Droits LGBT en Hongrie
Les droits LGBT en Hongrie connaissent des avancées notables jusque dans les années 2010, devenant l'un des pays les plus progressistes de la région en matiÚre de droits LGBT. La Hongrie a légalisé l'homosexualité en 1961, la majorité sexuelle a été mise en place mais elle est inégale jusqu'en 2002, et le concubinage ou l'union libre est reconnue depuis 1996. Un partenariat civil est voté par le Parlement en 2008[1].
Droits LGBT en Hongrie | |
Marche des fiertés à Budapest en juin 2017. | |
Dépénalisation de l'homosexualité | depuis 1961 |
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Sanction | aucune |
Interdiction des thérapies de conversion | légale |
Identité de genre | depuis 2018 |
Service militaire | Oui |
Protection contre les discriminations | depuis 2004 |
Mariage | Non |
Partenariat | depuis 2009 |
Adoption | Non |
Don de sang | Oui, avec 12 mois d'abstinence |
Ă partir de l'arrivĂ©e de Viktor OrbĂĄn au pouvoir en 2010 la situation se dĂ©grade et les droits LGBT sont remis en question peu Ă peu, sur le modĂšle de ce qui se passe en Russie. Une nouvelle constitution en 2011 ne reconnait le mariage que pour un homme et une femme, empĂȘchant l'application de lĂ©gislations favorables aux couples de mĂȘme sexe.
En 2021, une loi visant Ă empĂȘcher la promotion de l'homosexualitĂ© est adoptĂ©e le 15 juin.
Histoire
Karl-Maria Kertbeny (1824-1882), est un journaliste, écrivain, traducteur et militant des droits de l'homme hongrois germanophone. Il a inventé les termes allemands « Homosexual » et « Heterosexual » en 1868, et « HomosexualitÀt » en 1869, auxquels il opposa le terme « normalsexuel »[2] - [3].
Il a publié des nombreux textes sur le sujet, motivé par la défense des droits de l'homme, et des pamphlets contre le paragraphe 143 du Code pénal prussien, qui condamne l'homosexualité et qui devint au XXe siÚcle le paragraphe 175 du Code pénal allemand. AprÚs Voltaire et Jeremy Bentham, Karl-Maria Kertbeny démontra que les lois anti-sodomie étaient contraires aux droits de l'homme et que les actes sexuels privés, librement consentis entre adultes, ne devaient pas relever de lois pénales[4]. Il a été un précurseur dans le développement d'une série d'arguments en faveur de l'homosexualité, affirmant par exemple que l'homosexualité était un état inné et permanent, argument repris plus tard sous le terme de « modÚle médical » de l'homosexualité, qui allait à l'encontre à la fois de l'idée encore répandue à son époque que la sodomie relevait du seul vice et de l'opinion selon laquelle il s'agissait d'un goût dont il ne fallait pas discuter[4].
Dépénalisation
L'homosexualité est dépénalisée au début des années 1960[1].
Union civile
Le concubinage ou l'union civile est reconnu depuis 1996[5].
Un partenariat civil est voté par le Parlement en 2008[1].
Service militaire
Les personnes homosexuelles ont le droit d'effectuer leur service militaire et de servir dans l'armée hongroise. La Hongrie a instauré une loi de pénalisation des discriminations sur l'orientation sexuelle.
Mariage et homoparentalité
Le mariage et l'homoparentalitĂ© ne sont pas acceptĂ©es par la constitution hongroise de 2011, officiellement nommĂ©e Loi fondamentale de la Hongrie (MagyarorszĂĄg alaptörvĂ©nye), dĂ©posĂ©e le , adoptĂ©e le 18 avril par l'AssemblĂ©e nationale de Hongrie et entrĂ©e en vigueur le . VotĂ©e uniquement par Fidesz-Union civique hongroise, elle est l'objet de fortes critiques de la part de l'opposition de gauche (MSzP, LMP) et de l'extrĂȘme droite (Jobbik). Du point de vue des observateurs Ă©trangers, elle est Ă©galement au centre d'une vive polĂ©mique sur la dĂ©rive autoritaire du Premier ministre conservateur Viktor OrbĂĄn[6].
L'adoption aux couples de mĂȘme sexe est interdite Ă travers de nouvelles lois ratifiĂ©es par le Parlement en dĂ©cembre 2020[7]. Ă la suite de ces modifications lĂ©gislatives, la mention « az anya nĆ, az apa fĂ©rfi » (« la mĂšre est une femme, le pĂšre est un homme ») est inscrite dans la charte fondamentale[5].
Elle dĂ©finit l'institution du mariage en tant qu'union de vie entre un homme et une femme, empĂȘchant ainsi de lĂ©gifĂ©rer pour autoriser le mariage homosexuel (art. L/1)[8].
Ă la suite de l'adoption de cette loi, Katalin NovĂĄk, secrĂ©taire dâĂtat Ă la Famille, publie une vidĂ©o sur les rĂ©seaux sociaux demandant aux femmes de ne pas rivaliser avec les hommes[7].
Identité de genre
Le 19 mai 2020, Ă la suite d'un projet de loi Ă l'initiative de Viktor OrbĂĄn, la Hongrie vote un amendement Ă l'article 33 qui dĂ©finit le genre comme le « sexe biologique basĂ© sur la naissance et le gĂ©nome », ce qui revient Ă interdire la reconnaissance juridique et le changement d'Ă©tat civil pour les personnes trans et intersexes[9]. La Cour constitutionnelle invalide le une disposition de cette loi, jugeant les aspects rĂ©troactifs anticonstitutionnels[10]. Ainsi les personnes trans ayant dĂ©jĂ obtenu leur changement d'Ă©tat civil ne pourront pas ĂȘtre dĂ©mises de leur nouvelle identitĂ© de genre, mĂȘme si la Cour n'invalide pas le reste de la loi qui rend dĂ©sormais impossible pour une personne trans de changer d'Ă©tat civil[11].
Tamas Dombos, membre du conseil dâadministration de lâAlliance hongroise LGBT, annonce alors que les associations reprĂ©sentant les droits LGBTIQ vont mener des recours juridiques devant les tribunaux hongrois et internationaux pour contester cette loi. Il rĂ©agit Ă l'AFP Ă la suite de l'adoption de la loi par 154 voix contre 56 en ces termes :
« Il est triste et scandaleux que le Parlement ait dĂ©cidĂ© dâadopter cette loi odieuse au mĂ©pris des prĂ©occupations soulevĂ©es par des dizaines dâorganisations de la sociĂ©tĂ© civile et dâorganismes internationaux, dont le Conseil de lâEurope, le Parlement europĂ©en et divers organes des Nations unies[9] ».
Sexisme
Avec la Pologne, la Hongrie s'oppose en mai 2021 à l'utilisation du terme « égalité des genres » dans un texte européen ratifié par 27 pays. Les représentants des deux pays sont opposés à l'ouverture de davantage de droits pour les personnes LGBT, qui résulterait de l'utilisation du terme[12].
Influence de Victor OrbĂĄn
DĂšs l'arrivĂ©e de Viktor OrbĂĄn au pouvoir en 2010, celui-ci s'efforce de mener des rĂ©formes visant Ă empĂȘcher l'avancĂ©e des droits LGBT, pour selon lui prĂ©server les valeurs chrĂ©tiennes traditionnelles. Une nouvelle constitution est adoptĂ©e en 2011. CritiquĂ©e comme relevant d'une dĂ©rive autoritaire, elle est notamment qualifiĂ©e par Human Rights Watch de « discriminatoire envers les personnes LGBT » - [13] - [6] - [14]. L'eurodĂ©putĂ© JĂłzsef SzĂĄjer (FIDESZ) est considĂ©rĂ© comme Ă©tant l'un des architectes de ce texte, qui constitue un recul des droits LGBT ; le 29 novembre 2020, il est contraint de dĂ©missionner de son poste au Parlement europĂ©en aprĂšs des rĂ©vĂ©lations concernant sa participation Ă des soirĂ©es libertines gay[15] - [16] - [17].
Depuis décembre 2020, les initiatives législatives contre la communauté LGBT se multiplient, particuliÚrement soutenues par Victor Orbån[5].
En 2021, une loi est proposĂ©e au vote pour le 15 juin 2021, visant Ă interdire dans les mĂ©dias et les Ă©coles toute mention visant Ă l'Ă©ducation sur des sujets LGBT auprĂšs des mineurs[18]. Un projet lĂ©gislatif vise par ailleurs Ă dĂ©finir le genre d'une personne comme Ă©tant celui qui lui est assignĂ© Ă la naissance[19]. Cette loi s'inscrit dans un mouvement qui s'inspire de la loi anti-gay promulguĂ©e en Russie par Vladimir Poutine, et fait l'amalgame entre homosexualitĂ© et pĂ©dophilie[20] - [21]. Avec trois autres ONG, Amnesty International et Budapest Pride publient un communiquĂ© pour protester contre cette nouvelle disposition de la loi, en appelant Ă l'intervention du prĂ©sident amĂ©ricain Joe Biden[22]. Des milliers de manifestants se rassemblent le 15 juin 2021 devant le Parlement pour protester contre cette loi et demander son rejet[23] - [24]. La Commission europĂ©enne menace la Hongrie dâune procĂ©dure dâinfraction[25], mais Orban rĂ©siste[26].
En rĂ©ponse Ă lâouverture de cette procĂ©dure dâinfraction en juillet 2021, le gouvernement organise en 2022 un rĂ©fĂ©rendum contre lâenseignement et lâexposition des mineurs Ă lâhomosexualitĂ© et la transidentitĂ©[27], mais il est invalidĂ©, faute d'avoir recueilli assez de votes[28].
Rainbow gate
Le projet de loi hongrois qui sera appliqué à partir du 1er juillet 2021 suscite une polémique au sein de l'Union européenne.
La prĂ©sidente de la Commission europĂ©enne Ursula von der Leyen critique sĂ©vĂšrement la loi hongroise et indique que des mesures juridiques seront prises. 17 Ătats sur les 27 membres manifestent leur opposition Ă ce projet dans une dĂ©claration commune demandant Ă la Commission europĂ©enne de faire respecter le droit. Le texte est d'abord signĂ© par 14 membres, dont la France et l'Allemagne, les pays du Benelux, lâEspagne, lâIrlande, les Ătats scandinaves et Baltes, puis lâAutriche, lâItalie et la GrĂšce dans un second temps[29] - [30].
Ă la suite de ce texte et Ă la dĂ©cision de l'UEFA de ne pas accepter d'illuminer le stade de l'Allianz Arena de Munich aux couleurs LGBTQI durant le match Allemagne-Hongrie de l'Euro 2021[31], le prĂ©sident du Conseil europĂ©en Charles Michel inscrit le sujet Ă l'ordre du sommet des chefs d'Ătat du Conseil de l'Europe du 24 juin 2021 Ă Bruxelles. Le hashtag #Rainbowgate apparaĂźt sur les rĂ©seaux sociaux en Allemagne en rĂ©action Ă cette dĂ©cision[32] - [33]. La ville de Munich entendait protester par cette illumination contre l'adoption de la loi du 15 juin en Hongrie, l'UEFA refusant pour sa part d'endosser un acte politique dans un milieu sportif[34] - [31] - [35].
La ville de Munich craint alors des interventions de la Brigade des Carpates, un groupe de supporters hongrois de football ; finalement seulement 2000 tickets sur les 14 000 sont vendus Ă des supporters hongrois[36] - [37].
Tableau récapitulatif
DĂ©pĂ©nalisation de lâhomosexualitĂ© | (depuis 1962) mais restriction de la libertĂ© d'expression et d'association depuis 2021 |
Majorité sexuelle identique à celle des hétérosexuels | |
Interdiction de la discrimination liée à l'orientation sexuelle à l'embauche | |
Interdiction de la discrimination liée à l'identité de genre dans tous les domaines | |
Partenariat civil | (depuis 2009) |
Mariage civil | (banni depuis 2012) |
Adoption conjointe dans les couples de personnes de mĂȘme sexe | |
Adoption par les personnes homosexuelles célibataires | |
Droit pour les gays de servir dans lâarmĂ©e | |
Droit de changer légalement de genre (aprÚs stérilisation) | [38] |
Gestation pour autrui pour les gays | |
AccĂšs aux FIV pour les lesbiennes | |
Autorisation du don de sang pour les HSH |
Militantisme
En 1988 est créée la premiÚre association homosexuelle hongroise, Homeros Lambda. AprÚs la chute du régime communiste, les années 1990 sont celles de la réelle naissance d'une sociabilité homosexuelle dans le pays[1].
Références
- Mathieu Lericq, interviewé par Micha Barban Dangerfield, « Comment vivait et se défendait la communauté gay en URSS ? », sur Vice, (consulté le ).
- « 1868, May 6: Karl Maria Kertbeny: "Homosexual," "Heterosexual" · Constructing the Heterosexual, Homosexual, Bisexual System · OutHistory: It's About Time », sur outhistory.org (consulté le )
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Articles connexes
- Référendum de 2022 sur l'éducation sexuelle des mineurs