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Clostridioides difficile

Clostridioides difficile, anciennement Clostridium difficile, est une espĂšce de bactĂ©ries du genre Clostridioides. Il s’agit de bacilles gram positifs, anaĂ©robies stricts et sporulĂ©s. Cette espĂšce a Ă©tĂ© initialement appelĂ©e Clostridium difficile car associĂ©e au genre Clostridium mais l'analyse de son ARN ribosomique 16S en 2016 a conduit Ă  l'en distinguer[1].

Clostridioides difficile
Description de l'image Clostridium difficile EM.png.

EspĂšce

Clostridioides difficile
(Hall & O'Toole, 1935) Lawson & Rainey, 2016

Clostridioides difficile est le principal agent Ă©tiologique de la diarrhĂ©e nosocomiale chez les patients sous antibiothĂ©rapie. La diffusion dans le monde depuis 2001 de souches Ă©mergentes plus pathogĂšnes et antibiorĂ©sistantes[2] pourrait ĂȘtre liĂ©e Ă  l'utilisation accrue d'un additif alimentaire (sucre : trĂ©halose dont la bactĂ©rie peut faire son unique source de carbone[3]), ainsi qu'au dĂ©veloppement des antibiothĂ©rapies Ă  base de quinolones et de cĂ©phalosporines de troisiĂšme gĂ©nĂ©ration.

Historique

Clostridium difficile fut dĂ©crit en 1935 par Hall et O’Toole[4], qui lui attribuĂšrent l'Ă©pithĂšte spĂ©cifique difficile en raison des grandes difficultĂ©s qu’ils Ă©prouvĂšrent Ă  l’isoler et de sa croissance trĂšs lente en milieu de culture.

La pseudo-colite ulcĂ©romembraneuse a Ă©tĂ© dĂ©crite vers 1974 pour la premiĂšre fois. D’abord attribuĂ©e aux staphylocoques, la responsabilitĂ© du Clostridium est Ă©tablie Ă  partir de 1978[5] - [6].

Un article paru début 2018 dans la revue Nature montre comment l'ajout apparemment anodin de tréhalose comme additif alimentaire à divers aliments a favorisé la virulence épidémique de Clostridium difficile[7]. Ces bactéries sont capables d'utiliser de faibles doses de tréhalose comme source unique de carbone pour leur métabolisme[3].

ÉpidĂ©miologie

Cette Ă©pidĂ©mie est des plus sĂ©vĂšres du dĂ©but du xxie siĂšcle, tuant entre 60 000 et 100 000 personnes par an dans le monde[8]. Son incidence a pratiquement triplĂ© aux États-Unis en une dĂ©cennie. Elle est estimĂ©e Ă  84 pour 100 000[9]. Sa sĂ©vĂ©ritĂ© tend Ă©galement Ă  s’accroĂźtre avec une mortalitĂ© qui augmente[9]. Il serait, en particulier, responsable de prĂšs de 30 000 dĂ©cĂšs en 2011 dans ce pays[10] et le coĂ»t annuel de sa prise en charge dĂ©passerait cinq milliards de dollars[11].

L’endĂ©mie Ă©volue parfois en poussĂ©es Ă©pidĂ©miques, l’une des plus notables Ă©tant celle de 2003 au Canada avec un quadruplement des cas[12]. Elle s'est Ă©tendue en quelques annĂ©es Ă  l'Europe[13] et Ă  une grande partie du monde oĂč presque toutes ces souches hautement pathogĂšnes (RT027 et RT078 notamment) viennent d'une mĂȘme lignĂ©e de C. difficile [ribotype 027 (RT0272)][14] - [3].

Bactériologie

On retrouve des spores du Clostridioides difficile dans le sol, dans les hĂŽpitaux et dans les foyers pour personnes ĂągĂ©es. La forme active de la bactĂ©rie ne se retrouve qu’au niveau intestinal.

Au microscope, aprĂšs coloration de Gram, ce sont des bacilles allongĂ©s avec une extrĂ©mitĂ© lĂ©gĂšrement renflĂ©e. Le germe lui-mĂȘme est gram positif. Sa culture est optimale dans un milieu Ă  base d’agar-agar Ă  37 °C. Lorsque les conditions deviennent difficiles, la bactĂ©rie produit alors des spores pouvant survivre dans ces cas.

Clostridioides difficile est un germe de la flore commensale digestive (c’est-Ă -dire, qu’il y est retrouvĂ© de maniĂšre courante, sans que cela soit anormal). Ses formes Ă©mergentes sont multi-rĂ©sistantes (se sont adaptĂ©es Ă  la plupart des antibiotiques[15]) et en cas de perturbation de la flore digestive par l’administration de ces derniers, il peut alors se dĂ©velopper de façon importante.

Une nouvelle souche, appelĂ©e « BI », « NAP1 », ou « ribotype 027 », est apparue depuis 2003, causant des infections plus sĂ©vĂšres (probablement en raison d’une production plus importante de toxines) et plus rĂ©cidivantes[16] - [17].

Physiopathologie

Clostridioides difficile se dĂ©veloppe dans une flore intestinale affaiblie par l’antibiothĂ©rapie et secrĂšte deux toxines, A et B. La premiĂšre, une entĂ©rotoxine, provoque l’altĂ©ration de la permĂ©abilitĂ© de l’épithĂ©lium intestinal ; la seconde, une cytotoxine, s’attaque directement aux cellules de l’épithĂ©lium. L’effet combinĂ© des deux toxines est la diminution du temps de transit intestinal et de l’absorption intestinale, ce qui provoque une diarrhĂ©e.

MĂ©canismes de transmission

La transmission se fait de maniĂšre fĂ©co-orale. L’antibiothĂ©rapie[18], l’ñge avancĂ© du patient, l’immunodĂ©pression sont tous des facteurs prĂ©cipitants de l’infection. La forme sporulĂ©e permet au germe de persister longtemps dans le milieu extĂ©rieur sur Ă  peu prĂšs n’importe quelle surface. Une fois la spore ingĂ©rĂ©e, elle passe sans encombre l’estomac, rĂ©sistant Ă  l’aciditĂ© locale, et se transforme en bactĂ©rie active, se multipliant dans le cĂŽlon.

Importance en pathologie humaine

Il est le principal agent responsable de la diarrhĂ©e secondaire Ă  l’administration d’antibiotiques (clindamycine et ampicillines dans les annĂ©es 1970, essentiellement cĂ©phalosporines depuis), redoutable en raison de son potentiel de contagion trĂšs Ă©levĂ©. Bien qu’environ 5 % de la population soient porteurs asymptomatiques (c’est-Ă -dire sans symptĂŽme apparent) de la bactĂ©rie, ses manifestations sont Ă©troitement reliĂ©es Ă  un sĂ©jour Ă  l’hĂŽpital. L’usage judicieux d’antibiotiques et le respect strict des mesures de prĂ©vention et d’hygiĂšne (dont principalement l’hygiĂšne des mains) demeurent les principaux moyens de lutte contre le germe.

Manifestations cliniques

La diarrhĂ©e (dĂ©finie gĂ©nĂ©ralement comme l’excrĂ©tion d’au moins trois selles liquides en 24 heures) est la manifestation la plus commune de l’infection. Les selles sont habituellement trĂšs abondantes et prĂ©sentent une odeur caractĂ©ristique. L’infection Ă  Clostridioides doit ĂȘtre d’autant plus suspectĂ©e si le patient a reçu une antibiothĂ©rapie Ă  spectre large (quinolone[19], cĂ©phalosporines ou clindamycine en particulier). La colite pseudo-membraneuse est la forme la plus sĂ©vĂšre de la maladie qui est accompagnĂ©e d’une diarrhĂ©e trĂšs importante, de crampes abdominales, de fiĂšvre et d’hyperleucocytose. Cette forme de la maladie peut Ă©voluer vers un mĂ©gacĂŽlon toxique, une urgence chirurgicale pouvant devenir fatale. En effet, en cas de perforation du cĂŽlon, une pĂ©ritonite s’installe et nĂ©cessite une intervention chirurgicale urgente par laparotomie.

MĂ©thodes diagnostiques

Le diagnostic repose sur l’impression clinique et la dĂ©tection, par diverses mĂ©thodes, de toxines dans les selles du patient. De façon tout Ă  fait exceptionnelle, on effectuera une coloscopie. Le scanner abdominal peut montrer un Ă©paississement du cĂŽlon, avec parfois des nodules, une ascite.

La recherche du Clostridioides dans les selles est faite, les résultats sont donnés en moins de 24 heures, solution moins douloureuse que la coloscopie.

De plus, le patient peut ĂȘtre un porteur sain du germe (ne prĂ©sentant pas de signe de la maladie) dans prĂšs de 10 Ă  30 % des cas hospitaliers[20].

Moyens de lutte

La prise en charge de cette infection a fait l'objet de la publication de recommandations. Celles de l'« American College of Gastroenterology » datent de 2021[21].

Prévention

Les spores sont résistantes à la majeure partie des désinfectants utilisés et survivent des mois sur les surfaces.

La lutte contre la diffusion de Clostridioides difficile prĂ©voit diffĂ©rentes mesures prĂ©ventives dont une hygiĂšne des mains renforcĂ©e, un entretien des locaux scrupuleux ainsi qu’isolement septique des patients infectĂ©s. En prĂ©vention de transmission nosocomiale manuportĂ©e de Clostridioides difficile, diffĂ©rentes confĂ©rences de consensus recommandent le lavage des mains Ă  l’aide d’un savon doux puis l’utilisation de la solution hydroalcoolique en friction aprĂšs contact avec le patient. L’eau de Javel diluĂ©e au 1⁄5e (0,5 % de chlore actif) est recommandĂ©e pour l’entretien des locaux et de l’environnement du patient[22].

Des vaccins sont en cours de test[23].

Traitement

Le traitement s’articule autour de trois axes principaux :

  1. si possible, arrĂȘt de l’antibiothĂ©rapie ;
  2. administration orale de métronidazole (ou, dans certains cas, de vancomycine, de fidaxomicine[24]) ;
  3. interdiction d’antipĂ©ristaltiques anti-diarrhĂ©iques tels le lopĂ©ramide, pouvant aggraver paradoxalement l’infection.

Le taux de souches résistantes au métronidazole augmente et peut atteindre prÚs de 25 % des cas[25].

Une rĂ©hydratation doit ĂȘtre faite, normalement avec un solutĂ© de rĂ©hydratation orale, et si besoin par voie intraveineuse. La cholestyramine a Ă©tĂ© proposĂ©e, afin de fixer les toxines.

Dans les cas graves, une colectomie (intervention chirurgicale permettant l’ablation du gros intestin) peut s’avĂ©rer nĂ©cessaire, afin d’éviter une perforation du cĂŽlon qui peut ĂȘtre fatale. La rĂ©sistance du Clostridioides au mĂ©tronidazole ou Ă  la vancomycine reste pour l’instant rare.

L’évolution habituelle se fait vers la guĂ©rison en quelques jours mais des rechutes sont possibles, concernant un cinquiĂšme des cas[9], parfois de maniĂšre tardive. Ces rechutes sont d’autant plus frĂ©quentes si l’infection concerne la souche B1 identifiĂ©e en 2003.

La bactĂ©riothĂ©rapie fĂ©cale consiste en l'infusion de selles normales (issues d'un patient sain) dans le cĂŽlon d'un patient porteur d'une infection Ă  Clostridioides difficile. Elle est testĂ©e avec succĂšs depuis quelques annĂ©es[26] - [27]. Elle peut se faire par fibroscopie duodĂ©nale, ou plus simplement, par lavement[28]. Elle peut ĂȘtre faite par selles fraĂźches ou conservĂ©es congelĂ©es[29]. En 2013, au Canada, des chercheurs de l'universitĂ© de Calgary Ɠuvrant sous la conduite du Dr Thomas Louie, spĂ©cialiste des maladies infectieuses, ont rĂ©ussi, Ă  titre expĂ©rimental, Ă  guĂ©rir complĂštement 27 patients par ingestions simplifiĂ©es per os prĂ©alablement encapsulĂ©es sous forme de pilules alors que les antibiotiques courants s'Ă©taient prĂ©alablement rĂ©vĂ©lĂ©s impuissants Ă  soulager les pathologies incriminĂ©es[30].

Plusieurs anticorps monoclonaux ciblant les toxines du Clostridioides sont en cours de dĂ©veloppement (dont le bezlotoxumab) avec des rĂ©sultats prometteurs[31]. L'arrĂȘt du traitement par inhibiteurs de la pompe a protons (IPP), peut limiter les rĂ©cidives. Les IPP apparaissent comme un facteur de risque dans la primo-infection et dans ses rĂ©cidives.

Traitement des porteurs sains

L’attitude vis-Ă -vis d’un porteur sain de Clostridioides reste controversĂ©e. On sait qu’environ 4 % de la population humaine porte le Clostridioides difficile parmi sa flore intestinale (et prĂšs de cinq fois plus chez le patient hospitalisĂ©) ; il est donc difficile de savoir si un individu chez qui on dĂ©tecte la bactĂ©rie a Ă©tĂ© contaminĂ© Ă  l’hĂŽpital ou non. Le phĂ©nomĂšne des porteurs sains fait Ă©galement en sorte qu’il est possible pour certaines personnes de dĂ©velopper une colite Ă  Clostridioides difficile (lors d’une antibiothĂ©rapie) simplement Ă  partir de leur flore intestinale, et donc malgrĂ© les meilleures mesures d’hygiĂšne possibles.

Principales épidémies

  • , deux Ă©pidĂ©mies d’une souche trĂšs virulente de cette bactĂ©rie ont Ă©tĂ© signalĂ©es Ă  MontrĂ©al (QuĂ©bec) et Ă  Calgary (Alberta). Des sources ont Ă©tabli le nombre de dĂ©cĂšs entre 36 et 89, soit environ 1 400 cas en 2003 et au cours des premiers mois de 2004.
  • Une Ă©pidĂ©mie similaire a eu lieu Ă  l'HĂŽpital de Stoke Mandeville en Angleterre entre 2003 et 2005.
  • , Clostridium difficile est responsable d'au moins 49 morts Ă  l' hĂŽpital de Leicester[32].
  • , neuf morts attribuĂ©s Ă  cette bactĂ©rie au QuĂ©bec[33].
  • , douze morts au QuĂ©bec[34].
  • Clostridium difficile est mentionnĂ©e sur 6 480 certificats de dĂ©cĂšs en 2006 au Royaume-Uni[35].
  • , une nouvelle Ă©pidĂ©mie a lieu au Trillium Health Centre (en) Ă  Mississauga en Ontario[36].
  • Entre fĂ©vrier et juin 2007, trois patients sont dĂ©cĂ©dĂ©s au Loughlinstown Hospital Ă  Dublin en Irlande[37].
  • Entre juin 2007 et aoĂ»t 2008, Clostridium difficile est impliquĂ©e dans 31 dĂ©cĂšs[38].
  • En novembre 2007, dans le sud de la Finlande, 10 dĂ©cĂšs sur 115 patients infectĂ©s[39].
  • En novembre 2009, quatre dĂ©cĂšs au "Our Lady of Lourdes HĂŽpital" en Irlande[40].
  • Entre fĂ©vrier 2009 et fĂ©vrier 2010, 29 dĂ©cĂšs Ă  l'hĂŽpital de Copenhague[41].
  • ...
  • En 2012/2013, dans un hĂŽpital du sud de la SuĂšde (Ystad), dix dĂ©cĂšs[42].

Notes et références

  1. Lawson, P. A. et al.,Reclassification of Clostridium difficile as Clostridioides difficile (Hall and O’Toole 1935) PrĂ©vot 1938 DOI 10.1016/j.anaerobe.2016.06.008
  2. Shah, D., Dang, M. D., Hasbun, R., Koo, H. L., Jiang, Z. D., DuPont, H. L., & Garey, K. W. (2010) [ Clostridium difficile infection: update on emerging antibiotic treatment options and antibiotic resistance]. Expert review of anti-infective therapy, 8(5), 555-564.
  3. Ballard Jd (2018) Pathogens boosted by food additive ; Epidemic strains of the bacterium Clostridium difficile have now been found to grow on unusually low levels of the food additive trehalose, providing a possible explanation for C. difficile outbreaks since 2001 (Le tréhalose alimentaire accroßt la virulence de l'épidémie de Clostridium difficile)| News and views | Nature| 3 janvier 2018
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  8. Didier Raoult, ÉpidĂ©mies : Vrais dangers et fausses alertes - De la grippe aviaire au Covid-19, Michel Lafon, 2020. – Avant-propos : « L’énorme Ă©pidĂ©mie de Clostridium difficile, pour sa part, tue entre 60 000 et 100 000 personnes par an dans le monde. » Ch. 10 : « Le quatriĂšme grand tueur est Clostridrium difficile [
] Il fait au moins 30 000 morts par an en Europe, et 30 000 aux États-Unis. »
  9. (en) Kelly CP, LaMont JT. « Clostridium difficile — More difficult than ever » New Eng J Med. 2008;359:1932-40.
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Voir aussi

Bibliographie

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Liens externes

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