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La Cenerentola

La Cenerentola est le dernier opéra-bouffe composé par Gioachino Rossini pour le public italien. Il s'agit d'un dramma giocoso en deux actes dont le livret est de Jacopo Ferretti, d’après le conte Cendrillon de Charles Perrault. Cet opéra a été créé le au Teatro Valle de Rome.

La Cenerentola
Ossia la bontĂ  in trionfo
Description de cette image, également commentée ci-après
On n'entendait qu'un bruit confus :
« Ah ! qu'elle est belle ! »
Dessin de Gustave Doré pour la première édition Hetzel
des
Histoires ou contes du temps passés (1697)
Genre Dramma giocoso
Nbre d'actes 2
Musique Gioachino Rossini
Livret Jacopo Ferretti
Langue
originale
Italien
Sources
littéraires
Cendrillon,
conte de Charles Perrault
Partition
autographe
Bibliothèque de l'Accademia Filarmonica, Bologne,
Fondazione Rossini, Pesaro (Air d'Alidoro, Rome 1820)
Création Teatro Valle Rome

Personnages

  • Don Magnifico, Baron de Montefiascone (basse)
  • Angelina, surnommĂ©e Cenerentola, fille adoptive de Don Magnifico (contralto)
  • Tisbe, fille de Don Magnifico (mezzo-soprano)
  • Clorinda, fille de Don Magnifico (soprano)
  • Don Ramiro, Prince de Salerno (tĂ©nor)
  • Dandini, valet de Don Ramiro (baryton)
  • Alidoro, tuteur du Prince et philosophe (basse)
  • Courtisans, pages, gens de maison et invitĂ©s au bal

Airs

  • Nacqui all'affanno ... Non piu mesta (Cenerentola, acte 3)

L'histoire est proche de celle du conte dans son déroulement.

Historique

Création

Rossini doit fournir un opéra au Teatro Valle de Rome pour la saison de carnaval de 1817. La censure ecclésiastique exercée sur le livret initialement choisi en octobre 1816, d'après une comédie libertine française, pousse Rossini et Jacop Ferretti à l'abandonner pour se tourner vers l'histoire de Cendrillon. Plus que du conte de Perrault, Ferretti s'inspire notamment du texte de Charles-Guillaume Étienne pour Cendrillon, œuvre lyrique de Nicolas Isouard créé à l'Opéra-Comique en 1810[1].

Le lendemain de Noël 1816, La Cenerentola est presque achevé ; le dramaturge témoignant avoir écrit ses vers en vingt-deux jours et Rossini la musique en vingt-quatre[1].

La première est un fiasco, musiciens et chanteurs ayant travaillé sans relâche jusqu'à l'épuisement pour être prêts le jour de la première. Quelques représentations plus tard, l'exécution de l'œuvre est à la hauteur du projet de Rossini. Le Teatro Valle est un théâtre relativement modeste, essentiellement consacré à l'opera buffa pour cette raison. L'orchestre y est petit, le chœur pratiquement inexistant, ce qui oblige la compositeur à miser sur le talent des chanteurs, en éliminant tout élément superflu[2].

Postérité

La création française a lieu en 1822 au Théâtre italien de Paris[3].

Composé entre 1894 et 1895, Cendrillon, opéra de Jules Massenet, est créé à l'Opéra-Comique en 1899[3].

La Cenerentola entre au répertoire de l'Opéra de Paris sous la direction de Jesús López Cobos, dans une mise en scène de Jacques Rosner, en 1977[3]

Distribution et créateurs

Rôles Tessitures Première,
Don Magnifico, Baron de Montefiascone, père de Clorinda et Tisbe basse Andrea Verni
Angelina, dite Cenerentola, belle-fille de Don Magnifico, ) mezzo-soprano Geltrude Righetti-Giorgi
Tisbe, fille de Don Magnifico mezzo-soprano Teresa Mariani
Clorinda, fille de Don Magnifico soprano Caterina Rossi
Don Ramiro, Prince de Salerne ténor Giacomo Guglielmi
Dandini, Ă©cuyer du prince baryton Giuseppe de Begnis
Alidoro, philosophe, précepteur de Don Ramiro basse Zenobio Vitarelli

Courtisans, pages, gens de maison et invités au bal.

Argument

Sources

Au IIIe siècle, l'historien et orateur Claude Élien retranscrit la légende de Rhodope, l'hétaïre aux pieds nus, avec le motif du soulier comme signe de reconnaissance, qui remonte à l'Égypte antique : Rhodope, unes esclave d'origine grecque, se fit voler une pantoufle par un aigle qui la déposa au pharaon Psammétique II, qui, touché par la finesse de l'objet, fit chercher sa propriétaire afin de l'épouser[4] - [5].

En 1634-1636, Giambattista Basile publie un recueil de quarante-neuf contes populaires, Il Pentamerone, dans lequel apparait La Chatte des cendres, une version occidentale de Cendrillon qui inspirera les variantes de Charles Perrault et des Frères Grimm[4], Aschenputtel, publiée en 1812[3].

Le conte Cendrillon ou la petite pantoufle de verre de Charles Perrault est publiée en 1697[4].

Acte I

L'histoire commence un matin en la demeure de Don Magnifico, qui n'est pas aussi riche qu'il le souhaiterait. Clorinda effectue quelques pas de danse tandis que Tisbe s'admire dans le miroir. Les deux sœurs sont en compétition quant à leur beauté et leur charme, mais de façon ridicule, aucune n'étant réellement attirante. Angelina, surnommée Cenerentola, est employée par Magnifico et ses filles comme souillon, et vit un véritable enfer. Elle n'a de cesse de chanter une chanson populaire relatant l'histoire d'un roi cherchant une épouse pour son humanité et non pour son rang et sa beauté, s'attirant les remontrances de ses belles-sœurs.

Le Prince Don Ramiro devant trouver femme, son tuteur Alidoro, l'aide à son insu. Il se fait passer pour un mendiant afin d'estimer l'accueil réservé par les prétendantes au trône. Il se présente chez Don Magnifico et se fait rejeter brutalement par ses filles. Seule Angelina lui apportera compassion et assistance, bravant la haine que cela génère chez Clorinda et Tisbe.

Se présentent alors des gens de cour expliquant que Don Ramiro viendra en ces lieux inviter les filles de Don Magnifico à un grand bal destiné à lui permettre de choisir son épouse. Clorinda et Tisbe y voient leur avenir tandis qu'elles continuent de s'en prendre à Cenerentola. Remarquant le mendiant resté là, elles le chassent. Angelina lui dit regretter amèrement de ne pouvoir lui donner d'argent, car il est pauvre et malheureux. Alidoro croit remarquer une personne digne du Prince, et lui répond laconiquement que demain, peut-être, il en sera autrement.

Tout ceci réveille Don Magnifico, qui apparaît dans la pièce en habits de nuit. Il réprimande ses filles, leur expliquant qu'elles ont interrompu un rêve magnifique. Un âne (somaro, dans le texte italien) ailé qui se mettait à voler. Il interprète ce rêve comme une prémonition de bonne fortune. Il est ainsi convaincu que ses filles vont faire un mariage royal et qu'il sera grand-père de rois. Clorinda et Tisbe lui font alors part de la visite des gens de cour, du mariage du Prince et de l'invitation au bal.

Don Magnifico ne se sent plus de joie et tous trois se préparent à l'arrivée du Prince.

Entre alors le valet du Prince. Il s'agit en réalité de Don Ramiro lui-même, mais déguisé en son valet. Alidoro lui a en effet confié que l'épouse qu'il recherche pourrait vivre ici. Il est seul dans la pièce lorsqu'entre Angelina. Chacun d'entre eux succombe instantanément au charme de l'autre, mais tâche de n'en rien montrer. Angelina en laisse tomber la vaisselle qu'elle a dans les mains. Mais le faux valet dit alors vouloir rencontrer les filles de Don Magnifico, et demande à Angelina qui elle est. Bouleversée, elle lui répond qu'elle n'est personne, qu'elle n'est qu'une servante.

Pendant son récit, le Prince en tombe irrésistiblement amoureux. C'est alors que l'on entend les belles-sœurs de Cenerentola lui donner durement des ordres. Elle quitte la pièce et le Prince remarque que même en haillons, il se dégage d'elle une réelle beauté.

Dandini, le valet de Don Ramiro, entre alors en grande pompe. Il est déguisé de façon à se faire passer pour le Prince. Il aide ainsi ce dernier, à sa demande, à trouver l'épouse qu'il recherche. Dandini explique avoir rencontré bon nombre de prétendantes, mais ne pas avoir encore trouvé sa future épouse. Entrent Don Magnifico, Clorinda et Tisbe, agités par cette visite. Le faux Prince courtise les deux sœurs, si bien qu'elles et leur père sont certains de parvenir à le séduire. Dandini en fait un peu trop, si bien que le véritable Prince doit le tempérer discrètement. Ce faisant, Don Ramiro profite de son rôle pour chercher désespérément Angelina du regard, et celle-ci le remarque bien. Le faux Prince explique encore que selon le vœu de son père, il doit se marier ou bien perdre son héritage. Il fait alors accompagner les deux sœurs au bal. Seul Don Ramiro demeure, toujours déguisé en valet.

Angelina supplie son beau-père de la laisser aller à ce bal, ne serait-ce qu'une heure, mais celui-ci refuse de façon dure et brutale, en présence de Don Ramiro et Dandini et en s'attirant, sans le savoir, tout leur mépris. Ils interviennent même afin d'éviter à Angelina d'être battue. Don Magnifico leur explique qu'elle n'est qu'une servante et une moins que rien. Don Ramiro est en rage et parvient difficilement à se contenir. L'ambiance est très tendue.

À ce moment, entre Alidoro, cette fois non déguisé en mendiant. Il demande à Don Magnifico de lui présenter sa troisième fille, la liste des demoiselles éligibles à la qualité de prétendantes au trône faisant mention du fait que Don Magnifico a trois filles et non deux. Don Magnifico répond que sa troisième fille est morte. Choquée, Angelina en sursaute. Don Magnifico lui dit en aparté de se taire, sans quoi, lui, saura la faire taire. Il feint alors la tristesse. Don Ramiro, Alidoro et Dandini acceptent cette explication avec une difficulté non exprimée et s'en vont au bal avec Don Magnifico, laissant Angelina seule.

Peu après, Alidoro, de nouveau grimé en mendiant, rend visite à Angelina et l'invite au bal. Se méprenant sur le sens de ses paroles, Angelina lui répond, humiliée, qu'elle l'a aidé tandis que lui se moque d'elle. Alidoro lui révèle alors sa véritable identité et lui explique que pour elle, plus rien ne sera désormais comme avant. C'est ainsi qu'il l'invite à changer ses haillons pour une tenue d'apparat, tout en lui donnant deux bracelets de cristal, symboles de sa bonté pure et véritable. Arrive le carrosse qui doit la conduire au bal.

Au bal, Dandini et Don Ramiro échangent toujours leurs rôles. Le faux Prince est courtisé par Clorinda et Tisbe et son comportement suggère à chacune qu'elle a sa préférence. Quant à Don Magnifico, on propose à celui-ci de devenir sommelier du Prince, à condition de pouvoir goûter trente vins de la cave tout en demeurant capable de tenir sur ses jambes. Il accepte l'épreuve et la commence sur le champ.

Dandini s'isole un instant avec le Prince. Don Ramiro s'enquiert de l'opinion de son valet quant aux deux sœurs, et ce dernier lui fait part de son opinion très négative, les trouvant vaniteuses et leur reprochant leurs mauvaises manières ainsi que leur méchant état d'esprit. Mais Don Ramiro ignore toujours qu'Angelina est la fille adoptive de Don Magnifico, si bien qu'il ne comprend pas comment Alidoro a pu suggérer d'inviter ses filles au bal.

Tous deux retournent avec les invités. Le faux Prince prend alors la décision suivante : ne pouvant les épouser toutes deux, il propose son valet (le réel Prince donc) « en second choix ». Offensées par l'idée d'épouser un serviteur, Clorinda et Tisbe rejettent cette proposition, taxant le faux valet de « très quelconque », de « mal éduqué » et de « vulgaire », ce qui permet à Don Ramiro d'asseoir son opinion.

Don Magnifico, quant à lui, est parvenu à goûter trente barriques tout en restant valide. Il est promu sommelier, et quelques minutes plus tard, s'isolant avec ses filles, s'imagine déjà se levant tard, son lit entouré de gens de cour faisant différentes requêtes. Ceci a pour effet de lui faire tourner la tête et de le faire divaguer.

Entre Alidoro, qui annonce l'arrivée d'une invitée mystérieuse. Il s'agit d'Angelina, magnifiquement vêtue et voilée de façon à ne pas être reconnue. Clorinda et Tisbe sont percluses de jalousie tant l'arrivée d'Angelina fait sensation parmi les invités. Dès qu'elle parle, Don Ramiro est persuadé de connaître cette voix. Dandini lui retire alors son voile, et tous sont en état de choc. Les invités, Dandini, pour sa grâce. Don Ramiro également, mais aussi car il pense la reconnaître. Don Magnifico, ses filles, pour les mêmes raisons. Ces derniers essaient de se convaincre que ce n'est pas elle, qu'il ne s'agit que d'une ressemblance, que Cenerentola est gauche tandis que l'invitée est plus gracieuse. Et surtout, Clorinda comme Tisbe se disent que cette invitée est belle, mais pas autant qu'elles.

Dandini invite alors tous les convives à prendre place au banquet qui commence et promet de choisir une épouse durant le bal après souper.

Acte II

L'ambiance du dîner est très tendue, sans que personne l'exprime à d'autres que soi-même. Don Ramiro est de plus en plus convaincu qu'il s'agit de Cenerentola et s'aperçoit après dîner que Dandini a succombé au charme de l'invitée. Angelina s'en aperçoit également, et déclare au faux Prince ne pas accepter l'idée d'être son épouse, car elle est déjà amoureuse de son valet. Don Ramiro entend cela car il écoutait discrètement. Il entre alors, toujours déguisé en valet, et demande à Angelina si rang et fortune ne l'intéressent donc pas. Angelina lui répond que seuls amour et bonté lui importent. Le Prince lui demande alors si elle sera sienne, et Angelina lui donne l'un de ses bracelets. Elle lui explique alors qu'il lui faudra la retrouver, et que si à cet instant il l'aime toujours, il l'aura gagnée. Alidoro est témoin de cette scène, et se réjouit que tout se déroule si parfaitement.

Angelina quitte alors le bal. Don Ramiro ordonne qu'un carrosse se tienne prêt pour qu'il puisse commencer la recherche. Il explique alors la situation à Dandini et lui explique que le jeu de l'imposture se termine là et qu'il reprend son rôle de Prince. Dandini s'en plaint, expliquant qu'il repasse si rapidement de tout à rien. Mais il demeure fidèle à son Prince et accepte finalement la situation. Don Ramiro s'en va commencer ses recherches, dorénavant en habits princiers.

Entre Don Magnifico. Dandini, toujours vêtu en Prince, lui explique avoir fait son choix mais ne pas encore le révéler. Don Magnifico le supplie, et Dandini se plaît à se jouer encore un peu de lui. Il finit néanmoins par révéler sa véritable identité de valet et dévoile, non sans plaisir, toute la supercherie. Don Magnifico, furieux, promet que Don Ramiro paiera pour s'être ainsi moqué de lui.

Tard dans la nuit, chez Don Magnifico, Angelina est de nouveau vêtue de haillons. Elle rêve du valet du Prince et chante la chanson populaire qu'elle chantait au début du premier acte. Entrent Don Magnifico et ses filles, de retour du bal. La vue de Cenerentola les rend tous trois terriblement agressifs. Ils vont s'en prendre à elle lorsqu'un orage retentit. Le Baron envoie Angelina préparer le souper. Arrive alors un carrosse, puis entrent Dandini et le Prince, chacun vêtu en accord avec son véritable rôle. Don Magnifico envoie Cenerentola chercher une chaise pour le Prince. Cette dernière est stupéfaite de reconnaître son valet en Prince, tandis que lui reconnaît le bracelet à son poignet. Il lui déclare alors son amour, à l'affliction de Don Magnifico et de ses filles. Angelina veut embrasser les siens en signe de pardon, mais ils la repoussent âprement. Ceci, plus d'autres commentaires, irritent profondément le Prince qui menace de se mettre cette fois réellement en colère. Angelina lui demande de pardonner, ce qu'il fait.

La dernière scène prend place au palais du Prince. Alidoro et les gens de cour célèbrent le triomphe de l'amour et de la vertu sur la pusillanimité. Don Magnifico demande enfin pardon, pour lui et pour ses filles, à Angelina. Celle-ci accepte avec sincérité. Les gens de cour chantent tous, tandis que le Prince et Angelina peuvent commencer leur vie commune.

Analyse

Frontispice de la partition de 1817.

Variantes du conte de Perrault

Les éléments surnaturels apparaissant dans le conte ne figurent pas dans le livret de Ferretti. Quelques éléments ont également été modifiés. Par exemple, la pantoufle est remplacée par un bracelet afin d'éviter aux actrices de l'époque d'avoir à exhiber pieds et jambes aux yeux du public[6]. La fée est quant à elle remplacée par Alidoro, philosophe et tuteur du Prince Don Ramiro, dont Angelina (Cendrillon) est éprise. Enfin, l'acariâtre belle-mère est remplacée par Don Magnifico, père de Clorinda et Tisbe, qui régente l'environnement familial.

Ferretti a enfin voulu, comme il l'indique dans le sous-titre du livret, montrer que la bonté triomphe, puisqu'à la fin, Cendrillon, au moment de devenir reine, pardonne à son père et à ses deux sœurs de l'avoir traitée de façon si cruelle au fil des années. Ferretti a également introduit des éléments de comédie dans le livret : comique de situation, répliques, jeux entre personnages (Don Magnifico et le faux Prince lorsque ce dernier lui révèle la supercherie, jeu d'inversion des rôles de Prince et de valet, etc.).

Angelique Cendrillon

Le prénom de Cendrillon tire son origine de la cendre, la jeune fille vivant à proximité de la cheminée. Ce personnage sans frontière est rencontré sous plusieurs déclinaisons, aussi bien en occident qu'en orient[5].

Dans le livret, l'héroïne est systématiquement appelée Cendrillon, mais le prénom d'Angelina reste fréquemment utilisé et le frontispice de la partition de La Cenerentola nomme ainsi le personnage éponyme. Jacopo Ferretti en explique l'origine dans ses mémoires : envisageant d'intituler son opéra Angiolona, ossia La Bontà in trionfo, il est confronté à la censure du prénom, dans lequel les bien-pensants voient l'évocation d'une femme licencieuse, célèbre de son temps. Ferretti rétorque avec humour que si la référence était avérée, il aurait plutôt nommé son opéra Angiolona, ossia La civerreria in trionfo (Le triomphe de la coquetterie). Angelina serait ainsi une déformation d'Angiolina, petit-ange en italien[1].

Dramma giocoso

Au début du siècle, Rossini triomphe avec Le Barbier de Séville, Le Turc en Italie ou encore L'Italienne à Alger, des opéra bouffe dans la lignée de la commedia dell'arte, caractérisés par un comique qui contrarie la vogue de l'opera seria et contredit le tragique qui lui est propre. La Cenerentola, ouvrage en demi-teinte qui ne privilégie pas un style par rapport à un autre, établit un pont entre ces deux formes lyriques en énonçant un sujet empli de pathétisme, mais dont l'issue se veut heureuse[1].

Musique

L'écriture est de type bel canto, c'est-à-dire très ornée, démonstrative de grande virtuosité. Le rôle de Cenerentola demande une voix de contralto coloratura.

On peut également noter le grand nombre d'ensembles qui ponctuent l'opéra, depuis le quatuor jusqu'au septuor, parfois soutenus par l'intervention du chœur, qui sont assez semblables par exemple à la fin du premier acte du Barbier de Séville ou à celui de L'Italienne à Alger, entre autres en ce qu'ils servent à traduire le désemparement des personnages qui ne comprennent pas l'évolution de l'intrigue. Le sextuor "parlar, pensar, vorrei, non so" ("parler, penser, je le voudrais, je ne le puis") du deuxième acte ressemble ainsi beaucoup tant dans les paroles de stupéfaction que dans la forme musicale au "Fredda ed immobile, come una statua" ("immobile et froid comme une statue") du Barbier de Séville.

On peut remarquer la fréquence d'utilisation significative d'un même procédé dans ces morceaux d'ensemble de La Cenerentola: les personnages s'introduisent dans la musique tour à tour au moyen d'un même motif musical, puis il s'ensuit un grand crescendo tant au niveau de la nuance que du fait que de plus en plus de personnages chantent en même temps jusqu'à parvenir à un tutti qui matérialise l'ampleur du désarroi des protagonistes. En témoignent les exemples suivants :

  • Après l'entrĂ©e d'Alidoro tenant le registre du Royaume dans l'acte I, Dandini chante une première fois le thème qui est repris par la Cenerentola et Don Magnifico en canon puis Ramiro et Alidoro s'adjoignent aux trois premiers personnages. Les paroles de cette phrase se traduisent : "on voit au visage de ceux-ci le tourbillon de leur cerveau qui flotte et qui doute incertain"
  • Peu après dans un allegro, Don Magnifico chante une phrase en triolet de croches que la Cenerentola reprend juste après sur d'autres paroles soutenue par un contre-sujet d'Alidoro, puis Dandini et Ramiro font leur entrĂ©e sur cette mĂŞme phrase tandis que les autres personnages poursuivent leurs interventions, conduisant Ă  une certaine confusion.
  • Après que la Cenerentola dĂ©voile son visage au palais du prince, tous les personnages font leur entrĂ©e dans le morceau d'ensemble en chantant successivement la mĂŞme phrase mais ornĂ©e de diverses façons : Clorinde la chante la première, puis Ramiro la varie avec le rythme sextolet de triples-croches / double-croche, puis la Cenerentola la chante en triples-croches continuelles et enfin Dandini la varie en triolets de doubles-croches. Comme mentionnĂ© prĂ©cĂ©demment, les paroles de cet ensemble sont : "parler, penser, je le voudrais, je ne le puis". Ci-dessous le dĂ©but du thème introduit par Clorinde:

{
\relative c'' {
    \key g \major
    \time 2/4
    r4 r8. d,16 
    g8 r16 b16 g8 r16 b16
    d8~ d32 e32 d32 c32 a8 r16 d,16
    b'16 r16 b16 g32 d'32 cis16 r16 cis16 a32 e'32
    d4 r4
 }
}
\addlyrics {
  \lyricmode {
Par -- lar, pen -- sar vor -- re -- _ -- _ -- _ i, Par -- lar, pen -- _ -- _ -- _sar, non -- _ -- _ -- _so
  }
}
  • Le sextuor de l'acte deux enfin, qui est le plus cĂ©lèbre des ensembles de cet opĂ©ra, obĂ©it au mĂŞme principe. Dandini entre le premier, suivi par Ramiro avec exactement la mĂŞme phrase tandis que Dandini dĂ©veloppe un contre-sujet, s'y adjoignent successivement la Cenerentola puis don Magnifico avec le thème repris cette fois Ă  la quinte. Les paroles de cet ensemble sont "c'est un nĹ“ud inextricable", elles traduisent donc bien encore une fois le dĂ©semparement des protagonistes, qui constitue un ressort comique frĂ©quent chez Rossini. Ci-dessous le thème du canon de ce sextuor, l'effet "hachĂ©" du texte musical donne un effet comique Ă  ce morceau:

{
\relative c'' {
    \key ees \major
    \time 4/4
    r ees,16 r16 g16 r16 bes16 r16 ees,16 r16 ees'16 r16 c16 r16
    bes16 r16 g16 r16 c16 r16 bes16 r16 aes16 r16 f16 r16 bes16 r16 aes16 r16
    g16 r16 ees16 r16 r4 r2
 }
}
\addlyrics {
  \lyricmode {
Questo è'un no -- do'av -- vi -- lup -- pa -- to, questo è'un grup -- po rin -- trec -- cia -- to,
  }
}

Orchestration

Instrumentation de La Cenerentola
Cordes
premiers violons, seconds violons, altos,

violoncelles, contrebasses

Bois
2 flûtes l'une jouant aussi le piccolo, 2 hautbois,

2 clarinettes, 2 bassons,

Cuivres
2 cors, 2 trompettes, 1 trombone
Pour les récitatifs secs
1 pianoforte, 1 violoncelle et 1 contrebasse (ad libitum)

Structure

Ouverture (tiré de La gazzetta)
Acte I
  • Una volta c'era un re, canzone de Cenerentola
  • Miei rampolli femminini, cavatina de Magnifico
  • Un soave non so che, duetto de Ramiro et Cenerentola
  • Come un'ape ne' giorni d'aprile, cavatina de Dandini
  • Zitto zitto, piano piano, duetto de Ramiro et Dandini, puis quatuor avec Clorinda et Tisbe
  • Mi par d'essere sognando, finale concertant
Acte II
  • Sia qualunque delle figlie, aria de don Magnifico
  • Sì, ritrovarla io giuro, aria de Ramiro
  • Un segreto d'importanza, duo de Dandini et Magnifico
  • Siete voi? - Questo è un nodo avviluppato, sextuor
  • Nacqui all'affanno, rondo final de Cenerentola

Adaptations

  • L'opĂ©ra imaginaire (1993), sĂ©rie de courts mĂ©trages d'animation sur le thème de l'opĂ©ra: sextuor Questo è un nodo avviluppato, film de Stephan Palmer.

Notes et références

  1. Opéra de paris, La Cenerentola, 2017, p. 19
  2. Damien Colas, La Cenerentola, Opéra de Paris, , 144 p., Il était une fois... pp. 38-43
  3. Opéra de paris, La Cenerentola, 2017, p. 28-29
  4. Opéra de paris, La Cenerentola, 2017, p. 26-27
  5. Opéra National de Paris, La Cenerentola, , 144 p., p. 18.
  6. Programme de "La Cenerentola" de l'Opéra Royal de Londres, représentations de décembre 2007-janvier 2008

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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