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Honneur

L'honneur est un sentiment d'estime et de considération porté à un individu ayant une conduite digne, méritante, conforme à un certain nombre de normes d'un groupe ou d'une société[1]. C'est un lien entre une personne et un groupe social qui lui donne son identité[2] et lui confère le respect.

L'honneur se gagne par des actes admirés par la collectivité. En ce sens, l'honneur est un attribut collectif, comme la vertu est un attribut individuel.

Lorsque des institutions reconnaissent par un acte public l'importance pour elles d'une personne, cela s'appelle conférer des honneurs. Il y a le tableau d'honneur avec le portrait de l'employé du mois ; les États donnent des décorations, dont en France la principale est la Légion d'honneur. L'appétit des gens pour ces distinctions les amène parfois à manquer leur but. Des candidats avides utilisent pour les obtenir, des moyens opposés aux valeurs qui soutiennent l'institution. La réaction à cette conséquence de l'institutionnalisation de l'honneur amène d'autres personnes à mettre leur honneur à refuser les honneurs.

Origines

L'honneur procède

« Du lat. class. honos, honoris, masc. « honneur rendu aux dieux, décerné à qqn, marque de considération; charge, magistrature, fonction publique »; à l'époque médiév., honor désigne surtout la charge octroyée par le roi au comte, au duc, aux officiers royaux[3]. »

L'honneur est une marque de vénération, de considération attachée elle aussi à la vertu et au mérite. Consécutivement, l'honneur est donc une forme d'estime dont on jouit après le combat comme une récompense.

DĂ©clinaisons de la notion d'honneur

Dans le cadre de cette filiation sémantique, l'honneur semble être à l'origine un concept social, patrimonial et moral positif, qui se décline de la manière suivante :

  • Bien accordĂ© par un suzerain Ă  ses hommes. C'est une rĂ©compense, un butin patrimonial qui est plus ou moins synonyme de fief. Le terme reste en usage pour l'Angleterre oĂą Guillaume le ConquĂ©rant avait pris soin Ă  ne pas laisser s'Ă©tablir des principautĂ©s. L'un des plus importants, l'honneur de Richmond passera Ă  la famille ducale de Bretagne mettant les ducs bretons dans une situation difficile lors de la guerre de Cent Ans. On connaĂ®t aussi l'honneur de Leicester qu'a possĂ©dĂ© un temps la famille de Grandmesnil.
  • Actes de distinction : (rendre les honneurs Ă ...) les honneurs militaires ou les honneurs funèbres, Dame d'honneur ; les diplĂ´mes ou Prix d'honneur ; les mĂ©dailles d'honneur et la dĂ©coration de la LĂ©gion d'honneur ; les titres dĂ©cernĂ©s Honoris Causa ou Ă  titre honoraire ; ĂŞtre fait citoyen d'honneur d'une ville ; passer sous une haie d'honneur ; faire l'honneur de sa maison Ă  quelqu'un signifie lui faire honneur. Par extension, rentrent dans cette catĂ©gorie toutes les distinctions qui font honneur Ă  quelqu'un (dĂ©corations, coupes, titres honorifiques ou de noblesse, trophĂ©es artistiques, etc.), ainsi que le fait de mettre en lumière ou Ă  l'affiche (mettre Ă  l'honneur) une personne, un Ă©vĂ©nement, un fait, une chose, un mĂ©tier, une catĂ©gorie (gĂ©nĂ©rationnelle, sociale...), un comportement (le civisme, par exemple), un territoire, etc.
  • DignitĂ©, fiertĂ©, loyautĂ©, Ă©thique d'un individu, ou d'un groupe : une dĂ©claration sur l'honneur ; donner sa parole d'honneur ; piquer d'honneur revient Ă  persuader quelqu'un que son honneur est en cause ; prendre tout au point d'honneur Ă©quivaut Ă  de l'extrĂŞme susceptibilitĂ© quant Ă  l'honneur ; engager son honneur ou celui du groupe auquel on appartient (l'honneur d'un officier ou de l'ArmĂ©e) ; honneur national ; tomber au champ d'honneur ; fors l'honneur (François Ier) ; mettre un point d'honneur Ă , code d'honneur... La radicalisation du sens de l'honneur amène le sentiment individuel revanchard, selon la perception des circonstances historiques ou, tout au contraire le sentiment mortifère de honte en cas d'Ă©chec, d'erreur ou de faute dĂ©shonorante (mutilation du petit doigt chez les Yakuza et suicide rituel des japonais par hara-kiri). Vendre son honneur signifie accepter faire quelque chose de dĂ©shonorant en Ă©change d'une contrepartie quelconque. Tout au contraire, la banalisation de la notion d'honneur amène Ă  considĂ©rer une conduite, un comportement honorable, mĂŞme lorsqu'il se rĂ©alise hors du champ traditionnel de l'honneur, ou qu'il se rĂ©alise dans l'abstention (voir ci-dessous).
  • Vertu d'une femme en rapport avec ses mĹ“urs, la perte de sa virginitĂ© ou des relations en dehors du mariage, mĂŞme consenties : ravir son honneur signifie la violer et lui avoir fait perdre sa qualitĂ© de jeune fille honorable, mĂŞme si cette dernière Ă©tait complice ; rendre l'honneur Ă  une femme signifie l'Ă©pouser pour rĂ©parer l'offense, avant que ne soit connue l'Ă©ventuelle perspective d'enfantement. Aujourd'hui une telle rĂ©action perdure en France dans certaines couches de la sociĂ©tĂ©, dès lors qu'un heureux Ă©vĂ©nement s'annonce. DĂ©fendre jalousement son honneur signifie protĂ©ger sa vertu. Dans certaines sociĂ©tĂ©s traditionnelles, les atteintes Ă  la vertu d'une femme peuvent provoquer des crimes d'honneur Ă  l'encontre de celle-ci et (ou) de l'homme ayant portĂ© atteinte Ă  son honneur, ayant enfreint le code d'honneur de ladite sociĂ©tĂ©.
  • Formules de politesse plus ou moins convenues et solennelles : J'ai l'honneur de..., Faire honneur Ă ..., Votre honneur (lorsque l'on s'adresse Ă  un juge anglo-saxon).
  • Certaines figures de cartes Ă  jouer, les plus hautes, Ă  certains jeux : les honneurs au bridge (et au Whist dont il dĂ©rive), sont As, Roi, Dame, Valet et, comme dans la noblesse qu'ils incarnent, un petit parvenu rĂ©cemment anobli, le 10 dans le Bridge moderne. Au Mhing dĂ©rivĂ© du Mah-Jong, les honneurs sont les vents et les dragons.

De manière dérivée (honorable) :

  • Caractère acceptable, mais plus banal, d'un individu, d'un comportement ou d'un rĂ©sultat : ce comportement est honorable (digne ou seulement, il s'est bien acquittĂ© d'une tache, il s'en est tirĂ© honorablement, cette tâche est Ă  son honneur...). Cela peut se rĂ©aliser dans l'action, dans le comportement et la conduite, voire dans l'abnĂ©gation ou l'abstention (ne pas s'abaisser, se dĂ©shonorer Ă  faire telle chose, avoir le courage de ne pas rĂ©agir, ou de supporter, etc). Cela peut se projeter sur la banalisation des critères de la rĂ©putation ; cette personne est honorable (bonne rĂ©putation ou seulement, ne fait pas parler d'elle, ne pose pas de problème, est bien intĂ©grĂ©e). On qualifie aussi un rĂ©sultat ou une dĂ©faite d'honorable, notamment lorsque l'on pouvait craindre un moins bon rĂ©sultat (sauver l'honneur).

Prise en compte de l'honneur en Droit

  • L'atteinte Ă  l'honneur d'une femme, au sens dĂ©crit plus haut, se retrouve aujourd'hui dans les notions juridiques de viol ou de harcèlement sexuel, donc seulement lorsque l'atteinte est subie, et se rĂ©sout par une peine correctionnelle ou criminelle en matière pĂ©nale. En cette matière, il est moins question d'honneur aujourd'hui que d'atteinte Ă  la dignitĂ© et Ă  l'intĂ©gritĂ© de la femme, ou d'un homme, bien que ce sentiment d'atteinte Ă  l'honneur perdure culturellement dans l'entourage familial de certaines victimes fĂ©minines.
  • La vendetta, c'est-Ă -dire le fait de se faire justice soi-mĂŞme notamment pour venger une offense Ă  l'honneur ou une dette d'honneur (meurtre, atteintes physiques ou patrimoniales) est courant dans les populations ayant gardĂ© une tradition culturelle forte et extensive de l'honneur, Ă  laquelle le droit ne rĂ©pond pas (ou pas assez). Par exemple, en Afghanistan oĂą un père ne saurait se soustraire Ă  sa parole de donner sa fille Ă  marier[4]. Toutefois, dans les sociĂ©tĂ©s modernes (pays occidentaux notamment), les actes auxquels cette vengeance donne lieu sont sanctionnĂ©s Ă  hauteur de l'infraction commise, gĂ©nĂ©ralement sans considĂ©ration pour le motif, selon, sur le plan pĂ©nal ou sur le plan civil (atteintes patrimoniales et dommages-intĂ©rĂŞts).
  • L'atteinte Ă  l'honneur national a fait, ou fait encore parfois l'objet d'une incrimination pĂ©nale (Andorre, Bulgarie, Espagne, Italie) [5] mais c'est gĂ©nĂ©ralement Ă  travers l'atteinte aux symboles nationaux (drapeau, Chef de l’État, hymne national, etc.) que cette notion est apprĂ©hendĂ©e par le droit, comme c'est le cas en France. En droit international, hormis les agressions caractĂ©risĂ©es, les actes et les dĂ©clarations qui peuvent ĂŞtre considĂ©rĂ©es comme une atteinte Ă  l'honneur national ne font plus l'objet d'un Ă©tat de belligĂ©rance, comme par le passĂ©. Aujourd'hui, elles se rĂ©solvent sur le terrain diplomatique et se traduisent par une demande d'excuses ou, Ă  dĂ©faut, par diverses mesures de rĂ©torsion (rappel d'ambassadeur, ou au contraire expulsion de diplomates Ă©trangers, sanctions Ă©conomiques, etc.).
Le duel était de coutume pour laver son honneur après tout comportement jugé comme un affront

Système juridique français

  • Les affaires d'honneur, notamment l'atteinte Ă  la rĂ©putation d'une personne ou les dettes d'honneur (pĂ©cuniaires) se rĂ©solvaient souvent par le passĂ© par le duel qui, pourtant interdit sous Louis XIII, continua en pratique jusqu'au dĂ©but du XXe siècle, « comme supplĂ©ment obligĂ© des lois qui ne connaissent pas des offenses Ă  l'honneur » dira Chateaubriand[6]. Afin de ne pas encourir de peine criminelle, il s'achevait gĂ©nĂ©ralement dès la première goutte de sang versĂ©e. Toutefois, avant la RĂ©volution, les marĂ©chaux de France formaient un tribunal chargĂ© de traiter les affaires d'honneur entre gentilshommes ou officiers, ce qui Ă©tait censĂ© prĂ©venir les duels. Ils avaient des dĂ©lĂ©guĂ©e en province (rapporteurs du point d'honneur)[7] - [8]. La prise en compte de cette atteinte Ă  la rĂ©putation se retrouve aujourd'hui dans la notion juridique de diffamation et se rĂ©sout par l'octroi de dommages-intĂ©rĂŞts en matière civile.
  • La dĂ©claration sur l'honneur est aujourd'hui admise comme suffisante dans un certain nombre de procĂ©dures administratives (dĂ©claration de concubinage, dĂ©claration de situation aux organismes sociaux ou assurances, publication des bans, etc.) et se retrouve, en quelque sorte, devant un tribunal lorsque l'on y prĂŞte serment.
  • L'octroi de la LĂ©gion d'honneur fait l'objet d'un dĂ©cret du PrĂ©sident de la RĂ©publique. Cette dĂ©coration a la prĂ©sĂ©ance sur toutes les autres. Elle donne le droit, Ă  la descendance fĂ©minine du titulaire (jusqu'au troisième degrĂ©), de bĂ©nĂ©ficier d'une scolaritĂ© Ă  la Maison d'Ă©ducation de la LĂ©gion d'honneur. La radiation de l'Ordre peut intervenir en cas d'atteinte Ă  l'honneur ou Ă  la dignitĂ©. Elle est automatique, parce que considĂ©rĂ©e comme telle, en cas de dĂ©chĂ©ance de la nationalitĂ© française ou de condamnation Ă  une peine d'emprisonnement d'un an ou plus, pour crime [9]. Cas de Maurice Papon qui, bien que s'Ă©tant vu retirer cette dĂ©coration, a Ă©tĂ© enterrĂ© avec celle-ci [10].
  • Un enfant, selon le Code civil, « doit honneur et respect Ă  ses pères et mères ». Le Code civil français reprend ainsi l'un des dix commandements judĂ©o-chrĂ©tiens. Ledit code prĂ©cise que cette obligation pèse sur l'enfant « Ă  tout âge »[11]. Toutefois, en pratique, ce n'est que d'une manière indirecte qu'est sanctionnĂ©e cette obligation Ă  l'honneur, notamment, par l'obligation pesant sur les enfants de prendre en charge les obsèques de leurs parents, mĂŞme en cas de refus de la succession de ces derniers ; la dĂ©clinaison la plus concrète de l'obligation d'honorer ses parents Ă©tant formalisĂ©e dans un autre article du Code civil relatif Ă  l'obligation alimentaire due aux ascendants par les enfants [12]. Les enfants sont donc invitĂ©s, en quelque sorte, Ă  mettre un point d'honneur Ă  assurer Ă  leurs parents la rĂ©ciprocitĂ© des obligations d'entretien et d'Ă©ducation qui pesaient sur leurs ascendants Ă  leur profit [13].
  • DiffĂ©rents corps d'agents publics et d'auxiliaires de justice doivent rĂ©pondre de leurs manquements Ă  l'honneur (entre autres). Ainsi les avocats s'exposent Ă  des sanctions disciplinaires (par exemple une suspension), selon le code disciplinaire et la dĂ©ontologie qui rĂ©gissent leur profession [14]. Tel est aussi le cas des magistrats qui manquent Ă  l'honneur de leur charge ou Ă  l'honneur de la justice [15]. De mĂŞme que pour tout agent public dont les manquements Ă  la probitĂ©, aux bonnes mĹ“urs ou Ă  l'honneur peuvent ĂŞtre constitutifs d'une faute professionnelle.
  • Maurice Cusson fait de l'honneur le motif essentiel de l'homicide[16]. Il Ă©tablit ainsi un lien entre la perte du sens de l'honneur au long de l'histoire et la baisse du taux d'homicide[17].

La notion d'honneur

Il s'agit Ă  la fois d'une notion sociologique et culturelle, contingente :

  • de la sensibilitĂ© individuelle et/ou collective (familiale ou sociĂ©tale) ;
  • de la morale et des mĹ“urs d'une Ă©poque donnĂ©e ;
  • des circonstances.

Les origines de l'honneur relient cette notion Ă  la victoire sur le champ de bataille.

Durant l'antiquité, la défaite était cruelle et le vainqueur pouvait humilier l'adversaire. « Væ victis ! » [18]. Les vaincus, en perdant le contrôle sur leur destin, perdaient, avec tous leur biens y compris les plus précieux, leur honneur dans l'humiliation. Au besoin, le suicide permettait d'échapper à l'ennemi et au déshonneur. Cassius et Brutus se suicidèrent après leurs défaites contre les triumvirs. Dans la société romaine, le pouvoir sur les choses et les gens était exercés par les hommes. Aussi l'honneur, associé au pouvoir sur soi et ses dépendants, épouse, enfants, esclaves, est-il, comme la vertu (de vir, homme), une qualité virile. Cependant, une femme exerçant le pouvoir, la reine d'Égypte, Cléopâtre, préfère-t-elle aussi, dans des circonstances semblables, mourir plutôt que d'être exhibée comme vaincue dans le triomphe d'Auguste.

Au Moyen Âge, les chevaliers se souciaient plus de l'honneur de leur lignée que du sort de la bataille, c'est-à-dire de se comporter avec bravoure et panache que de se comporter de manière efficiente [19].

À l'époque moderne, l'honneur reste attaché au devoir patriotique et au sacrifice pour la nation qui seront exaltés pour soutenir l'effort de guerre lors des grands conflits.

L'honneur est d'abord une valeur collective. Il s'attache à la lignée, à la tribu, à la nation. Ainsi, l'honneur perdu d'une femme, c'est-à-dire le fait pour elle d'avoir des relations sexuelles avec un homme qui n'y a pas été intégré (ou à la lignée duquel elle n'a pas été intégrée) est d'abord celui de la lignée. Celle-ci repose sur l'idée que les hommes se perpétuent par le sang dans des femmes, considérées à peu près comme un vase où se développe la semence. Pour que la lignée se poursuive, il faut que la filiation ne puisse être mise en doute. La virginité d'une femme, sa sexualité ne lui appartiennent pas. C'est un mécanisme de clan, une affaire familiale. C'est l'honneur de la famille, au premier rang duquel se trouve le père, puis le mari, que de protéger la femme de toutes relations hors cadre ou de toutes tentations. Aujourd'hui encore, bien que sous une forme souvent atténuée, se perpétue cette idée que la famille est éclaboussée par la conduite d'une femme, comme elle l'est d'ailleurs par celle des hommes qui manquent à la probité, à la parole donnée, et par ses membres affligés d'une difformité physique, et qu'elle doit donc se plier à certains codes comportementaux et vestimentaires dans ses relations avec les hommes, à peine de mettre en cause l'honneur de son clan.

Ces aspects guerriers et claniques expliquent en partie la survivance de certains codes d'honneur, notamment au nord ou au sud de la Méditerranée, chez des peuples repliés sur leurs valeurs familiales, leur territoire et leur tradition de résistance face aux invasions multiples qu'ils ont connues. On pense à la vendetta, à l'omertà et au machisme qui caractérisent le code d'honneur en Sicile et en Corse, ou le Kanoun très stricte en Albanie et en Kabylie. Mais ces origines guerrières, qui permettaient d'obtenir un fief, une ville, un territoire, et donc un titre, que l'on transmettait à sa descendance avec les valeurs viriles qui en étaient la source, expliquent aussi qu'en Occident, l'honneur fut d’abord associé au fait d'être bien né (sous-entendu, issu de cette noblesse guerrière) et d’être ainsi capable, dans l'action, d'une grandeur pouvant dépasser les exigences du strict devoir ou de la stricte utilité. C'est ce qui a fondé les valeurs de la noblesse patriarcale (toutes origines progressivement confondues) pendant quelques siècles.

L'honneur dans la littérature

  • Platon souligne que le Thumos (l'une des trois parties de l'âme) « est en rĂ©alitĂ© le siège du courage, du sentiment de dignitĂ©, de fiertĂ©, d'honneur ».
  • Rabelais donne dans Gargantua (1532) une dĂ©finition de l'honneur : « Les gens libères, bien nĂ©z, bien instruictz, conversans en compaignies honnestes, ont par nature un instinct et aiguillon qui tousjours les poulse Ă  faictz vertueux et retire de vice, lequel ils nommoient honneur. » (Gargantua, LVII.)
  • William Shakespeare fait dire Ă  Falstaff dans sa pièce Henry IV (première partie) que « l'honneur peut-il remettre un jambe? Non. Un bras? Non. M'Ă´ter la douleur d'une blessure? Non. Qu'est-ce que l'honneur? un mot. Et qu'est-ce que ce mot, l'honneur? Ce qu'est l'honneur : du vent. Un joli appoint vraiment ! Et Ă  qui profite-t-il? Celui qui mourut mercredi, le sent-il? Non. L'entend-il? Non. L'honneur est donc une chose insensible? Oui, pour les morts. Mais ne saurait-il vivre avec les vivants? Non. Pourquoi? C'est que la mĂ©disance ne souffrira jamais. A ce compte, je ne veux point d'honneur, l'honneur est un pur Ă©cusson funèbre : et ainsi finit mon catĂ©chisme »
  • Jean de La Fontaine illustre dans sa fable Le Lièvre et la Tortue comment l'honneur peut ĂŞtre dĂ©voyĂ© par l'orgueil ; « Elle [la Tortue] se hâte avec lenteur, Lui cependant mĂ©prise une telle victoire, Tient la gageure Ă  peu de gloire, Croit qu'il y va de son honneur, De partir tard ».
  • Montesquieu voit dans l'honneur, le ressort « qui borne la puissance » dans les États monarchistes et modĂ©rĂ©s. L'honneur « règne, comme un monarque, sur le prince et le petit peuple ». (De l’esprit des lois, III, X.).
  • Voltaire souligne que l'honneur ne serait pas seulement l'affaire des honnĂŞtes gens : « Je conçois bien qu'un scĂ©lĂ©rat, associĂ© Ă  d'autres scĂ©lĂ©rats, cèle d'abord ses complices ; les brigands s'en font un point d'honneur ; car il y a ce que l'on appelle de l'honneur jusque dans le crime. » (Dissertation sur la mort d'Henri IV.)
  • Chamfort Ă©voque ironiquement l'Ă©volution moderne de la notion d'honneur : « Pour ne parler que de morale, on sent combien ce mot, l'honneur, renferme d'idĂ©es complexes et mĂ©taphysiques. Notre siècle en a senti les inconvĂ©nients ; et, pour ramener tout au simple, pour prĂ©venir tout abus de mots, il a Ă©tabli que l'honneur restait dans son intĂ©gritĂ© Ă  tout homme qui n'avait point Ă©tĂ© repris de justice. » (Maximes et PensĂ©es, Philosophie et morale, XLII.)
  • Arthur Schopenhauer aborde assez longuement la notion d'honneur dans son ouvrage Aphorismes sur la sagesse dans la vie (chap. 4) : « L’honneur est, objectivement, l’opinion qu’ont les autres de notre valeur, et, subjectivement, la crainte que nous inspire cette opinion. En cette dernière qualitĂ©, il a souvent une action très salutaire, quoique nullement fondĂ©e en morale pure, sur l’homme d’honneur. […] L’honneur a, dans un certain sens, un caractère nĂ©gatif, par opposition Ă  la gloire dont le caractère est positif, car l’honneur n’est pas cette opinion qui porte sur certaines qualitĂ©s spĂ©ciales, n’appartenant qu’à un seul individu ; mais c’est celle qui porte sur des qualitĂ©s d’ordinaire prĂ©supposĂ©es, que cet individu est tenu de possĂ©der Ă©galement. L’honneur se contente donc d’attester que ce sujet ne fait pas exception, tant que la gloire affirme qu’il en est une. La gloire doit donc s’acquĂ©rir ; l’honneur au contraire n’a besoin que de ne pas se perdre [20]. »
  • Simone Weil dĂ©crit l'honneur comme un moteur de l'âme : « L'honneur est un besoin vital de l'âme humaine. Le respect dĂ» Ă  chaque ĂŞtre humain comme tel, mĂŞme s'il est effectivement accordĂ©, ne suffit pas Ă  satisfaire ce besoin ; car il est identique pour tous et immuable ; au lieu que l'honneur a rapport Ă  un ĂŞtre humain considĂ©rĂ©, non pas simplement comme tel, mais dans son entourage social. Ce besoin est pleinement satisfait, si chacune des collectivitĂ©s dont un ĂŞtre humain est membre lui offre une part Ă  une tradition de grandeur enfermĂ©e dans son passĂ© et publiquement reconnue au-dehors. » (L'Enracinement.)

Bibliographie

  • Marie Gautheron, L'honneur. Image de soi ou don de soi : un idĂ©al Ă©quivoque, Collection Morales, Autrement (Paris), 1991, 231 p. (ISBN 2-86260-316-3)
  • Marie-Luce GĂ©lard, Le pilier de la tente. Rituels et reprĂ©sentations de l’honneur chez les AĂŻt Khebbach (Tafilalt), Paris, Maison des sciences de l’homme, 2003
  • Philippe d'Iribarne, La logique de l'honneur. Gestion des entreprises et traditions nationales, (Le Seuil, 1989) Collection Essais, Poche, 1993
  • Pierre Lafargue, L'honneur se porte moins bien que la livrĂ©e, William Blake & Co. Edit, 1994
  • Florence Weber, L'honneur des jardiniers. Les potagers dans la France du XXe siècle, Belin, coll. « socio-histoire », Paris, 1998, 287 p.

Notes et références

  1. « Honneur », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales
  2. Hobbes, LĂ©viathan (1651), ch. X.
  3. TrĂ©sor de la langue française, article « Honneur Â».
  4. Tel que ce vieux fdp qui en échange d'avoir reçu une jeune fille comme épouse lors de son veuvage a promis dès qu'elle avait 5 ans de donner sa fille à marier en échange. L'ONG, aidée des autorités locales, ne réussira pas à faire changer d'avis le père menacé de mort s'il ne rembourse pas sa dette d'honneur, et qui se sent déshonoré que d'autres s'occupent de cette histoire qui obligera l'enfant à quitter l'école (Nassima, une vie confisquée, Envoyé spécial, France 2, 31 décembre 2008)
  5. Art. 79 du Code PĂ©nal d'Andorre ; art. 88 du Code PĂ©nal 1951 de Bulgarie ; art. 5 du Code PĂ©nal d'Espagne ; art. 291 du Code PĂ©nal 1930 d'Italie
  6. MĂ©moires d'outre-tombe, t. VI, p. 280
  7. Louis Larrieu, « Histoire de la maréchaussée et de la gendarmerie. Les Duels. Tribunal des maréchaux. Lieutenant des maréchaux », Service historique de la Défense (lire en ligne)
  8. Ls Cahier toulousain - Origine de la juridiction du point d'honneur
  9. Articles R90 et R91 du Règlement de l'Ordre national de la Légion d'honneur
  10. À cet égard, les autorités publiques ont laissé se dérouler la cérémonie selon les vœux des partisans du défunt « http://www.liberation.fr/actualite/societe/236528.FR.php?rss=true »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
  11. Article 371 du Code civil français
  12. Article 205 du Code civil français
  13. Article 371-2 du Code civil français
  14. Article 138 du décret du 27 novembre 1991 qui vient en complément des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 (art. 3)
  15. Article 43 de l'ordonnance no 58-1270 du 22 décembre 1958
  16. Maurice Cusson, Les homicides - Criminologie historique de la violence et de la non-violence, Éditions Hurtubise inc., , 256 p.
  17. Laurent Lemasson, « Tu ne tueras point », Revue française de criminologie et de droit pénal, vol. 5,‎ (lire en ligne)
  18. Tite-Live V, 48
  19. À la bataille de Waterloo, alors que la situation était désespérée, le Maréchal Ney repartit à l'attaque, à pied, en s'écriant : « Venez voir comment meurt un maréchal de France ! ». Et, effectivement, tous les témoins dirent qu'il cherchait la mort, mais que la mort ne voulut pas de lui.
  20. Arthur Schopenhauer (trad. J.-A. Cantacuzène), Aphorismes sur la sagesse dans la vie, Paris, Librairie Germer Baillière et Cie, (lire sur Wikisource)p. 78 et 82.

Articles connexes

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