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Cloisonnement

Dans le domaine de la sylviculture, le « cloisonnement » ou « cloisonnement d'exploitation » désigne l'ensemble des voies d’accès construites et entretenues à l’intérieur de parcelles de forêt cultivées ou exploitées. On utilise aussi des cloisonnements sylvicoles moins espacés pour la gestion.

Le cloisonnement a pour premier objectif de faciliter et rationaliser la circulation des engins, en limitant la pression sur les sols et l'humus forestier.
Cloisonnement « sylvicole Â», facteur d'une relative artificialisation, installĂ© en lignes parallèles après coupe rase, en forĂŞt domaniale de Rihoult Clairmarais (Nord de la France).
Cloisonnement de bordure de coupe rase. Les joncs qui poussent sur ce cloisonnement sont un indice du tassement et de l'anoxie du sol à la suite du passage répété d'engins lourds (phénomène qui persistera sans doute longtemps en marquant la future structure de l'écosystème forestier)[1].

Le cloisonnement devrait toujours être construit comme un réseau, tenant compte du réseau hydrographique, du relief et de la vulnérabilité des sols, en visant à minimiser la surface parcourue par les engins d’exploitation afin que ceux-ci dégradent le moins possible les sols fragiles, tant au moment des coupes que d'éventuelles phases intermédiaires d'entretien.

C'est une réponse à la mécanisation de la sylviculture et au débardage mécanique qui se sont développés après la Première Guerre mondiale. Elle influencera la structure et la composition de la forêt, mais son bilan écologique à long terme n'a pas pu être fait, étant donné son caractère relativement récent (à l'échelle temporelle de la vie d'un arbre et de l'évolution d'une forêt)[1].

Typologies

On peut distinguer deux types de cloisonnements, qui parfois peuvent se confondre à certains stades de la gestion forestière :

  • Les « cloisonnements d'exploitation Â», en gĂ©nĂ©ral implantĂ©s tous les 18-24 mètres, servent Ă  canaliser les engins de dĂ©bardage (ou Ă©ventuellement abatteuses au moment des coupes). Pour limiter le tassement des sols, les engins lourds peuvent rouler sur les rĂ©manents prĂ©alablement Ă©talĂ©s sur ces cloisonnements au fur et Ă  mesure de l'avancĂ©e des chantiers.
  • Les « cloisonnements dit sylvicoles» , beaucoup plus rapprochĂ©s (parfois tous les 6 mètres d'axe en axe), sont ouverts ou rouverts au moment des rĂ©gĂ©nĂ©rations, et sont utilisĂ©s par les ouvriers qui rĂ©alisent les dĂ©gagements et les dĂ©pressages dans les rĂ©gĂ©nĂ©rations et les tout jeunes peuplements. Ces "cloisonnements" facilitent l'accès aux plants Ă  dĂ©gager, mettant les semis ou plants Ă  portĂ©e de croissant (outil sylvicole).

Enjeux

La mécanisation des coupes, récoltes, entretien et plantations a fortement augmenté le rendement d'exploitation en diminuant la main d'œuvre, mais comme l'a notamment montré en France l'observatoire national des impacts de l'exploitation sur les sols et les peuplements [2], les modes de gestion forestières intensive ont contribué à dégrader les sols[3] - [4], dégradation qui pourrait être aggravée par le dérèglement climatique (sol plus sec en été, plus humide en hiver), alors que les cours d'eau ont souvent été rectifiés et curés pour mieux drainer les forêts. Selon la littérature[5], 0,51 kg/cm2 (= 50 kPa) est la pression maximale acceptable pour un sol forestier moyen. Au-delà les conséquences sur le sol sont irréversibles à l'échelle de la gestion forestière (décennies ou siècles). Sur le terrain les engins pèsent souvent à vide une ou plusieurs dizaines de tonnes, induisant une pression statique (et plus encore dynamique[6], lors des accélérations, décélération, traction, levages et manipulations de bois) contribuant à dégrader les sols.
Le cloisonnement vise notamment à protéger de plus grandes surfaces du tassement par les engins forestiers ; les engins de débardage viennent y chercher le bois que les grues télescopiques (débusqueuses) amènent à elles le bois capté de part et d'autre du cloisonnement. Et débarder par temps sec et de gel diminue encore les risques, de même que disperser les rémanents sous les roues (ce qui peut aussi ensuite gêner la régénération). Le cloisonnement présente cependant aussi des inconvénients.

Atouts

  • le cloisonnement facilite l'entretien mĂ©canisĂ© de vastes parcelles, par un personnel rĂ©duit ;
  • en thĂ©orie, il rĂ©duit au minimum la surface parcourue par les engins (s'il a Ă©tĂ© bien conçu et si les conducteurs le respectent) ;
  • il limite les dĂ©gâts aux plants et semis et aux arbres d’avenir
  • il favorise une meilleure accessibilitĂ© aux arbres Ă  abattre et Ă  dĂ©barder, et donc une sĂ©curitĂ© accrue pour le personnel et pour les engins affectĂ© aux coupes ;
  • il favorise l'optimisation des chantiers d’exploitation (ou dans le cas d'une coupe rase une pression moindre sur les sols, mais une pression plus forte en termes de fragmentation Ă©cologique ;
  • il facilite la surveillance des exploitations et la chasse (mais peut-ĂŞtre aussi le braconnage)

Inconvénients

  • il occupe une surface non nĂ©gligeable, sur laquelle on ne laissera pas pousser les arbres, et il est probablement un des facteurs de fragmentation forestière ;
  • Il nĂ©cessite parfois un entretien coĂ»teux en temps, car en concentrant la circulation, il est vulnĂ©rable Ă  l'apparition d'ornières profondes, au point parfois de rendre le rĂ©seau de cloisonnement inutilisable. Le gestionnaire peut alors ĂŞtre tentĂ© de combler ces ornières avec des matĂ©riaux exogènes, voire polluants (gravats, dĂ©chets divers) ;
  • quand il est rectiligne (ce qui est souvent le cas), il favorise la surveillance mais aussi une chasse plus efficace ; le cloisonnement jouant alors le rĂ´le d'un rĂ©seau de couloirs de tirs ou d'observation auxquels les animaux lors des battues ne peuvent Ă©chapper.
    Il favorise aussi quelques espèces prédatrices opportunistes (corvidés en particulier) qui apprécient les effets de lisières rectilignes, facilitant la prédation ;
  • il offre un rĂ©seau dense de voies de pĂ©nĂ©tration humaine facilitant le dĂ©rangement, le braconnage, la pĂ©nĂ©tration des quads, 4x4 et motos, la cueillette et la chasse jusqu'aux cĹ“urs de massifs autrement bien moins accessibles.
    Il peut ainsi parfois favoriser une surexploitation du milieu (pour la viande de brousse en particulier en zone tropicale, le vol de bois précieux, la surexploitation de champignons, jonquilles, muguet, etc. en zone tempérée... où le cloisonnement favorisent aussi le dérangement d'espèces vulnérables telle que le tétras, lynx, ours, etc.)
  • le cloisonnement facilite ou encourage la pĂ©nĂ©tration lĂ©gale ou illĂ©gale d'engins lourds ou de quads jusqu'au cĹ“ur des massifs, au dĂ©triment des sols fragiles (tassement, asphyxie, perturbation de l'hydraulique) et les racines des arbres adjacents ;
  • Le rĂ©seau de cloisonnement nĂ©cessite souvent un amĂ©nagement hydraulique collatĂ©ral (dĂ©blais/remblais, fossĂ©s, drainage, tubage de cours d'eau) coĂ»teux et qui doit ĂŞtre entretenu, et qui Ă  long terme ou en pĂ©riode de sĂ©cheresse peut rendre les arbres et la forĂŞts plus vulnĂ©rables au vent, Ă  la dĂ©shydratation et aux chocs thermiques. Le tassement du sol peut aussi y freiner la circulation souterraine horizontale de l'eau, privant Ă©ventuellement une des parcelles adjacentes d'eau quand cette ressource est disponible de l'autre cĂ´tĂ© du cloisonnement.
  • tout en facilitant la circulation d'engins de surveillance, le cloisonnement peut ainsi parfois favoriser l'assèchement du milieu, et parfois faciliter les dĂ©parts de feu, voire la propagation du feu ; Une Ă©tude[7] des zones Ă©pargnĂ©es par un vaste incendie (de 1998) dans le nord-est de l’Espagne a mis en Ă©vidence l'importance de divers facteurs dont la continuitĂ© de la couverture vĂ©gĂ©tale : les Ă®lots Ă©pargnĂ©s par le feu Ă©taient plus frĂ©quents lĂ  oĂą la forĂŞt Ă©tait la moins fragmentĂ©e. Une des conclusions de ce travail est que la fragmentation d'une forĂŞt peut faciliter ou accĂ©lĂ©rer la propagation du feu, de mĂŞme que des lisières linĂ©aires et artificielles, et qu'il faudrait dĂ©fragmenter les forĂŞts et restaurer l'intĂ©gritĂ© Ă©cologique de ces milieux[7].

Le cloisonnement est inutile ou non rentable dans certaines situations

  • sur des zones accidentĂ©es ou au relief très irrĂ©gulier[8]
  • sur les fortes pentes (au-delĂ  de 35 %, oĂą un dĂ©bardage doux ou dĂ©bardage par câble est alors recommandĂ©) ;
  • sur des sols très humides

Emprises

Dans les années 1990-2000, les engins permettent des distances de 16 à 20 m (deux fois 8 à 10 m) pour le bûcheronnage mécanisé, et 12 à 16 m (deux fois 6 à 8 m) pour un bûcheronnage manuel avec débardage par porteur.

Alternatives

  • En forĂŞt tropicale, des routes et layons temporaires sont frĂ©quemment percĂ©s en forĂŞt, pour en sortir les essences prĂ©cieuses, non sans impacts environnementaux ;
  • Parfois (quand le type de bois le permet) de grands troncs sont dĂ©bitĂ©s sur place au moyen d'une « petites scieries portatives qui se dĂ©placent d'un endroit Ă  l'autre suivant les nĂ©cessitĂ©s » (comme c'Ă©tait le cas au Canada dans la première moitiĂ© du XXe siècle[9] et comme c'est encore localement le cas en zone tropicale). Le tronc peut alors ĂŞtre transformĂ© en planches ou madriers plus faciles Ă  transporter via de simples chemins ou directement utilisables pour la construction ;
    Un débardage (à l'épaule, par traction ou portage animale ou par des engins légers), devient possible, et très rentable pour des bois précieux (et souvent illégal pour des espèces menacées ou protégées) ;
  • Une extraction ou dĂ©bardage par flottage ou par pirogue ou par traction animale (Ă©lĂ©phant en Inde, chevaux en Europe) ou par de petits engins de bois prĂ©alablement sciĂ©s in situ au moyen de scierie portables ;
  • pour le dĂ©bardage, des routes temporaires peuvent ĂŞtre construites avec des moyens proches de ceux du GĂ©nie militaire (ponts provisoires, pistes de tĂ´les d'acier).
  • Le dĂ©bardage par chevaux ou petits engins ou flottage permet dans certains conditions et pour des troncs de poids limitĂ©s de se passer de cloisonnement ou de les espacer.

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

Notes et références

  1. Michael A. Wulder et al. Forest fragmentation, structure, and age characteristics as a legacy of forest management; Forest Ecology and Management ; Volume 258, Issue 9, 10 October 2009, Pages 1938-1949 ; Doi:10.1016/j.foreco.2009.07.041
  2. CACOT E. (2006) Observatoire des impacts de l’exploitation forestière AFOCEL, Fiche Informations-Forêt n° 773
  3. ONF (2005) Conséquences du tassement du sol dues à l’exploitation forestière. Rendez-vous technique n° 8 (28 pages)
  4. LAMANDE M. & al (2005) Effets de l’exploitation forestière sur la qualité des sols. Les dossiers forestiers n° 15 – INRA et ONF (90 pages)
  5. WEHNER, Th. (2002): ; Technikkonzepte und ihre Auswirkungen auf den Boden. Freiburger Forstliche Forschung, Band 18, S. 97-107.
  6. AFOCEL Des cloisonnements d'exploitation pour réduire l'impact au sol ; Information Forêt ; N°1-2007 Fiche n° 744
  7. Román-cuesta r. M., Gracia m., retana j. ; 2009 ; « Factors influencing the formation of unburned forest islands within the perimeter of a large forest fire » ; Revue : Forest Ecology and Management N° 258 (chap 3, pages 71-80 (10 p., 5 fig., 4 tab., 83 réf)
  8. De Paul M.-A., Bailly M., Heyninck C. [2009]. « Le cloisonnement d’exploitation pour prĂ©server les sols forestiers Â». ForĂŞt Wallonne (ASBL) 101 : 30-41 (12 p., 4 fig.)
  9. E Aubert de la Rüe (1947) La région de Mont-Laurier, province de Québec, Canada. Quelques aspects de géographie humaine d'un secteur du bouclier canadien. Journal de la Société des Américanistes ; Année 1947 ; Volume 36 Numéro 1 pp. 169-194 (voire page 190)
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