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Juan VilĂĄ Reyes

Juan VilĂĄ Reyes (Barcelone, 1925 – ibidem, 2007) est un ingĂ©nieur textile et chef d’entreprise espagnol.

Juan VilĂĄ Reyes
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Fonction
Président du RCD Espanyol
-
Josep Fusté Noguera (d)
Josep Fusté Noguera (d)
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  81 ans)
Barcelone
Nationalité
Activités
Conjoint
MarĂ­a ConcepciĂłn Costa Oller
Autres informations
Domaine
Direction d’entreprise
Propriétaire de
Membre de
Sport
Distinction
Carta de Exportador

Au milieu de la dĂ©cennie 1950, il cofonda l’entreprise Matesa, productrice de machines textiles d’un type innovant, et ambitionna d’en faire, par le dĂ©veloppement de ses exportations, la premiĂšre multinationale espagnole. À cet effet, il abusa frauduleusement du systĂšme de crĂ©dits Ă  l’exportation (par le biais de la banque publique BCI) mis en place par le rĂ©gime franquiste, alors prĂ©occupĂ© avant tout de restaurer la balance des paiements. La mise en Ă©vidence de la fraude (basĂ©e sur des exportations fictives) en 1969 dĂ©clencha une campagne de presse, tolĂ©rĂ©e sinon orchestrĂ©e par les ministres « bleus » en exercice (tenants de l’idĂ©al autarcique phalangiste, mais de plus en plus Ă©cartĂ©s de la prise de dĂ©cision Ă©conomique), avides d’éclabousser par un scandale leurs rivaux, les ministres « technocrates » ayant tutelle sur la BCI, tous proches de l’Opus Dei et partisans d’une plus grande ouverture sur l’extĂ©rieur, accusĂ©s Ă  prĂ©sent d’incurie et de favoritisme envers un entrepreneur — VilĂĄ Reyes — appartenant Ă  leur milieu et auparavant encensĂ© par eux. VilĂĄ Reyes, bien que protestant de son innocence, fut condamnĂ© dans un premier temps Ă  plusieurs fortes amendes, pour lesquelles il fut graciĂ© par Franco en , puis Ă  plus de 200 ans d’emprisonnement et d’une nouvelle amende, peines pour lesquelles il fut amnistiĂ©, cette fois par Juan Carlos I, en , au bout de plus de six ans de dĂ©tention prĂ©ventive. En , la Matesa fut relancĂ©e sous forme de sociĂ©tĂ© coopĂ©rative, dans laquelle VilĂĄ Reyes Ă©tait Ă©galement partie prenante.

Biographie

Origines familiales

Pendant la Guerre civile espagnole, la famille de Juan VilĂĄ Reyes, aprĂšs s’ĂȘtre d’abord rĂ©fugiĂ©e en France et en Italie, finit par s’installer Ă  Zarauz, en Guipuscoa (Pays basque), oĂč le pĂšre entreprit de remettre en marche une modeste usine textile. La Guerre civile terminĂ©e, VilĂĄ Reyes acheva son baccalaurĂ©at Ă  Barcelone en 1945, puis obtint le titre d’ingĂ©nieur technique industriel textile. En 1942, la famille VilĂĄ mit sur pied Ă  Pampelune un atelier d’apprentissage, converti quatre ans plus tard en Manufacturas Arga. À l’ñge de 25 ans, VilĂĄ Reyes contracta mariage avec MarĂ­a ConcepciĂłn Costa Oller, avec qui il eut sept enfants.

VilĂĄ Reyes passait pour ĂȘtre trĂšs proche des milieux de l’Opus Dei[1].

À la tĂȘte de la Matesa (1956-1969)

Au dĂ©but des annĂ©es 1950, VilĂĄ Reyes fonda sa propre entreprise, dĂ©nommĂ©e Iwer, qui se vouait Ă  la recherche et dĂ©veloppement dans le domaine de la technologie textile et produisait des brevets qui Ă©taient ensuite vendus en Espagne et Ă  l’étranger.

En 1956 vit le jour la firme Maquinaria Textil del Norte de España SA (connu sous l’acronyme Matesa ou MATESA), oĂč il fut actif comme membre dĂ©lĂ©guĂ© du conseil d’administration. La Matesa se consacrait Ă  la fabrication, Ă  l’aide de piĂšces importĂ©es des États-Unis[2], d’un nouveau modĂšle de mĂ©tier Ă  tisser mĂ©canique ayant la particularitĂ© de se passer d’une navette et pour lequel la firme avait acquis en 1957 le brevet français Ancet-Fayolle en vue de son exploitation commerciale dans le monde entier, Ă  l’exception de la France, des Pays-Bas et des anciennes colonies de ces pays. Le siĂšge central et les bureaux d’étude Ă©taient situĂ©s Ă  Barcelone, tandis que les ateliers de montage se trouvaient Ă  Pampelune, qui Ă©tait alors l’un des centres vitaux de l’Opus Dei[3] - [4]. En 1967, le capital social de l’entreprise se montait Ă  600 millions de pesetas et Ă©tait Ă  partir de cette date en totalitĂ© aux mains de la famille VilĂĄ Reyes, qui dĂ©jĂ  dans les annĂ©es antĂ©rieures en avait Ă©tĂ© l’actionnaire majoritaire. Depuis 1967, il n’existait plus de conseil d'administration, la firme Ă©tant en effet dĂ©sormais dirigĂ©e par trois administrateurs solidaires : les frĂšres Juan et Fernando VilĂĄ Reyes, et Manuel Salvat Dalmau, beau-frĂšre des prĂ©cĂ©dents[3] - [5] - [6].

La Matesa avait entamĂ© ses activitĂ©s d’exportation en 1964 et avait dĂ©crochĂ© par deux fois le Brevet de l’exportateur (Carta de Exportador) de premiĂšre catĂ©gorie (respectivement en et )[3] - [4], et en outre, le ministĂšre de l’Éducation et des Sciences lui avait dĂ©cernĂ© la grand-croix de l’Ordre d'Alphonse X le Sage en reconnaissance de son Ɠuvre de « recherche industrielle »[7]. Ce succĂšs obtenu en pleine Campagne nationale pour l’exportation, avait valu une popularitĂ© notable Ă  Juan VilĂĄ Reyes, alors premier responsable de l’entreprise[3] - [note 1].

VilĂĄ Reyes faisait figure d’entrepreneur d’une espĂšce nouvelle, qui se plaisait Ă  se donner le genre du « manager amĂ©ricain »[8], douĂ© « d’agressivitĂ© exportatrice »[7], se dĂ©plaçait dans son avion privĂ©, et Ă©tait dotĂ© d’un entregent hors de l’ordinaire (il s’était notamment liĂ© d’amitiĂ© avec ValĂ©ry Giscard d'Estaing et apporta son concours financier Ă  la campagne Ă©lectorale de Richard Nixon, etc.). En somme, la Matesa Ă©tait devenue le navire-amiral d’un nouveau type d’entreprenariat, ouvert au marchĂ© international, que les autoritĂ©s Ă©conomiques franquistes, oublieuses de l’ancien idĂ©al autarcique, s’appliquaient dĂ©sormais Ă  mettre en avant. Une marque symptomatique de la bienveillance des diffĂ©rents secteurs de l’administration franquiste envers la Matesa fut la sentence indulgente prononcĂ©e en 1967 par le Tribunal des dĂ©lits monĂ©taires Ă  l’encontre de l’entreprise pour dĂ©lit d’évasion de capitaux portant sur une somme de 103 millions de pesetas[8].

Le gouvernement espagnol, prĂ©occupĂ© par le dĂ©ficit chronique de la balance des paiements, avait mis en place une politique d’aide aux exportations, notamment par le biais de crĂ©dits accordĂ©s par la Banque de crĂ©dit industriel (BCI), nationalisĂ©e quelques annĂ©es auparavant[9] - [10]. Juan VilĂĄ Reyes avait trouvĂ© dans ce systĂšme la source de financement dont il avait besoin pour rĂ©aliser les objectifs fixĂ©s par son entreprise, c’est-Ă -dire, en particulier, de se hisser en peu d’annĂ©es au rang de premiĂšre multinationale industrielle espagnole[11]. L’expansion internationale du produit que fabriquait et commercialisait la Matesa, la machine textile IWER, d’un type inĂ©dit (car jusque-lĂ  tous les mĂ©tiers mĂ©caniques comportaient une navette), capable de tisser tout type de matĂ©riau (y compris le papier et le fibre de verre), impliquait des dĂ©penses et des risques considĂ©rables, puisqu’il nĂ©cessitait de mettre en place un rĂ©seau de filiales internationales appelĂ©es non seulement Ă  vendre le produit, mais aussi Ă  prendre en charge le service aprĂšs-vente, et que les difficultĂ©s inhĂ©rentes Ă  la mise sur le marchĂ© d’un produit innovant ne pouvaient ĂȘtre surmontĂ©es qu’au moyen de l’octroi d’importants avantages financiers aux clients. Par suite, la Matesa devint forte consommatrice de crĂ©dits, le solde dĂ©biteur de la firme Ă  l’égard de la BCI s’accroissant de 22 millions de pesetas environ en 1964 (Ă©quivalant Ă  3,3 % du total des crĂ©dits Ă  la exportation accordĂ©s par la BCI) aux quelque 10 000 millions qui allaient scandaliser l’opinion espagnole en 1969[10] (Ă©quivalant Ă  environ 50 % du total, et Ă  25 % du total des fonds de la banque, pour le compte d’une seule entreprise[8]).

Scandale Matesa

En 1969, peu aprĂšs avoir acquis la cĂ©lĂ©britĂ© grĂące Ă  son passage dans l’émission d’entretiens de la TelevisiĂłn Española Ésta es su vida, et au moment oĂč les affaires de la firme Ă©taient Ă  leur apogĂ©e, il advint que la Direction gĂ©nĂ©rale des douanes le dĂ©nonça pour dĂ©tournement de fonds publics, pour un montant de dix mille millions de pesetas. La MATESA avait bĂ©nĂ©ficiĂ© de ladite somme dans le cadre d’un financement spĂ©cial de la part de la Banque de crĂ©dit industriel (BCI) en faveur d’opĂ©rations d’acquisition Ă  l’étranger. SommĂ© d’expliquer l’objet des contrats conclus, VilĂĄ Reyes confessa avoir utilisĂ© les succursales de la firme Ă  l’étranger comme entrepĂŽt pour simuler des mouvements d’exportation, avec le placet de la BCI.

Fin , le ministre du Commerce, Faustino GarcĂ­a-MoncĂł, eut une entrevue avec Juan VilĂĄ Reyes, oĂč celui-ci avoua qu’un tiers des exportations de son entreprise Ă©taient fictives et Ă  l’issue de laquelle il fut convenu d’écarter VilĂĄ Reyes de la direction de la firme et d’élaborer un plan de redressement dans le but de corriger la trajectoire d’une entreprise dans laquelle les autoritĂ©s continuaient malgrĂ© tout Ă  mettre leurs espoirs[12].

Pendant que les suspicions sur un comportement irrĂ©gulier de la Matesa allaient s’amplifiant, il fut dĂ©cidĂ© en , Ă  la suite d’un accord entre le ministre des Finances Juan JosĂ© Espinosa San MartĂ­n et Juan VilĂĄ Reyes, d’intĂ©grer dans le personnel de la Matesa l’ingĂ©nieur Juan Ignacio Trillo y LĂłpez-Mancisidor, qui Ă©tait connu du ministre et qui fut missionnĂ© de mettre de l’ordre dans l’imbroglio administratif de l’entreprise[13]. Le , les quatre actionnaires, Ă  savoir Juan, Fernando et Blanca VilĂĄ Reyes et Manuel Salvat Dalmau, tinrent une rĂ©union oĂč il s’accordĂšrent pour rĂ©voquer les administrateurs, pour transfĂ©rer leurs pouvoirs Ă  Trillo et au fonctionnaire technico-commercial Lorenzo Zavala Richi, pour cĂ©der les actions de l’entreprise l’Institut officiel de crĂ©dit (dĂ©pendant de la BCI), et pour cĂ©der Ă  l’État tous les biens et droits de la sociĂ©tĂ© et la totalitĂ© des patrimoines personnels des actionnaires. Le plan envisageait, dans une deuxiĂšme Ă©tape, la mise sous sĂ©questre de l’entreprise par l’État et la confirmation de Trillo et de Zavala en qualitĂ© de curateurs, qui auraient Ă  tĂąche d’acquitter les dettes et de redimensionner la firme en fonction de ses possibilitĂ©s vĂ©ritables. Les curateurs s’avisĂšrent bientĂŽt que la situation Ă©tait bien pire que ce qu’ils soupçonnaient ; ainsi p. ex., les exportations fictives ne se montaient pas Ă  un, mais aux deux tiers. Ce constat incita le directeur des douanes Ă  saisir le Tribunal spĂ©cial des dĂ©lits monĂ©taires, tandis que les ministres des Finances et du Commerce soumettaient au Conseil des ministres leur plan de mise sous sĂ©questre de la Matesa[14].

L’affaire provoqua un remue-mĂ©nage sans prĂ©cĂ©dent dans toute la presse espagnole de l’époque[15] et donna lieu, avec pour le moins l’assentiment tacite des ministres « bleus » (hĂ©ritiers du phalangisme) Manuel Fraga et JosĂ© SolĂ­s, Ă  une vĂ©ritable campagne de presse, qui allait assurer au scandale une ample rĂ©percussion tant en Espagne que dans le monde et en faire l’occasion d’un rĂšglement de comptes politique, en Ă©claboussant les ministres dits « Ă©conomiques » du gouvernement, tous affiliĂ©s ou sympathisants de l’Opus Dei. En effet, dans la classe gouvernante espagnole couvait depuis au moins une lutte de tendances entre d’un cĂŽtĂ© les bleus (en perte de vitesse), incarnĂ©s par les ministres Fraga et SolĂ­s, rejoints occasionnellement par le ministre des Affaires Ă©trangĂšres Fernando MarĂ­a Castiella, et de l’autre les technocrates (partisans du libĂ©ralisme, en ascension), reprĂ©sentĂ©s par les ministres « Ă©conomiques » (Navarro Rubio et Espinosa San MartĂ­n et GarcĂ­a-MoncĂł), emmenĂ©s par le prĂ©sident de facto du Conseil des ministres, Carrero Blanco, et dont LĂłpez RodĂł faisait figure de chef de file[16] - [17].

VilĂĄ Reyes pour sa part protestait de son innocence dans une lettre Ă  son avocat datĂ©e du et publiĂ©e par tous les journaux Ă  la fin du mois, dont l’hebdomadaire Mundo (revue de politique Ă©trangĂšre de l’agence officielle EFE), qui assurait que tout « l’argent parvenu dans ses coffres avait Ă©tĂ© investi, selon ce qu’ont assurĂ© des sources gĂ©nĂ©ralement bien informĂ©es, dans des travaux d’infrastructure, de recherche et d’amĂ©lioration des rĂ©seaux commerciaux et du service aprĂšs-vente »[18], lettre oĂč Vila Reyes insistait[19] :

« En vingt ans de dur travail, nul n’a pu nous accuser, ma famille ou moi-mĂȘme, d’amoralitĂ© professionnelle ; cependant si, malgrĂ© cela, j’avais Ă©tĂ© un individu sans vergogne capable d’avoir fait ce qu’ils disent, ils ne m’auraient pas attrapĂ© ici. SincĂšrement, ce sont lĂ  les deux choses que me dĂ©rangent le plus : de passer pour un malhonnĂȘte et pour un imbĂ©cile. »

L’auteur et journaliste CĂ©sar Vidal affirme que le stratagĂšme utilisĂ© par VilĂĄ Reyes constituait une pratique gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă  cette Ă©poque, et va jusqu’à conjecturer que l’activitĂ© de la Matesa, dans l’hypothĂšse oĂč elle n’ait pas Ă©tĂ© interrompue, aurait pu ĂȘtre viable[20].

Procédure pénale et condamnation

À l’issue des diffĂ©rents procĂšs intentĂ©s contre Juan VilĂĄ Reyes furent prononcĂ©es les condamnations suivantes :

  • Amende de 21 000 000 de pesetas infligĂ©e en par le Tribunal spĂ©cial des dĂ©lits monĂ©taires pour un dĂ©lit d’évasion de devises d’un montant avĂ©rĂ© de 103,5 millions de pesetas[21].
  • Amende de 1 658 millions et peine d’emprisonnement de trois ans imposĂ©es par le mĂȘme Tribunal en et confirmĂ©es, aprĂšs que le condamnĂ© eut interjetĂ© appel, par le Tribunal Ă©conomico-administratif central en [21] - [22]. Aux termes de la grĂące de accordĂ©e par Franco, il fut dispensĂ© de s’acquitter de l’amende et de purger un quart de la peine de prison. La grĂące lui fut octroyĂ©e avant mĂȘme la confirmation de la sentence.
  • En , l’Auditorat provincial de Madrid le condamna pour dĂ©lits d’escroquerie sur un montant de 8 933 et de 590 millions de pesetas respectivement (Ă©quivalant Ă  1 263 millions d’euros au cours de 2013)[21] - [note 2], pour 417 dĂ©lits de faux en Ă©criture dans le cadre d’opĂ©rations commerciales, et pour quatre dĂ©lits de corruption active[21]. VilĂĄ Reyes fut condamnĂ© Ă  une peine d’emprisonnement de plus de 223 annĂ©es et Ă  9 600 millions de pesetas d’indemnisations et d’amendes, verdict ensuite confirmĂ© en par le Tribunal suprĂȘme. Ces dĂ©cisions judiciaires restĂšrent cependant sans effet attendu que VilĂĄ Reyes, dĂ©fendu alors par le dirigeant historique de la CEDA, JosĂ© MarĂ­a Gil-Robles, fut graciĂ© par le roi Juan Carlos I, nouvellement intronisĂ©, et remis en libertĂ© le , aprĂšs six ans et demi de dĂ©tention prĂ©ventive[23] - [24].

La mesure de grĂące dĂ©cidĂ©e par Franco en septembre 1971 peut s’interprĂ©ter comme rĂ©sultant de sa volontĂ© de couper court Ă  la tournure trop politique qu’avait prise l’affaire, mais pour l’historien Stanley Payne, elle serait Ă  examiner Ă  la lumiĂšre de la menace profĂ©rĂ©e par VilĂĄ Reyes dans une lettre Ă©crite le en prison (oĂč il se trouvait dans l’attente de son recours en appel) Ă  l’attention de Carrero Blanco, oĂč il prĂ©vint celui-ci sans ambages que si le gouvernement ne trouvait pas le moyen de l’innocenter, il rendrait publique une vaste documentation en sa possession apportant les preuves d’un trafic gĂ©nĂ©ralisĂ© de devises vers l’étranger dans les annĂ©es de 1964 Ă  1969. La lettre comportait un « appendice documentaire » rĂ©pertoriant les diffĂ©rents documents susceptibles de servir de preuve d’activitĂ©s de cette nature exercĂ©es par 453 personnalitĂ©s et entreprises commerciales de premier plan, dont un grand nombre Ă©taient Ă©troitement liĂ©es au rĂ©gime[25] - [22].

RÎle dans le destin ultérieur de la Matesa

La Commission de liquidation, mise sur pied pour tenter de recouvrer les 9 800 millions de pesetas accordĂ©s au titre de crĂ©dits et les 1 300 millions redevables par la Matesa au titre d’intĂ©rĂȘts Ă  la BCI — montants tels qu’ils s’établissaient au moment de l’éclatement du scandale —, ne parvint Ă  rĂ©cupĂ©rer que 6 900 millions de pesetas (au cours de 1983), provenant essentiellement des entitĂ©s d’assurances. On ne put rien rĂ©cupĂ©rer de la Matesa elle-mĂȘme, ni quasiment rien de VilĂĄ Reyes. Comme quelque 4 000 millions de pesetas furent prĂ©levĂ©s sur un organisme autonome du ministĂšre des Finances (le Consorcio de CompensaciĂłn de Seguros) et les 326 millions restants sur CrĂ©dito y CauciĂłn, sociĂ©tĂ© relevant majoritairement du secteur public et seulement en minoritĂ© du secteur assurantiel privĂ©, c’est en fait Ă  l’État espagnol qu’il revenait d’éponger le dĂ©ficit[21].

La Matesa, mise sous sĂ©questre en 1969, poursuivit ses activitĂ©s industrielles sous la tutelle d’un administrateur judiciaire jusqu’en , date Ă  laquelle elle fut publiquement offerte Ă  la vente et adjugĂ©e pour un montant de 66 000 pesetas Ă  une sociĂ©tĂ© coopĂ©rative formĂ©e d’anciens employĂ©s de la firme, qui allait entreprendre sous le parrainage du mĂȘme VilĂĄ Reyes de commercialiser un nouveau mĂ©tier Ă  tisser dĂ©nommĂ© Iwer de Navarra[26].

Liens avec l’Opus Dei

Les attaches qu’aurait supposĂ©ment eues VilĂĄ Reyes avec les ministĂšres Ă©conomiques par le biais de l’organisation catholique Opus Dei fut un aspect important du scandale Matesa. JosĂ© MarĂ­a Gil-Robles, qui figura comme avocat de VilĂĄ Reyes lors de son procĂšs, fit paraĂźtre le un article dans le journal El Correo de AndalucĂ­a tendant Ă  disculper l’Opus Dei, et dont voici un extrait :

« À cause de cela, au lieu d’établir exactement ce qui s’est passĂ©, l’on s’est hĂątĂ© de limoger les ‘bleus’ et Ă  confirmer Ă  leurs postes les Ă©lĂ©ments de l’Opus [Dei], de qui il me faut dire en conscience, bien que cette entitĂ© ne me soit pas sympathique, qu’aucun n’a commis d’irrĂ©gularitĂ©, et moins encore d’immoralitĂ©. »

Il est Ă  signaler que l’Opus Dei avait des membres aussi bien chez les personnes mis en cause que chez les dĂ©nonciateurs, Ă  commencer par le fonctionnaire des douanes qui dĂ©voila l’affaire, ce qui explique sans doute la dĂ©cision salomonique de Franco, car outre les mis en cause, deux ministres rĂ©putĂ©s ĂȘtre leurs adversaires durent quitter le gouvernement : Fraga et SolĂ­s. VilĂĄ Reyes lui-mĂȘme niait ĂȘtre membre de l’Opus Dei et rĂ©cusait tout lien de celui-ci avec son nĂ©goce[27].

R.C.D. Español

VilĂĄ Reyes Ă©tait membre du comitĂ© directeur du club RCD Español, sous la prĂ©sidence de CesĂĄreo Castilla Delgado (1962) et de Josep FustĂ© Noguera (1963-1966), avant d’accĂ©der Ă  son tour Ă  la prĂ©sidence en , avec l’appui de Juan Antonio Samaranch. Sous son mandat, l’Español rĂ©ussit Ă  attirer cinq joueurs d’exception — JosĂ© MarĂ­a, RĂ©, Rodilla, Amas et Marcial —, passĂ©s dans l’histoire du football sous le surnom des « cinq dauphins ». De plus, le club emmĂ©nagea dans de nouveaux bureaux rue Villarroel Ă  Barcelone, en remplacement de ceux que le club occupait rue CĂłrcega.

En , VilĂĄ Reyes dĂ©missionna de la prĂ©sidence de l’Español en allĂ©guant des raisons de santĂ©. Sa gestion financiĂšre donna matiĂšre Ă  critique, vu qu’il laissa une ardoise de 150 millions de pesetas. Dans la compĂ©tition nationale, le club rĂ©trograda vers la deuxiĂšme division, en dĂ©pit de l’équipe hors du commun que l’entrepreneur avait constituĂ©e. À l’époque, c’était un lieu commun que d’imputer ces mauvais rĂ©sultats sportifs Ă  des interfĂ©rences politiques[28].

Notes et références

Notes

  1. La Carta de Exportador Ă©tait un diplĂŽme d’excellence instituĂ© en vertu d’un dĂ©cret du . Aux dires de Navarro Rubio, il s’agissait d’« une vĂ©ritable carte de payement nominative que le gouvernement adresse aux diffĂ©rents organes de l’administration publique chargĂ©s d’administrer les subsides, de sorte qu’ils mettent ceux-ci en Ɠuvre, de façon effective, en faveur de l’entreprise qui l’exhibe [...] Seuls 36 exportateurs ont su dĂ©crocher cette distinction insigne concĂ©dĂ©e par la PrĂ©sidence du gouvernement. La Matesa l’a obtenue Ă  deux reprises ».
    Cf. M. Navarro Rubio (1978), p. 19.
  2. Montants actualisĂ©s suivant les tableaux de l’Institut national de statistique.

Références

  1. Andrée Bachoud, Franco, ou la réussite d'un homme ordinaire, Paris, Fayard, , 530 p. (ISBN 978-2213027838), p. 411.
  2. Bartolomé Bennassar, Franco, Paris, Perrin, coll. « Tempus », (1re éd. 1995) (ISBN 978-2-262-01895-5), p. 243.
  3. F. Jiménez Sånchez (1994), p. 141.
  4. A. Bachoud (1997), p. 411.
  5. E. Álvarez-Puga (1974), p. 25 etss.
  6. J. VilĂĄ Reyes (1992).
  7. B. Bennassar (1995), p. 243.
  8. F. Jiménez Sånchez (1994), p. 147.
  9. (es) Gabriel Tortella et Juan Carlos Jiménez, Historia del Banco de Crédito Industrial, Madrid, Alianza Editorial, , 278 p. (ISBN 978-8420690346), p. 165 & 168.
  10. F. Jiménez Sånchez (1994), p. 145.
  11. (es) Stanley G. Payne et JesĂșs Palacios, Franco. Una biografĂ­a personal y polĂ­tica, Barcelone, Espasa, , 813 p. (ISBN 978-84-670-0992-7), p. 550.
  12. F. Jiménez Sånchez (1994), p. 149.
  13. F. Jiménez Sånchez (1994), p. 148.
  14. F. Jiménez Sånchez (1994), p. 150.
  15. (es) Juan Vila Reyes, El atropello Matesa: toda la verdad sobre un caso abierto hace veintitrés años y que ni la dictadura ni la democracia han logrado cerrar, Barcelone, Plaza y Janés / Cambio 16, , 315 p. (ISBN 978-8478630325).
  16. F. Jiménez Sånchez (1994), p. 132-133.
  17. R. Carr & J. P. Fusi (1979), p. 26-27 & 181.
  18. F. Jiménez Sånchez (1994), p. 161-162.
  19. F. Jiménez Sånchez (1994), p. 162.
  20. (es) César Vidal, « ¿Cuål fue la causa del escåndalo Matesa? », sur Libertad Digital, Madrid, Cronos Multimedia, (consulté le ).
  21. (es) Gustavo MatĂ­as, « Reportaje: Matesa resucita », El PaĂ­s, Madrid, Ediciones El PaĂ­s,‎ (ISSN 1576-3757, lire en ligne, consultĂ© le ).
  22. S. G. Payne & J. Palacios (2014), p. 552-553.
  23. (es) « Juan VilĂĄ Reyes en libertad », ABC, Madrid,‎ , p. 29 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  24. (es) Miguel Ángel Noceda, « El escĂĄndalo que erosionĂł al rĂ©gimen franquista », El PaĂ­s, Madrid, Éditions El PaĂ­s,‎ (ISSN 1576-3757, lire en ligne, consultĂ© le ).
  25. S. G. Payne (1987), p. 570.
  26. (es) « Matesa puede seguir funcionando con el nuevo telar de Juan VilĂ  Reyes », El PaĂ­s, Madrid, Ediciones El PaĂ­s,‎ (ISSN 1576-3757, lire en ligne, consultĂ© le ).
  27. (es) « El "asunto Matesa" » [archive du ] (consulté le ).
  28. (es) « De empresario modelo, a siete años de cĂĄrcel », Sport, Hospitalet de Llobregat, Ediciones Deportivas Catalanas / Prensa IbĂ©rica Media / Grupo Zeta,‎ (lire en ligne).

Bibliographie

Liens externes

  • (es) « Muere el responsable del caso Matesa, Juan VilĂĄ Reyes », La Nueva España, Oviedo (Asturies), Editorial Prensa Asturiana, S.A.,‎ (ISSN 1577-5321, lire en ligne).
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