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Georges Laplace

Georges Laplace est un préhistorien français né le et décédé le à Pau (Pyrénées-Atlantiques). Il a apporté des contributions substantielles en archéologie préhistorique concernant le Paléolithique supérieur Européen et l'analyse des industries lithiques préhistoriques, et animé la revue Dialektikê. Cahiers de typologie analytique.

Georges Laplace
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Biographie
Naissance
Décès
(Ă  86 ans)
Pau
Autres noms
Georges-Louis Laplace-Jauretche[1]
Nationalité
Activités
Conjoint
Delia Brusadin

Biographie

Il naît à Pau, d'une mère couturière et d'un père cheminot[2]. Il passe par l'École normale d'instituteurs de Lescar (actuel lycée Jacques-Monod) et devient instituteur à Esquiule (Basses-Pyrénées) en 1938[3]. Il est appelé sous le drapeau en 1938, participe à la Seconde Guerre mondiale en 1939-1940 et est démobilisé en septembre 1940[2]. Arrêté en septembre 1941 pour actes de résistance, il est libéré et s'inscrit à l'université de Montpellier en 1942. Mais en 1943 il reprend la lutte comme chef de Corps Francs à Dieulefit (Drôme), puis instructeur dans les équipes volantes de l'école des cadres d'Uriage devenue clandestine (maquis du Vercors)[2]. Il se retrouve aussi dans les rangs de l'ORA comme lieutenant chargé de l'instruction et d'opérations dans le Dauphiné et la Savoie, puis sur le front des Alpes dans les rangs de la 25e Division alpine en 1944. Il est ensuite affecté dans les organisations de Résistance intérieure (« Nouvelles Équipes de Résistance Française ») puis se retrouve dans l'armée régulière. Mai 1947 le voit retourner à la vie civile ; trois mois plus tard en août il est promu lieutenant de réserve[2].

À partir de 1947, il entreprend des études supérieures aux universités de Toulouse et Bordeaux et obtient une licence de lettres qui inclut géographie générale, géographie régionale, cartographie, histoire moderne et contemporaine, et archéologie préhistorique. En septembre de cette année-là, il participe pour la première fois à un chantier de fouilles[4], auprès de son professeur[5] Louis Méroc dans les grottes de Montmaurin (Haute-Garonne)[4]. En 1948, il est admis comme membre de la Société préhistorique française grâce à Louis Méroc et Raoul Cammas[6]. En 1950, Méroc intercède en sa faveur auprès de l'abbé Breuil et de Henri Vallois. Il entre au CNRS comme attaché de recherche sous la tutelle de Henri Vallois. Il poursuit des recherches de terrain en Algérie, en Tunisie, et dans les Pyrénées aux côtés de José Miguel de Barandiarán y Ayerbe.

En 1954, il est nommé membre correspondant de la Commission supérieure des monuments historiques pour le département des Basses-Pyrénées[4]. De 1956 à 1958, il est membre de l'École française de Rome, sur proposition de H. Breuil et R. Lantier. En 1959 il présente son mémoire de l'École française de Rome à l'Institut de France. Revenu en France, il soutient son doctorat d'État en sciences naturelles en 1961 à l'université de Poitiers, Recherches sur l'origine et l'évolution des complexes leptolithiques[7]. Vers 1960, il se dispute avec Louis Méroc à propos de la publication des fouilles de la grotte des Abeilles. Méroc cesse alors de l'inviter sur le site de Montmaurin[8].

En 1968, il est nommé maître de recherche au CNRS, et fonde le Centre de recherches d'Arudy (renommé en 1973 Centre de palethnologie stratigraphique « Eruri », contraction de paléo-ethnologie, en référence à la paletnologia italienne). Ce centre n'est pas créé sous tutelle du CNRS, mais en accord avec le maire d'Arudy[9], Georges Houraa, qui est de ses amis, et l'administration du parc national des Pyrénées, nouvellement créé, et dont il joint le conseil scientifique[10]. À partir de 1971, il assure un enseignement à l'université de Pau. En 1973, paraît le premier volume de la revue Dialektikê. Cahiers de typologie analytique dont il dirige la publication jusqu'en 1987. Il devient directeur de recherche honoraire au CNRS en 1983.

Il fait don de ses collections particulières au Musée national de Préhistoire des Eyzies en 1993.

Le , il est décoré Chevalier de la Légion d'honneur.

MĂ©thode de fouille

Depuis le XIXe siècle, des archéologues ont employé des coordonnées cartésiennes dans un repère orthonormé pour le localiser les restes archéologiques lors de fouilles (par exemple, William Pengelly à Kents Cavern, ou Flinders Petrie à Tell el-Hesy, etc.)[11]. Dans le sud-ouest de la France, ce type de repérage était employé par Henri Bégouën dans ses fouilles des grottes du Volp dès les années 1930. Louis Méroc, élève de Begouën, l'employait également lors de ses fouilles des grottes de Montmaurin (comme exposé dans une lettre à Henri Breuil du 7 mai 1946[12] - [13]). De même, dès 1946, André Leroi-Gourhan utilisait une méthode d'enregistrement des données chronostratigraphiques similaire dans son école de fouilles aux grottes d'Arcy-sur-Cure. Aux grottes de Montmaurin, Méroc organisa de 1946 à 1961[14] ses travaux sous la forme d'une école de fouilles[15]. Cette organisation favorisa la diffusion de cette méthode d'enregistrement parmi les archéologues qui venaient y travailler[16]. Ce fut le cas de Georges Laplace, qui y participa de 1947 à 1952[11].

Dès 1948, Laplace appliqua cette méthode aux fouilles qu'il menait à la Tute de Carrelore à Lurbe[17]. En 1954, il fit paraître un article, co-signé avec Louis Méroc, exposant la méthode de repérage :

  • la zone fouillĂ©e est subdivisĂ©e en carrĂ©s de m de cĂ´tĂ© (carroyage) au sein desquels les pièces sont repĂ©rĂ©es par deux coordonnĂ©es (x et y) comprises entre 0 et 100 cm ;
  • la troisième dimension (z) correspond Ă  l'altitude des pièces et est mesurĂ©e par rapport Ă  un niveau de rĂ©fĂ©rence[18].

Il s'agissait d'établir un repérage stratigraphique fiable, permettant ensuite de réaliser l'analyse typologique des objets en étant assuré de connaître avec précision leurs positions relatives. En 1971, Laplace publia une nouvelle systématisation de cette approche[19], en y ajoutant les éléments suivants :

  • une distinction entre les diagrammes de position et les coupes stratigraphiques, Ă©tablis en parallèle lors de la fouille ;
  • des diagrammes de position frontal ou latĂ©ral, total ou partiel, dont :
    • des coupes stratigraphiques frontale ou latĂ©rale, normale ou intermĂ©diaire ;
    • l'utilisation exclusive des plans et plans-diagrammes pour les couches minces ou les sols caractĂ©risĂ©s ;
  • le report des coordonnĂ©es numĂ©riques sur le carnet de fouille ;
  • la reprĂ©sentation conventionnelle des Ă©lĂ©ments des couches et de l'accroissement des espèces d'Ă©lĂ©ments reprĂ©sentĂ©s.

Ce perfectionnement accroissait plus encore le niveau d'abstraction des données enregistrées lors des fouilles[11].

Les publications de 1954 et 1971 contribuèrent à la diffusion de cette méthode d'enregistrement. Elle fut ainsi appliquée par Laplace et ses collaborateurs à la fouille de plusieurs gisements archéologiques en France, dont la Tute de Carrelore à Lurbe, la grotte du Poeymaü à Arudy, la grotte de Gatzarria à Ossas-Suhare, l'abri Olha 2[20] à Cambo-les-Bains. Elle fut aussi diffusée et adaptée au Mexique[21], au Pays Basque (dès 1956 par José Miguel de Barandiarán y Ayerbe à la grotte Lezetxiki à Arrasate), en Catalogne[22] (dès 1973 par Francesc Martí Jusmet à la grotte de Les Ànimes à Matadepera) et en Italie (dès 1969 par Mara Guerri à la grotte Spagnoli à Rignano Garganico).

La typologie analytique et structurale

Jusqu'aux années 1970, de vives controverses opposent les préhistoriens à propos de la définition des différents types d'industries lithiques[23]. La « typologie analytique et structurale », initialement élaborée par Laplace dans les années 1950[24], puis constamment complétée et améliorée par ses collaborateurs jusqu'à la fin des années 1990, est une contribution à ces débats. L'intitulé « typologie analytique et structurale » recouvre un ensemble articulé de méthodes comprenant :

  • une taxonomie ;
  • un ensemble de coefficients mĂ©triques et leur mĂ©thode de reprĂ©sentation graphique ;
  • une notation codĂ©e pour la description des pierres ;
  • un ensemble articulĂ© de procĂ©dures statistiques permettant l'analyse des donnĂ©es codĂ©es.

Les « Séminaires de typologie » organisés par Laplace de 1969 à 1987 permettent d'apporter de nombreuses améliorations méthodologiques à cette approche. La marque du structuralisme, référence alors omniprésente dans les milieux scientifiques et intellectuels, se traduit par l'appellation « typologie analytique et structurale » donnée à la méthode à partir de 1973. La notion de structure fait référence à la formalisation mathématique. Dans cette approche, cette formalisation concerne, d'une part, la composition typologique des ensembles d'objets lithiques associés aux couches archéologiques et, autre part, l'évolution de ces compositions d'une couche à l'autre. En typologie analytique, les types d'objets lithiques ne sont pas établis a priori mais sont obtenus en combinant des critères de description élémentaires (dits « types primaires »)[25]. Les procédures quantitatives employées empruntent aux statistiques descriptives, à la théorie de l'information, à l'analyse des données, et à la classification automatique[26].

La typologie analytique et structurale a surtout été adoptée et employée hors de France, en Italie et en Espagne principalement (en Catalogne et au Pays Basque). En France, elle est restée d'un emploi très marginal parmi les archéologues préhistoriens, utilisée par exemple par François Lévêque lors de son étude des industries lithiques de la Grande Roche à Quinçay[27] - [28].

Le « Groupe international de typologie » et les séminaires d'Arudy

Entre 1969 et 1987, la méthode de typologie analytique est développée collectivement dans le cadre des « Séminaires de typologie », tenus annuellement au Centre de palethnologie stratigraphique d'Arudy. Ces séminaires permettent la formation d'un « Groupe international de typologie » rassemblant principalement des chercheurs français, italiens et espagnols[29], ainsi que la publication d'une revue. Le premier fascicule paraît en 1972 sous le titre de Cahiers de typologie analytique. Dès l'année suivante, en 1973, elle est renommée Dialektikê. Cahiers de typologie analytique, et continue de paraître jusqu'en 1987.

Publications

Notes et références

  1. « Laplace, Georges (1918-2004) », Notice, sur idref.fr (consulté le ).
  2. Plutniak 2017(b), p. 6.
  3. Plutniak 2017(a), p. 117.
  4. Plutniak 2017(b), p. 7.
  5. Plutniak 2017(a), p. 110.
  6. Plutniak 2017(a), p. 121.
  7. Laplace 1966.
  8. [Vialet 2019] Amélie Vialet, « Interruption dans le processus de transmission du savoir : exemple des grottes préhistoriques de Montmaurin (Haute-Garonne) fouillées par Louis Méroc (1904-1970) », dans Michel Sot (dir.), Pratiques de la médiation des savoirs, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, , sur books.openedition.org (ISBN 9782735508983, lire en ligne), paragr. 27.
  9. Plutniak 2017(b), p. 126.
  10. Plutniak 2017(b), p. 127.
  11. [Plutniak 2021] (en) SĂ©bastien Plutniak, New Advances in the History of Archaeology, Oxford, Archaeopress, (ISBN 978-1803270722, DOI 10.31235/osf.io/2pgak, lire en ligne), p. 78-92
  12. Vialet 2019, paragr. 12.
  13. Vialet 2019, paragr. 6.
  14. [Serra-Joulin 2002] Danielle Serra-Joulin, « Les industries lithiques de la grotte de la Terrasse à Montmaurin (Haute-Garonne) », Préhistoires méditerranéennes, vol. 10-11,‎ (lire en ligne [sur journals.openedition.org], consulté en ), Introduction.
  15. Vialet 2019, paragr. 17.
  16. Laplace & MĂ©roc 1954, p. 58.
  17. Laplace 1949.
  18. Laplace & MĂ©roc 1954, p. 59-61.
  19. Laplace 1971, p. 224.
  20. Laplace & Saenz 2002.
  21. (es) JosĂ© Luis Lorenzo Bautista, « TĂ©cnica de exploraciĂłn arqueolĂłgicas. Empleo de las coordenadas cartesianas segĂşn G. Laplace-Jauretche y L. Meroc », Tlatoani, vol. 10,‎ , p. 18-21
  22. (ca) Maria Àngels Petit i Mendizábal, Els Pirineus i les àrees circumdants durant el Tardiglacial. Mutacions i filiacions tecnoculturals, evolució paleoambiental (16000–10000 BP), Puigcerdà, Institut d'Estudis Ceretans, (présentation en ligne), « La introducció a Catalunya del mètode Laplace-Méroc d'enregistrament i anàlisi de l'excavació estratigràfica mitjançant l'ús de les coordenades cartesianes », p. 51-61
  23. Laplace 2020.
  24. Laplace 1957.
  25. Laplace 1974.
  26. Laplace 1981.
  27. [Roussel & Soressi 2010] Morgan Roussel et Marie Soressi, « La Grande Roche de la Plématrie à Quinçay (Vienne). L'évolution du Châtelperronien revisitée », dans Jacques Buisson-Catil & Jérôme Primault, Préhistoire entre Vienne et Charente - Hommes et sociétés du Paléolithique, Association des Publications Chauvinoises, Mémoire 38, , sur researchgate.net (lire en ligne), p. 203-219, p. 206.
  28. [Lévêque 1980] François Lévêque, « Note à propos de trois gisements castelperroniens de Poitou-Charentes », Dialektikê, Cahiers de typologie analytique, no 7,‎ , p. 25-40 (lire en ligne [sur zenodo.org], consulté en ).
  29. Plutniak 2019.

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • [Cabon 2004] Christine Cabon, « Georges Laplace (1918-2004) », PalĂ©o, vol. 16,‎ , p. 9-22.
  • [Demars 2011] Pierre-Yves Demars, « François Bordes versus Georges Laplace : deux visions de l'outillage lithique », dans Françoise Delpech et Jacques Jaubert (dir.), François Bordes et la PrĂ©histoire, Paris, Éditions du ComitĂ© des travaux historiques et scientifiques, , p. 22-24.
  • [LippĂ© 2010] Renaud LippĂ©, « Pierres Ă  convictions : Georges Laplace et la polymorphie des complexes leptolithiques », dans Sophie Archambault de Beaune (dir.), Écrire le passĂ©. La fabrique de la prĂ©histoire et de l'histoire Ă  travers les siècles, Paris, CNRS Éditions, , sur academia.edu (ISBN 978-2-271-07012-8, lire en ligne), p. 309-321.
  • [Plutniak 2017(a)] (en) SĂ©bastien Plutniak, « The Professionalisation of Science – Claim and Refusal: Discipline Building and Ideals of Scientific Autonomy in the Growth of Prehistoric Archaeology. The Case of Georges Laplace's Group of Typologie Analytique, 1950s-1990s », Organon, no 49,‎ , p. 105-154 (ISSN 0078-6500, DOI 10.5281/zenodo.1164932, lire en ligne [PDF] sur ihnpan.waw.pl, consultĂ© le ).
  • [Plutniak 2017(b)] SĂ©bastien Plutniak, « L'innovation mĂ©thodologique, entre bifurcation personnelle et formation des disciplines : les entrĂ©es en archĂ©ologie de Georges Laplace et de Jean-Claude Gardin », Revue d'histoire des sciences humaines, vol. 31,‎ , p. 113-139 (ISSN 1622-468X, DOI 10.5281/zenodo.1164953, lire en ligne [sur hal.archives-ouvertes.fr]). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • [Plutniak 2019] SĂ©bastien Plutniak, « Le “Groupe international de recherches typologiques” et le dĂ©veloppement de l'archĂ©ologie prĂ©historique (annĂ©es 1950-1990). Revendication et refus de la professionnalisation d'une science entre construction disciplinaire et idĂ©aux d'autonomie scientifique », PrĂ©histoires mĂ©diterranĂ©ennes, vol. 7,‎ (ISSN 1167-492X, HAL hal-02342214, lire en ligne [sur journals.openedition.org]). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • [Plutniak 2021] (en) SĂ©bastien Plutniak, « Abstraction in Archaeological Stratigraphy: a Pyrenean Lineage of Innovation (late 19th-early 21th century) », dans New Advances in the History of Archaeology, Oxford, Archaeopress, (ISBN 978-1803270722, DOI 10.31235/osf.io/2pgak, SUDOC 258045671), p. 78-92. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

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