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Gregory Kunde

Gregory Kunde est un ténor d'opéra américain, né le 24 février 1954 à Kankakee dans l'Illinois. D'abord spécialisé dans les répertoires lyriques puis belcantistes des opéras italiens et français, il a élargi son répertoire en abordant à plus de 60 ans, les emplois spinto. Il a ainsi chanté les deux Otello, celui de Rossini et celui de Verdi.

Gregory Kunde
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Biographie et carrière

Débuts dans le répertoire lyrique

Après des études de chef de chœur et de chant à l'université de l'Illinois, sa carrière de ténor débute en 1978 lors d'un engagement au Lyric Opera of Chicago, lorsqu'il rencontre Alfredo Kraus qui restera pour Gregory Kunde son mentor[1] : « J’ai eu la chance pendant mes années d’apprentissage à Chicago de côtoyer Alfredo Kraus, qui est devenu un mentor pour moi. Il m’a enseigné comment utiliser mon registre aigu » confiait-il lors de cet entretien publié en 2007 dans Forum Opera. A ces débuts il a l'occasion de figurer dans de tout petits rôles parmi lesquels on peut citer le pêcheur dans Guillaume Tell, un jeune marin dans Tristan und Isolde, un noble du Brabant dans Lohengrin, l'un des Meister dans die Mestersinger von Nurnberg. À Chicago, il chante de nombreux rôles de second plan du répertoire lyrique, tels que Cassio dans l'Otello de Verdi, Prunier dans la Rondine, Vanya dans Katia Kabanova. Il poursuit sa carrière de ténor lyrique avec les rôles principaux traditionnels du ténor lyrique, Alfredo dans La Traviata, le Duc de Mantoue dans Rigoletto ou Rodolfo dans La Bohème. Mais c'est à l'Opéra de Montréal où il chante Tybalt dans Roméo et Juliette puis le rôle-titre de Roméo, le rôle-titre de Mitridate, le rôle de Bogdan Sobinine dans une Vie pour le Tsar, surtout Arturo dans I puritani, qu'il découvre ses affinités avec le répertoire belcantiste qui devient bientôt sa spécialité.

Répertoire du bel canto

Gregory Kunde se lance alors dans le répertoire belcantiste, et en particulier dans les opéras de Gioachino Rossini et de Vincenzo Bellini et témoigne en ces termes de ce tournant qui va marquer sa carrière : « J’ai découvert qu’on pouvait disposer d’une certaine liberté dans l’interprétation, tenir un peu plus longtemps une note, faire des variations, orner son chant. À partir de là, il n’y a jamais deux représentations strictement identiques. La première fois que j’ai chanté Rodrigo de La donna del lago, le maestro Riccardo Muti, m’a dit : « Tu dois trouver ton Rodrigo avec les variations que tu veux faire ». J’écris depuis mes propres variations[1] ».

Gregory Kunde profite d'un véritable renaissance rossinienne, de l'intérêt nouveau porté au maitre du bel canto avec la création du Festival de Pesaro, le Rossini Opera Festival consacré exclusivement au compositeur italien et qui, chaque année depuis 1980, se fait fort de présenter des œuvres connues, moins connues, voire inédites dans la ville natale de Rossini. Le ténor américain fait ses débuts à Pesaro en 1992. Il y chante Idreno dans Semiramide. Il a déjà abordé Rossini, au travers du Stabat Mater et de La donna del lago, sous la direction de Riccardo Muti, donné la même année à la Scala de Milan, ainsi que le Guillaume Tell de Rossini en 1989 au Théâtre des Champs-Élysées. Cette première présence à Pesaro sonne comme un événement qui marquera l'évolution de la carrière de Gregory Kunde[2], d'autant plus qu'il a la chance de chanter sous la direction d'Alberto Zedda, l'une des chefs d'orchestre de référence de ce renouveau rossinien. Il raconte d'ailleurs que, lors de ce Idreno, il avait particulièrement bien préparé l'air « Ah, dov’è, dov’è il cimento » que le maestro annonce vouloir couper lors des répétitions. Opiniâtre, Kunde le chante durant la pause et séduit Zedda qui réintègre cet air tout à fois difficile et très gratifiant pour la virtuosité du ténor[3].

Les rôles du répertoire belcantiste se succèdent et le ténor est invité sur de nombreuses scènes dans le monde et participe également à des enregistrements. Il chante d'abord les emplois de "tenor di grazia" comme Idreno (Semiramide), Rodrigo (Otello). Sa voix évolue et lui permet d'assumer mieux les rôles plus lourds comme le rôle-titre de l'Otello. Il chante également Rinaldo dans Armida puis Antenore dans Zelmira, dont il sortira un DVD en 2009[4] et Ricciardo e Zoraide à Pesaro mais aussi dans le Mozart de Mitridate ou de la Clemenza di Tito, dans Don Pasquale de Donizetti. Puis il aborde en 2009 le rôle de Pollione dans Norma de Vincenzo Bellini, rôle plus souvent incarné par des ténors à voix puissante comme Franco Corelli, John Vickers ou Mario Del Monaco. Il accepte cependant la proposition et Pollione devient l'un de ses rôles de prédilection, préparant son évolution vocale future[5].

Le répertoire français

Il aborde également progressivement le grand opéra français où il apparaitra de plus en plus souvent au cours de sa carrière dans les plus grands rôles du répertoire. Lui-même considère d'ailleurs son Arnold dans Guillaume Tell en version française, chanté dès 1989, comme relevant de ce répertoire malgré les exigences du rôle dans les aigus. Il y a donc une filiation naturelle à ses yeux entre Rossini et Berlioz ou Meyerbeer. Sa diction en français est excellente mais certains rôles restent cependant difficiles pour sa voix, il aborde malgré tout Julien dans Louise de Charpentier à Genève en 1993, et avec plus de facilités, Laerte dans Hamlet d'Ambroise Thomas, avant d'être invité à chanter dans le Lakmé qu'enregistre Natalie Dessay, alors au sommet de sa notoriété[6].

Il aborde également Nadir dans Les Pêcheurs de perles, notamment à l'opéra de Nice en 1986 puis en 1992, Des Grieux dans Manon, le Faust de la Damnation de Faust sous la direction de Charles Dutoit, Enée dans Les Troyens sous la direction de John Eliot Gardiner[7], Benvenuto Cellini sous la direction de John Nelson. Il doit sa participation à cette dernière performance au forfait de Roberto Alagna[8], pressenti pour ces enregistrements à l'occasion du bicentenaire d'Hector Berlioz.

Il aura l'occasion de reprendre à plusieurs reprises le rôle d'Enée dans Les Troyens, notamment quand sa voix aura nettement évolué lui permettant des rôles plus lourds. Il succède ainsi à Bryan Hymel dans la mise en scène de David Mc Vicar, créée à Londres au Royal Opera House, lors de sa reprise à la Scala de Milan en 2014 sous la direction d'Antonio Pappano[9]. Et il est encore Enée pour la nouvelle production de Christophe Honoré à l'Opéra de Munich en mai 2022[10].

Gregory Kunde est également pressenti pour incarner les héros de Meyerbeer, aux rôles lourds, longs et souvent complexes. Ainsi se produit-il dans le Raoul des Huguenots à Strasbourg en 2012 dans une mise en scène d'Olivier Py[11].

Le Deutsche Oper de Berlin organise à partir de 2015, un cycle en hommage à Meyerbeer, et donne successivement Vasco de Gama en 2015, puis Les Huguenots en 2016 et le Prophète en 2017. C'est dans cette œuvre du grand opéra français, rarement donnée, mise en scène par Olivier Py, que Gregory Kunde s'illustre dans le rôle-titre, à plus de 63 ans[12].

Et en mai 2016, à Saint-Pétersbourg sous la direction de Valery Gergiev[13], il interprète Samson dans Samson et Dalila, rôle qu'il reprend quelques mois plus tard à Turin[14].

Verdi et au-delà

En 1994, alors qu'il chante Lindoro en Espagne, Gregory Kunde apprend qu'il est atteint d'un cancer. Malgré la lourdeur de la thérapie, il revient dès 1995 sur scène[15] et ne parle que beaucoup plus tard de sa maladie. C'est à partir de là que le centre de gravité de sa voix évolue vers le médium et que son timbre se corse lui permettant d'aborder de nouveaux rôles, en particulier ceux du répertoire verdien, Arrigo dans les Vêpres Siciliennes[16], Rodolfo dans Luisa Miller[17], puis Manrico dans le Trovatore, et bientôt Alvaro dans La forza del destino, Don Carlos et l'autre Otello[18], celui de Verdi. Il devient ainsi le seul ténor à chanter les deux rôles, même si, progressivement, il abandonne Rossini pour se consacrer à Verdi, Berlioz, Meyerbeer.

Sa longévité est rare et, à plus de 65 ans, il poursuit son exploration de nouveaux rôles, tels que Andrea Chénier de Giordano[19], Calaf dans Turandot dans la mise en scène de Bob Wilson, au Teatro Real de Madrid en 2018[20] ou Peter Grimes au Palau de Valencia en 2018[21]. Il réalise également l'un de ses rêves, celui de chanter Cavaradossi avant de prendre sa retraite[22], en incarnant le peintre révolutionnaire dans Tosca à l'Opéra de Rome en novembre 2022[23]. Parmi ses engagements futurs, on notera également une incursion dans le répertoire allemand avec un Florestan dans Fidelio de Beethoven à son programme[24]. Il ne s'est cependant jamais aventuré dans le répertoire wagnérien, considérant que ses caractéristiques vocales de ténor lyrique ne le prédestinaient pas à s'engager plus avant dans ces rôles très tendus[25].

Ces dernières années, Gregory Kunde sillonne les scènes européennes, de Londres à Rome en passant par Milan, Parme, Naples, Munich, Berlin, Madrid, Bruxelles. Il se fait plus rare en France et surtout dans son pays d'origine, les États-Unis. Il a fait ses débuts au MET de New York pour une représentation du Manon de Massenet, en remplacement du ténor Hongrois Denes Gulyás, souffrant, en 1987, mais n'y est pas retourné ensuite durant 13 ans où il remplace à nouveau un collègue défaillant en 2000 dans la Cenerentola. Il semble d'ailleurs coutumier du rôle de remplaçant outre-Atlantique, puisqu'il reviendra en 2006 dans I Puritani pour une séance, puis en 2019, il remplace Aleksandrs Antonenko défaillant dans Samson et Dalila[26], où il est acclamé par la critique[27]. Il remplace quelques mois plus tard à nouveau le ténor letton, cette fois à l'Opéra de Paris, pour la dernière séance d'Otello.

Toujours en activité, et engagé dans divers projets, Gregory Kunde a désormais "son" public, qui le suit de théâtre en théâtre, découvrant ses nouveaux rôles ou appréciant les évolutions de son interprétation. Le ténor américain s'essaie de temps à autre au rôle de chef d'orchestre[28] et ne recule devant aucune audace, comme il l'a récemment montré, en interprétant à quelques semaines d'intervalle, successivement Alvaro dans la Forza Del Destino, Andrea Chenier puis son premier Cavaradossi dans Tosca.

Et c'est à presque 69 ans, en janvier 2023 à l'opéra de Nice, qu'il se lance dans un grand rôle typique du romantisme allemand, qui n'était guère dans ses cordes jusqu'à présent, celui de Florestan dans Fidelio ; en février 2023, il aborde aussi Bacchus dans Ariadne auf Naxos à la Semperoper de Dresde[29].

Avec une longévité plutôt rare dans le métier de ténor, Gregory Kunde s'est également produit à l'Opéra de Rome dans Radamès en mars 2023 et, le mois suivant, dans un nouveau rôle, celui de Luigi dans Il Tabarro de Puccini[30]

Discographie et vidéographie

  • Turandot de Giacomo Puccini, direction musicale de Nicola Luisotti, mise en scène de Bob Wilson, avec Irène Theorin, Gregory Kunde (Calaf) - orchestre et chÅ“ur du Teatro Real de Madrid - Bel Air DVD - 2020

Notes et références

  1. Antoine Brunetto, « Gregory Kunde, le retour du lion de Venise | Forum Opéra », sur www.forumopera.com (consulté le )
  2. François Jestin, « Entretien : Gregory Kunde - [Arts-Scènes] », sur owl-ge.ch (consulté le )
  3. Christophe Rizoud, « Gregory Kunde, le ténor pluriel | Forum Opéra », sur www.forumopera.com (consulté le )
  4. Jean-Claude Lanot, « Zelmira (Pesaro 2009) - Gioachino Rossini - Critique DVD », sur Tutti-magazine (consulté le )
  5. Paul Fourier, « Gregory Kunde : Quel bonheur d’aborder Don Carlos à 65 ans ! », sur Toutelaculture, (consulté le )
  6. « Gregory Kunde, le ténor pluriel | Forum Opéra », sur www.forumopera.com (consulté le )
  7. Sévag Tachdjian, « Les Troyens - Berlioz - Antonacci - DVD », sur www.forumopera.com (consulté le )
  8. Sévag Tachdjian, « Benvenuto Cellini - Berlioz - Nelson », sur www.forumopera.com (consulté le )
  9. (it) Renzo Bellardone, « LES TROYENS – Teatro alla Scala – Milano | Scrissi d'Arte » (consulté le )
  10. Dominique Adrian, « Les Troyens maladroits de Christophe Honoré à Munich », sur ResMusica, (consulté le )
  11. Frédéric Norac, « Des Huguenots éblouissants et nocturnes », sur www.musicologie.org (consulté le )
  12. Vincent Guillemin, « Gregory Kunde Prophète à Berlin », sur ResMusica, (consulté le )
  13. « Valery Gergiev dirige Samson et Dalila de Saint-Saëns | mezzo.tv », sur www.mezzo.tv (consulté le )
  14. Jacques Schmitt, « À Turin, le somptueux Samson de Gregory Kunde », sur ResMusica, (consulté le )
  15. Hélène Mante, « Gregory Kunde parle de son cancer | Forum Opéra », sur www.forumopera.com (consulté le )
  16. Jacques Schmitt, « I Vespri Siciliani à Turin : Viva Verdi ! », sur ResMusica, (consulté le )
  17. « Miracle d’une alchimie | Forum Opéra », sur www.forumopera.com (consulté le )
  18. « Festival de Munich 2022 : L'immense Kunde dans un Otello de grand niveau », sur Wanderer (consulté le )
  19. François Lesueur, « Mourir d'amour en Chenier »
  20. Stéphane Lelièvre, « Turandot à Madrid : retour de Bob Wilson à Puccini - Actualités - Ôlyrix », sur Olyrix.com (consulté le )
  21. Yannick Boussaert, « Plus forts que le temps | Forum Opéra », sur www.forumopera.com (consulté le )
  22. « Gregory Kunde: « J’espère chanter Cavaradossi avant de prendre ma retraite » | Forum Opéra », sur www.forumopera.com (consulté le )
  23. (it) Fabiana Raponi, « Teatro dell’Opera di Roma, Tosca chiude la stagione del Costanzi | Teatrionline » (consulté le )
  24. « Gregory Kunde (Interprète) | Opera Online - Le site des amateurs d'art lyrique », sur www.opera-online.com (consulté le )
  25. Jean Michel Pennetier, « Gregory Kunde : le belcanto avant tout ! | Forum Opéra », sur www.forumopera.com (consulté le )
  26. (en) « Eleventh-Hour Hero », sur www.metopera.org (consulté le )
  27. (en-US) « Tenor Gregory Kunde Proves a Hero in Every Sense of the Word in the Met’s ‘Samson’ », sur Observer, (consulté le )
  28. « Opéra Nice Côte d'Azur - Carte blanche à Gregory Kunde », sur www.opera-nice.org (consulté le )
  29. La rédaction, « Gregory Kunde : nouvelle année, nouveau rôle | Forum Opéra », sur www.forumopera.com (consulté le )
  30. « Il tabarro/Le Château de Barbe-Bleue de Puccini/Bartók à l’Opéra de Rome (Mariotti/Erath), compte rendu », sur Avant Scène Opéra (consulté le )
  31. Jacques Hétu, « Benvenuto Cellini version Nelson, des voix d’airain pour un opéra de feu », sur ResMusica, (consulté le )
  32. Alexandre Pham, « Des Troyens conquérants », sur ResMusica, (consulté le )

Liens externes

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