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MĂ©thylisothiazolinone

La méthylisothiazolinone, MIT ou MI, est un puissant biocide et conservateur du groupe des isothiazolinones, utilisée dans les produits de soins et de nombreux autres produits (peintures notamment[2]) depuis 2005[3]. C'est un produit allergÚne, source d'eczéma allergique chronique (y compris pour les produits rinçables, et avec de nombreuses rechutes[4]).

MĂ©thylisothiazolinone
Image illustrative de l’article MĂ©thylisothiazolinone
Identification
Nom UICPA 2-méthylisothiazol-3(2H)-one
No CAS 2682-20-4
No ECHA 100.018.399
PubChem 39800
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C4H5NOS [IsomĂšres]
Masse molaire[1] 115,154 ± 0,009 g/mol
C 41,72 %, H 4,38 %, N 12,16 %, O 13,89 %, S 27,85 %,
Propriétés physiques
T° fusion 44,2 à 48,3 °C
T° ébullition décomp. à partir de 236 °C
Masse volumique 1,39 g cm−3 (20 °C)
Pression de vapeur saturante à 20 °C : 0,4-0,99 Pa ;

à 25 °C : 0,7-1,6 Pa


Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

À la suite des scandales autour des parabĂšnes, son usage s'est, en quelques annĂ©es gĂ©nĂ©ralisĂ© dans les produits cosmĂ©tiques et en 2010-2016 il est Ă  l'origine d'« une Ă©pidĂ©mie sans prĂ©cĂ©dent d'allergie de contact », dont en Europe[5], avec de possibles allergies croisĂ©es Ă  l'octylisothiazolinone (OIT) et au benzisothiazolinone (BIT).
D'aprÚs des expériences sur le modÚle animal (souris) les personnes sensibilisées au méthylisothiazolinone (MI) peuvent aussi réagir à l'OIT et au BIT si elles ont été exposées à une concentration suffisante de MI[6].

Applications

La méthylisothiazolinone et les autres dérivés des biocides isothiazolinone sont utilisés pour contrÎler la croissance microbienne dans des solutions contenant de l'eau[7]. Deux des biocides isothiazolinone les plus largement utilisés sont la 5-chloro-2-méthyl-4-isothiazolin-3-one (chlorométhylisothiazolinone ou CMIT) et la 2-méthyl-4-isothiazolin-3-one (méthylisothiazolinone ou MIT), qui sont les ingrédients actifs dans un mélange 3:1 (CMIT:MIT) vendu commercialement sous le nom de Kathon. Les produits Kathon sont vendus aux fabricants sous forme de solution concentrée contenant entre 10 et 15 % de CMIT/MIT.

Pour application, l'utilisation recommandĂ©e est entre 6 et 75 ppm d'isothiazolones actives. Les applications biocides couvrent un spectre allant du stockage d'eau industriel aux unitĂ©s de refroidissement, Ă  des processus aussi variĂ©s que l'exploitation miniĂšre, la fabrication de papier, le travail des mĂ©taux fluides et la production d'Ă©nergie. De plus, une isothiazolinone, Sea-Nine 211 (4,5-dichloro-2-n-octyl-4-isothiazolino-3-one, DCOI), a rapidement remplacĂ© le tributylĂ©tain comme agent antifouling dans la peinture des bateaux. Une Ă©tude rĂ©cente a rĂ©vĂ©lĂ© la prĂ©sence de DCOI Ă  la fois dans les eaux portuaires et les Ă©chantillons de sĂ©diments d'Osaka, au Japon, spĂ©cialement dans certaines zones[8]. Au niveau environnemental, les niveaux de DCOI considĂ©rĂ©s dans les marinas sont Ă  prĂ©sent considĂ©rĂ©s comme une question pour diverses espĂšces d'invertĂ©brĂ©s marins (en)[9]. Les isothiazolinones sont aussi extrĂȘmement toxiques pour les poissons[10]. La large utilisation d'isothiazolinones dans le domaine industriel a conduit Ă  un trĂšs grand nombre de cas d'exposition humaine prĂ©occupants, parfois dans des proportions Ă©pidĂ©miques[11]. Cela survient d'abord, mais pas exclusivement, quand les travailleurs sont exposĂ©s Ă  des solutions stockĂ©es au cours du processus de dilution, conduisant Ă  des brĂ»lures chimiques, des dermatites de contact, et des rĂ©actions allergiques[4]. Les expositions par inhalation sont aussi trĂšs courantes[12].

Écotoxicologie

Alors que l'agriculture Ă©tait autrefois et depuis des dĂ©cennies la principale source de biocide dans l'environnement, la lixiviation des peintures et enduits de façades des bĂątiments[2] et le rinçage (douches, bains, baignades) de cosmĂ©tiques et de produits de soins personnels et de nettoyage sont devenus de nouvelles sources prĂ©occupantes de contamination de l'eau et de l’environnement[13].

La Méthylisothiazolinone est depuis les années 2010 trÚs présente dans les peintures[2] et produits de soins. Les lixiviats et produits de rinçage en contenant sont de plus en plus retrouvés dans les eaux d'égouts et/ou de baignade, et comme plusieurs autres biocides elle se montre génotoxique pour certains animaux aquatiques (tests fait sur la truite)[14].

Chez la souris une réaction inflammatoire/immunitaire apparait en trois jours et une sensibilisation est facile à induire[6].

Un autre effet prĂ©occupant, dĂ©montrĂ© par une publication de 2017 chez le planaire (5 espĂšces diffĂ©rentes utilisĂ©s dans ce cas comme espĂšce modĂšle) est que outre une perte d'intĂ©gritĂ© Ă©pithĂ©liale et de fonction neuromusculaire chez les planaires non lĂ©sĂ©s, cette molĂ©cule a inhibĂ© la cicatrisation et de la rĂ©gĂ©nĂ©ration de planaires expĂ©rimentalement lĂ©sĂ©s[15]. Lors de cette Ă©tude des antioxydants se sont rĂ©vĂ©lĂ©s ĂȘtre des antidotes des effets (chez le planaire). La mĂȘme Ă©quipe avait prĂ©cĂ©demment montrĂ© que la MĂ©thylisothiazolinone inhibait Ă©galement la cicatrisation et la rĂ©gĂ©nĂ©ration de la queue de la jeune grenouille Xenopus laevis.

Une Ă©tude publiĂ©e en 2018 a apportĂ© des donnĂ©es nouvelles concluant Ă  une toxicitĂ© faible de ce produit pour la cellule (sur la base de tests in vitro sur des cultures de cellules de foie de truite arc-en-ciel (RTL-W1) et des cellules ovariennes de hamsters femelles (CHO-9), mais note que sur la base des donnĂ©es publiĂ©es, les valeurs de PNEC sont beaucoup plus Ă©levĂ©es pour l'IM (0,5 ÎŒg/l) que pour la Terbutryne ou TB (0,003 ÎŒg/l) ou l'octhilinone ou OI (0,05 ÎŒg/l)[13]. Cette Ă©tude laisse penser que les risques environnementaux et Ă©cotoxicologiques posĂ©s par ce produit pourraient avoir Ă©tĂ© sous-estimĂ©s[16].

Santé humaine

De nombreuses études ont montré que la MIT est allergénique (une exposition prolongée induit un risque plus élevée de dermatite allergique de contact[17], avec parfois une réactivité croisée (avec la Pemphigoïde bulleuse pouvant conduire à l'hospitalisation[18]) et qui semble cytotoxique (toxique pour les cellules)[19] et un travail récent (2017) a montré :

  • qu'il existe une grande diffĂ©rence de passage percutanĂ© (dans la peau) selon qu'il y a ou non rinçage du produit aprĂšs qu'il a Ă©tĂ© posĂ© sur la peau[20] ;
  • que les estimations d'exposition utilisĂ©es pour des utilisations rĂ©pĂ©tĂ©es de produits par jour Ă©taient trop prudentes[20].

En France, les rĂ©sultats d’une Ă©tude du REVIDAL-GERDA (RĂ©seau de Vigilance en Dermatologie Allergologie rattachĂ© au Groupe d’Étude et de Recherche en Dermatologie Allergologie) ont montrĂ© qu’entre 2010 et 2012 la proportion de tests positifs Ă  la mĂ©thylisothiazolinone a plus que triplĂ©. Cette augmentation rĂ©sulte probablement du remplacement de certains produits conservateurs (parabĂšne, mĂ©thanal, mĂ©thyldibromoglutaronitrile) par ce produit[21].

À la suite des diffĂ©rentes publications scientifiques europĂ©ennes, la MI a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e « allergĂšne de l’annĂ©e 2013 » aux États-Unis et va ĂȘtre testĂ©e en routine dans la batterie d’allergĂšnes standard nord-amĂ©ricaine[22] et en 2013 la situation Ă©pidĂ©miologique avait empirĂ©.

DĂ©finitions

La dermite de contact est une atteinte locale de la peau causée par le contact de celle-ci avec une substance étrangÚre. Il existe deux types de dermite de contact : la dermite de contact irritative et la dermite de contact allergique.

  • La dermite de contact irritative, plus frĂ©quente, est causĂ©e par diverses substances irritantes provoquant une inflammation, une rougeur, une sensation de chaleur, une enflure et de la douleur.
  • Dans la dermite de contact allergique, des cellules immunitaires spĂ©cifiques sont impliquĂ©es et sont sensibilisĂ©es Ă  une substance. Ainsi, ces cellules vont s'activer Ă  chaque fois que la peau entre en contact avec cette substance et causer une rĂ©action cutanĂ©e, rougeur de la peau, la formation de vĂ©sicules, une desquamation et la formation de croĂ»tes. À la diffĂ©rence de la dermite irritative, la rĂ©action peut apparaitre dans des rĂ©gions du corps qui n'ont pas Ă©tĂ© en contact avec la substance allergĂšne[23].

Constat

La méthylisothiazolinone est couramment utilisée dans les produits, parfois en conjonction avec la méthylchloroisothiazolinone, avec dans les deux cas la possibilité d'induire une dermatite de contact allergique. La sensibilisation à cette famille de conservateurs a été observée dÚs les années 1980. En raison de l'utilisation accrue de conservateurs isothiazolinone depuis 2005, les cas signalés de contacts allergiques à ce produit ont été, eux aussi, en forte augmentation.

  • En 2013, la substance a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e AllergĂšne de contact de l'annĂ©e 2013 (en), par l'American Contact Dermatitis Society[24] - [25] et on observe un dĂ©but d'Ă©pidĂ©mie en Europe[5].
  • En 2015, une Ă©tude conduite dans huit pays europĂ©ens (1er-) a montrĂ© que 6,0 % des personnes testĂ©es (205/3 434 patients) eu des rĂ©actions positive Ă  ce produit (patch-test) et que la dermatite est localisĂ©e sur les mains dans 43,4 % des cas puis sur le visage (32,7 % de cas), les bras (14,6 %) et les paupiĂšres (11,7 %) mais 12,7 % des patients ont eu une dermatite gĂ©nĂ©ralisĂ©e. La majoritĂ© des patients (79 %) ont notĂ© l'apparition de leur dermatite entre 2013 et 2015[5]. Dans la plupart des cas, l'allergie a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă  des cosmĂ©tiques, mais 7,3 % des patients ont vu la rĂ©action allergique apparaitre lorsqu'ils Ă©taient dans des chambres nouvellement peintes et d'autres Ă©tudes ont montrĂ© que ce produit est aussi de plus en plus utilisĂ© comme conservateur des peintures et enduits[2] (sans ĂȘtre mentionnĂ© par l'Ă©tiquette souvent)[5] - [26].

Principe de précaution

Le , la sociĂ©tĂ© de cosmĂ©tiques Cosmetics Europe, aprĂšs des discussions avec la SociĂ©tĂ© europĂ©enne de la dermatite de contact (ESCD), a recommandĂ© Ă  ses membres de cesser l'utilisation de la mĂ©thylisothiazolinone (MIT), pour les produits dermatologiques y compris les lingettes humides. Cette action est recommandĂ©e, dans l'intĂ©rĂȘt de la sĂ©curitĂ© des consommateurs, en ce qui concerne les effets indĂ©sirables sur la peau. Il est recommandĂ© aux entreprises concernĂ©es, de ne pas attendre une intervention rĂ©glementaire, en vertu du rĂšglement cosmĂ©tique[27], mais de mettre en Ɠuvre cette recommandation dĂšs que possible[28].

Avis de la Commission européenne

Le , le comité scientifique de la Commission européenne sur la sécurité des consommateurs (SCCS), a émis un avis sur la sécurité des méthylisothiazolinones. Ce rapport ne considÚre que la question de la sensibilisation de contact. Le comité a conclu :

  • les donnĂ©es cliniques actuelles indiquent qu'une concentration de 100 ppm (0,01 %), dans les produits cosmĂ©tiques, n'est pas sans danger pour le consommateur ;
  • pour les produits cosmĂ©tiques (y compris les lingettes humides), aucune concentration sĂ»re de sĂ©curitĂ©, pour l'induction de l'allergie de contact ou son dĂ©clenchement, n'a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e ;
  • pour les produits cosmĂ©tiques, dits « Ă  rincer », on considĂšre qu'une concentration de 15 ppm (0,0015 %), est considĂ©rĂ©e comme sĂ»re pour le consommateur, du point de vue de l'induction de l'allergie de contact. Cependant, aucune information n'est disponible quant au seuil de dĂ©clenchement[27] et des Ă©tudes ultĂ©rieures montreront que les produits Ă  rinçage sont presque aussi souvent en cause que sans rincage[4].

Malgré des résultats d'études qui montrent tous sa responsabilité, en 2016 de nombreux produits cosmétiques (shampooing[29], gel douche, aprÚs-shampooing, crÚme de douche, lait de toilette, lessive, lingette, etc.), contiennent ce conservateur décrié[30] - [31].

Neurotoxicité démontrée avec le modÚle animal dÚs 2002

Depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, des Ă©tudes conduites par des neuroscientifiques ont montrĂ© que la mĂ©thylisothiazolinone, mĂȘme Ă  faible dose[32] est aussi « un biocide neurotoxique » et mĂȘme « hautement toxique » pour les neurones en culture, bien que sans effets apparents pour les cellules gliales ; ce produit « perturbe l'association des tyrosine kinases de la famille SRC avec la kinase d'adhĂ©sion focale dans le dĂ©veloppement des neurones corticaux »[33]. Il peut donc ĂȘtre Ă  l'origine de troubles neurodĂ©gĂ©nĂ©ratifs chez l'ĂȘtre humain.

En 2002, les résultats d'une étude[34] ont clairement montré (in vitro) qu'il n'y a pas besoin d'une exposition chronique pour générer cette neurotoxicité : une brÚve exposition suffit pour tuer les neurones mis en culture, via un processus toxique faisant intervenir le zinc et l'activation de la kinase régulée par le signal extracellulaire p44/42 (ERK) via une voie médiée par la 12-lipoxygénase[34]. Le processus de mort cellulaire implique aussi l'activation de la NADPH oxydase, la génération d'espÚces réactives de l'oxygÚne, l'endommagement de l'ADN et la suractivation d'un enzyme : la Poly(ADP-ribose) polymérase, toutes se produisant en aval de la phosphorylation ERK[34].
En 2012, on a montrĂ© in vivo chez les tĂȘtards de Xenopus laevis qu'une exposition chronique de neurones lors de leur dĂ©veloppement Ă  de faibles doses de MIT (doses largement sublĂ©tales) interfĂšre avec l'excroissance normale des neurites, c'est-Ă -dire de tous les prolongements du corps cellulaire du neurone (axone ou dendrite)[32]. Ceci s'est traduite par des anomalies neurocomportementales de l'animal, sans mortalitĂ© accrue (en aquarium) ni de rĂ©duction de la capacitĂ© natatoire, et sans dĂ©faut anatomique externe apparent, mais avec des dĂ©ficits de comportement d'Ă©vitement visuel qui coĂŻncident avec des anomalies Ă©lectrophysiologiques dans la fonction optique du Colliculus supĂ©rieur, et une susceptibilitĂ© accrue Ă  des crises de type Ă©pileptique)[32]. Les auteurs de cette Ă©tude, tout comme ceux de l'Ă©tude prĂ©cĂ©dente (publiĂ©e dix ans plus tĂŽt) ont invitĂ© Ă  vĂ©rifier que d'autres biocides apparentĂ©s n'aient pas d'effets similaires sur les neurones, effets qui n'avaient pas Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s ni rapportĂ©s par la littĂ©rature scientifique avant 2002[32].

Excrétion et métabolites

Les analyses d'urines permettent de mettre en évidence un métabolite (acide N-methylmalonamique ou NMMA) de ce biocide et d'alors montrer qu'il y a eu passage percutané d'un produit en contenant (ou inhalation)[35].

Une étude de 2017 basée sur des volontaires humains en bonne santé a permis de préciser la cinétique déclination du NMMA par l'urine[36]

Notes et références

  1. Masse molaire calculĂ©e d’aprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
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  3. Bouschon, P. B., Waton, J. W. et Le Bouedec, M. F. (2017), Gestion de l’éviction des produits Ă  risque et Ă©valuation du nombre de rechutes parmi les patients ayant un eczĂ©ma allergique de contact Ă  la mĂ©thylisothiazolinone entre 2010 et 2015, Revue Française d'Allergologie, 57(3), 241, rĂ©sumĂ©.
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Liens externes

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