AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Histoire de l'Espagne pendant la Seconde Guerre mondiale

L'histoire de l'Espagne dirigée par le général Franco est marquée par une position officiellement non belligérante pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce statut n'était pas reconnu par le droit international affirmé, mais impliquait en pratique une neutralité.

De fait, le rĂ©gime de Franco apporte un soutien matĂ©riel et militaire aux puissances de l'Axe, en reconnaissance de l'aide reçue pendant la guerre d'Espagne. Cependant, malgrĂ© cette sympathie idĂ©ologique, l'Espagne n'entre pas dans la guerre comme un belligĂ©rant, et contrarie les volontĂ©s allemandes qui souhaitaient une neutralisation de Gibraltar. L'Espagne stationne Ă©galement des forces armĂ©es dans les PyrĂ©nĂ©es pour dissuader l'Allemagne d'occuper la pĂ©ninsule IbĂ©rique. Cette contradiction apparente peut s'expliquer par le pragmatisme de Franco et sa dĂ©termination Ă  agir principalement dans l'intĂ©rĂȘt de son rĂ©gime face Ă  la pression Ă©conomique des AlliĂ©s, des exigences militaires de l'Axe, et Ă  l'isolement gĂ©ographique de l'Espagne.

Maquis espagnol

AprĂšs la guerre civile espagnole, de nombreux partisans de l'ancien gouvernement rĂ©publicain dĂ©cidĂšrent de lancer un mouvement pour renverser Franco. Ces membres furent appelĂ©s le maquis espagnol. Plusieurs raids de guĂ©rilla furent lancĂ©s pendant la Seconde Guerre mondiale, la plupart d'entre eux se produisant en 1944. Une confrontation majeure se dĂ©roula dans le Val d'Aran, oĂč un grand groupe de rebelles attaqua et occupa briĂšvement la frontiĂšre nord-ouest avec la France. La bataille dura dix jours. Certains y font rĂ©fĂ©rence comme « La rĂ©volution espagnole » ou « La deuxiĂšme partie de la guerre civile ». L'expĂ©rience montre que ce fut le principal champ de bataille espagnol pendant la Seconde Guerre mondiale.

Politique intérieure

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Espagne Ă©tait gouvernĂ©e par une dictature militaire, mais malgrĂ© les propres penchants supposĂ©s (mais Franco semble ĂȘtre un pragmatique[1][2]) pro-Axe de Franco et sa dette d’honneur envers Benito Mussolini et Adolf Hitler, le gouvernement Ă©tait divisĂ©e entre germanophiles et anglophiles. Lorsque la guerre dĂ©buta, Juan Beigbeder Atienza, anglophile, Ă©tait le ministre des Affaires Ă©trangĂšres. L'avance rapide de l’Allemagne en Europe convainquit Franco de le remplacer, le 18 octobre 1939, par RamĂłn Serrano SĂșñer, son beau-frĂšre, germanophile convaincu. AprĂšs les victoires alliĂ©es en 1942 en Europe de l'Est et en Afrique du Nord, Franco changea de bord Ă  nouveau, en nommant ministre Francisco GĂłmez-Jordana Sousa, sympathisant de la Grande-Bretagne. Un autre anglophile influent Ă©tait le duc d'Albe, l'ambassadeur d'Espagne Ă  Londres.

Volontaires

MĂ©morial de la division Azul au cimetiĂšre La Almudena, Ă  Madrid.

La partie principale de la participation de l'Espagne dans la guerre le fut via des volontaires. Ils se battirent pour les deux parties, reflétant en grande partie les allégeances durant la guerre civile.

Volontaires espagnols au service de l’Axe

Bien que l'État espagnol soit restĂ© neutre tout au long de la Seconde Guerre mondiale, il Ă©tait idĂ©ologiquement alignĂ© avec l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste. Il y avait aussi une « dette » pour l'aide que ces rĂ©gimes avaient apportĂ©e Ă  l'insurrection militaire. Lorsque l'Allemagne envahit l'Union soviĂ©tique le 22 juin 1941, Franco, pressĂ© par les Allemands, offrit la main-d'Ɠuvre espagnole pour aider au travail civil dans l’industrie de guerre et des militaires volontaires pour lutter contre les AlliĂ©s.

Cela fut acceptĂ© par Hitler et, en deux semaines, il y avait plus de bĂ©nĂ©voles que nĂ©cessaire pour former une division, la Division bleue ou DivisiĂłn Azul, sous le commandement d’AgustĂ­n Muñoz Grandes, comprenant un escadron de l'armĂ©e de l'air, l'Escadron bleu. La Division bleue fut formĂ©e en Allemagne et servit avec distinction lors du siĂšge de Leningrad, et notamment Ă  la bataille de Krasny Bor, oĂč 6 000 hommes de troupe espagnols du gĂ©nĂ©ral Infantes firent refluer quelque 30 000 SoviĂ©tiques. En octobre 1943, soumis Ă  de fortes pressions diplomatiques des AlliĂ©s, la Division bleue reçut l’ordre de rentrer en Espagne, ne laissant qu’une force symbolique jusqu'en mars 1944. Au total, environ 45 000 Espagnols servirent sur le front de l'Est, la plupart comme volontaires engagĂ©s, et environ 4 500 y laissĂšrent la vie. Le dĂ©sir de Joseph Staline de vengeance contre Franco fut frustrĂ© lors de la confĂ©rence de Potsdam en juillet 1945, lorsque sa tentative de faire une invasion alliĂ©e de l'Espagne une prioritĂ© de l’ordre du jour de la confĂ©rence fut rejetĂ©e par Harry Truman et Winston Churchill. Las de la guerre et refusant de poursuivre le conflit, Truman et Churchill convainquirent Staline de mettre en place un embargo commercial complet contre l'Espagne.

Résistants espagnols au service des Alliés

Mémorial aux fils d'immigrés espagnols à la Plaine Saint-Denis, qui combattirent lors de la guerre civile et dans la Résistance française.
Les prisonniers antifascistes espagnols à Mauthausen déployant une banderole pour saluer les Alliés.

AprĂšs leur dĂ©faite dans la guerre civile espagnole, nombre d'anciens combattants rĂ©publicains et de civils partirent en exil en France. La rĂ©publique française les interna dans des camps de rĂ©fugiĂ©s, tels que le camp de Gurs dans le sud de la France. Pour amĂ©liorer leurs conditions de vie, beaucoup rejoignirent la LĂ©gion Ă©trangĂšre au dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale, et constituĂšrent une part importante de celle-ci. 1 000 rĂ©publicains espagnols servirent ainsi dans la 13e demi-brigade de la LĂ©gion[3]. Autour de soixante mille espagnols rejoignirent la RĂ©sistance française, la plupart du temps comme guĂ©rilleros, certains continuant Ă©galement la lutte contre Franco[4]. De plus, plusieurs milliers rejoignirent les Forces françaises libres et se battirent contre les puissances de l'Axe. Certaines sources affirmĂšrent que prĂšs de 2 000 servirent dans la 2e DB française du gĂ©nĂ©ral Leclerc, beaucoup d'entre eux venant de l'ancienne colonne Durruti[note 1]. La 9e compagnie blindĂ©e Ă©tait quant Ă  elle composĂ©e presque entiĂšrement de vĂ©tĂ©rans aguerris espagnols. Elle fut la premiĂšre unitĂ© militaire alliĂ©e Ă  entrer dans Paris dĂšs sa libĂ©ration en aoĂ»t 1944.

En Europe de l'Est, l'Union soviĂ©tique reçut d’anciens Espagnols pro-rĂ©publicains, des dirigeants communistes et de gauche, et des enfants de familles rĂ©publicaines Ă©vacuĂ©s. Lorsque l'Allemagne envahit l'Union soviĂ©tique en 1941, beaucoup, comme le gĂ©nĂ©ral Enrique Lister, rejoignirent l'ArmĂ©e rouge. Selon Beevor, 700 rĂ©publicains espagnols servirent dans l'ArmĂ©e rouge et 700 autres opĂ©raient comme des partisans derriĂšre les lignes allemandes[3].

Des individus isolĂ©s, comme l’agent double Joan Pujol Garcia (alias « Garbo » pour les AlliĂ©s), travaillĂšrent Ă©galement pour la cause alliĂ©e.

Diplomatie

Initialement, l'Espagne favorisa - ou fut contrainte par - les puissances de l'Axe alors victorieuses. En dehors de l'idĂ©ologie, l'Espagne avait une dette envers l'Allemagne de 212 millions de dollars pour les fournitures de matĂ©riel pendant la guerre civile. En juin 1940, aprĂšs la chute de la France, l'ambassadeur d'Espagne Ă  Berlin prĂ©senta un mĂ©morandum dans lequel Franco dĂ©clarait qu'il Ă©tait « prĂȘt sous certaines conditions Ă  entrer en guerre aux cĂŽtĂ©s de l'Allemagne et de l'Italie ».

Franco avec Karl Wolff et Heinrich Himmler en 1940.

Dans un premier temps, Adolf Hitler, ne donna pas suite Ă  l'offre de Franco, car les dirigeants de l'Allemagne Ă©taient convaincus de la victoire finale. Plus tard, en septembre, lorsque la Royal Air Force dĂ©montra sa capacitĂ© de rĂ©sistance et fit Ă©chec Ă  la Luftwaffe dans la bataille d'Angleterre, Hitler promit Ă  Franco de l’aide en Ă©change de son intervention active. Cela faisait partie d'une stratĂ©gie visant Ă  prĂ©venir l'intervention alliĂ©e dans le nord-ouest de l'Afrique. Hitler promit que « l'Allemagne ferait tout en son pouvoir pour aider l'Espagne » et reconnaĂźtrait les revendications espagnoles sur le territoire français au Maroc, en Ă©change d'une part des matiĂšres premiĂšres marocaines. Franco rĂ©pondit chaleureusement, mais sans engagement ferme.

Les mĂ©dias phalangistes agitĂ©e par l'irrĂ©dentisme, rĂ©clamĂšrent pour l’Espagne, la Navarre française, le Pays basque français et le Roussillon (Catalogne française) Ă©galement[5] - [6].

Hitler et Franco se rencontrĂšrent Ă  Hendaye, en France, le 23 octobre 1940 pour fixer les dĂ©tails d'une alliance. À cette Ă©poque, les avantages Ă©taient devenus moins clair pour les deux parties. Franco exigeait trop d’Hitler. En Ă©change de l'entrĂ©e en guerre aux cĂŽtĂ©s de l'alliance de l'Allemagne et de l'Italie, Franco, entre autres choses, demanda des fortifications lourdes des Ăźles Canaries ainsi que de grandes quantitĂ©s de cĂ©rĂ©ales, de carburant, des vĂ©hicules armĂ©s, d'avions militaires et d'autres armements. En rĂ©ponse aux demandes quasi impossibles Ă  satisfaire de Franco, Hitler le menaça d’une possible annexion du territoire espagnol par la France de Vichy. À la fin de la journĂ©e, aucun accord ne fut conclu.

Quelques jours plus tard en Allemagne, Hitler eut cette rĂ©plique cĂ©lĂšbre avec Mussolini, « je prĂ©fĂšre me faire arracher trois ou quatre dents que de parler Ă  nouveau avec cet homme ! ». Il y a un dĂ©bat historique pour savoir si Franco avait surestimĂ© sa position en exigeant trop d’Hitler pour l'entrĂ©e de l'Espagne dans la guerre, ou s’il avait dĂ©libĂ©rĂ©ment contrecarrĂ© le dictateur allemand en fixant le prix de son alliance Ă  un niveau irrĂ©aliste sachant trĂšs bien qu’Hitler refuserait ses demandes et empĂȘcherait l'Espagne d'entrer dans une autre guerre dĂ©vastatrice. En outre, le chef de l'Abwehr Wilhelm Canaris, qui avait secrĂštement transmis des informations Ă  Franco sur les plans allemands, pourrait avoir convaincu Franco de ne pas accepter les exigences d'Hitler.

L’Espagne dĂ©pendait pour son approvisionnement en pĂ©trole des États-Unis, et les États-Unis acceptĂšrent d'Ă©couter les recommandations britanniques Ă  ce sujet. En consĂ©quence, les Espagnols furent informĂ©s que les fournitures seraient limitĂ©es, mais avec une rĂ©serve de dix semaines. Faute d'une marine puissante, toute intervention espagnole s'appuierait, inĂ©vitablement, sur la capacitĂ© allemande Ă  fournir du pĂ©trole. Comme certaines activitĂ©s allemandes s'appuyaient dĂ©jĂ  sur les rĂ©serves françaises de pĂ©trole saisies, les besoins supplĂ©mentaires de l'Espagne Ă©taient un fardeau inutile.

Du point de vue allemand, la vive rĂ©action de Vichy aux attaques britanniques et françaises libres (destruction de la flotte française Ă  Mers-el-KĂ©bir et attaque de Dakar) Ă©tait encourageante, alors peut-ĂȘtre l'intervention espagnole fut rendue moins vitale. En outre, afin de maintenir Vichy « de leur cĂŽtĂ© », les modifications territoriales proposĂ©es au Maroc devinrent un embarras potentiel et furent Ă©dulcorĂ©es. En consĂ©quence de cela, aucune des parties ne fit les compromis suffisants et aprĂšs neuf heures, les pourparlers Ă©chouĂšrent.

En dĂ©cembre 1940, Hitler contacta Franco de nouveau par une lettre envoyĂ©e via l'ambassadeur d'Allemagne en Espagne et revint sur la question de Gibraltar. Hitler tenta de forcer la main de Franco avec une demande pour le passage de plusieurs divisions allemandes Ă  travers l'Espagne pour attaquer Gibraltar. Franco refusa, invoquant le risque que le Royaume-Uni prĂ©sentait encore pour l'Espagne et les colonies espagnoles. Dans sa lettre de rĂ©ponse, Franco Ă©crivait Ă  Hitler qu'il voulait attendre que la Grande-Bretagne « soit sur le point de s'effondrer». Dans une seconde lettre diplomatique, Hitler devint plus dur et offrit des livraisons de cĂ©rĂ©ales et de fournitures militaires Ă  l'Espagne comme incitation. À cette Ă©poque, cependant, la Luftwaffe avait Ă©tĂ© vaincue lors la bataille d'Angleterre, les troupes italiennes raccompagnĂ©es par les Britanniques en CyrĂ©naĂŻque et en Afrique de l'Est, la Royal Navy affichait sa libertĂ© d'action dans les eaux italiennes et avait neutralisĂ© la flotte française vichyste Ă  Mers-el-KĂ©bir en AlgĂ©rie française. Le Royaume-Uni n’était clairement pas vaincu. Franco rĂ©pondit «que les faits avaient laissĂ© les circonstances d’octobre loin derriĂšre » et « le protocole d'accord d[eva]it donc maintenant ĂȘtre considĂ©rĂ© comme dĂ©passĂ© ».

Selon l'autobiographie de Franco, il rencontra Ă©galement en privĂ© Benito Mussolini Ă  Bordighera, en Italie le 12 fĂ©vrier 1941[7], Ă  la demande d’Hitler. Hitler espĂ©rait que Mussolini pourrait convaincre Franco Ă  entrer dans la guerre. Cependant, Mussolini n'Ă©tait pas intĂ©ressĂ© par l'aide de Franco en raison de la rĂ©cente sĂ©rie de dĂ©faites que ses forces avaient subies en Afrique du Nord et dans les Balkans.

En dĂ©pit d'ĂȘtre non-belligĂ©rant tout au long de la guerre, le soutien affichĂ© du rĂ©gime de Franco aux puissances de l'Axe conduisit l’Espagne Ă  une pĂ©riode d'isolement aprĂšs-guerre, le commerce avec la plupart des pays ayant cessĂ©. Le prĂ©sident amĂ©ricain Franklin Roosevelt, qui avait assurĂ© Franco que l'Espagne ne subirait pas de consĂ©quences des Nations Unies (un terme du temps de la guerre pour dĂ©signer les pays alliĂ©s contre l'Allemagne), mourut en avril 1945. Le successeur de Roosevelt, Harry S. Truman, ainsi que les nouveaux gouvernements alliĂ©s, Ă©taient moins favorables Ă  Franco. Un certain nombre de pays rappelĂšrent leurs ambassadeurs, et l'Espagne ne fut admise Ă  l'Organisation des Nations unies qu'en 1955.

Opérations militaires

Bien qu'elle cherchĂąt Ă  Ă©viter d'entrer dans la guerre, l'Espagne fit des plans pour la dĂ©fense du pays. Initialement, le gros de l'armĂ©e espagnole Ă©tait stationnĂ© dans le sud de l'Espagne dans le cas d'une attaque alliĂ©e depuis Gibraltar en 1940 et 1941. Cependant, Franco ordonna aux divisions de se redĂ©ployer progressivement dans les montagnes le long de la frontiĂšre française en cas d'une Ă©ventuelle invasion allemande de l’Espagne, comme l’intĂ©rĂȘt de l’Axe pour Gibraltar grandissait. Au moment oĂč il est devenu clair que les AlliĂ©s prenaient le dessus dans le conflit, Franco avait massĂ© toutes ses troupes sur la frontiĂšre française et reçut les assurances personnelles des dirigeants des pays alliĂ©s qu'ils ne voulaient pas envahir l'Espagne.

Opération Felix

Avant Hendaye, il y avait eu une planification germano-espagnole pour une attaque, depuis l'Espagne, du territoire britannique de Gibraltar, qui Ă©tait, et est toujours, une dĂ©pendance britannique et une base militaire. À l'Ă©poque, Gibraltar Ă©tait important pour le contrĂŽle de la sortie ouest de la MĂ©diterranĂ©e et des routes maritimes vers le canal de Suez et le Moyen-Orient, ainsi que pour les patrouilles de l'Atlantique.

Les Allemands apprĂ©ciaient Ă©galement l'importance stratĂ©gique du nord-ouest de l'Afrique pour des bases et comme une voie de progression pour une Ă©ventuelle future intervention amĂ©ricaine. Par consĂ©quent, les plans prĂ©voyaient l'occupation de la rĂ©gion par d’importantes forces allemandes, pour prĂ©venir toute future tentative d'invasion alliĂ©e.

Le plan, l’opĂ©ration FĂ©lix, fut Ă©tabli dans ses moindres dĂ©tails avant que les nĂ©gociations n'Ă©chouassent Ă  Hendaye. En mars 1941, les ressources militaires furent rĂ©servĂ©es pour l’opĂ©ration Barbarossa et l'Union soviĂ©tique. L’opĂ©ration FĂ©lix-Heinrich Ă©tait une forme modifiĂ©e de l’opĂ©ration Felix qui serait mise en Ɠuvre une seule fois que certains objectifs en Russie auraient Ă©tĂ© atteints. En l'occurrence, ces conditions ne furent pas remplies et retinrent encore Franco d'entrer en guerre[8].

AprĂšs la guerre, le marĂ©chal Wilhelm Keitel dĂ©clara : « Au lieu d'attaquer la Russie, nous aurions dĂ» Ă©trangler l'Empire britannique en fermant la MĂ©diterranĂ©e. La premiĂšre Ă©tape de cette opĂ©ration aurait Ă©tĂ© la conquĂȘte de Gibraltar. C'Ă©tait une autre grande opportunitĂ© qui nous a manquĂ©... »[9]. Si cela avait rĂ©ussi, Hermann Göring avait proposĂ© que l'Allemagne aurait «... offert Ă  la Grande-Bretagne le droit de reprendre le trafic civil Ă  travers la MĂ©diterranĂ©e si elle se mettait d’accord avec l'Allemagne et nous rejoignait dans une guerre contre la Russie »[8].

Alors que la guerre progressait et le vent tourna en défaveur de l'Axe, les Allemands se préparÚrent pour le cas d'une attaque des Alliés via l'Espagne. Il y eut trois plans successifs, de moins en moins agressifs à mesure que la capacité allemande déclinait.

Opération Isabella

Elle fut planifiĂ©e en avril 1941 comme une rĂ©action Ă  un dĂ©barquement britannique dans la pĂ©ninsule IbĂ©rique prĂšs de Gibraltar. Les troupes allemandes s’avanceraient en Espagne pour soutenir Franco et expulser les Britanniques d’oĂč ils auraient dĂ©barquĂ©.

Opération Ilona ou Gisella

L’opĂ©ration Ilona Ă©tait une version rĂ©duite d’Isabella, elle fut rebaptisĂ©e par la suite Gisella. ÉlaborĂ© en mai 1942, et prĂ©vu que l'Espagne resta neutre ou non. Dix divisions allemandes s’avanceraient vers Barcelone et, si nĂ©cessaire, vers Salamanque pour soutenir l'armĂ©e espagnole dans la lutte contre un autre dĂ©barquement alliĂ©, soit sur la cĂŽte mĂ©diterranĂ©enne soit sur celles de l'Atlantique.

OpĂ©ration NĂŒrnberg

Conçue en juin 1943, l’opĂ©ration Nuremberg Ă©tait une opĂ©ration purement dĂ©fensive dans les PyrĂ©nĂ©es le long des deux cĂŽtĂ©s de la frontiĂšre hispano-française en cas de dĂ©barquement dans la pĂ©ninsule ibĂ©rique, qui devait repousser une avance alliĂ©e depuis l'Espagne vers la France.

Pots de vin présumés de Churchill

Selon un livre publié en 2008, Winston Churchill aurait autorisé le versement de millions de dollars en pots-de-vin aux généraux espagnols dans le but d'influencer le général Franco pour le dissuader d'entrer en guerre du cÎté de l'Allemagne[10].

Ressources et commerce

Malgré le manque de trésorerie, de pétrole et d'autres fournitures, l'Espagne franquiste a pu fournir certaines matiÚres premiÚres essentielles à l'Allemagne. Il y eut une série d'accords commerciaux secrets durant la guerre entre les deux pays.

La principale ressource Ă©tait la wolframite (minerai de tungstĂšne) extraite de mines appartenant Ă  des Allemands en Espagne. Le wolfram Ă©tait essentiel Ă  l'Allemagne pour sa mĂ©canique de prĂ©cision et donc pour la production d'armement. MalgrĂ© les tentatives alliĂ©es d'acheter tous les stocks disponibles, ce qui fit exploser les prix, et les efforts diplomatiques visant Ă  influencer l'Espagne, l'approvisionnement de l'Allemagne continua jusqu'Ă  aoĂ»t 1944. Le wolfram fut Ă©changĂ© contre de la dette espagnole envers l'Allemagne. D'autres minĂ©raux furent vendus Ă  l’Allemagne comme le minerai de fer, de zinc, de plomb et de mercure.

L'Espagne fut Ă©galement la voie d’acheminement de marchandises en provenance d'AmĂ©rique du Sud, par exemple pour les diamants industriels et le platine.

AprĂšs la guerre, des preuves de transactions aurifĂšres significatives furent trouvĂ©es entre l'Allemagne et l'Espagne ; elles ne cessĂšrent qu’en mai 1945. On a cru que cet or avait Ă©tĂ© obtenu Ă  partir des pillages nazis des territoires occupĂ©s, mais les tentatives faites par les AlliĂ©s pour obtenir le contrĂŽle de cet or et son retour furent en grande partie contrariĂ©es.

Espionnage et sabotage

Tant que l'Espagne lui permettait, l'Abwehr, l'organisme allemand de renseignement, fut en mesure de fonctionner en Espagne et au Maroc espagnol, souvent avec la coopération du gouvernement nationaliste.

Les installations de Gibraltar furent une cible de choix pour le sabotage, en utilisant les travailleurs espagnols aux sympathies antibritanniques. Une telle attaque eut lieu en juin 1943, quand une bombe provoqua un incendie et des explosions dans le chantier naval. Les Britanniques eurent en gĂ©nĂ©ral plus de succĂšs aprĂšs et rĂ©ussirent Ă  utiliser des agents retournĂ©s et des Espagnols aux sympathiques antifascistes pour dĂ©couvrir les attaques ultĂ©rieures. Un total de 43 tentatives de sabotage furent empĂȘchĂ©es de cette façon. En janvier 1944, deux travailleurs espagnols, reconnus coupables de tentative de sabotage, furent exĂ©cutĂ©s.

L'Abwehr maintenait également des postes d'observation le long des deux rives du détroit de Gibraltar, signalant les mouvements de navires.

Un agent allemand Ă  Cadix fut la cible d'une opĂ©ration de dĂ©sinformation rĂ©ussie de la part des AlliĂ©s, l’opĂ©ration Mincemeat, avant l'invasion de la Sicile en 1943.

Au dĂ©but de 1944, la situation changea. Les AlliĂ©s avaient clairement pris l'avantage sur l'Allemagne et un agent double avait fourni suffisamment d'informations pour que la Grande-Bretagne pĂ»t Ă©mettre une protestation dĂ©taillĂ©e au gouvernement espagnol. En consĂ©quence, le gouvernement espagnol dĂ©clara sa « stricte neutralitĂ© ». Les opĂ©rations de l’Abwehr dans le sud de l'Espagne prirent donc fin.

La gare internationale de Canfranc.

La gare de Canfranc Ă©tait la voie de passage pour le trafic des personnes et des informations Ă  partir de la France de Vichy vers le consulat britannique Ă  San SebastiĂĄn. Le poste frontiĂšre prĂšs d'Irun ne pouvait pas ĂȘtre utilisĂ© car il Ă©tait sur la frontiĂšre avec la France occupĂ©e.

Juifs et autres réfugiés

Dans les premiĂšres annĂ©es de la guerre, des « lois rĂ©gissant leur admission furent Ă©crites et la plupart du temps ignorĂ©es »[11]. Ils venaient principalement d'Europe de l'Ouest, fuyant la dĂ©portation vers les camps de concentration, depuis la France occupĂ©e, mais il y avait aussi des Juifs sĂ©farades d'Europe de l'Est, notamment de Hongrie. Trudy Alexis fait rĂ©fĂ©rence Ă  l'« absurditĂ© » et au « paradoxe de rĂ©fugiĂ©s fuyant la solution finale des nazis demandant l'asile dans un pays oĂč aucun Juif n'avait Ă©tĂ© autorisĂ© Ă  vivre ouvertement en tant que Juifs pendant plus de quatre siĂšcles »[12].

Tout au long de la Seconde Guerre mondiale, les diplomates espagnols du gouvernement de Franco étendirent leur protection aux Juifs d'Europe orientale, en particulier en Hongrie. Les Juifs revendiquant une ascendance espagnole reçurent des papiers espagnols sans qu'il soit nécessaire de prouver leur situation. Ils émigrÚrent en Espagne ou survécurent à la guerre avec l'aide de leur nouveau statut juridique dans les pays occupés.

Quand la guerre a commencĂ© Ă  tourner en dĂ©faveur de l'Allemagne, et quand le comte Francisco GĂłmez-Jordana y Sousa succĂ©da au beau-frĂšre de Franco Serrano SĂșñer comme ministre des Affaires Ă©trangĂšres de l'Espagne, la diplomatie espagnole devint « plus sympathique pour les Juifs », bien que Franco lui-mĂȘme « n'ait jamais rien dit » Ă  ce sujet[11]. À la mĂȘme Ă©poque, un contingent de mĂ©decins espagnols voyageant en Pologne furent pleinement informĂ©s des plans d'extermination nazis par le gouverneur gĂ©nĂ©ral Hans Frank, qui avait la fausse impression qu'ils partageaient son point de vue sur la question ; quand ils retournĂšrent en Espagne, ils rapportĂšrent l'histoire Ă  l'amiral Luis Carrero Blanco, qui le dit Ă  Franco[13].

Les diplomates discutĂšrent de la possibilitĂ© pour l'Espagne de devenir un itinĂ©raire vers un camp de confinement pour les rĂ©fugiĂ©s juifs prĂšs de Casablanca, mais elle fut rĂ©duite Ă  nĂ©ant en raison du manque de soutien des Français libres et des Britanniques[14]. NĂ©anmoins, le contrĂŽle de la frontiĂšre espagnole avec la France s’assouplit quelque peu Ă  ce moment-lĂ [15], et des milliers de Juifs rĂ©ussirent Ă  passer en Espagne (bon nombre par les routes de contrebande). Presque tous parmi ceux-lĂ  survĂ©curent Ă  la guerre[16]. L’American Jewish Joint Distribution Committee opĂ©ra ouvertement Ă  Barcelone[17].

Peu de temps aprĂšs, l'Espagne commença Ă  donner la citoyennetĂ© aux Juifs sĂ©farades en GrĂšce, en Hongrie, en Bulgarie et en Roumanie ; beaucoup de Juifs ashkĂ©nazes parvinrent Ă  y ĂȘtre Ă©galement inclus, ainsi que certains non-Juifs. Le chef de mission espagnol Ă  Budapest, Ángel Sanz Briz, sauva des milliers d’AshkĂ©nazes en Hongrie, en leur accordant la nationalitĂ© espagnole, en les plaçant dans des maisons d'hĂ©bergement et leur enseignant un minimum espagnol afin qu'ils puissent prĂ©tendre ĂȘtre SĂ©pharades, au moins Ă  quelqu'un qui ne parlait pas espagnol. Le corps diplomatique espagnol effectuait un exercice d'Ă©quilibre : Alexy conjecture que le nombre de Juifs qu’ils prirent en charge fut limitĂ© par le niveau d'hostilitĂ© allemande qu’ils Ă©taient prĂȘts Ă  engendrer[18].

Vers la fin de la guerre, Sanz Briz dut fuir Budapest, abandonnant ces Juifs Ă  une possible l'arrestation et dĂ©portation. Un diplomate italien, Giorgio Perlasca, qui lui-mĂȘme vivait sous la protection espagnole, utilisa de faux documents pour convaincre les autoritĂ©s hongroises qu'il Ă©tait le nouvel ambassadeur espagnol. En tant que tel, il continua d’apporter la protection espagnole aux juifs hongrois jusqu'Ă  l’arrivĂ©e de l'ArmĂ©e rouge[19].

Bien que l'Espagne ait entrepris bien davantage et efficacement d’aider les Juifs Ă  fuir la dĂ©portation vers les camps de concentration, que la plupart des pays neutres[19] - [20], il y eut un dĂ©bat sur l'attitude de l'Espagne pendant la guerre envers les rĂ©fugiĂ©s. Le rĂ©gime de Franco, en dĂ©pit de son aversion pour le sionisme et la "judĂ©o" franc-maçonnerie, ne semble pas avoir partagĂ© l'idĂ©ologie antisĂ©mite enragĂ©e promue par les nazis. Environ 25 000 Ă  35 000 rĂ©fugiĂ©s, principalement des Juifs, furent autorisĂ©s Ă  transiter par l'Espagne vers le Portugal et outre Atlantique.

Certains historiens affirment que ces faits démontrent une attitude humaine du régime de Franco, tandis que d'autres soulignent que le régime n'autorisa que le transit des Juifs à travers l'Espagne. AprÚs la guerre, le régime de Franco fut trÚs accueillant pour ceux qui avaient été responsables de la déportation des Juifs, notamment Louis Darquier de Pellepoix, commissaire aux questions juives (mai 1942 - février 1944), dans le cadre du régime de Vichy en France[21].

Jose Finat y Escriva de Romani, le chef de la sĂ©curitĂ© de Franco, Ă©mit une ordonnance officielle en date du 13 mai 1941, Ă  destination de l’ensemble des gouverneurs de province, demandant une liste de tous les Juifs, Ă  la fois locaux et Ă©trangers, prĂ©sents dans leurs districts. AprĂšs qu’une liste de six mille noms fut Ă©tablie, Romani fut nommĂ© ambassadeur d'Espagne en Allemagne, lui permettant de la donner personnellement Ă  Himmler. AprĂšs la dĂ©faite de l'Allemagne en 1945, le gouvernement espagnol tenta de dĂ©truire toutes les preuves de la coopĂ©ration avec les nazis, mais cet ordre officiel survĂ©cut[22].

Voir aussi

Notes

  1. Le nombre d'Espagnols qui servirent dans la 2e DB française reste incertain. L'Annuaire des anciens combattants de la 2e DB (1949) avance le chiffre d'un peu moins de 300 combattants.

Références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Spain and World War II » (voir la liste des auteurs).
  • Stanley G Payne, Franco and Hitler : Spain, Germany, and World War II, New Haven, Yale University Press, , 328 p. (ISBN 978-0-300-12282-4, lire en ligne).
  • Milton Shulman, Defeat in the West, Chailey, East Sussex, , 376 p. (ISBN 1-872947-03-4).
  • Chester Wilmot, The Struggle for Europe, Ware, Hertfordshire, Wordsworth Editions, , 766 p. (ISBN 1-85326-677-9).
  1. d
  2. (en) Hugh Thomas, La Guerre d'Espagne, Angleterre, Penguin Books Ltd, (1re Ă©d. 1961), 1120 p. (ISBN 9780141011615), fin de l'ouvrage: une fois la guerre terminĂ©e, l'auteur Ă©crit «Franco est le Octave espagnol. Il considĂšre les partis et idĂ©ologies comme si c'Ă©tait des ennemis militaires. Auguste n'avait pas l'Ă©loquence de CicĂ©ron, les talents de gĂ©nĂ©raux de Jules CĂ©sar, PompĂ©e,...Mais il n'en Ă©tait pas moins de l’instabilitĂ© de Rome depuis -122 (les Gracques).
    (comment
  3. Beevor, Antony. (2006). The Battle for Spain. The Spanish Civil War, 1936–1939. Penguin Books. London. p. 419
  4. Crowdy, Terry (2007). French Resistance Fighter: France's Secret Army. Oxford: Osprey Publishing. (ISBN 1-84603-076-5) p. 13
  5. Serrano Suñer, tragedia personal y fascismo político, Javier Tusell, El País, 2 September 2003: "Serrano ante él [Hitler] llegó a sugerir que el Rosellón debia ser español, por catalån, y que Portugal no tenía sentido como unidad política independiente."
  6. El Ășltimo de los de Franco, Santiago PĂ©rez DĂ­az, El PaĂ­s 7 September 2003
  7. (it) Quotation of Mussolini, Album di una vita by Mario Cervi at the Bordighera site. Accessed online 18 October 2006.
  8. Shulman, p. 66–67
  9. Shulman, p. 68
  10. Graham Keeley, « Winston Churchill ‘bribed Franco’s generals to stay out of the war’ », Aftermath News,
  11. Alexy, p. 77.
  12. Trudy Alexy, The Mezuzah in the Madonna's Foot, Simon and Schuster, 1993. (ISBN 0-671-77816-1). p. 74.
  13. Alexy, p. 164–165.
  14. Alexy, p. 77–78.
  15. Alexy, p. 165.
  16. Alexy, p. 79, passim.
  17. Alexy, p. 154–155, passim.
  18. Alexy, p. 165 et. seq.
  19. « Giorgio Perlasca », The International Raoul Wallenberg foundation (consulté le )
  20. « Franco & the Jews », Hitler: Stopped by Franco (consulté le )
  21. Nicholas Fraser, "Toujours Vichy: a reckoning with disgrace", Harper's, October 2006, p. 86–94. The relevant statement about Spain sheltering him is on page 91.
  22. Haaretz, 22 June 2010, "WWII document Reveals: General Franco Handed Nazis List of Spanish Jews, " http://www.haaretz.com/print-edition/news/wwii-document-reveals-general-franco-handed-nazis-list-of-spanish-jews-1.297546 , citing a report published 20 June 2010 in the Spanish daily El Pais.

Pour approfondir

  • Wayne H. Bowen, Spaniards and Nazi Germany : Collaboration in the New Order, Columbia, MO, University of Missouri Press, , 250 p. (ISBN 978-0-8262-1300-6, OCLC 44502380), p. 250.
  • (en) Wayne H. Bowen, Spain During World War II, Columbia, MO, University of Missouri Press, , 279 p. (ISBN 978-0-8262-1658-8, OCLC 64486498), p. 279.

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.