan-européanisme est une mouvance politique favorable à la création d'une nation européenne (Europe-Nation unitaire) ou d'une confédération européenne (Europe confédérale). Le nombre de sympathisants est incalculable du fait qu'il n'existe aucun mouvement à l'heure actuelle capable de se présenter à des élections. Le terme a été apparemment inventé par Hannah Arendt en 1954 pour une idéologie (hypothétique ou postulée) du nationalisme fondée sur une identité paneuropéenne. Arendt a averti qu'un « nationalisme paneuropéen » pourrait découler de la culture du sentiment anti-américain en Europe[1].

Histoire du nationalisme européen

On retrouve un intérêt pour une identité ou une fédération européenne chez des non-conformistes des années 1930 tels qu'Alexandre Marc et Pierre Drieu la Rochelle (notamment dans ses écrits politiques dont "Le jeune européen"). Le thème de la « Nation Europe » a été utilisé par les fascistes italiens puis par les services de propagande du Troisième Reich. Ces italiens détournèrent pour cela certains référents historiques, tel le Jeune Europe, fondé par Giuseppe Mazzini en 1834. La Waffen-SS, quant à elle, réforma sa doctrine raciale aryenne en 1942 afin de prétendre unifier les différentes ethnies du continent européen, la plupart de ses recrues étant non-allemandes, contre l'URSS[2].

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, certains fascistes organisèrent deux structures ouvertement pro-européennes. Il y eut la SS-Hauptamt qui envisageait une Europe unifiée sans la Russie et divisée en grandes régions. Les fascistes de la République sociale italienne prônèrent la création d'une fédération européenne dans leur programme de Vérone de 1944.

Après guerre, le suédois Per Engdahl créa le Mouvement social européen (MSE) en 1951 avec notamment le néofasciste français Maurice Bardèche. Une faction plutôt néonazie, comprenant le français René Binet et le suisse Gaston-Armand Amaudruz, se séparera rapidement du MSE pour fonder le Nouvel ordre européen (NOE) la même année. Peu de temps après, l'américain Francis Parker Yockey, auteur de l'influent ouvrage Imperium, fonde le Front européen de libération, qui aura une existence assez brève. Il en sera de même pour le Mouvement populaire européen créé à la fin des années 1950 par Otto Strasser. En 1960, parallèlement à la fondation de Jeune Europe par le belge Jean Thiriart. Ce dernier et l'anglais Oswald Mosley créèrent brièvement le Parti national-européen (National European Party). Mosley prônait le nationalisme européen dans son ouvrage, Europe a Nation, et au sein de son parti britannique Union Movement. Jeune Europe disparaîtra en 1969. Lui succéderont quelques organisation pan-européennes de moindre importance telles le Comité de liaison des européens révolutionnaires et le Front européen de libération (la deuxième organisation à porter ce nom).

Déclaration européenne de 1962

Dans leur « Déclaration européenne » du , le National Party of Europe a appelé à la création d'un État-nation européen par l'intermédiaire d'un gouvernement européen commun et d'un parlement européen élu, au retrait des forces américaines et soviétiques d'Europe et à la dissolution du pouvoir. Les Nations unies, qui seront remplacées par un organisme international dirigé par les États-Unis, l'URSS et l'Europe, sur un pied d'égalité. Le territoire de l'État européen devait être celui de toutes les nations européennes hors de l'Union soviétique, y compris des îles Britanniques, et de leurs possessions d'outre-mer[3]. Le mouvement est resté actif dans les années 1960, mais a été dissout pendant les années 1970.

Selon Nicolas Lebourg, après la Seconde Guerre mondiale, le nationalisme révolutionnaire européen a pour événement fondateur la réunion à Venise le de l'essentiel des forces néo-fascistes ouest-européennes à l'initiative de Sir Oswald Mosley, résidant en France depuis 1952 et fondateur en 1948 de l'Union Movement[4]. Il affirme que « l'Europe est une nation unitaire et la troisième force en devenir devant jouir du tiers Nord de l’Afrique »[4]. Jean Thiriart, futur éminent doctrinaire du nationalisme-révolutionnaire et ancien membre de l’Association des Amis du Grand Reich Allemand est également convié. Ce dernier est convaincu de l'idée d'une nation européenne depuis 1961[4]. Les deux hommes proposent de créer un parti nationaliste européen.

Dominique Venner et Alain de Benoist, fondateurs d'Europe-Action, ne souscrivent pas à ce projet au nom du refus d'une tutelle étrangère tandis que les Allemands et Italiens se parviennent pas à surmonter leur querelle relative au Sud-Tyrol[5]. Même si la réunion de Venise n'accouche pas d'un parti européen, les différents groupes s'engagent à en fonder un ultérieurement et à œuvrer pour « l’édification d’une Europe unitaire, tout à la fois troisième force et troisième voie entre l’URSS et le communisme et les États-Unis et le capitalisme »[6].

Après la déclaration

D'anciens collaborateurs français influencent abondamment la Nouvelle droite, les néo-fascistes. Dès les années 50, l'un des premiers d'entre eux, l'ancien Waffen-SS René Binet, s'était fait le propagandiste d'une Europe bâtie sur une union politico-raciale :

« La hiérarchie des races ne peut être fondée que sur leur confrontation et par la suite sur le respect des particularités et des traditions de chacune. […] Il nous appartient :
1) d’affirmer notre volonté de restituer à leurs traditions propres les races des pays colonisés par l’Europe ;
2) de substituer au régime colonialiste actuel un régime d’association dans le respect des traditions propres de chaque race, accompagné d’une ségrégation raciale sévère dans l’intérêt de chacun des contractants ;
3) de réclamer et de réaliser le retour des groupes allogènes dans leurs espaces traditionnels. »[7]

Carte de l'Europe du monde blanc d'après Jean Mabire.
Carte de l'Eurafrique de Jean Thiriart.
Carte de l'Europe des ethnies de Saint-Loup.

Grâce aux contributions de Saint-Loup, René Binet, ou encore Francis-Parker Yockey, l'Europe des ethnies est consacrée comme « un thème central tant du néo-nazisme que du nationalisme révolutionnaire »[8]. Europe-Action en fait son cheval de bataille grâce notamment au ralliement de Jean Mabire, qui en devient le rédacteur en chef. Ce dernier regrette que le IIIe Reich n'ait pas réussi son alliance avec l'URSS pour accoucher d'une Europe « qui soit une troisième force entre celle-ci et les États-Unis »[9] afin d'unir « les patries charnelles » dans les « États-Unis d’Europe où flotteraient sous le même ciel gris les étendards de Normandie et d’Ukraine, de Prusse et de Catalogne, de Danemark et de Moravie »[10]. D'après lui, l’Europe est « un cœur dont le sang bat à Johannesbourg et à Québec, à Sydney et à Budapest »[11]

Carte des premières conceptions eurasiennes.

En 1964, Jean Thiriart, avant Europe-Action, prônait la construction du monde blanc, « communauté de Narvik au Cap, de Brest à Bucarest »[12] dont le mouvement Troisième Voie adopte une ligne similaire[13]. Jean Thiriart parle également d'un « empire de 400 millions d'hommes » à propos de l'Europe[14]. Il fait sienne l'Eurafrique défendue par Mosley, en affirmant que les Arabes sont Européens et que grâce à l’intégration du monde arabe à l’Europe celle-ci aura « accès aux sources de pétrole, le verrouillage de l’URSS, le contrôle de l’Afrique, l’accès à l’Océan indien, le contact géographique avec l’Asie, la Méditerranée devenue un lac »[15][16]. Les populations noires seraient reléguées en une nation au sud qui leur serait dévolue, au motif de la protection de l’arriéré face au civilisé qui ne pourrait être que tenté de réduire le premier en esclavage[17].

En 1965, Saint-Loup publie Les Hérétiques, ouvrage fondamental dans l'élaboration idéologique d'Europe-Action, puis de la Nouvelle droite, dans lequel il mentionne « l’existence dans la S.S. d’un courant pro-Europe des ethnies et anti-pangermanisme, et en appelle ainsi à l’édification d’une Europe qui soit une fédération völkisch »[18]. Saint-Loup soutient que la Waffen-SS n'était pas l'armée de l'impérialisme nazi mais une armée européenne prête à réaliser l'unité du continent contre le bolchévisme[18]. Saint-Loup s’investit plus tard dans l'écriture militante avec Europe-Action puis dans Devenir européen, organe « ethniste-socialiste » de l'ancien Waffen-SS Yves Jeanne, où ils partagent leurs vues d'une Europe des ethnies et d'une alliance blanche mondiale[18]. Dans une optique nettement plus régionaliste, et des préférences économiques d'inspiration proudhonienne, le militant breton Yann Fouéré publiera son ouvrage L'Europe aux cent drapeaux en 1968. L'ouvrage est notamment préfacé par Alexandre Marc, partisan d'un fédéralisme européen déjà évoqué[19].

Nouvelle Résistance, fondé par Christian Bouchet en 1992, évoque une Eurasie à construire tandis que le collectif Terre et Peuple de Pierre Vial (tous deux néo-droitiers à l'origine) préfère la formulation de Guillaume Faye « d'Eurosibérie ». Ce terme désigne strictement le « monde blanc », sans mixité raciale où l'Islam n'aurait pas sa place[20]. L'Eurosibérie émergerait après une prétendue inéluctable guerre des races au sein des sociétés multiraciales[20]. Alexandre Douguine, comme Nouvelle Résistance, envisage plutôt l'Eurasie comme un territoire multi-ethnique où l'Islam serait un pilier.

Certains groupes ont antérieurement soutenu le processus de construction européenne comme Unité Radicale ou Nouvelle Résistance, qui a appelé à voter « Oui » au référendum français sur le traité de Maastricht avant de se raviser et de soutenir l'abstention comme position révolutionnaire[21]. Avant cela, François Duprat au travers d'Ordre Nouveau soutenait l'abandon des barrières douanières[22].

Situation actuelle

En 2014, Raphael Schlembach décrit l'existence d'« une forme de nationalisme paneuropéen — une « Europe pour les Européens » — fondée sur l'anti-américanisme et l'ethno-pluralisme » au sein de « certaines sections » du néo-fascisme européen[23]. En effet, les organisations nationalistes européennes ont continué d'exister à une échelle mineure après la désintégration du Parti national de l'Europe dans les années 1970, mais aucun groupe ne prône un "État-nation européen".

Selon des universitaires, d'anciens groupes nationalistes européens proposent désormais un fédéralisme ethnique européen fondé sur une idéologie de « culturalisme européen »[24] ou, selon Dimitri Almeida, ont subi un « virage eurosceptique », l'idéologie du nationalisme européen étant largement remplacée par des L'Euroscepticisme des années 2010[25].

Il faut cependant prendre garde à ne pas confondre le nationalisme européen et le fédéralisme européen né dans la résistance et débouchant sur la création de l'Union des Fédéralistes Européens. Ce dernier est par nature anti-nationaliste[26], protecteurs des droits fondamentaux[27] et humaniste.

Les partis nationalistes européens

En France, le nationalisme européen peut être représenté au sein d'au moins quatre organisations :

En Belgique,

Les tendances du nationalisme européen

Il existerait deux tendances dans la mouvance nationaliste européenne qui divergent :

  • Les partisans d'une confĂ©dĂ©ration europĂ©enne reconnaissent les nations europĂ©ennes existantes, vision dĂ©fendue par l'Eurodroite aujourd'hui dissoute.
  • Les partisans d'une Europe unitaire qui, au contraire, dĂ©fendent l'idĂ©e d'une seule nation europĂ©enne, prĂ´nant la suppression des nations europĂ©ennes existantes pour remplacer celles-ci par une nation europĂ©enne unitaire comme le dĂ©fendait Jean Thiriart, Jeune Europe et l'Union Movement.

Notes et références

  1. (en) Hannah Arendt, Essays in understanding 1930-1954, Ă©d. J. Kohn, 1994, p. 412-417.
  2. Nicolas Lebourg, « La Libération nationale et sociale des régions d’Europe : histoire d’une utopie fasciste (1941-2001) », Utopia and Utopianism, The University Book, Madrid, 2007, no. 2, pp. 95-108
  3. The National Party of Europe and The Conference of Venice, 1962
  4. Lebourg 2010, p. 8.
  5. Anne-Marie Duranton-Crabol, L'Europe de l'extrĂŞme droite de 1945 Ă  nos jours, Editions Complexe, (ISBN 978-2-87027-404-0, lire en ligne), p. 168
  6. Lebourg 2010, p. 9.
  7. René Binet, Déclarations du Nouvel Ordre Européen, , p. 1-3
  8. Lebourg 2010, p. 22.
  9. Lebourg 2010, p. 212.
  10. Jean Mabire, dans L’Esprit public, 1963 ; idem, août 1963 ; idem, octobre 1963 ; idem, juillet-août 1964
  11. Jean Mabire, « Notre nationalisme européen », Europe-Action, juillet-août 1965, cité dans Anne-Marie Duranton-Crabol, Visages de la nouvelle droite. Le G.R.E.C.E. et son histoire, 1988, p. 27.
  12. Serge Dumont, Les brigades noires: l'extrĂŞme-droite en France et en Belgique francophone, de 1944 Ă  nos jours, EPO, (ISBN 978-2-87003-172-8, lire en ligne), p. 21
  13. Lebourg 2010, p. 28.
  14. Jean Thiriart, Un empire de 400 millions d'hommes l'Europe, Imprimerie Sineco, (lire en ligne)
  15. La Nation européenne, 15 mars-15 avril 1967 ; idem, no 17, sans date, (entre juin et juillet 1967).
  16. Lebourg 2010, p. 128.
  17. Lebourg 2010, p. 125.
  18. Lebourg 2010, p. 19.
  19. Nicolas Lebourg, Le monde vu de la plus extrĂŞme droite, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, , 260 p. (ISBN 9782354120757), p. 222 :
    « Si c’est ici la formulation raciste qui est utilisée, en vue de mobilisation militante, l’idée s’inscrit néanmoins dans le cadre de la fascination jamais démentie des nationalistes pour le principe fédéraliste proudhonien. Car le « socialisme de Proudhon » auquel ne cessent de se référer les N.R. est toujours conçu dans le sens que lui donne en 1968 l’ancienne tête pensante de L’Ordre Nouveau, Alexandre Marc dans sa préface à l’ouvrage de Fouéré : Proudhon c’est le socialisme qui lie « l’Atelier libéré aux franchises communales, régionales, ethniques, nationales150 ». L’intitulé du dit ouvrage, L’Europe aux cent drapeaux, est devenu le slogan préféré de Nouvelle Résistance, en autocollant comme dans sa revue, et c’est elle qui pousse le raisonnement à son point dialectique ultime [...] »
  20. Lebourg 2010, p. 195.
  21. Lebourg 2010, p. 216-217.
  22. « Un Programme de politique étrangère : nationalisme et Occident », Ordre nouveau, supplément à Pour un Ordre nouveau, juin 1972, p. 226-261. Cité dans Nicolas Lebourg, « Les dimensions internationales du Front national », Pouvoirs, 2016/2 (No 157), p. 105-113.
  23. Raphael Schlembach, Against Old Europe: Critical Theory and Alter-Globalization Movements (2014), p. 134
  24. « S'il a fallu près de dix ans pour que cette Nouvelle Droite soit découverte par les médias, son discours élitiste, ses prétentions scientifiques et son emphase sur le culturalisme européen ont contribué tout au long des années 1970 à réhabiliter nombre d'idées jusque-là tenues pour être indéfendable. La stratégie de réarmement intellectuel de la Nouvelle Droite était l'opposé polaire de l'activisme commando, mais la continuité du personnel et, en substance (mais pas dans la forme), des principes majeurs remonte à l'OEA et au-delà. Vaughan, Michalina, "L'extrême droite en France:" Lepénisme "ou la politique de la peur" dans: Luciano Cheles, Ronnie Ferguson et Michalina Vaughan (eds.), L'extrême droite en Europe occidentale et orientale (deuxième éd. 1995) , p. 215–233 (p. 219)
  25. Dimitri Almeida, The Impact of European Integration on Political Parties: Beyond the Permissive Consensus, Routledge (2012), p. 137.
  26. Robert Frank et Christophe Le Dréau, « « Introduction », Les cahiers Irice », sur Cairn.info, (consulté le )
  27. Élisabeth Zoller, « Aspects internationaux du droit constitutionnel. Contribution à la théorie de la fédération d’États », Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye,‎ , p. 153

Voir aussi

Articles connexes

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