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Sylvopastoralisme

Le sylvopastoralisme est un mode d'agriculture durable qui concilie objectifs forestiers et pastoraux[1]. Cette pratique d'Ă©levage pour une production de viande et de lait consiste Ă  faire pĂąturer la forĂȘt par le bĂ©tail pour exploiter les ressources fourragĂšres spontanĂ©es situĂ©es sous les arbres. ParallĂšlement, des Ă©claircies sylvicoles peuvent concourir Ă  la mise en valeur des arbres et permettent une production de bois.

Éclaircie sylvopastorale dans un peuplement de chĂȘnes pubescents
PĂąturage de chĂšvres dans une chĂȘnaie verte
PĂąturage de brebis dans un peuplement de chĂȘnes pubescents
Ressource herbacée de sous bois
SurpĂąturage de bovins dans un petit parc
Protection de jeunes plants contre le pĂąturage de bovins

Plusieurs modalités de sylvopastoralisme

La coexistence, dans un mĂȘme espace, d’une valorisation sylvicole et d’un usage pastoral recouvre des situations diffĂ©rentes. Les espaces boisĂ©s sont trĂšs variĂ©s, Ă  la fois par les milieux (sols, climat, vĂ©gĂ©tation, habitats), par la diversitĂ© des propriĂ©taires, de leurs motivations et par leurs modes de valorisation. SchĂ©matiquement, on peut distinguer trois situations bien diffĂ©rentiĂ©es [2].

Lorsqu’un mode de valorisation domine, mĂȘme s’il n’exclut pas, Ă  la marge, le second mode, on parle de « parcours boisĂ© Â» – Ă  dominante pastorale - ou de « forĂȘt pĂąturĂ©e Â» – Ă  dominante sylvicole. Les attentes sylvicoles et pastorales ne sont pas pleinement intĂ©grĂ©es dans le mĂȘme espace. Quand les objectifs sont effectivement intimement liĂ©s dans les mĂȘmes parcelles, on parle de « sylvopastoralisme Â» au sens strict.

ForĂȘt pĂąturĂ©e

Sont concernĂ©s des peuplements forestiers oĂč une conduite classique est menĂ©e sans tenir compte de l'influence de la sylviculture sur la ressource fourragĂšre. Une ressource fourragĂšre (herbacĂ©e ou arbustive) peut apparaĂźtre Ă  certaines pĂ©riodes du cycle sylvicole, Ă  la suite d'une Ă©claircie par exemple. Un pĂąturage opportuniste peut ĂȘtre entrepris par des animaux jusqu'Ă  ce que la ressource disparaisse Ă  la suite de la fermeture du couvert forestier.

Parcours boisé

Sont concernĂ©s les espaces de dĂ©prise agricole (prĂ©-bois, friches, fronts de colonisation) oĂč le pĂąturage est pratiquĂ© jusqu'Ă  la colonisation totale des ligneux et la fermeture du couvert. Sans intervention sylvicole, le pĂąturage est condamnĂ© Ă  moyen terme.

Sylvo‐pastoralisme stricto sensu

Les pùturages de l'ancien monde paysan ou de l'élevage pérenne ont souvent été associés intimement à l'arbre et dans une mesure importante au bois et au milieu forestier. La nécessité de l'ombre pour les troupeaux, de sources d'eau pérennes à proximité, et sur les pacages trop isolés ou d'altitude, de ressources préservées de bois pour les besoins de l'habitat temporaire et le chauffage des préparations fromagÚres. D'autre part, l'écosystÚme forestier garantit partout la stabilité des sols et il est inconcevable, dans un monde d'éleveurs conscients, de laisser des versants en fortes pente et/ou fortement ombrés sans couverture forestiÚre efficace.

Le pĂąturage contribue Ă  la sylviculture, de mĂȘme que la sylviculture contribue au pĂąturage. Avec les conditions pĂ©doclimatiques difficiles, dans un contexte oĂč les surfaces abandonnĂ©es par l’agriculture et l’élevage se boisent, la situation se complexifie. Les « produits bois » sont plus difficilement valorisables et plus dispersĂ©s. Le pĂąturage des animaux peut aider aux interventions sylvicoles (nettoyage du sous-bois, meilleure circulation, structuration de l'espace). À l’inverse, sans intervention sur les arbres, l’utilisation pastorale est condamnĂ©e Ă  terme par la fermeture inĂ©luctable du couvert arborĂ©. Cette modalitĂ© est la vĂ©ritable forme du sylvopastoralisme combinant, Ă  bĂ©nĂ©fices rĂ©ciproques, les deux modes de valorisation raisonnĂ©e ensemble, sur un mĂȘme espace. Cette approche sylvopastorale est nĂ©cessaire dans les milieux les plus difficiles. Elle peut amener Ă  adapter ou modifier les itinĂ©raires techniques, les produits et les modes de mise en marchĂ©, qu’ils soient sylvicoles ou pastoraux. C’est une façon de produire, mais aussi de faire Ă©voluer les conditions socio-Ă©conomiques de l’amĂ©nagement local.

Aspects pastoraux

  • La production d'herbe est dĂ©calĂ©e dans les bois par rapport aux prairies, grĂące Ă  l'effet parasol[3] (micro climat).
  • La ressource pastorale est Ă©talĂ©e dans le temps du fait de la diversitĂ© de la vĂ©gĂ©tation : d'abord l'herbe, puis les feuillages, et enfin les fruits (glands, chĂątaignes...)[4].
  • Le couvert arborĂ© permet un bon maintien sur pied (capacitĂ© de certaines plantes Ă  conserver un feuillage consommable au-delĂ  de la pĂ©riode de vĂ©gĂ©tation malgrĂ© une perte d’appĂ©tence), en particulier l'Ă©tĂ©, permettant de maĂźtriser l'Ă©piaison des graminĂ©es [3]
  • Les bois et arbustes fournissent des abris naturels et aĂ©rĂ©s aux animaux. Certaines essences repoussent les insectes parasites. Ils participent au bien-ĂȘtre des animaux.

Aspects sylvicoles

Avantages d'une forĂȘt pĂąturĂ©e

Le pĂąturage d'une forĂȘt prĂ©sente plusieurs avantages :

  • Nettoyage du sous Ă©tage (meilleures visibilitĂ©/pĂ©nĂ©trabilitĂ©/circulation).
  • Participation du troupeau Ă  la sylviculture : diminution du nombre de rejets sur les souches, nettoyage des branches basses (variable en fonction des animaux).
  • RĂ©duction du risque d'incendies (rĂ©duction de la biomasse combustible).
  • PrĂ©sence humaine en forĂȘt (bergers, Ă©leveurs).
  • Diversification des revenus en louant les parcelles.

Régénération

Une pression de pĂąturage trop importante peut mettre en pĂ©ril la rĂ©gĂ©nĂ©ration d'un peuplement. Pour prĂ©server la rĂ©gĂ©nĂ©ration, plusieurs techniques peuvent ĂȘtre utilisĂ©es :

  • Mise en dĂ©fens jusqu'Ă  ce que les semis ou rejets soient affranchis de la dent du bĂ©tail.
  • PĂąturer en dehors de la pĂ©riode de vĂ©gĂ©tation (hiver, automne, dĂ©but du printemps) afin que les animaux ne consomment pas les jeunes semis ou rejets.
  • Baisse du chargement instantanĂ© (nombre d'animaux Ă  l'hectare prĂ©sents Ă  un instant donnĂ© sur un parcours ; il s'exprime en brebis/ha, chĂšvres/ha ou vaches/ha).
  • Limiter la durĂ©e de pĂąturage (retirer les animaux).
  • Augmenter la taille des parcs.

Tassement du sol

On reproche souvent aux animaux de tasser le sol. Ce phénomÚne apparait de maniÚre localisée, autour des éléments constitutifs des parcs (points d'eau, zones d'affouage, zones de couchage, pierre à sel, etc.) quand les animaux séjournent trop longtemps dans un parc. Il suffit de repérer ces zones d'attrait et de les changer réguliÚrement de place.

Sylvopastoralisme ; enjeu de biodiversité et climatique

Les paléontologues montrent que les grands (mega- et méso-)herbivores jouaient depuis quelques centaines de millions d'années et jusqu'à la préhistoire un rÎle clé dans les écosystÚmes terrestres, dans les savanes, mais aussi en zone froides comme dans la steppe à Mammouths. Une défaunation continue, induite ou exacerbée par l'Homme, a causé des effets en cascade sur la composition, la structure et le fonctionnement des écosystÚmes concernés, et audelà, sur la biosphÚre et son climat.

La gestion traditionnelle sylvopastorale a (comme le bocage) fourni des habitats de substitution pendant des millénaires aux espÚces de lisiÚres et de milieux ouverts en entretenant une mosaïque de milieux naturels plus ou moins ouverts, qui sont autant d'habitats complémentaires pour la faune, la flore et la fonge. Ces milieux ont une dynamique spatiotemporelle qu'on ne retrouve pas dans le bocage. Leur importance écologique est scientifiquement reconnue, mais ces écopaysages déclinent néanmoins, face à l'artificialisation accélérée des milieux et à d'autres types de changements d'affectation des sols[5].

On a récemment montré que remplacer la fonction écologique d'un cheval sauvage disparu (expérience de réensauvagement) a aprÚs 3 ans des effets positifs sur la restauration de bois-pùturages. Les chevaux réintroduit dans un boisement broutent certains semis et gaules, modifient la composition arborée ; leur broutement sélectif limite la végétation ligneuse dans les zones dominées par les prairies[5]. Le réensauvagement est une pratique de restauration de bois-pùturages et la conservation de la biodiversité, mais nécessite un changement de paradigme et de politique[5].

Pour favoriser la biodiversitĂ©, la gestion sylvopastorale ne doit pas conduire Ă  un milieu « propre et bien entretenu ». L'intĂ©gritĂ© Ă©cologique du milieu doit ĂȘtre restaurĂ©e, prĂ©servĂ©e, de mĂȘme qu'un minimum de naturalisĂ© (notamment caractĂ©risĂ© par une diversitĂ© d'arbres et d'arbustes d'essences locales).
Aussi, afin de maintenir ou augmenter la biodiversité, il convient de tenir compte de certains facteurs[6] :

  • Favoriser une majoritĂ© d'essences et de plantes autochtones
  • Diversifier la structure verticale du peuplement, en permettant le recrutement de nouveaux arbres
  • Maintenir ou augmenter une certaine densitĂ© de bois mort, dont gros-bois morts (sur pied et/ou couchĂ©s au sol)
  • Maintenir ou augmenter la prĂ©sence (dispersĂ©e) de trĂšs gros bois vivants
  • Maintenir ou augmenter les arbres vivants porteurs de microhabitats (cavitĂ©s, mousses et autres Ă©piphytes...)
  • Maintenir ou dĂ©velopper les milieux ouverts
  • Maintenir la continuitĂ© temporelle de l'Ă©tat boisĂ© et des milieux ouverts (leur gĂ©ographie peut et doit cependant changer)
  • Maintenir la diversitĂ© des milieux aquatiques et, le cas Ă©chĂ©ant, des milieux rocheux

Notes et références

  1. Sylvopastoralisme en rĂ©gion MĂ©diterranĂ©enne, M.Étienne, B.Hubert, B. Msika.
  2. Le sylvopastoralisme, un atout pour l’élevage et la mise en valeur des espaces boisĂ©s du Grand Sud, ouvrage collectif.
  3. IntĂ©rĂȘt pastoral des parcours boisĂ©s de chĂȘnes.
  4. Comment profiter des fruits en fin d’automne, G.Guerin, M.Meuret.
  5. (en) Pablo Garrido, Lars Edenius, Grzegorz MikusiƄski et Anna Skarin, « Experimental rewilding may restore abandoned wood-pastures if policy allows », Ambio, vol. 50, no 1,‎ , p. 101–112 (ISSN 0044-7447 et 1654-7209, PMID 32152907, PMCID PMC7708577, DOI 10.1007/s13280-020-01320-0, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. L'indice de biodiversité potentiel, L'indice de biodiversité potentiel, IBP.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Mattias Sandberg et Simon Jakobsson, « Trees are all around us: Farmers' management of wood pastures in the light of a controversial policy », Journal of Environmental Management, vol. 212,‎ , p. 228–235 (DOI 10.1016/j.jenvman.2018.02.004, lire en ligne, consultĂ© le ).
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