En droit français, le contrôle d'identité est une enquête de police visant à établir l'identité de la personne contrôlée. Cette enquête est réglementée par des lois de 1986 et de 1993 insérées aux articles 78-1 et suivants[1] du Code de procédure pénale, le juge judiciaire examinant le procès-verbal et, le cas échéant, les motifs invoqués ayant conduit au contrôle, pour juger de sa régularité.
Le droit distingue le contrôle d'identité de police judiciaire, qui s'effectue dans le contexte d'une infraction, et le contrôle d'identité de police administrative, qui peut avoir pour objectif de prévenir des infractions, et non simplement de les réprimer. Les contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires sont illégaux ; les contrôles généralisés dans certaines zones sont légaux dans certaines circonstances (prévention de troubles à l'ordre public). Les contrôles ne peuvent se faire sur le seul fondement de l'apparence extérieure, ni non plus sur le seul fait de parler une langue étrangère[2]. La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a été saisie de plusieurs cas de contrôles abusifs, et a rappelé qu'il convenait « d'éviter les contrôles d'identité sans motif et au faciès ».
Sommaire
- Modalités juridiques
- Contrôle d'identité de police judiciaire
- Contrôle d'identité de police administrative
- Contrôle d'identité sur réquisition du procureur de la République, selon les dispositions de l'article 78-2 alinéa 7 du Code de procédure pénale
- Contrôle d'identité Schengen
- Contrôle d'identité dans les trains transnationaux
- Mise en œuvre des contrôles
- Pratique des contrôles d'identité
- Notes et références
- Annexes
Modalités juridiques
Contrôle d'identité de police judiciaire
Le contrôle judiciaire intervient dans un contexte lié à la commission d'une infraction, souvent en même temps qu'une enquête de police judiciaire.
Selon l'article 78-2 alinéa 1 du Code de procédure pénale, les officiers et agents de police judiciaire peuvent contrôler les personnes soupçonnées d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction, ou de se préparer à en commettre une. Ils peuvent également contrôler les personnes faisant l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire, et celles susceptibles de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit.
Ce contrôle doit être justifié par des « raisons plausibles ». À plusieurs reprises, la Cour de cassation a considéré que l'interpellation d'une personne en infraction à la législation sur les étrangers (par exemple sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière), s'étant « spontanément » rendue à la préfecture de police, c'est-à-dire sans être convoquée, ou y ayant été convoquée par une lettre mentionnant l'infraction en question, était régulière[3].
Lorsque le contrôle donne lieu à un procès-verbal pour conduite en état alcoolique, celui-ci doit mentionner l'identité de l'officier de police judiciaire (OPJ) ainsi que les heure et lieu du contrôle préventif effectué; à défaut, il encourt la nullité.
Contrôle d'identité de police administrative
Ce contrôle se fait dans un but préventif et non répressif, en accord avec la mission de police administrative. Selon la loi du 10 août 1993[4], l'identité de toute personne, quel que soit son comportement peut être contrôlée pour prévenir une atteinte à l'ordre public et notamment à la sécurité des personnes ou des biens.
Cette loi a cependant été profondément tempérée par l'interprétation qu'en a fait le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5 août 1993[5]. Ainsi, les contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires sont incompatibles avec le principe de liberté individuelle. De plus, l'officier de police judiciaire doit justifier de circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public.
Des contrôles d'identité de police administrative se transforment toutefois régulièrement en contrôles d'identité de police judiciaire, comme l'atteste par exemple les divers avis de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, souvent à l'issue d'allégations d'outrage à agent public ou autre rébellions contre la force publique.
Contrôle d'identité sur réquisition du procureur de la République, selon les dispositions de l'article 78-2 alinéa 7 du Code de procédure pénale
Le procureur de la République peut requérir les forces de police afin de procéder à des contrôles d'identité à l'égard de toute personne dans un lieu et pour une durée déterminés. Celle-ci peut inclure, par exemple, des contrôles sur le marché de Toulon de 6 h 00 du matin à 17 h 00[6].
La réquisition doit être faite aux fins de recherche et de poursuites d'infractions visées par le Procureur de la République.
Contrôle d'identité Schengen
Ce contrôle a été créé après la Convention de Schengen pour compenser la disparition des frontières intérieures. Il s'applique à toute personne dans une zone de 20 km en deçà des frontières de l'État signataire et les ports, aéroports, et gares ouvertes au trafic international. La Cour de justice de l'Union européenne a condamné en juin 2010 cette disposition[7]. Cette condamnation a conduit à la modification de l'article 78-2 du code de procédure pénale par la loi organique du 14 mars 2011 (dite LOPPSI II[8]) qui précise que ces contrôles visent à prévenir les infractions transfrontalières, que leur durée ne peut excéder 6 heures d'affilée (durée portée à 12 heures par la loi SILT du 30 octobre 2017[9]), et qu'ils ne peuvent être systématiques.
Contrôle d'identité dans les trains transnationaux
L'article 3 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative au traitement du terrorisme et portant diverses dispositions relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers modifie les règles sur les contrôles d'identité.
De tels contrôles sont désormais légalement possibles dans les trains transnationaux entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà des 20 kilomètres de la frontière et, dans certains cas, entre cet arrêt et un arrêt situé dans la limite des 50 kilomètres suivants[10].
Les lignes et arrêts concernés sont définis dans cet arrêté ministériel du 26 avril 2006. Tout étranger ou perçu comme tel par les forces de police s'expose à des contrôles d'identité sur les quais de ces gares par les agents de la Police de l'Air et des Frontières. Il s'agit des gares de :
- Cannes (Alpes-Maritimes, 06)
- Chambéry (Savoie, 73)
- Dax (Landes, 40)
- Douai (Nord, 59)
- Limoges (Haute-Vienne, 87)
- Mandelieu-La Napoule (Alpes-Maritimes, 06)
- Metz (Moselle, 57)
- Nancy (Meurthe-et-Moselle, 54)
- Nice (Alpes-Maritimes, 06)
- Pagny-sur-Moselle (Meurthe-et-Moselle, 54)
- Paris-Est (Ile-de-France, 75)
- Paris-Nord (Ile-de-France, 75)
- Perpignan (Pyrénées-Orientales, 66)
- Poitiers (Vienne, 86)
- Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle, 54)
- Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie, 73)
- Saint-Raphaël (Var, 83)
- Saverne (Bas-Rhin, 67)
- TGV aéroport Charles-de-Gaulle (Val-d'Oise, 95)
- TGV Haute-Picardie (Somme, 80)
Mise en œuvre des contrôles
La police procède à l'examen des documents de nature à établir l'identité sur le lieu même du contrôle.
Les personnes contrôlées ont obligation d'établir leur identité « par tout moyen » (carte d'identité, passeport ou permis de conduire, livret de famille, livret militaire, extrait d'acte de naissance avec filiation complète, carte d'électeur ou de sécurité sociale, carte d'étudiant, etc., ou encore appel à témoignage (art. 78-2 du CPP)). La présentation de la carte d'identité n'est cependant pas obligatoire[11]. Les étrangers doivent en outre faire la preuve de la régularité de leur séjour (passeport, visa, carte de séjour).
Cependant, l'article 78-3 du CPP dispose qu'un officier de police judiciaire peut retenir, sur place ou au commissariat de police, un individu pour procéder à une vérification des éléments de justification (ou si aucun élément n'a été fourni ou si les éléments fournis sont soit jugés insuffisants — document sans photo[11], soit « manifestement » faux). Il peut aussi suivre la personne à son domicile afin qu'elle y cherche ses documents d'identité, si elle a donné son accord exprès et librement consenti.
Dans ce cas, la rétention ne peut se prolonger que le temps strictement exigé par l'établissement de l'identité et ne peut excéder 4 heures (imputées sur une éventuelle mesure de garde à vue (art. 78-4 du CPP). Si l'individu retenu ne coopère pas, le procureur de la République ou un juge d'instruction peuvent autoriser le recours à la prise d'empreintes digitales et/ou de photos.
À l'issue de la retenue, si aucun élément n'est retenu contre l'individu, il ne peut être fait mention de la vérification dans aucun fichier. Le procureur de la République s'assure que l'ensemble des pièces de la procédure de vérification sont détruites dans un délai de 6 mois.
L'impossibilité de prouver son identité n'est pas constitutive d'une infraction. Le refus de donner son identité n'est pas une infraction. Par contre, le fait de donner une fausse identité peut donner lieu à des poursuites pour entrave à la justice ou à l'action d'un agent de police.
Bien que cela arrive parfois, il est interdit aux policiers d'ajouter des mentions sur le passeport lors des contrôles d'identité (sauf lors de l'entrée ou de la sortie du territoire)[12].
Pratique des contrôles d'identité
Rapports et avis de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
Dans son rapport de 2008 sur les mineurs, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), créée par le gouvernement Jospin, a rappelé qu'« il convient en particulier d'éviter les contrôles d'identité sans motif et au faciès, les interpellations dans des lieux inappropriés, les mesures de coercition inutiles et les violences illégitimes »[13]. Selon la CNDS, « les contrôles répétés sur des mineurs dont l'identité est parfaitement connue des fonctionnaires – ce dont se plaignent fréquemment les jeunes de certains quartiers – sont à proscrire (...) de même que les contrôles sans motifs juridiques : par exemple, le fait de vouloir se soustraire à la vue d'un policier ne constitue pas en soi une menace à l'ordre public justifiant d'effectuer une telle vérification »[13].
La CNDS a en outre rappelé qu'en cas de contrôle d'identité sur un mineur, des « documents suffisamment probants, tels que des titres de transport comportant une photographie », rendent une vérification au commissariat inutile[13]. La Commission relève que « trop souvent », la mesure privative de liberté que constitue la vérification d'identité au commissariat « a suscité l'incompréhension de jeunes gens contrôlés faute d’explications suffisantes, des protestations de leur part et a conduit à des heurts avec les forces de sécurité »[13].
Elle donne l'exemple d'un mineur qui, contrôlé, a donné sa carte de lycéen aux policiers, qui ont ensuite voulu l'emmener au commissariat pour vérification d'identité. « Apeuré », le mineur a refusé de les suivre, et a été menotté et brutalisé, ce qui lui a valu une opération « pour plusieurs fractures du nez et des dents » ainsi qu'un « traumatisme aux conséquences durables »[13].
Dans un autre avis du , la CNDS a écrit qu'elle « [estimait] que les contrôles qui se sont multipliés récemment tout en se rapprochant des nombreux foyers où résident des étrangers font peser une pression quotidienne en premier lieu sur tous les étrangers quelle que soit leur situation au regard de la loi, mais aussi sur des habitants de Montreuil qui en sont les témoins »[14]. De tels contrôles avaient été encouragés par la circulaire du 21 février 2006 sur les conditions d'interpellation d'un étranger en situation irrégulière, signée par le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy et le garde des Sceaux Pascal Clément.
En mai 2008, la CNDS a demandé au ministère de l'Intérieur d'engager des « poursuites disciplinaires » à l'égard d'un brigadier de police qui avait effectué des contrôles d'identité à proximité de la CIMADE (association d'aide juridique aux étrangers), à Montpellier, dans une rue qui n'entrait pas dans le champ de la zone autorisée par la réquisition du procureur, bien qu'elle en fasse souvent partie[15]. Aucune poursuite n'a cependant été engagée[15].