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James K. Polk

James Knox Polk, né le à Pineville en Caroline du Nord et mort le à Nashville dans le Tennessee, est un homme d'État américain, onzième président des États-Unis de 1845 à 1849. Il fut également président de la Chambre des représentants de 1835 à 1839 et gouverneur du Tennessee de 1839 à 1841. Membre du Parti démocrate, il était un protégé d'Andrew Jackson et fut pendant toute sa carrière un défenseur du concept de démocratie jacksonienne. Sous la présidence de Polk, les États-Unis s'agrandirent du Texas, de l'Oregon, de la Californie et du Nouveau-Mexique (pour ces deux derniers territoires, au prix d'une guerre avec le Mexique).

James K. Polk
Illustration.
Portrait de James K. Polk
(par Mathew Brady, vers 1849).
Fonctions
11e président des États-Unis
–
(4 ans)
Élection 4 décembre 1844
Vice-président George M. Dallas
Gouvernement Administration Polk
Prédécesseur John Tyler
Successeur Zachary Taylor
11e gouverneur de l'État du Tennessee
–
(2 ans et 1 jour)
Prédécesseur Newton Cannon
Successeur James C. Jones
13e président de la Chambre des représentants des États-Unis
–
(3 ans, 2 mois et 24 jours)
Prédécesseur John Bell
Successeur Robert M. T. Hunter
Représentant des États-Unis pour le Tennessee
–
(5 ans, 11 mois et 27 jours)
Circonscription 9e district du Tennessee
Prédécesseur William Fitzgerald
Successeur Harvey Watterson
Biographie
Nom de naissance James Knox Polk
Date de naissance
Lieu de naissance Pineville, Caroline du Nord
Date de dĂ©cès (Ă  53 ans)
Lieu de décès Nashville, Tennessee
Nature du décès Choléra
Nationalité Américain
Parti politique Parti démocrate
Conjoint Sarah Childress Polk
Diplômé de Université de Caroline du Nord à Chapel Hill
Profession Juriste
Religion MĂ©thodisme

Signature de James K. Polk

James K. Polk
Présidents des États-Unis

Après une brillante carrière d'avocat dans le Tennessee, Polk fut élu à l'Assemblée législative de cet État en 1823 puis, deux ans plus tard, à la Chambre des représentants des États-Unis où il se fit un ardent défenseur de la politique du président Jackson. Il siégea ensuite au comité des voies et moyens avant d'être élu président de la Chambre des représentants en 1835. Polk quitta le Congrès pour être candidat au poste de gouverneur du Tennessee. Il remporta l'élection en 1839, mais fut battu en 1841 et en 1843. En vue de l'élection présidentielle de 1844, il se présenta à la convention démocrate pour briguer la vice-présidence mais, aucun des candidats à la magistrature suprême ne parvenant à rassembler la majorité des deux tiers nécessaire, Polk émergea comme un homme de compromis et fut désigné par la convention. Par la suite, il remporta le scrutin général face à Henry Clay, candidat du Parti whig.

Polk est souvent considéré comme le dernier grand président de la période antérieure à la guerre de Sécession, ayant réalisé et mis en œuvre l'ensemble de ses objectifs de campagne, tant sur le plan de la politique intérieure que des relations internationales. À l'issue de négociations qui menacèrent de dégénérer en conflit armé, il s'entendit avec le Royaume-Uni sur le partage du territoire de l'Oregon le long du 49e parallèle nord. Polk déclencha également la guerre américano-mexicaine qui se solda par une facile victoire pour les États-Unis et conduisit à la cession par le Mexique de la quasi-totalité du Sud-Ouest américain actuel. Il obtint par ailleurs une réduction substantielle des droits de douane avec l'adoption du Walker Tariff de 1846. La même année, le rétablissement du système de trésorerie indépendante fut une autre réussite majeure pour son administration. Conformément à sa promesse de campagne, Polk refusa de se représenter. Retiré dans le Tennessee, il mourut, probablement du choléra, trois mois seulement après son départ de la Maison-Blanche, ce qui fait de lui le président ayant vécu le moins longtemps après la fin de son mandat. En tant que président, Polk est évalué favorablement par les universitaires pour sa capacité à promouvoir des objectifs et à les mettre en œuvre dans le cadre de son agenda présidentiel. Il a néanmoins été critiqué pour avoir mené les États-Unis dans une guerre contre le Mexique et pour avoir aggravé les tensions politiques à l'échelle du pays. Propriétaire d'esclaves pendant une grande partie de sa vie, il possédait une plantation dans le Mississippi et continua à acheter des esclaves durant sa présidence. L'une des grandes réalisations de son mandat fut l'expansion territoriale des États-Unis qui s'étendirent jusqu'aux côtes du Pacifique et purent désormais prétendre au statut de puissance mondiale.

Jeunesse

Reconstitution de la maison natale de Polk sur le James K. Polk State Historic Site près de Pineville.

James Knox Polk naquit le dans une cabane en rondins près de Pineville, en Caroline du Nord[1]. Il était le premier d'une lignée de dix enfants[2]. Sa mère, Jane, le baptisa du nom de son père, James Knox. Son père, Samuel Polk, était un agriculteur, propriétaire d'esclaves et arpenteur d'origine écossaise-irlandaise. La famille Polk avait immigré en Amérique à la fin du XVIIe siècle et s'était d'abord établie sur la côte est du Maryland, puis dans le centre-sud de la Pennsylvanie, avant de s'installer dans les montagnes de Caroline du Nord[3].

Les familles Knox et Polk étaient presbytériennes. Alors que son épouse restait profondément croyante, Samuel, dont le père Ezekiel Polk était déiste, rejetait le presbytérianisme dogmatique. Lors du baptême de son fils, il refusa de proclamer son attachement à la foi chrétienne et le prêtre refusa de baptiser le jeune James[3] - [4]. Selon son biographe James A. Rawley, la mère de Polk « [lui] inculqua une orthodoxie rigide et des valeurs calvinistes relatives à l'autodiscipline, à l'acharnement au travail, à la piété, à l'individualisme et à la croyance en l'imperfection de la nature humaine, qui le marquèrent tout au long de sa vie »[5].

En 1803, Ezekiel Polk s'installa avec quatre de ses enfants adultes et leur famille à proximité de la rivière Duck, dans l'actuel comté de Maury au Tennessee. Samuel Polk et sa famille les rejoignirent en 1806. Le clan Polk domina rapidement la vie politique du comté et celle de la nouvelle ville de Columbia. Samuel devint juge du comté et parmi les individus qu'il recevait chez lui figurait Andrew Jackson qui avait déjà servi comme juge et comme représentant au Congrès[6]. Samuel et Ezekiel Polk étaient tous les deux des partisans du président Thomas Jefferson et par conséquent des opposants du Parti fédéraliste. Le jeune James s'intéressa à la politique en écoutant les discussions à la table de la maisonnée[7].

Polk était un enfant à la santé fragile, ce qui était un véritable problème dans les territoires de la frontière. Son père l'emmena voir un éminent physicien de Philadelphie, le docteur Philip Syng Physick, car il souffrait de calculs urinaires, mais il ne put aller au bout du voyage en raison de la douleur et il dut être opéré en urgence par le docteur Ephraim McDowell à Danville, dans le Kentucky. Malgré l'absence d'anesthésique, en dehors d'un peu de brandy, l'opération fut un succès, mais il est possible qu'elle ait rendu Polk stérile car il n'eut aucun enfant par la suite. Sa convalescence fut rapide et il gagna en robustesse. Son père lui proposa de travailler à ses côtés mais Polk souhaitait faire des études et il s'inscrivit dans une école presbytérienne en 1813[8]. La même année, il devint membre de l'église de Zion, également d'obédience presbytérienne. Il entra par la suite à l'académie Bradley de Murfreesboro et s'y révéla comme un élève prometteur[9] - [10].

En , Polk fut admis Ă  l'universitĂ© de Caroline du Nord Ă  Chapel Hill. La famille de Polk entretenait des relations avec cet Ă©tablissement qui comptait alors environ 80 Ă©tudiants ; l'universitĂ© employait Samuel Polk comme agent foncier dans le Tennessee et son cousin William Polk faisait partie du conseil d'administration[11]. Polk eut pour compagnon de chambre William Dunn Moseley, qui fut plus tard le premier gouverneur de la Floride. Il rejoignit la sociĂ©tĂ© de dialectique de l'universitĂ© dont il devint par la suite le prĂ©sident et se familiarisa avec l'art oratoire[12]. Dans un discours, il accusa certains dirigeants amĂ©ricains, en particulier Alexander Hamilton, de flirter un peu trop avec les idĂ©aux monarchistes[13]. Polk obtint son diplĂ´me avec les fĂ©licitations en [12].

Ă€ sa sortie de l'universitĂ©, Polk revint Ă  Nashville pour y suivre les cours de droit de l'avocat gĂ©nĂ©ral Felix Grundy, un juriste renommĂ© qui fut son premier mentor. Le , il fut Ă©lu greffier du SĂ©nat de l'État du Tennessee, qui siĂ©geait alors Ă  Murfreesboro et dont Grundy Ă©tait membre[14]. Il fut rĂ©Ă©lu greffier en 1821 sans opposition et continua de siĂ©ger jusqu'en 1822. En , il avait Ă©galement Ă©tĂ© admis au barreau du Tennessee : pour sa première affaire, il dut dĂ©fendre son père qui s'Ă©tait bagarrĂ© en public et il obtint sa libĂ©ration contre une amende de 1 dollar[15]. Il ouvrit ensuite un cabinet dans le comtĂ© de Maury[5], lequel devint rapidement très prospère notamment en raison des nombreux litiges provoquĂ©s par la panique bancaire de 1819[16]. Sa rĂ©ussite en tant qu'avocat lui permit de financer sa carrière politique[17].

Carrière politique

Législateur de l'État du Tennessee

À l'époque où l'assemblée législative du Tennessee avait ajourné ses travaux en , Polk décida de présenter sa candidature à la Chambre des représentants de l'État. L'élection devait se tenir presque un an plus tard, en , ce qui lui laissa amplement le temps de faire campagne[18]. Déjà implanté localement en tant que franc-maçon, il fut affecté à la milice du Tennessee avec le grade de capitaine au régiment de cavalerie de la 5e brigade, avant d'être nommé colonel à l'état-major du gouverneur William Carroll ; par la suite, le titre de « colonel » continua de lui être attribué[19] - [20]. Même si la plupart des électeurs faisaient partie du clan Polk, le jeune politicien mena une campagne énergique. Il se distingua surtout par ses talents d'orateur qui lui valurent d'être surnommé Napoleon on the Stump (« Napoléon en campagne »). Le jour du vote, Polk battit son adversaire et titulaire du poste, William Yancey[18] - [19].

Le , à Murfreesboro, Polk épousa Sarah Childress[18], qu'il avait rencontré deux ans plus tôt et avec laquelle il s'était fiancé en 1823[21]. Dotée d'une éducation bien supérieure à celle de la majorité des femmes de son temps, en particulier dans un État aussi reculé que le Tennessee, Sarah Polk était issue d'une des familles les plus influentes de la région[18]. Tout au long de la carrière politique de Polk, Sarah aida son mari à rédiger ses discours, lui prodigua des conseils politiques et participa activement à chacune de ses campagnes[22]. Le biographe James Rawley note que la grâce, l'intelligence et le charme de la conversation de Sarah n'étaient pas sans compenser l'attitude souvent austère de son époux[5].

Dans le cadre de ses activités de législateur, Polk s'opposa de plus en plus à son mentor Felix Grundy, en particulier sur la question de la réforme agraire, et afficha son soutien à la politique conduite en Floride par le gouverneur Andrew Jackson, considéré comme un héros de guerre pour sa victoire à la bataille de la Nouvelle-Orléans en 1815[23]. Jackson était un ami commun aux familles Polk et Childress — Sarah et ses proches le surnommaient « oncle Andrew » — et James Polk se rallia très vite à sa volonté d'être candidat à l'élection présidentielle de 1824. Alors que la législature du Tennessee n'arrivait pas à se décider sur le choix du prochain sénateur au cours de l'année 1823, le nom de Jackson fut avancé. Polk se distancia alors de ses anciens alliés politiques et vota, en sa qualité de membre de la Chambre des représentants de l'État, en faveur du général, qui fut effectivement élu. Cette victoire permit à Jackson de bénéficier d'une expérience politique récente en plus de ses exploits militaires[24]. Ce fut également le début d'une solide alliance entre Jackson et Polk qui perdura jusqu'à la mort du premier au début de la présidence du second[5]. Durant la plus grande partie de sa carrière politique, Polk fut surnommé Young Hickory (« Jeune Noyer ») en référence au surnom de Jackson, Old Hickory (« Vieux Noyer »), ce qui illustre à quel point sa réussite était liée à celle de Jackson[25].

Lors de l'Ă©lection prĂ©sidentielle de 1824, Jackson arriva en tĂŞte au sein du collège Ă©lectoral et remporta Ă©galement la majoritĂ© du vote populaire, mais il Ă©choua Ă  obtenir la majoritĂ© absolue des votes de grands Ă©lecteurs. En consĂ©quence, l'Ă©lection fut reportĂ©e Ă  la Chambre des reprĂ©sentants et ce fut le secrĂ©taire d'État John Quincy Adams, arrivĂ© deuxième au scrutin gĂ©nĂ©ral, qui fut choisi. Polk ainsi que bon nombre de partisans de Jackson pensaient qu'Adams devait son Ă©lection au fait que son rival Henry Clay, qui n'avait pas obtenu un nombre de voix suffisant pour se prĂ©senter au vote de la Chambre, s'Ă©tait dĂ©sistĂ© en sa faveur en Ă©change de la promesse de devenir le nouveau secrĂ©taire d'État. Dès le mois d', Polk avait dĂ©clarĂ© sa candidature au poste de reprĂ©sentant pour le 6e district du Tennessee, dont l'Ă©lection devait se tenir l'annĂ©e suivante[26]. Le district en question s'Ă©tendait du comtĂ© de Maury jusqu'Ă  la frontière avec l'Alabama au sud et la campagne de terrain entre les cinq candidats dĂ©clarĂ©s se dĂ©roula Ă  un rythme soutenu ; Polk, en particulier, fit campagne avec une telle vigueur que Sarah s'inquiĂ©ta pour sa santĂ©. Au cours de la campagne, ses adversaires affirmèrent que Polk, âgĂ© de seulement 29 ans, Ă©tait trop jeune pour exercer des responsabilitĂ©s Ă  l'Ă©chelle nationale, mais ce dernier remporta l'Ă©lection avec 3 669 voix sur 10 440 bulletins exprimĂ©s. Il prit ses fonctions au Congrès un peu plus tard dans l'annĂ©e[27].

À la Chambre des représentants

Lorsque Polk arriva à Washington pour l'ouverture de la session régulière du Congrès en , il s'installa à la pension Benjamin Burch avec d'autres représentants du Tennessee, dont Sam Houston. Il fit son premier grand discours le , dans lequel il réclamait l'abolition du collège électoral et l'élection du président au vote populaire[28]. Toujours frustré par le souvenir du « marché corrompu » entre Adams et Clay, Polk critiqua vivement l'administration et vota fréquemment contre sa politique[29]. Sarah Polk continua de résider à Columbia durant la première année du mandat de son mari au Congrès, mais elle l'accompagna à Washington à partir de pour l'aider dans le traitement de sa correspondance et venir assister à ses discours[30].

Polk fut réélu en 1827 et continua de s'opposer à l'administration Adams[30]. Il resta parallèlement en contact étroit avec Jackson auquel il servit de conseiller lorsque celui-ci retenta sa chance à l'élection présidentielle de 1828. À la suite de la victoire de Jackson sur Adams, Polk devint l'un des partisans les plus loyaux et les plus en vue du nouveau président à la Chambre[31]. À ce titre, il combattit avec succès les initiatives relevant d'une politique de travaux publics, comme la construction d'une route entre Buffalo et La Nouvelle-Orléans ; de même, il fut satisfait du veto de Jackson à la loi Maysville Road (), au motif que ce projet de financement pour l'extension d'une route au sein d'un unique État, le Kentucky, était contraire à la Constitution. Les adversaires de Jackson laissèrent entendre que le texte du veto, qui se plaignait hautement du penchant du Congrès à valider des projets clientélistes, avait été rédigé par Polk, mais ce dernier nia que ce fût le cas, affirmant que le message était entièrement de la main du président[32].

En 1832, Jackson s'opposa au renouvellement de la charte de la Seconde banque des États-Unis, ce qui marqua le début d'un conflit connu sous le nom de « guerre des banques » ; dans ce contexte agité, Polk se révéla pour le président un allié de poids à la Chambre des représentants[33]. La Seconde banque, dirigée par Nicholas Biddle, détenait non seulement de la monnaie papier mais contrôlait également une grande partie des flux d'or et d'argent avec lesquels elle était habilitée à procéder à des remboursements. Un certain nombre de dirigeants des États de l'Ouest, à commencer par Jackson, étaient hostiles à la Seconde banque qu'ils considéraient comme un monopole agissant uniquement dans l'intérêt de leurs voisins de l'Est[34]. En tant que membre du comité des voies et moyens de la Chambre, Polk enquêta sur les activités de la banque et, en dépit de l'approbation par le comité d'un projet de loi visant à renouveler la charte de l'établissement — qui devait arriver à expiration en 1836 —, il publia un rapport minoritaire très critique à l'égard de la Seconde banque. Le renouvellement de la charte fut voté par le Congrès en 1832 mais Jackson fit usage de son droit de veto et les parlementaires furent incapables de revenir sur sa décision. Les initiatives de Jackson, bien que très controversées à Washington, étaient fortement soutenues par l'opinion dans le reste du pays et il fut aisément reconduit la même année pour un nouveau mandat de quatre ans[35].

Comme de nombreux sudistes, Polk était favorable à une réduction des droits de douane sur les importations de produits manufacturés, et il accueillit d'un bon œil l'opposition de John C. Calhoun au « tarif des abominations » durant la crise de la nullification de 1832-1833. Il prit toutefois ses distances avec Calhoun qui prônait la sécession de la Caroline du Sud et se rapprocha de Jackson, dont il soutint les efforts destinés à réaffirmer l'autorité du gouvernement. Il condamna ainsi les partisans de la sécession et appuya le Force Bill à l'encontre de la Caroline du Sud, qui avait prétendu pouvoir interdire l'application des tarifs fédéraux à l'intérieur de l'État. Le litige fut résolu avec l'adoption d'un tarif de compromis par le Congrès[36].

Gouverneur du Tennessee

Il fut élu gouverneur de l’État du Tennessee le . Il resta en poste deux ans avant d'être battu en 1841 par le whig James C. Jones. Il se représenta en 1843 mais échoua une nouvelle fois face au même adversaire.

Une désignation et une élection surprise

Aucun des candidats du Parti démocrate à la Convention pour l'élection de 1844 n'avait la majorité. Le mieux placé était de loin Martin Van Buren, ancien président, mais ses convictions peu favorables aux colons esclavagistes du Texas le rendaient hostile à l'annexion ; les délégués lui préférèrent alors Polk et son programme expansionniste. Lors de l'élection Polk, relativement peu connu, fait une campagne vigoureuse et fait face à un candidat Whig qui est, lui aussi, contre l'annexion. Polk est finalement largement élu par le collège électoral malgré un vote populaire à peine en sa faveur.

Présidence

Au moment où Polk arriva à la présidence, la population des États-Unis avait doublé tous les vingt ans depuis la guerre d'indépendance jusqu'à atteindre un niveau semblable à celle de la Grande-Bretagne[37]. Le mandat de Polk bénéficia du progrès technologique avec le développement des chemins de fer et une utilisation accrue du télégraphe. L'amélioration des communications et l'embellie démographique contribuèrent à hisser les États-Unis au rang de grande puissance militaire et favorisèrent la mise en place d'une politique expansionniste[38].

Avant son investiture, Polk avait écrit à Cave Johnson : « j'entends être président des États-Unis par moi-même »[39]. Il gagna rapidement une réputation de travailleur acharné, passant dix à douze heures par jour à son bureau et ne quittant que rarement Washington ; lui-même déclarait à ce sujet : « aucun président qui exerce ses fonctions avec foi et conscience ne peut avoir de loisir. Je préfère superviser moi-même l'ensemble de l'action du gouvernement plutôt que de déléguer les affaires publiques à des subordonnés, ce qui me donne de très grandes responsabilités »[5]. Une fois arrivé au pouvoir, Polk fixa quatre grands objectifs pour son administration : rétablir un système de trésorerie indépendante — créé sous la présidence de Martin Van Buren mais aboli par les whigs —, réduire les droits de douane, acquérir tout ou partie du territoire de l'Oregon et enfin obtenir du Mexique la cession de la Californie. Ces objectifs se plaçaient dans la continuité des politiques mises en place par les précédentes administrations démocrates. Les objectifs de Polk en matière de politique étrangère, s'ils étaient réalisés, représenteraient les premières grandes expansions territoriales des États-Unis depuis la ratification du traité d'Adams-Onís en 1819[40].

Période de transition et cérémonie d'investiture

Investiture de James K. Polk devant l'aile est du Capitole. Illustration parue dans l'Illustrated London News le .

Dans les derniers mois de son administration, le président Tyler s'efforça de régler le problème posé par l'admission du Texas au sein de l'Union. Le Sénat avait déjà rejeté un précédent traité qui proposait le rattachement de la république texane aux États-Unis mais Tyler fit passer peu après une résolution commune au Congrès précisant les termes de l'annexion. Des divergences se firent jour sur la manière d'annexer le territoire et Polk fut impliqué dans les négociations afin de dénouer l'impasse. Avec l'aide de Polk, la résolution d'annexion fut presque adoptée à l'unanimité par le Sénat[41]. Tyler ne savait pas s'il devait signer la résolution ou laisser ce soin à Polk et il demanda à Calhoun de consulter le président-élu mais celui-ci refusa de se prononcer. La veille de son départ, le , le président Tyler adressa finalement aux dirigeants texans une offre d'annexion en bonne et due forme[42].

Au moment d'entrer en fonction le , Polk Ă©tait Ă  49 ans le plus jeune prĂ©sident de l'histoire amĂ©ricaine. L'investiture de Polk fut la première cĂ©rĂ©monie de ce genre Ă  ĂŞtre annoncĂ©e par le tĂ©lĂ©graphe et Ă  faire l'objet d'une illustration dans la presse — en l'occurrence l'Illustrated London News[43]. Dans son discours d'investiture, prononcĂ© sous une pluie battante, Polk exprima clairement son soutien Ă  l'annexion du Texas en l'incluant implicitement dans les « 28 Ă‰tats de l'Union ». Il revendiqua sa fidĂ©litĂ© aux principes de Jackson en citant ce toast portĂ© par son mentor : « tout homme qui aime son pays doit trembler Ă  l'idĂ©e de sa dissolution et doit adopter ce sentiment patriotique : Ă  notre Union, elle doit ĂŞtre maintenue ». Il dĂ©clara ensuite qu'il Ă©tait opposĂ© Ă  la crĂ©ation d'une banque nationale et que les droits de douane n'excluaient pas un protectionnisme ponctuel. Il fit Ă©galement allusion, sans y faire directement rĂ©fĂ©rence, Ă  la question de l'esclavage en critiquant ceux qui tentaient d'abattre une institution protĂ©gĂ©e par la Constitution[44]. Polk consacra la deuxième partie de son discours Ă  la politique Ă©trangère, et plus spĂ©cifiquement Ă  l'expansion territoriale. Il se fĂ©licita du processus d'annexion du Texas, dĂ©clarant que cela n'Ă©tait l'affaire d'aucune autre nation et certainement pas celle du Mexique. Il parla enfin du territoire de l'Oregon et des migrants en promettant de sauvegarder les intĂ©rĂŞts des États-Unis dans cette rĂ©gion et de protĂ©ger les colons[45].

Organisation du cabinet

Informé de sa victoire le , Polk s'attela à former un cabinet géographiquement équilibré. Il consulta Jackson et un ou deux de ses plus proches alliés et décida que les États de New York, de Pennsylvanie et de Virginie ainsi que son État natal du Tennessee devaient être représentés au sein du cabinet. À une époque où le président entrant était libre de conserver tout ou partie du cabinet de son prédécesseur, Polk souhaitait renouveler intégralement l'équipe gouvernementale, mais cela fut difficile à mettre en pratique. Le dernier secrétaire d'État de Tyler, John C. Calhoun, exerçait une influence considérable au sein du Parti démocrate mais, approché par des émissaires, il ne prit pas ombrage des intentions du président-élu et accepta de se retirer[46].

En constituant son propre gouvernement, Polk écouta le conseil de Jackson qui lui avait recommandé d'éviter des individus nourrissant eux-mêmes des ambitions pour la présidence. Il choisit cependant de nommer James Buchanan au poste crucial et prestigieux de secrétaire d'État[47]. Cave Johnson, un proche de Polk, accéda à la fonction de Postmaster General tandis que George Bancroft, un historien qui avait joué un rôle décisif dans l'élection de Polk, fut nommé secrétaire à la Marine. Les choix de Polk pour le cabinet furent approuvés par Jackson, que Polk rencontra pour la dernière fois en puisque l'ancien président devait mourir en juin de la même année[48].

Polk était personnellement attaché au secrétaire à la Marine en poste, le Virginien John Y. Mason, qu'il avait connu à l'université et qui l'avait soutenu dans sa carrière politique. Mason ne figurait pas sur la liste originelle des membres du cabinet mais Polk le désigna finalement à la dernière minute pour le poste de procureur général[46]. Polk choisit également le sénateur du Mississippi Robert J. Walker comme secrétaire du Trésor et le secrétaire de New York William L. Marcy en tant que secrétaire à la Guerre. Toutes ces nominations furent confirmées par le Sénat après l'investiture de Polk. Le cabinet fonctionna de manière harmonieuse et sa composition ne varia pas beaucoup sous la présidence de Polk. L'année 1846 fut cependant l'occasion d'un remaniement lorsque Bancroft, qui voulait obtenir un poste dans la diplomatie, devint ambassadeur des États-Unis en Grande-Bretagne[49].

En plus de la formation de son cabinet, Polk choisit le fils de sa sœur, Joseph Knox Walker, pour lui servir de secrétaire personnel, une position particulièrement importante car en dehors de ses esclaves, Polk n'avait aucun personnel à la Maison-Blanche. Walker, qui résidait sur place avec sa famille, s'acquitta de sa tâche avec compétence tout au long de la présidence de son oncle. D'autres membres de la famille Polk séjournèrent à la Maison-Blanche parfois pendant de longues périodes[50].

Le président Polk entouré de son cabinet. Au premier rang, de gauche à droite : John Y. Mason, William L. Marcy, James K. Polk et Robert J. Walker ; au second rang : Cave Johnson et George Bancroft (James Buchanan est absent de la photo).

Partage de l'Oregon

Carte du territoire de l'Oregon, que le traité conclu en 1846 divisa entre Américains et Britanniques à hauteur du 49e parallèle.

Depuis la signature du traité de 1818, le territoire de l'Oregon était occupé conjointement par la Grande-Bretagne et les États-Unis. Les précédentes administrations américaines avaient proposé de diviser la région à hauteur du 49e parallèle nord, mais les Britanniques, qui avaient des intérêts commerciaux le long du fleuve Columbia, refusèrent. Le plan de partition suggéré par la Grande-Bretagne n'était pas davantage acceptable pour Polk car il lui aurait fallu rétrocéder le Puget Sound et toutes les terres au nord du fleuve Columbia aux Britanniques[51]. L'ambassadeur de Tyler à Londres, Edward Everett, avait évoqué une autre solution qui prévoyait de diviser la plus grande partie du territoire à hauteur du 49e parallèle tout en offrant aux Britanniques le contrôle de l'île stratégique de Vancouver, mais le mandat de Tyler prit fin avant que les négociations aient pu aboutir[52].

Les deux partis espéraient en arriver à un compromis acceptable mais tant les États-Unis que la Grande-Bretagne voyaient ce territoire comme un atout géopolitique important afin de s'affirmer comme la puissance dominante en Amérique du Nord[51]. Lorsqu'il prit ses fonctions, Polk déclara qu'il considérait les revendications américaines sur l'Oregon comme « claires et sans concession ». Cela lui attira des menaces de guerre de la part des dirigeants britanniques qui redoutaient que Polk n'ambitionnât de s'emparer du territoire tout entier[52]. Cependant, contrairement à ce que laissait paraître sa rhétorique belliciste et son désir d'annexer purement et simplement la région, Polk estimait qu'une guerre avec la Grande-Bretagne n'était pas nécessaire et lui et Buchanan décidèrent d'ouvrir les négociations[53]. À l'instar de ses prédécesseurs, Polk proposa une division le long du 49e parallèle mais cette idée fut immédiatement rejetée par l'ambassadeur britannique, Richard Pakenham[54].

À la suite de ce refus, Polk rompit les négociations et se rallia à la ligne de son parti qui réclamait « l'Oregon tout entier », jusqu'à la ligne 54°40' qui marquait la frontière avec l'Alaska. Le slogan « 54-40 ou la mort ! » fit florès chez les démocrates[55]. Le secrétaire d'État James Buchanan était inquiet à l'idée d'un conflit simultané avec le Mexique et la Grande-Bretagne mais Polk était prêt à courir le risque d'une guerre sur deux fronts pour en arriver à un règlement favorable aux intérêts du pays[56]. Alors que l'année 1845 touchait à sa fin, Polk se prépara à remettre au Royaume-Uni un préavis d'un an, comme stipulé par le traité de 1818, expliquant son intention de mettre fin à l'occupation conjointe du territoire[57].

Le secrétaire d'État américain, James Buchanan, joua un rôle important lors des négociations.

Lorsque le secrétaire d'État britannique aux Affaires étrangères Lord Aberdeen eut connaissance de la proposition rejetée par Pakenham, il demanda aux États-Unis de rouvrir les négociations. Polk se refusa à émettre une nouvelle solution mais laissa aux Britanniques la possibilité d'effectuer une contre-offre[58]. Sur l'insistance de Buchanan, Polk fit savoir qu'il s'engagerait à prendre les demandes britanniques en considération et à les transmettre au Sénat dans le cas où Londres proposerait un accord similaire à celui d'Everett[59]. Les négociations avec le Royaume-Uni provoquèrent de vifs débats au Congrès[60]. Des occidentaux comme Lewis Cass continuaient de réclamer l'intégralité de l'Oregon mais Polk devait faire face à la pression de plus en plus forte des sudistes menés par John C. Calhoun qui craignaient qu'une guerre avec la Grande-Bretagne ne menace les exportations de coton[59].

Après la brève chute du Premier ministre britannique Robert Peel et de son second ministère, Peel et Aberdeen entendirent coopĂ©rer de façon plus Ă©troite avec les États-Unis dans le cadre d'une politique de rĂ©orientation au sujet du libre-Ă©change. En , Polk autorisa Buchanan Ă  informer l'ambassadeur amĂ©ricain en Grande-Bretagne, Louis McLane, que son administration se montrerait favorable Ă  une offre du cabinet anglais basĂ©e sur une division Ă  hauteur du 49e parallèle[61]. Au mois de juin, Pakenham prĂ©senta une proposition de son gouvernement visant Ă  Ă©tablir une frontière au 49e parallèle Ă  la condition que la Grande-Bretagne puisse conserver l'Ă®le de Vancouver et des droits de navigation limitĂ©s sur le fleuve Columbia. Polk et la plupart des membres de son cabinet Ă©taient prĂŞts Ă  accepter l'offre mais Buchanan, dans un revirement inattendu, se dĂ©clara partisan d'une prise de contrĂ´le total de l'Oregon par les États-Unis[62]. Ayant finalement reçu l'accord rĂ©ticent de Buchanan et celui d'une grande partie des sĂ©nateurs de son camp, Polk envoya le traitĂ© au SĂ©nat pour ratification. Le texte fut adoptĂ© par 41 voix contre 14, ce qui marqua le règlement dĂ©finitif de la question de l'Oregon entre les États-Unis et la Grande-Bretagne. L'attitude belliqueuse de Polk Ă  l'Ă©gard du Royaume-Uni avait fait craindre le pire mais sa duretĂ© dans la conduite des nĂ©gociations diplomatiques avait incitĂ© les Britanniques Ă  effectuer un certain nombre de concessions — notamment Ă  propos du fleuve Columbia —, ce qu'un prĂ©sident plus conciliateur n'aurait peut-ĂŞtre pas rĂ©ussi Ă  obtenir[63].

Annexion du Texas

Sitôt informé de l'élection de Polk à la présidence, le président Tyler fit pression sur le Congrès pour que celui-ci adopte une résolution commune admettant le Texas au sein de l'Union, ce qui fut fait le . Tyler envoya immédiatement Andrew Jackson Donelson comme messager auprès de l'ambassadeur des États-Unis au Texas afin de soumettre aux Texans une offre d'annexion. La première grande décision à laquelle fut confronté Polk lorsqu'il entra en fonction fut de savoir s'il devait rappeler l'émissaire envoyé par Tyler au Texas. Il choisit finalement de le laisser arriver à destination dans l'espoir d'une réponse positive des Texans[64]. Dans le même temps, il dépêcha sur place le représentant Archibald Yell de l'Arkansas pour donner l'assurance aux Texans que les États-Unis défendraient leur territoire et qu'ils s'engageaient à appuyer leurs revendications[5] - [65]. Les Texans réclamaient en effet la propriété de toutes les terres au nord du Río Grande alors que les Mexicains estimaient que la véritable frontière texane était délimitée plus au nord par le Rio Nueces[66]. Polk confirma également Donelson dans ses fonctions et celui-ci parvint à convaincre les dirigeants texans d'accepter la proposition faite par l'administration Tyler[67]. La population du Texas était majoritairement favorable à l'annexion mais certains responsables texans, dont le président Anson Jones, jugeaient le processus trop rigide car ce dernier ne laissait que peu de marge à la négociation. En , une convention réunie à Austin valida néanmoins l'annexion du Texas[68], et en décembre de la même année, Polk ratifia une résolution qui faisait du Texas le 28e État de l'Union[59]. De son côté, le Mexique, qui n'avait jamais reconnu l'établissement de la république texane et considérait que cette dernière faisait toujours partie intégrante de son territoire, rompit les négociations diplomatiques au mois de mars[69].

Origines de la guerre
Le général Zachary Taylor fut chargé du commandement des troupes américaines sur le Río Grande.

À la suite de la ratification du traité d'annexion par le Texas en 1845, un conflit armé était perçu des deux côtés de la frontière comme de plus en plus probable[70]. Polk commença à se préparer à cette éventualité en envoyant au Texas une armée dirigée par le général Zachary Taylor. Celui-ci et le commodore David Conner de l'U.S. Navy avaient pour ordre de ne tenter aucune action offensive mais devaient cependant se tenir prêt en vue d'un possible déclenchement des hostilités[71]. En dépit de ces préparatifs, Polk ne voyait pas la solution militaire comme une finalité et pensait que le Mexique finirait par céder à ses revendications[72].

En plus de ses ambitions sur le Texas, Polk craignait que les Britanniques ou une autre puissance europĂ©enne ne prennent le contrĂ´le de la Californie si celle-ci restait aux mains des Mexicains[73] et il espĂ©rait qu'une dĂ©monstration de force des troupes de Taylor et de Conner inciterait le gouvernement mexicain Ă  nĂ©gocier[71]. Ă€ la fin de l'annĂ©e 1845, Polk envoya le diplomate John Slidell Ă  Mexico afin d'obtenir la cession de la Californie contre le versement d'une somme comprise entre 20 et 40 millions de dollars[74]. Slidell arriva dans la capitale mexicaine au mois de dĂ©cembre. Le prĂ©sident mexicain JosĂ© JoaquĂ­n de Herrera Ă©tait ouvert aux nĂ©gociations mais les crĂ©ances de Slidell furent rejetĂ©s par son conseil de gouvernement[75]. Ă€ la mĂŞme Ă©poque, Herrera fut renversĂ© en grande partie Ă  cause de son incapacitĂ© Ă  nĂ©gocier avec les États-Unis et de la colère suscitĂ©e par le projet de mise en vente de larges portions du territoire mexicain. Herrera fut remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral Mariano Paredes y Arrillaga qui lança la rĂ©daction d'une nouvelle constitution. Les nĂ©gociations entreprises avec un gouvernement aussi instable ayant peu de chances d'aboutir, le secrĂ©taire Ă  la Guerre Marcy ordonna au gĂ©nĂ©ral Taylor de se porter sur le RĂ­o Grande[76]. Polk soutenait quant Ă  lui la formation d'un gouvernement qui serait dirigĂ© par un Mexicain exilĂ©, le gĂ©nĂ©ral Antonio LĂłpez de Santa Anna, dans l'espoir que celui-ci serait plus favorable Ă  cĂ©der des portions de la Californie aux AmĂ©ricains. Un conseiller de Santa Anna, Alejandro Atocha, avait fait savoir Ă  Polk que seule la menace d'une guerre donnerait au gouvernement mexicain la marge de manĹ“uvre nĂ©cessaire Ă  la revente d'une partie des possessions mexicaines[77].

Proclamation par laquelle le président Polk déclara officiellement la guerre au Mexique.

En , Slidell quitta le Mexique, le gouvernement ayant refusé de le recevoir[78]. Slidell fut de retour à Washington au mois de mai et il annonça que les négociations avec les Mexicains se solderaient vraisemblablement par un échec[79]. Polk prit le traitement infligé à son diplomate comme une insulte, « une raison suffisante pour faire la guerre », et il se prépara à demander au Congrès de déclarer officiellement la guerre au Mexique[80]. Simultanément, à la fin du mois de mars, le général Taylor avait atteint le Río Grande et son armée campait sur les bords du fleuve non loin de Matamoros[77]. En avril, le général mexicain Pedro de Ampudia demanda à Taylor de retourner sur le Rio Nueces mais Taylor refusa et entama le blocus de Matamoros. Une escarmouche sur la rive nord du Río Grande vit la mort ou la capture de plusieurs douzaines de soldats américains ; cet affrontement mineur devint connu sous le nom d'affaire Thornton. Alors que l'administration américaine était sur le point de solliciter une déclaration de guerre, le président Polk fut informé de l'ouverture des hostilités sur le Río Grande[79]. Dans un message adressé au Congrès, Polk justifia sa décision d'envoyer Taylor sur le Río Grande et déclara que l'armée mexicaine, en franchissant le fleuve, avait envahi le territoire des États-Unis. Il affirma que le pays était d'ores et déjà dans un état de guerre et il demanda au Congrès de lui donner la possibilité d'y mettre un terme[81]. Le discours de Polk avait été arrangé de manière à présenter la guerre comme une légitime défense du pays face à un État voisin au comportement perturbateur. Dans son message, Polk déclara que Slidell s'était rendu au Mexique afin d'obtenir la reconnaissance de l'annexion du Texas par le gouvernement mexicain mais il évita de mentionner que cette ambassade avait également eu pour but de négocier l'achat de la Californie[82].

Certains whigs, Ă  l'exemple d'Abraham Lincoln, mirent en doute la version des Ă©vĂ©nements donnĂ©e par Polk[83] mais la Chambre approuva nĂ©anmoins Ă  une Ă©crasante majoritĂ© la rĂ©solution qui autorisait le prĂ©sident Ă  lever 50 000 volontaires. Au SĂ©nat, les opposants Ă  la guerre menĂ©s par Calhoun contestèrent Ă©galement les motifs invoquĂ©s par Polk dans son discours mais le texte votĂ© Ă  la Chambre fut adoptĂ© par le SĂ©nat par 40 voix contre 2, ce qui marqua officiellement le dĂ©but de la guerre amĂ©ricano-mexicaine[84]. La plupart de ceux qui s'Ă©taient opposĂ©s Ă  la guerre avaient votĂ© en faveur de la rĂ©solution pour ne pas voir leur carrière politique entachĂ©e par ce qui pouvait ĂŞtre perçu comme un manque de patriotisme et une volontĂ© de ne pas participer Ă  l'effort de guerre national[81].

DĂ©roulement du conflit
  • Territoire disputĂ©
  • Territoire des États-Unis, 1848
  • Territoire mexicain, 1848
  • Après le traitĂ© de Guadalupe Hidalgo
Carte générale des opérations lors de la guerre américano-mexicaine.

En , Taylor conduisit les forces américaines lors de l'indécise bataille de Palo Alto, la première grande bataille de la guerre. Le jour suivant, il remporta la bataille du Resaca de la Palma qui élimina la possibilité d'une incursion mexicaine sur le territoire américain[85]. Dans le même temps, Winfield Scott, qui était le seul major général en poste dans l'armée des États-Unis au début de la guerre, se vit offrir la position de commandant en chef. Polk, le secrétaire à la Guerre Marcy et Scott s'accordèrent sur une stratégie qui visait à s'emparer du nord du Mexique afin de parvenir à un accord de paix favorable avec les Mexicains[86]. Cependant, la mésentente entre Polk et Scott fut immédiate, une situation qui était notamment due au fait que Scott était proche du Parti whig et qu'il avait été un rival d'Andrew Jackson[87]. En outre, Polk voulait s'assurer que les commandements à responsabilités soient équitablement répartis entre whigs et démocrates et il fut ulcéré lorsqu'il apprit que Scott pensait différemment ; Scott agaça également le président en s'opposant à ses tentatives d'augmenter le nombre de généraux[88]. En profond désaccord avec Scott, Polk lui ordonna de rester à Washington et chargea Taylor du commandement des opérations sur le front mexicain[85]. Il demanda aussi au commodore Conner de favoriser le retour de Santa Anna au Mexique et envoya un corps expéditionnaire dirigé par Stephen W. Kearny sur Santa Fe[89].

En 1845, Polk, dans la crainte d'une intervention française ou britannique, dépêcha en Californie le lieutenant Archibald H. Gillespie (en) avec pour mission de fomenter une rébellion pro-américaine destinée à justifier l'annexion du territoire[90]. Après s'être entretenu avec Gillespie, le capitaine John Charles Frémont mena un groupe de colons au nord de la Californie afin de chasser la garnison mexicaine de Sonoma[91]. En , les troupes américaines de Kearny occupèrent Santa Fe, capitale de la province du Nouveau-Mexique[92]. Le gouverneur mexicain, Manuel Armijo (en), avait quitté la province et Kearny put entrer dans la ville sans tirer un seul coup de feu[93]. Approximativement à la même période, le commodore Robert Field Stockton débarqua à Los Angeles et proclama que la Californie appartenait désormais au gouvernement fédéral[92]. Une révolte fut réprimée par les forces américaines et les États-Unis contrôlaient à présent deux provinces du nord du Mexique[94]. Toutefois, le théâtre occidental du conflit dégénéra en un véritable casse-tête politique pour Polk après qu'une dispute entre Frémont et Kearny ait été à l'origine d'une brouille entre Polk et l'influent sénateur du Missouri Thomas Hart Benton, qui était aussi le beau-père de Frémont[95].

Le général Winfield Scott commanda l'attaque sur Veracruz.

Ă€ ses dĂ©buts, le conflit rencontra une large approbation au sein de la population amĂ©ricaine. Cependant, un membre whig du Congrès, Columbus Delano, accusa Polk d'avoir provoquĂ© les hostilitĂ©s et l'opposition whig Ă  la guerre se fit de plus en plus forte[96]. En , lorsque Polk demanda au Congrès de lui accorder 2 millions de dollars en guise d'acompte pour un Ă©ventuel achat de la Californie, l'opposition Ă  la guerre s'enflamma car Polk n'avait jamais rendu public son dĂ©sir d'annexer partiellement le Mexique (en dehors des territoires rĂ©clamĂ©s par le Texas)[97]. Un dĂ©mocrate de Pennsylvanie fraĂ®chement Ă©lu, David Wilmot, proposa un amendement Ă  la loi afin de bannir l'esclavage de tout territoire nouvellement acquis. La clause Wilmot, ainsi qu'elle devint connue, introduisit la question de l'esclavage dans le conflit amĂ©ricano-mexicain[98]. La loi d'appropriation, Ă  laquelle Ă©tait rattachĂ©e la clause Wilmot, fut votĂ©e Ă  la Chambre par 87 voix contre 64 mais Ă©choua au SĂ©nat[99]. Les bruyantes rĂ©ticences Ă  la guerre et la montĂ©e en puissance des dĂ©bats autour de l'esclavage jouèrent contre les dĂ©mocrates qui perdirent le contrĂ´le de la Chambre lors des Ă©lections lĂ©gislatives de 1846. Polk parvint toutefois au dĂ©but de l'annĂ©e 1847 Ă  faire adopter une loi qui autorisait la levĂ©e de nouveaux rĂ©giments et il obtint Ă©galement satisfaction au sujet des fonds demandĂ©s pour l'achat de la Californie[100].

En , Alexander Slidell Mackenzie rencontra Santa Anna au nom du gouvernement amĂ©ricain et lui exposa que les États-Unis Ă©taient prĂŞts Ă  payer pour acquĂ©rir la baie de San Francisco et plusieurs autres portions de la Haute-Californie[101]. Santa Anna rentra Ă  Mexico en mais dĂ©clara qu'il combattrait les AmĂ©ricains. La duplicitĂ© de Santa Anna ayant Ă©tĂ© ainsi rĂ©vĂ©lĂ©e au grand jour, et les Mexicains ayant par ailleurs repoussĂ© ses offres de paix, Polk ordonna un dĂ©barquement militaire Ă  Veracruz, le plus important des ports mexicains situĂ© dans le golfe du Mexique[102]. Lors de la bataille de Monterrey qui eut lieu en , Taylor dĂ©fit une armĂ©e mexicaine commandĂ©e par Ampudia mais autorisa ce dernier Ă  se retirer, Ă  la consternation de Polk[103]. Taylor reçut l'ordre de rester Ă  proximitĂ© de Monterrey et Polk se rĂ©signa Ă  faire appel Ă  Winfield Scott pour superviser l'attaque sur Veracruz[104]. Le dissentiment de Polk Ă  l'Ă©gard de Scott n'avait pas dĂ©samorcĂ© mais Marcy et les autres membres du cabinet avaient le pas sur le prĂ©sident pour sĂ©lectionner le plus ancien gĂ©nĂ©ral de l'armĂ©e au commandement des troupes[105]. Alors qu'une marche de Monterrey Ă  Mexico Ă©tait rendue impossible par l'Ă©tat du terrain, Polk dĂ©cida qu'un corps expĂ©ditionnaire amĂ©ricain dĂ©barquerait Ă  Veracruz et marcherait ensuite sur la capitale mexicaine[106]. En , Polk apprit nĂ©anmoins que Taylor avait dĂ©sobĂ©i aux ordres et avait repris sa progression vers le Sud, capturant la ville de Saltillo dans le nord du pays. Lors de la bataille de Buena Vista, Taylor infligea une sĂ©rieuse dĂ©faite Ă  l'armĂ©e mexicaine de Santa Anna, pourtant supĂ©rieure en nombre. Taylor fut fĂ©licitĂ© pour sa victoire mais les opĂ©rations dans ce secteur s'Ă©taient globalement rĂ©vĂ©lĂ©es peu concluantes et Polk considĂ©rait qu'elles n'avaient pas eu une grande influence sur le dĂ©roulement de la guerre[107]. Pendant que Taylor se mesurait Ă  Santa Anna, Scott dĂ©barqua Ă  Veracruz et prit rapidement le contrĂ´le de la citĂ©. Ă€ la suite de ce succès, Polk envoya Nicholas Trist, clerc du dĂ©partement d'État, pour nĂ©gocier un traitĂ© de paix avec les dirigeants mexicains. Trist avait pour consigne de rĂ©clamer la cession de la Haute et Basse Californie, celle du Nouveau-Mexique, la reconnaissance du RĂ­o Grande comme la frontière sud avec le Texas et un accès amĂ©ricain Ă  l'isthme de Tehuantepec. Trist Ă©tait autorisĂ© Ă  verser un dĂ©dommagement de 30 millions de dollars en Ă©change de ces concessions[108].

La bataille de Churubusco, remportée par Scott le .

En , Scott vainquit une première fois Santa Anna à la bataille de Cerro Gordo. Cette victoire décisive ouvrait la route de Mexico aux troupes américaines[109]. Au mois d'août, Scott battit Santa Anna par deux fois, à la bataille de Contreras puis à la bataille de Churubusco. Ayant ainsi triomphé de forces supérieures, l'armée de Scott était en mesure d'assiéger la capitale mexicaine. Santa Anna se vit accorder une trêve et le ministre mexicain des Affaires étrangères prévint Trist que son gouvernement était prêt à entamer des négociations. Cependant, les délégations des deux camps ne parvinrent pas à s'entendre sur les termes car le Mexique ne voulait concéder que partiellement la Haute Californie et refusait de reconnaître la frontière texane à hauteur du Río Grande[110]. Les discussions étaient toujours en cours lorsque les troupes de Scott s'emparèrent de la capitale mexicaine à l'issue de la bataille de Mexico[111]. Un violent débat fit surface aux États-Unis afin de déterminer la portion de territoire mexicain qui devait être annexé par les États-Unis ; les whigs comme Henry Clay estimaient que les revendications américaines devaient se limiter à la question de la frontière texane mais certains expansionnistes étaient partisans d'une annexion totale du Mexique[112]. Exaspéré par la lenteur des tractations et troublé par les rumeurs qui affirmaient que Trist était disposé à faire des concessions au sujet de la frontière sur le Río Grande, Polk ordonna à Trist de regagner Washington[113]. Polk était décidé à occuper une grande partie du territoire mexicain et il attendit une offre de paix de ses adversaires[114]. À la fin de l'année 1847, Polk apprit que Scott et Trist avaient tenté de corrompre les représentants mexicains afin d'ouvrir les négociations et qu'un de ses amis, Gideon Johnson Pillow, avait été traduit en cour martiale sur ordre de Scott. Particulièrement scandalisé par ce dernier événement, Polk rappela Scott et le remplaça par William Orlando Butler[115].

Traité de Guadalupe Hidalgo

En , Manuel de la Peña y Peña remplaca Santa Anna à la présidence du Mexique. Peña et ses alliés appartenaient au camp modéré et ils manifestèrent leur intention de négocier dans les meilleurs délais selon les termes convenus par l'administration Polk. Le mois suivant, Trist fut rappelé à Washington. Après une période d'indécision, et avec l'aval de Scott et du gouvernement mexicain, le diplomate décida néanmoins de rester et d'entrer en négociation avec les autorités à Mexico. Polk n'avait en effet prévu personne pour le remplacer et Trist pensait qu'il ne pouvait pas rater l'opportunité de mettre fin à la guerre dans des conditions favorables[116]. Polk fut outré du procédé mais laissa néanmoins le temps nécessaire à Trist pour essayer d'élaborer un traité[117].

Tout au long du mois de , Trist s'entretint rĂ©gulièrement avec des reprĂ©sentants mexicains Ă  Guadalupe Hidalgo, une petite ville au nord de Mexico. Trist Ă©tait prĂŞt Ă  laisser la Basse-Californie au Mexique mais marchanda avec succès la cession d'une partie de la Haute-Californie et surtout de l'importante citĂ© portuaire de San Diego. La dĂ©lĂ©gation mexicaine accepta de reconnaĂ®tre la frontière sur le RĂ­o Grande alors que Trist abandonna les revendications amĂ©ricaines antĂ©rieures Ă  la guerre. Les clauses qui devaient composer le futur traitĂ© comprenaient en outre le droit pour les citoyens mexicains rĂ©sidant dans des territoires annexĂ©s par les États-Unis de partir ou de prendre la nationalitĂ© amĂ©ricaine, la protection des biens ecclĂ©siastiques et le versement d'une somme de 15 millions de dollars au Mexique. Les troupes fĂ©dĂ©rales devaient Ă©galement lutter contre les raids indiens transfrontaliers. Le traitĂ© de Guadalupe Hidalgo fut ratifiĂ© par Trist et la dĂ©lĂ©gation mexicaine le [118] et le document fut transmis au prĂ©sident Polk le 19 du mĂŞme mois. Polk Ă©tait toujours en colère contre Trist pour avoir dĂ©sobĂ©i Ă  ses ordres mais il n'en valida pas moins les termes du traitĂ© avec la majoritĂ© de son cabinet. Seuls Buchanan, qui espĂ©rait davantage de gains territoriaux, et le secrĂ©taire au TrĂ©sor Walker, qui rĂ©clamait l'annexion pure et simple du Mexique, dĂ©sapprouvèrent le texte[119]. Polk avait Ă©galement envisagĂ© une expansion territoriale plus importante mais il fut tout mĂŞme assez satisfait des concessions obtenues et Ă©tait par-dessus tout empressĂ© de mettre un terme au conflit[120].

Carte des territoires cédés par le Mexique : la cession mexicaine figure en blanc, l'achat Gadsden en marron.

Le traitĂ© fut envoyĂ© au SĂ©nat oĂą il devait encore rassembler une majoritĂ© des deux tiers pour ĂŞtre ratifiĂ©, ce qui Ă©tait pour le moins incertain car plusieurs sĂ©nateurs, et notamment ceux qui ne voulaient pas de l'annexion d'un quelconque territoire mexicain, se dĂ©clarèrent opposĂ©s au texte[121]. Le , le SĂ©nat donna finalement son accord au traitĂ© par 38 voix contre 14, les votes pour ou contre Ă©tant rĂ©partis indĂ©pendamment de toute considĂ©ration gĂ©ographique ou partisane. Le SĂ©nat avait apportĂ© quelques modifications au traitĂ© avant ratification et Polk craignait que cette nouvelle version soit rejetĂ©e par le gouvernement mexicain[122]. En dĂ©finitive, le prĂ©sident fut informĂ© le que Mexico avait Ă  son tour ratifiĂ© le traitĂ©, ce qui mit fin Ă  la guerre. Avec l'acquisition de la Californie, Polk pouvait se targuer d'avoir respectĂ© ses quatre grands engagements de la campagne prĂ©sidentielle[123].

La cession mexicaine donna aux États-Unis le contrĂ´le d'un immense territoire de 1 500 000 km2, dont une importance façade littorale sur le Pacifique[123]. Les terres rĂ©cupĂ©rĂ©es sur le Mexique reprĂ©sentaient la totalitĂ© des États actuels de Californie, du Nevada et de l'Utah, une majoritĂ© de l'Arizona ainsi que d'une partie du Colorado, du Nouveau-Mexique et du Wyoming. Le traitĂ© reconnaissait par ailleurs l'annexion du Texas et la domination amĂ©ricaine sur le territoire compris entre le Rio Nueces et le RĂ­o Grande[118]. Cette guerre avait coĂ»tĂ© la vie Ă  14 000 AmĂ©ricains et 25 000 Mexicains ainsi qu'approximativement 100 millions de dollars au budget fĂ©dĂ©ral[123] - [124].

Après la guerre : la question des territoires

Polk annonça officiellement la fin des hostilités le . Sa tâche n'était toutefois pas encore terminée car il fallait désormais établir des gouvernements territoriaux dans les nouvelles possessions américaines, ce qui n'alla pas sans difficultés en raison des divisions que suscitait la question de l'esclavage. Le compromis du Missouri, en interdisant cette pratique au nord de la latitude 36°30', avait réglé le problème posé par l'extension de l'esclavage dans les régions acquises lors de la vente de la Louisiane et Polk voulait étendre cette limite aux nouveaux territoires. Il soutint ainsi la loi d'organisation territoriale du sénateur John M. Clayton qui interdisait l'esclavage dans l'Oregon mais ne se prononçait pas sur le statut de la Californie et du Nouveau-Mexique[125]. La loi fut votée par le Sénat mais l'opposition d'un groupe de parlementaires mené par le représentant de Géorgie Alexander Stephens empêcha son adoption par la Chambre. Une mesure séparée qui visait à étendre le compromis du Missouri jusqu'à la côte du Pacifique fut également rejetée par la Chambre des représentants, cette fois-ci par une alliance nordiste bipartite[126]. La dernière session législative avant l'élection de 1848 touchant à sa fin, Polk ratifia l'unique projet de loi territoriale voté par le Congrès, donnant naissance au territoire de l'Oregon et y prohibant l'esclavage[127]. Polk pensait que l'échec d'une administration organisée au Nouveau-Mexique et surtout en Californie conduirait ces deux régions éloignées à proclamer leur indépendance, ce qu'il voulait à tout prix éviter. Lorsque le Congrès se réunit à nouveau en décembre, le président s'attacha à octroyer le plus rapidement possible un statut à la Californie, contournant par la même occasion la clause Wilmot[128]. Cependant, les divisions qui régnaient au sujet de l'esclavage empêchaient le passage d'une telle loi et Polk quitta la présidence sans savoir si les territoires de l'Ouest acquis durant son mandat resteraient ou non dans le giron américain[129].

Autres initiatives

L'ambassadeur de Polk en Nouvelle-Grenade, Benjamin Alden Bidlack (en), négocia le traité Mallarino-Bidlack avec le gouvernement néo-grenadin. Au départ, Bidlack avait pour objectif d'obtenir la suppression des droits de douane sur les produits américains mais il s'entendit avec le ministre des Affaires étrangères de Nouvelle-Grenade Manuel María Mallarino sur un accord plus large qui renforçait les liens commerciaux et militaires entre les deux pays[130]. Le traité autorisait également la construction du Panama Railway qui assurait une liaison directe entre les côtes Est et Ouest des États-Unis à une époque où les moyens de transport rapides étaient encore peu développés[131]. En échange, Bidlack promit que les États-Unis garantiraient la souveraineté de la Nouvelle-Grenade sur l'isthme de Panama[130]. Le traité fut ratifié par les deux pays en 1848 et contribua à accroître l'influence américaine dans la région, ce qui était le but recherché car l'administration Polk ne voulait pas d'une domination britannique en Amérique centrale[131]. Le traité Mallarino-Bidlack servit par la suite de justification à un certain nombre d'interventions militaires des États-Unis au cours du XIXe siècle[130].

Au milieu de l'annĂ©e 1848, le prĂ©sident Polk autorisa son ambassadeur en Espagne, Romulus M. Saunders (en), Ă  nĂ©gocier l'achat de Cuba Ă  l'Espagne pour la somme, considĂ©rable pour l'Ă©poque, de 100 millions de dollars. Cuba Ă©tant une terre d'esclavage proche des cĂ´tes amĂ©ricaines, le projet fut encouragĂ© par les sudistes mais fut en revanche froidement accueilli dans le Nord. L'Espagne tirait nĂ©anmoins de substantiels profits de l'exploitation de Cuba (sucre, mĂ©lasse, rhum, tabac) et le gouvernement espagnol rejeta l'offre de Saunders[132]. Polk fut contrariĂ© mais refusa d'apporter son soutien Ă  l'expĂ©dition armĂ©e de Narciso LĂłpez, un aventurier vĂ©nĂ©zuĂ©lien qui souhaitait s'emparer de Cuba par la force[133].

Fiscalité

Le président James K. Polk. Portrait officiel par George Peter Alexander Healy, 1858.

Dans son discours d'investiture, Polk avait appelé le Congrès à rétablir le système de trésorerie indépendante dans lequel les fonds fédéraux étaient détenus par le Trésor et non par les banques ou d'autres institutions financières[134]. Le président Van Buren avait auparavant établi un système similaire mais celui-ci avait été aboli par l'administration Tyler[135]. Après s'être personnellement assuré du soutien du sénateur Dixon Lewis (en), président du comité des finances du Sénat, Polk parvint à faire voter l'Independant Treasury Act au Congrès et le ratifia le . Cette loi prévoyait que les recettes publiques seraient détenues dans le bâtiment du Trésor et dans les sous-trésoreries de diverses villes, séparément des banques privées et des banques fédérales[136]. Ce système demeura inchangé jusqu'à la mise en place du Federal Reserve Act en 1913[137].

Une autre décision importante de Polk en matière de politique intérieure fut d'abaisser les droits de douane, car Polk estimait que ceux-ci devaient être ajustés en fonction des besoins du gouvernement fédéral[134]. Même s'il avait tenu une position ambivalente sur cette question lors de la campagne de 1844 afin de s'attirer l'électorat du Nord, Polk était traditionnellement opposé à des droits de douane élevés et considérait la protection des intérêts manufacturiers comme injuste à l'égard des autres domaines d'activités. En conséquence, Polk chargea son secrétaire du Trésor Robert J. Walker d'élaborer un nouveau tarif moins élevé que le président fit soumettre à l'approbation du Congrès[138]. Après une intense campagne de lobbying dans les deux camps, le texte fut voté par la Chambre des représentants et, à l'issue d'une consultation très serrée qui nécessita l'arbitrage du vice-président Dallas, fut définitivement adopté par le Sénat[139]. En 1846, Polk avalisa sous forme de loi le Walker Tariff qui réduisait substantiellement les taux fixés par le Black Tariff de 1842[140]. La baisse des droits de douane aux États-Unis, conjuguée avec la suppression des Corn Laws en Grande-Bretagne, entraîna une recrudescence des échanges commerciaux entre les deux pays[141].

DĂ©veloppement du pays

Le Congrès vota en 1846 la Rivers and Harbors Bill qui allouait un budget de 500 000 dollars afin de moderniser les infrastructures des fleuves et des ports, mais Polk mit son veto Ă  la loi. Les travaux dans les petits ports devaient en effet ĂŞtre financĂ© par le gouvernement fĂ©dĂ©ral, ce que Polk jugeait contraire Ă  la Constitution car cela revenait Ă  privilĂ©gier certaines zones et notamment les ports qui n'Ă©taient pas impliquĂ©s dans le commerce international. Le prĂ©sident estimait que ces problèmes Ă©taient du ressort des États et craignait que l'adoption de la Rivers and Harbors Bill n'encourage les membres du Congrès Ă  nĂ©gocier des faveurs pour leur district d'origine, une forme de corruption qui selon lui portrait atteinte aux vertus rĂ©publicaines[142]. Il suivait en cela les prĂ©ceptes de son mentor Andrew Jackson qui en 1830 avait mis son veto Ă  la Maysville Road Bill pour des raisons similaires[143]. Dans le mĂŞme esprit, il s'opposa en 1847 Ă  une loi prĂ©conisant des amĂ©liorations internes et qui venait d'ĂŞtre adoptĂ© par le Congrès. Il utilisa d'abord le privilège du pocket veto pour s'abstenir de rĂ©pondre au projet de loi avant d'envoyer un message de veto officiel au Congrès lorsque celui-ci reprit ses travaux au mois de dĂ©cembre. D'autres lois du mĂŞme genre continuèrent d'ĂŞtre proposĂ©es tout au long de l'annĂ©e 1848 mais aucune n'arriva jusqu'Ă  son bureau[144]. Lorsqu'il dut se rendre au Capitole pour ratifier des lois le , le dernier jour de la session parlementaire et son dernier jour complet Ă  la Maison-Blanche, Polk craignait qu'une loi d'amĂ©liorations internes soit votĂ© par le Congrès et il emmena avec lui un message de veto rĂ©digĂ© au brouillon. La loi, cependant, ne fut pas adoptĂ©e et il n'eut pas Ă  en faire usage, mais il trouvait que le document Ă©tait bien Ă©crit et il le conserva parmi ses papiers[5].

Polk, tout comme Jackson, considérait que la question de l'esclavage était d'une importance secondaire comparés aux enjeux bien plus importants que représentaient l'expansion territoriale et la politique économique. L'esclavage devint cependant un thème de plus en plus clivant dans les années 1840 et la politique expansionniste de Polk contribua à aggraver ces divisions[145]. Le président lui-même était vu par de nombreux abolitionnistes comme un instrument du Slave Power et ces derniers affirmaient que l'extension de l'esclavage était la raison pour laquelle il avait soutenu l'annexion du Texas et plus tard la guerre avec le Mexique[146]. Le , deux mois après le début du conflit américano-mexicain, le représentant démocrate de Pennsylvanie David Wilmot introduisit une clause qui préconisait de bannir l'esclavage des éventuels territoires soustraits au Mexique par les États-Unis. Polk, et avec lui de nombreux sudistes, s'opposèrent à cette mesure qui fut adoptée par la Chambre avant d'échouer au Sénat. Polk était à la place partisan d'une extension du compromis du Missouri jusqu'à l'océan Pacifique ; une telle extension aurait rendu légale la pratique de l'esclavage à hauteur de la latitude 36°30' à l'ouest du Missouri et illégale au-delà[147]. Bien qu'opposé à la clause Wilmot, Polk dénonça également l'agitation des sudistes sur le sujet et il accusa aussi bien les dirigeants du Nord que ceux du Sud d'instrumentaliser le débat autour de l'esclavage à des fins politiques[148].

La ruée vers l'or en Californie commença sous la présidence de Polk.

La confirmation que de l'or avait été découvert en Californie arriva à Washington peu après l'élection de 1848, date à laquelle Polk, qui n'avait pas souhaité se représenter pour un second mandat, était devenu un « canard boiteux ». Il fut néanmoins enchanté par la découverte car elle mettait en avant le bien-fondé de sa politique expansionniste et il mentionna à plusieurs reprises cet événement dans son dernier message annuel au Congrès, au mois de décembre. Très vite, des échantillons authentiques d'or californien arrivèrent à Washington et Polk adressa un message spécial au Congrès à ce sujet. La déclaration du président incita un grand nombre de personnes, Américains ou étrangers, à venir s'installer en Californie, contribuant ainsi à déclencher la « ruée vers l'or »[149]. Cette dernière permit d'injecter de larges quantités d'or dans l'économie américaine et contribua ainsi à réduire la pénurie de pièces métalliques sur le long terme. En partie à cause de cet afflux d'or, les whigs furent incapables d'obtenir un soutien populaire en faveur de la renaissance d'une banque nationale, même après le départ de Polk[150].

L'un des derniers actes de Polk en tant que président fut de ratifier la loi qui donnait naissance au département de l'Intérieur des États-Unis, le . Ce fut le premier poste de cabinet créé depuis la fondation de la République américaine. Polk était personnellement réticent à cette initiative car il estimait qu'elle empiétait sur les prérogatives des États au sein de leurs propres frontières, mais le passage de la loi dans les derniers jours de son administration ne lui laissait pas le temps nécessaire pour formuler un veto et il dut s'incliner[151].

Polk prend soin de son image : la première photographie d'un président dans son bureau est prise le [152] - [153].

Nominations judiciaires

La mort en 1844 du juge Henry Baldwin avait créé une vacance au sein de la Cour suprême. Le président Tyler n'avait nommé personne pour le remplacer et le siège était toujours vacant lorsque Polk prit ses fonctions. Les efforts de Polk pour désigner un successeur à Baldwin se trouvèrent mêlés à la vie politique de Pennsylvanie et aux rivalités qui opposaient les dirigeants des différentes factions pour l'obtention du poste de percepteur des douanes du port de Philadelphie. Alors que Polk cherchait à naviguer dans les eaux de la vie politique locale, une deuxième vacance se produisit à la Cour suprême avec la mort, en , du juge Joseph Story. La mort de Story s'étant produite alors que le Sénat n'était pas en session, Polk fut en mesure de procéder à une nomination directe et il nomma le sénateur Levi Woodbury du New Hampshire. Lorsque le Sénat reprit ses travaux en , les parlementaires confirmèrent la nomination de Woodbury. Le choix initial de Polk pour succéder à Baldwin, George W. Woodward, fut rejeté par le Sénat en , en grande partie à cause de l'opposition de Buchanan et du sénateur Simon Cameron de Pennsylvanie. Polk offrit le poste à Buchanan mais ce dernier, après avoir hésité, le refusa. Polk proposa finalement le nom de Robert Cooper Grier dont la nomination fut confirmée par le Sénat[154] - [155].

Fin de mandat

Épuisé par sa tâche et par une maladie, Polk, dont le parti n'était plus aussi populaire, refusa de se représenter. Son mandat se termina le , mais son successeur Zachary Taylor, élu par les whigs, refusa de prêter serment un dimanche et ne fut installé que le .

Retraite et mort

Le travail accompli pendant sa présidence se paya de sa santé. Plein d'enthousiasme et de vigueur à son entrée en fonction, Polk quitta la Maison-Blanche épuisé par les années passées au service de son pays[156]. Il quitta Washington le et entama un retour triomphal dans le Sud dont l'itinéraire avait été défini à l'avance et qui devait se terminer à Nashville[157]. Polk avait deux ans auparavant négocié l'achat d'une maison dans cette localité, qui prit ensuite le nom de Polk Place et qui avait appartenu à son ancien mentor Felix Grundy[158].

Polk et sa femme longèrent la côte atlantique, puis s'enfoncèrent vers l'ouest à travers le Sud profond. L'ancien président fut reçu partout avec enthousiasme et il participa à de nombreux banquets. Au moment où le couple arriva en Alabama, Polk souffrait d'un mauvais rhume et il devint extrêmement inquiet lorsqu'un passager qui voyageait à bord du même bateau que lui mourut du choléra. Polk se rendait à La Nouvelle-Orléans où ce genre d'infection passait pour être assez fréquente, mais il était trop tard pour changer de plans. Inquiet pour sa santé, il souhaitait quitter rapidement la ville mais il fut submergé par l'hospitalité des habitants de la Louisiane. Plusieurs passagers du bateau sur le Mississippi succombèrent à leur tour au choléra et Polk se sentit tellement affaibli qu'il fit une halte de quatre jours dans un hôtel. Après s'être vu confirmer par un médecin qu'il n'était pas porteur de la maladie, Polk consentit à effectuer la dernière étape de son voyage et il arriva à Nashville le où une grande réception fut donnée en son honneur[159].

Tombe de James K. Polk située dans le jardin du Capitole de l'État du Tennessee.

Après avoir rendu visite à sa mère à Columbia, Polk s'installa avec son épouse à Polk Place. L'ancien président, épuisé, semblait prêt à entamer une nouvelle vie, mais au début du mois de juin, il tomba de nouveau malade, probablement du choléra. Assisté de plusieurs médecins, il agonisa pendant plusieurs jours et demanda à être baptisé au sein de l'Église méthodiste, qu'il admirait depuis de nombreuses années, en dépit du fait que sa mère avait fait le voyage depuis Columbia avec un ecclésiastique épiscopalien et que sa femme était également épiscopalienne. Polk mourut le , après avoir, selon la tradition, adressé ses derniers mots à sa femme : « Je t'aime Sarah, je t'aime pour l'éternité »[160].

Les funĂ©railles de Polk se dĂ©roulèrent Ă  l'Ă©glise mĂ©thodiste McKendree de Nashville[161]. Il fut tout d'abord enterrĂ© dans l'actuel cimetière de la ville, conformĂ©ment Ă  la loi qui exigeait de prendre des prĂ©cautions avec les individus morts d'une maladie infectieuse. Son corps fut transfĂ©rĂ© moins d'un an plus tard dans une tombe situĂ©e, conformĂ©ment Ă  ses dernières volontĂ©s, dans le jardin de Polk Place[162]. Sarah Polk survĂ©cut 42 ans Ă  son mari et continua de vivre Ă  Polk Place, oĂą elle mourut le [163]. En 1893, les corps de James et de Sarah Polk furent dĂ©placĂ©s dans leur sĂ©pulture actuelle sur le terrain du Capitole de l'État du Tennessee Ă  Nashville. Polk Place fut dĂ©molie en 1900. En , le SĂ©nat du Tennessee a votĂ© une rĂ©solution considĂ©rĂ©e comme un « premier pas » vers le transfert des restes du couple Polk dans la maison familiale Ă  Columbia ; pour ĂŞtre appliquĂ©, le texte doit encore ĂŞtre approuvĂ© par les tribunaux et par la commission historique du Tennessee[162] - [164].

Sa femme Sarah Polk (qui, en 1844, avait institué l'habitude de faire jouer la musique de “Salut au Chef” lors des apparitions publiques de son mari, car elle considérait que sinon personne ne faisait attention à lui) joua un rôle pendant la guerre de Sécession en recevant dans sa maison, considérée comme terrain neutre, les dirigeants nordistes et sudistes.

HĂ©ritage

James K. Polk sur une lithographie publiée en 1844.

La figure de Polk a longtemps été boudée par l'historiographie. À l'exception de deux biographies publiées peu de temps après sa mort, il ne fit ainsi l'objet d'aucune étude importante jusqu'en 1922, date à laquelle Eugene I. McCormac publia James K. Polk: A Political Biography. Le travail de McCormac s'appuyait en grande partie sur le journal présidentiel de Polk qui avait été édité pour la première fois en 1909. Lorsque les historiens commencèrent à établir un classement des présidents américains en 1948, Polk figurait à la 10e place dans le sondage d'Arthur M. Schlesinger Sr. Il se hissa par la suite à la 8e place dans le sondage Schlesinger de 1962, à la 11e place dans le sondage Riders-McIver de 1996[165] et enfin à la 14e place dans le sondage C-Span de 2017[166].

L'image de Polk à travers l'histoire fut en grande partie forgée par ses adversaires, en particulier les whigs qui le pensaient destiné à un oubli bien mérité[15]. Dans les ouvrages des historiens républicains du XIXe siècle, Polk était souvent présenté comme un personnage sans envergure, fruit d'un compromis entre les démocrates du Nord, comme David Wilmot et Silas Wright, et les propriétaires de plantation du Sud représentés par John C. Calhoun. Dans cette perspective, les démocrates du Nord qui n'obtenaient pas toujours satisfaction pensaient que Polk était manipulé par les propriétaires d'esclaves, alors que les conservateurs du Sud accusaient au contraire Polk d'être l'instrument des démocrates du Nord. Ces vues furent toutefois battues en brèche par les travaux d'Arthur M. Schlesinger et de Bernard DeVoto qui montrèrent que Polk n'avait été l'instrument de personne, mais qu'il s'était au contraire efforcé d'atteindre ses propres objectifs[167].

Walter Borneman considère Polk comme le plus efficace des chefs de l'exécutif ayant servi avant la guerre de Sécession et estime qu'il a élargi le pouvoir de la présidence, particulièrement dans le domaine de l'exécutif et du commandement en chef des armées[168]. Steven G. Calabresi et Christopher S. Yoo, dans leur histoire du pouvoir présidentiel, louent sa gestion de la guerre américano-mexicaine : « il semble incontestable que sa conduite des affaires de l'État durant ce conflit fut l'un des exemples les plus convaincants, depuis Jackson, de l'utilisation du pouvoir présidentiel pour contrôler l'action d'officiers subordonnés »[169].

Le président Harry S. Truman déclara que Polk fut « un grand président. Il annonça ce qu'il voulait faire et il le fit »[170]. Paul H. Bergeron souligne que les réformes introduites par Polk sont restées inchangées pendant de longues périodes. Le rétablissement du système bancaire et la réduction des droits de douane, deux des grandes mesures de sa présidence, ne furent ainsi amendés qu'au cours des années 1860, tandis que l'achat Gadsden et l'acquisition de l'Alaska en 1867 furent les seules expansions territoriales majeures des États-Unis jusque dans les années 1890[171].

Pièce de la série du dollar présidentiel à l'effigie de Polk.

Des divers aspects de l'héritage de Polk, le plus remarquable demeure la reconfiguration de la carte des États-Unis dont la masse territoriale fut augmentée d'un tiers sous sa présidence. Selon Robert Merry, « regarder la carte et prendre en compte l'expansion à l'ouest et au sud-ouest permet de mesurer l'ampleur des réalisations présidentielles de Polk »[172]. Bergeron écrit quant à lui dans son étude sur la présidence de Polk : « pratiquement tout le monde se souvient de Polk et du succès de ses conceptions expansionnistes. Il créa une nouvelle carte des États-Unis qui contenait une vision à l'échelle continentale »[171]. Amy Greenberg, dans son histoire de la guerre du Mexique, remarque que l'héritage de Polk n'est pas seulement territorial : « à l'occasion d'un mandat unique mais brillant, il réalisa quelque chose que ses prédécesseurs auraient jugé impossible. Avec l'aide de sa femme Sarah, il planifia, provoqua et mena avec succès une guerre qui éleva les États-Unis au statut de puissance mondiale »[173].

L'expansionnisme agressif de Polk a toutefois été critiqué sur le plan éthique. Polk croyait en la destinée manifeste davantage que la plupart de ses concitoyens[174]. La guerre avec le Mexique fut dénoncée par ses opposants qui la surnommèrent ironiquement Mr. Polk's War (« la guerre de M. Polk ») et par des personnalités comme Ralph Waldo Emerson ou Henry David Thoreau[175]. Faisant référence à la guerre américano-mexicaine, le général Ulysses S. Grant déclara : « j'étais farouchement opposé à l'annexion du Texas, et je considère à ce jour que la guerre qui en résulta fut l'une des plus injustes jamais menées par une nation forte contre une nation faible. Ce fut l'exemple d'une république qui suivait le mauvais exemple des monarchies européennes en ne tenant aucun compte de la justice dans sa volonté d'acquérir de nouveaux territoires »[176]. L'opposition whig, dont faisaient partie Abraham Lincoln et John Quincy Adams, soutenait par ailleurs que l'annexion du Texas et la cession mexicaine allaient stimuler les factions pro-esclavagistes du pays[174].

Les conditions insatisfaisantes entourant le statut de l'esclavage dans les territoires acquis sous l'administration Polk conduisirent à l'adoption du compromis de 1850, un des principaux facteurs à l'origine de la création du Parti républicain et du déclenchement ultérieur de la guerre de Sécession[177]. Cette absence de vision politique sur le long terme a été souligné par les historiens, notamment David Pletcher pour qui Polk n'a pas su « comprendre que le sectionnalisme et l'expansion territoriale avaient fini par former un cocktail original et explosif »[178]. Dans un article consacré au 11e président américain, Fred Greenstein considère que Polk « n'avait pas une conscience claire des problèmes qu'allait inévitablement poser le statut de l'esclavage dans les territoires conquis sur le Mexique »[179]. William Dusinberre suggère pour sa part que ses prises de position au sujet de l'esclavage étaient étroitement liées à son implication personnelle dans l'économie de plantation[180].

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