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Castes en Inde

Les castes sont des divisions des sociétés du sous-continent indien en groupes héréditaires, endogames et hiérarchisés.

Deux pages d'un manuscrit présentant un Indien et une Indienne en habit d'époque.
Page du manuscrit Soixante-douze spécimens de castes en Inde (1837).

Le terme d'origine occidentale « caste », du portugais « casta » (pur, non mélangé), peut désigner deux concepts différents mais liés : les varnas et les jatis, qui sont des subdivisions des varnas. Les castes trouvent leur origine dans l'hindouisme mais touchent toute la société indienne. Certains auteurs considÚrent que la colonisation britannique de l'Inde a joué un rÎle majeur dans la rigidité du systÚme des castes.

L'article 15 de la Constitution de l'Inde interdit les discriminations fondées sur les castes, néanmoins celles-ci continuent de jouer un rÎle majeur dans la société contemporaine. Certaines catégories (Dalits, Adivasis, Other Backward Classes) bénéficient d'une politique de quotas dans la représentation politique, la fonction publique et l'éducation.

Cadre historique

Période védique

Au cours de la pĂ©riode vĂ©dique, et introduisant en cela une modification essentielle par rapport aux sociĂ©tĂ©s dravidiennes antĂ©rieures, les colonisateurs aryens constituent une sociĂ©tĂ© de classes. Ils vont se distinguer des populations indigĂšnes qu'ils soumettent et considĂšrent comme infĂ©rieures[1]. Ainsi naĂźt la formulation d'une thĂ©orie des classes sociales : la thĂ©orie des Varna (le mot varna signifiant « couleur » en sanskrit, puis « rang »). La sociĂ©tĂ© est rĂ©partie en Brahmanes qui assurent les services religieux, en dessous d’eux les Kshatriyas ou guerriers, puis les Vaishyas, qui sont Ă  l'origine des propriĂ©taires cultivateurs, enfin les Shudras, petits agriculteurs et Ă©leveurs. La quatriĂšme classe, celle des Sudra ou Shudras est mĂ©tissĂ©e avec la population indigĂšne. Les Varnas constituent une premiĂšre figuration du systĂšme des castes[2].

DĂ©buts de l'hindouisme

NĂ©anmoins, ce nouveau systĂšme social est encore loin de s'imposer dans l'ensemble du monde indien et produit tous ses effets exclusivement dans la plaine gangique, le centre et le sud de l'Inde y Ă©chappant totalement. De surcroĂźt, la naissance du bouddhisme et le dĂ©but de son dĂ©veloppement condamnait tout systĂšme de caste[2]. Aux environs de l'Ăšre chrĂ©tienne, les Lois de Manu, traitĂ© didactique rĂ©digĂ© par des brahmanes, loin d'ĂȘtre un reflet de la sociĂ©tĂ© de l'Ă©poque, ne reprĂ©sentent que l'opinion de certains milieux brahmaniques sur la façon dont une sociĂ©tĂ© idĂ©ale doit ĂȘtre ordonnĂ©e. Elles deviendront nĂ©anmoins un texte fondamental de la sociĂ©tĂ© brahmanique et seront largement diffusĂ©es dans une grande partie de l'Inde. C'est l'idĂ©ologie des lois de Manu qui met au premier plan la « puretĂ© » du sang ce qui aura pour consĂ©quence pour chaque communautĂ© sociale la pratique de l'endogamie[2].

PĂ©riode classique et dĂ©but du Moyen Âge

Il est difficile de préciser la chronologie de ce changement profond de société. Les régions du Sud qui ont conservé des langues dravidiennes sont restées attachées aux anciennes formes sociétales au moins jusqu'au VIIe siÚcle. Ce n'est que dans la suite du grand mouvement religieux qui voit l'affirmation des cultes de Shiva et de Vishnou que l'établissement de cette société hiérarchique devient effectif pour l'ensemble de l'Inde mis en évidence par le grand conflit social du XIIe siÚcle[3].

Empire britannique

À partir du XIXe siĂšcle, le gouvernement colonial britannique a adoptĂ© une sĂ©rie de lois qui s'appliquaient aux Indiens en fonction de leur religion et de leur identification Ă  la caste[4] - [5] - [6]. Ces lois de l'Ăšre coloniale utilisaient le terme « tribus », qui incluait les castes dans leur champ d'application.

Le gouvernement colonial britannique a promulguĂ©, par exemple, le Criminal Tribes Act de 1871. Selon cette loi, tous les membres de certaines castes Ă©taient nĂ©s avec des tendances criminelles[7] . Les castes soupçonnĂ©es de se rebeller contre l'autoritĂ© coloniale et de rechercher l'autonomie de l'Inde, telles que les familles Kallars et les Maravars auparavant rĂ©gnantes dans le sud de l'Inde et les castes « dĂ©loyales » dans le nord de l'Inde telles que les Ahirs, les Gurjars et les Jats, ont Ă©tĂ© qualifiĂ©es de « prĂ©datrices et barbares » et ajoutĂ©es Ă  la liste des « castes criminelles »[8][9]. Certaines castes ont Ă©tĂ© ciblĂ©es au moyen du Criminal Tribes Act mĂȘme lorsque leurs membres n'avaient commis aucune violence, parce que leurs ancĂȘtres Ă©taient connus pour s'ĂȘtre rebellĂ©s contre les autoritĂ©s mogholes ou britanniques[10] - [11] , ou parce qu'elles perturbaient les autoritĂ©s coloniales dans la perception des impĂŽts[12].

Tous les membres enregistrés dans les castes criminelles par le recensement des castes ont été limités dans leurs déplacements[7]. Dans certaines régions de l'Inde coloniale, des enfants ont été séparés de leurs parents, détenus dans des colonies pénitentiaires ou mis en quarantaine sans condamnation ni procédure réguliÚre[13]. La notion de criminels héréditaires était conforme aux stéréotypes des orientalistes et aux théories raciales dominantes à l'époque coloniale. Son application a eu pour conséquences le profilage, la division et l'isolement de nombreuses communautés d'hindous en tant que criminelles de naissance[13] - [14] - [N 1].

Fondements

Castes dans l'hindouisme

Selon François Gautier : « Dans l'Inde ancienne, les castes reprĂ©sentaient un systĂšme qui distribuait les fonctions au sein de la sociĂ©tĂ©, comme ce fut le cas des corps de mĂ©tier dans l'Europe du Moyen Âge. Mais le principe sur lequel Ă©tait basĂ©e cette distribution est particulier Ă  l'Inde[16]. ». Pour Guy Deleury, « l'Ă©lĂ©ment essentiel — et sans doute unique du modĂšle social hindou — est de poser en principe absolu la reconnaissance par l'ensemble de la sociĂ©tĂ© de l'identitĂ© culturelle de chacune des communautĂ©s qui la composent[16]. »

L'indianiste et musicologue Alain Daniélou, dans son ouvrage Approche de l'hindouisme, définit le systÚme des castes en Inde comme un « socialisme corporatif dans une société sans compétition. »

Dans les textes classiques hindous, les personnes et leur rĂŽle dans la sociĂ©tĂ© sont dĂ©crits au travers de leur varna (à€”à€°à„à€Ł (varáč‡a), « couleur, classe »)[N 2] :

La pyramide de la hiérarchisation des castes en Inde.

« Au plus haut, les Brahmanes ou prĂȘtres, au-dessous d’eux les Kshatriyas ou guerriers, puis les Vaishyas, dans l’usage moderne surtout des marchands, enfin les Shudras, des serviteurs ou gens de peu. [
] Il faudrait ajouter comme cinquiĂšme catĂ©gorie les Intouchables[N 3], qui sont laissĂ©s en dehors[17]. »

Selon Louis Dumont, les trois premiĂšres castes apparaissent dans les premiers livres du Rig-VĂ©da mais les shudra seulement dans un hymne tardif ; ils pourraient ĂȘtre des aborigĂšnes intĂ©grĂ©s dans la sociĂ©tĂ© sous forme de servitude[18].

Selon Robert DeliĂšge, « la caste existe depuis des milliers d'annĂ©es, la littĂ©rature en langue sanskrite en fournit la preuve irrĂ©futable »[19]. Le Rig-VĂ©da (X, 90, 12) explique que l'homme primordial (Purusha) donne naissance aux quatre varnas : « Le brahmane fut sa bouche ; le royal (rājanya, Ă©quivalent de káčŁatriya) a Ă©tĂ© fait ses bras ; ce qui est ses cuisses, c'est le vaiƛya ; de ses pieds le ƛƫdra est nĂ©[20]. » Plus tard, les textes du Dharmashastra donnent la mĂȘme origine mythique des varnas ; les Lois de Manu (I, 88-91) dĂ©finissent leurs rĂŽles dans la sociĂ©tĂ©[20].

Ces varnas s’apparentent aux fonctions tripartites indo-europĂ©ennes dĂ©crites par Georges DumĂ©zil[21] : fonction sacerdotale pour les Brahmanes, guerriĂšre pour les Kshatriyas, et productive pour les Vaishyas et Shudras. Mais Ă  ces varnas, qui existent de maniĂšre universelle dans toute l’Inde, se surimposent les jatis (à€œà€Ÿà€€à€ż (jāti), « naissance »), qui correspondent au systĂšme des castes qui peuvent ĂȘtre observĂ©es sur le terrain[22]. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les Indiens, Ă  l’exception notable des Brahmanes, font assez peu rĂ©fĂ©rence aux varnas mais plutĂŽt aux jatis[23]. Ainsi, lorsque l’on fait rĂ©fĂ©rence Ă  une caste, c’est gĂ©nĂ©ralement d’une jati qu’il est question[N 4].

Les caractéristiques généralement admises du systÚme des castes sont[24] :

  • la spĂ©cialisation hĂ©rĂ©ditaire : une caste est associĂ©e Ă  un mĂ©tier. Il y a des castes de blanchisseurs, de forgerons, de tanneurs, de barbiers, etc. Toutefois, l'adĂ©quation entre caste et mĂ©tier n'est pas totale, notamment avec l'apparition des professions modernes ;
  • l'endogamie : les personnes d'une caste se marient avec des personnes de cette mĂȘme caste. Cette rĂšgle est majoritairement respectĂ©e dans l'Inde moderne et les mariages inter-castes restent rares (cf. Love Commandos). Les enfants issus d'un mariage au sein d'une caste appartiennent Ă©galement Ă  cette caste et le restent toute leur vie : une caste est donc un « groupe fermĂ© ». Au-delĂ  de l'endogamie, les castes tentent Ă©galement de maintenir une distance sociale vis-Ă -vis des autres castes (refus des repas en commun notamment) ;
  • la hiĂ©rarchie : les diffĂ©rentes castes forment des groupes dĂ©pendants les uns des autres et hiĂ©rarchisĂ©s entre eux. Les ĂȘtres humains sont fondamentalement inĂ©gaux et chacun doit accomplir au sein de la sociĂ©tĂ© la tĂąche qui convient Ă  son rang. Cette hiĂ©rarchie s'exprime par un certain niveau relatif de puretĂ© de la caste : les hindous sont sensibles Ă  l’impuretĂ© de certains Ă©vĂšnements (dĂ©cĂšs, naissance, etc.) ou activitĂ©s (le travail de la peau par exemple). Le degrĂ© d’impuretĂ© d’une occupation professionnelle se reflĂšte sur la puretĂ© relative de la caste qui la pratique. Ainsi, par exemple, la caste chargĂ©e d’évacuer et d’équarrir les bĂȘtes mortes est considĂ©rĂ©e comme trĂšs impure, Ă  tel point qu’un hindou d’une caste supĂ©rieure ne pourrait toucher ou boire la mĂȘme eau qu’un de ses membres : c’est l’origine de l’intouchabilitĂ©[25] ;
  • l'exhaustivitĂ© : en principe, tout hindou appartient Ă  une caste.

Musulmans

Dans Homo hierarchicus, Louis Dumont explique notamment que les musulmans — bien que par dĂ©finition exclus du systĂšme des castes — jouissent, y compris ceux situĂ©s au bas de l’échelle sociale, d’une situation supĂ©rieure Ă  celles des Intouchables. Cela s’explique par le contexte politique : l’Inde a Ă©tĂ© pendant de longues pĂ©riodes dominĂ©e par des gouvernants musulmans. Mais Dumont note que les musulmans eux-mĂȘmes sont subdivisĂ©s en plusieurs groupes. On distingue d’abord « les Ashraf ou nobles, descendants rĂ©putĂ©s d’immigrants, [
] et les gens du commun, dont l’origine indienne est avouĂ©e, rĂ©partis dans un grand nombre de groupes qui ressemblent beaucoup Ă  des castes ». Chez les Ashraf, s’il n’y a pas de groupes strictement endogames, les mariages s’organisent de prĂ©fĂ©rence dans un cercle restreint et une union en dehors de ce cercle Ă©quivaut Ă  une descente sur l’échelle sociale. Ainsi, sans se conformer aux rĂšgles du systĂšme des castes, les Ashraf sont en quelque sorte « contaminĂ©s ». En ce qui concerne les autres musulmans, il existe trois groupes endogames, comparables aux castes hindoues : les convertis de caste supĂ©rieure, des groupes professionnels correspondant Ă  des castes artisanales, et des Dalits[N 3], qui ont conservĂ© leur fonction sociale aprĂšs leur conversion[26].

Chrétiens

La situation est un peu diffĂ©rente chez les chrĂ©tiens indiens. Dumont observe que les chrĂ©tiens « anciens », qui ont Ă©tĂ© convertis par saint Thomas, sont divisĂ©s en groupes, qui se rĂ©vĂšlent de fait endogames, et que les « chrĂ©tiens d’origine intouchable semblent avoir leurs propres Ă©glises ». La question des castes s’est aussi posĂ©e Ă  l’Église catholique lors des conversions plus rĂ©centes, les Indiens issus de castes supĂ©rieures n’acceptant pas les missionnaires qui se rendaient Ă©galement dans les maisons des Dalits, ni de frĂ©quenter les mĂȘmes Ă©glises que ces derniers. Cette situation a conduit Ă  des adaptations, comme la crĂ©ation d’une sĂ©paration au milieu des Ă©glises, plus ou moins bien acceptĂ©es par la hiĂ©rarchie catholique car contraire au principe de l’égalitĂ© des croyants[26].

Les chrĂ©tiens non dĂ©nominationnels, toujours plus nombreux en Inde, se fondent sur l'enseignement de JĂ©sus, uniquement, dont l'essence mĂȘme est de ne discriminer personne : aimer chacun comme soi-mĂȘme. Dans les faits, les intouchables vivent une vĂ©ritable libĂ©ration intĂ©rieure, perdant l'habitude de se percevoir eux-mĂȘmes comme diffĂ©rents.

Bouddhistes

Le bouddhisme, Ă  la diffĂ©rence du christianisme ou de l’islam, est une religion nĂ©e en Inde et les principaux textes bouddhistes ont Ă©tĂ© composĂ©s Ă  une Ă©poque oĂč le systĂšme de castes Ă©tait dĂ©jĂ  en place[27]. Si Bouddha y critique le systĂšme des castes et leur hiĂ©rarchie, selon Yuvraj Krishan, il ne faut pas y voir une dĂ©fense de l'Ă©galitĂ©[28].

En effet, dans le Madhura Sutta, Bouddha indique que les quatre varnas sont égaux et réfute la supériorité des hautes castes sur un plan métaphysique : aprÚs la mort, tous renaissent en fonction de leur karma et pas de leur caste[29]. Il ne s'agit pas pour autant d'un rejet du systÚme : les castes sont reconnues mais pour Bouddha c'est la conduite d'une personne plutÎt que sa caste qui détermine si elle est bonne ou mauvaise[30]. Toujours selon Krishan, qui cite le Vasala Sutta et le Vasetthasutta, le bouddhisme considÚre que la caste n'est pas déterminée par la naissance mais par le karma des vies passées : les bouddhistes considÚrent les distinctions de castes de la vie présente comme le produit des vies passées et non comme un accident de naissance[31].

Sikhs

Le sikhisme partage avec l'islam et le christianisme le principe de l’égalitĂ© des croyants face Ă  dieu et s’est construit en opposition Ă  l’hindouisme, notamment par le refus de la notion de pur et impur et l’absence de prĂȘtrise basĂ©e sur la caste. Le premier gourou sikh, Nanak, proclame qu’« [il] n’y a pas de caste dans l’autre monde » et, dĂšs le cinquiĂšme gourou, se met en place la pratique du repas commun dans les gurdwaras (temples sikhs), assurant que tous les fidĂšles, y compris ceux issus des hautes castes, mangent dans la mĂȘme assiette. La majoritĂ© des convertis au sikhisme est issue de la caste des Jats, l’élite rurale du Pendjab, et une minoritĂ© de convertis sont des Dalits (intouchables). Mais, malgrĂ© le rejet doctrinaire des castes, « le sikhisme n’a pas conduit Ă  la crĂ©ation d’une communautĂ© Ă©galitaire ou Ă  la fin de la hiĂ©rarchie des castes et des discriminations »[T 1], mais plutĂŽt Ă  un systĂšme parallĂšle, avec les Jats comme classe dominante. Ainsi, mĂȘme si les rĂšgles semblent moins strictes que chez les hindous, l’endogamie est pratiquĂ©e et il existe encore aujourd’hui des gurdwaras et des lieux de crĂ©mation rĂ©servĂ©s aux Dalits chez les sikhs[32].

Effets du recensement britannique

Quatre hommes rajputs en armes.
Les Rajputs étaient considérés par les Britanniques comme la plus haute caste laïque (photo britannique de 1868).

Le premier recensement complet de l’Inde a Ă©tĂ© menĂ© par les Britanniques en 1872 et plusieurs auteurs considĂšrent qu'il a conduit Ă  la crĂ©ation d’une certaine conscience de caste, qui jusqu’alors Ă©tait plus diffuse et floue.

En effet, Ă  l'Ă©poque, « les castes Ă©taient perçues [par les colonisateurs] comme l’essence de la sociĂ©tĂ© indienne, le systĂšme Ă  travers lequel il Ă©tait possible de classifier tous les groupes du peuple indigĂšne en fonction de leurs capacitĂ©s »[T 2], et ce recensement incluait donc des questions sur la nationalitĂ©, la race, la tribu, la religion et la caste. Ces classifications sont d'importance dans la vision qu’ont les Britanniques des castes : par exemple, aprĂšs le recensement de 1901, les Mahtons demandĂšrent que leur classification soit revue pour qu’ils soient intĂ©grĂ©s avec les Rajputs, dont ils suivent les coutumes. Une partie des Mahtons voulaient en effet rejoindre un rĂ©giment militaire, ce qui n’était possible que s’ils possĂ©daient le statut de Rajput. Leur demande fut initialement rejetĂ©e sur la base du recensement de 1881, qui dĂ©clarait que les Mahtons descendaient d’une caste de chasseurs-cueilleurs[33].

Cet exemple dĂ©montre que le processus du recensement alimente lui-mĂȘme le systĂšme des castes en le renforçant. Christophe Jaffrelot parle d’un « exercice d’ingĂ©nierie sociale »[34] : en voulant Ă©numĂ©rer et classifier la population sur la base de leurs propres perceptions de la sociĂ©tĂ© indienne, les Britanniques ont dans les faits modifiĂ© la sociĂ©tĂ© pour qu’elle corresponde Ă  leur vision. Cet exercice a eu pour rĂ©sultat de rigidifier des contours de la sociĂ©tĂ©. Ainsi, en attribuant Ă  chaque groupe ou caste une occupation dĂ©terminĂ©e et immuable, les Britanniques ont freinĂ© sinon empĂȘchĂ© la mobilitĂ© sociale qui, comme le dĂ©crit Dumont[35], se rĂ©alise gĂ©nĂ©ralement par le changement d’activitĂ© d’une caste ou sous-caste.

Par ailleurs, lorsque les Indiens furent interrogĂ©s sur leur caste, ils donnĂšrent une variĂ©tĂ© de rĂ©ponses qui ne correspondaient pas aux attentes des auteurs du recensement. Apparemment les concepts d’identification ne coĂŻncidaient pas Ă  ceux des Britanniques, et une mĂȘme question pouvait recevoir diffĂ©rentes rĂ©ponses en fonction du contexte : secte religieuse, profession, rĂ©gion d’origine, etc.[33]. Cela n’empĂȘchait pas les commissions chargĂ©es du recensement d’établir des « listes de prĂ©sĂ©ance » pour chaque province de l’Empire, plaçant systĂ©matiquement les Brahmanes au sommet et classant prĂ©cisĂ©ment les autres castes en ordre descendant[36]. Cette volontĂ© de classification hiĂ©rarchique des colonisateurs a conduit de nombreux groupes Ă  prendre conscience de la place qu’ils occupaient dans la sociĂ©tĂ©, comme l’exemple des Mahtons, cherchant Ă  ĂȘtre reclassifiĂ©s pour accĂ©der Ă  une carriĂšre militaire, le prouve. Mais il existe de nombreux autres cas de contestations de la part de groupes mal classĂ©s[34].

En revanche, le gĂ©nĂ©ticien David Reich s'est Ă©levĂ© contre l'idĂ©e dĂ©veloppĂ©e notamment par Nicholas B. Dirks[37] selon laquelle le colonialisme anglais aurait jouĂ© un rĂŽle important dans le systĂšme des castes conduisant Ă  un renforcement de l'endogamie de certains groupes de la sociĂ©tĂ© indienne. Les derniĂšres Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques provenant de plus de 250 groupes de jati rĂ©partis dans toute l'Inde, montrent au contraire que cette endogamie n'a aucun rapport avec le colonialisme anglais, mais dĂ©coule de l'institution des castes pendant des millĂ©naires. Elle a eu pour consĂ©quence qu'environ un tiers des groupes indiens ont connu des goulots d'Ă©tranglement dĂ©mographiques extrĂȘmement forts et un degrĂ© de diffĂ©renciation gĂ©nĂ©tique entre les groupes de jati indiens vivant cĂŽte Ă  cĂŽte dans le mĂȘme village gĂ©nĂ©ralement deux Ă  trois fois supĂ©rieur Ă  celui entre EuropĂ©ens du Nord et du Sud[38].

Théories et interprétations

Théories sur l'origine des castes

La recherche d'une explication du phĂ©nomĂšne des castes a dominĂ© la rĂ©flexion occidentale lorsqu’elles ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©es pour la premiĂšre fois[39]. On note trois types principaux de thĂ©ories explicatives.

Les premiĂšres thĂ©ories proposent une explication volontariste. Ainsi, l’abbĂ© Dubois, qui quitta la France au XVIIIe siĂšcle pour vivre au milieu de la population du Mysore, Ă©crivit Ă  propos des castes:

« Une pareille institution Ă©tait peut-ĂȘtre le seul moyen que la prudence la plus clairvoyante pĂ»t inventer pour maintenir la civilisation chez un peuple comme les Indiens. [
]
Ils [les lĂ©gislateurs indiens] partirent de ce principe, commun Ă  tous les anciens lĂ©gislateurs, qu’il n’est permis Ă  personne d’ĂȘtre inutile Ă  l’État. »

Les castes seraient une crĂ©ation d’anciens lĂ©gislateurs destinĂ©e Ă  diviser le travail de la maniĂšre la plus efficace possible. Elles seraient donc l’expression d’une volontĂ© consciente de dirigeants, Ă  laquelle on attache une volontĂ© divine[39].

Le deuxiĂšme type de thĂ©ories nĂ©es Ă  la fin du XIXe siĂšcle et au dĂ©but du XXe siĂšcle rapproche les castes des classes et des institutions sociales connues en Occident. On l’a vu, les castes posaient certains problĂšmes pour les missionnaires chrĂ©tiens, en particulier l’opprobre suscitĂ© dans les hautes castes par leur refus du contact avec les basses castes. Afin de faciliter la conversion des hindous de haute caste, certains JĂ©suites adoptĂšrent le mode de vie hindou, rejetant toute solidaritĂ© avec les missionnaires s’occupant des basses castes et interprĂ©tant la caste non pas comme une pratique religieuse mais comme une « forme extrĂȘme des distinctions de rang et d’état bien connues en Occident ». Pour le sociologue Max Weber, la caste est comparable aux ordres de la France d’Ancien RĂ©gime, alors que pour l’anthropologue Alfred Louis Kroeber, elle est comparable Ă  une classe sociale « prenant conscience de soi comme distincte et se refermant sur soi ». D’autres, comme John C. Nesfield, la considĂšrent comme une forme extrĂȘme de corporations de mĂ©tier[39].

Enfin, le troisiĂšme type de thĂ©orie avance une motivation raciale : au dĂ©but du XXe siĂšcle, Émile Senart conçoit la crĂ©ation des castes comme la volontĂ© des envahisseurs aryens de prĂ©server la puretĂ© de leur race en crĂ©ant des groupes fermĂ©s[39]. La philosophe indienne Divya Dwivedi va plus loin : « Le systĂšme des castes Ă©tait conçu comme une forme d’apartheid racialisĂ© et ritualisĂ© pour assurer l’hĂ©gĂ©monie des envahisseurs vĂ©diques aryaphones et de leurs descendants sur la majoritĂ© des habitants du sous-continent[40] ». GrĂące Ă  ce systĂšme trĂšs rigide, « Les castes supĂ©rieures pouvaient ainsi exploiter le travail de ceux-lĂ  mĂȘmes qui Ă©taient exclus de la vie collective[40] ».

Homo hierarchicus : le systÚme des castes comme hiérarchie

Dans Homo hierarchicus, une Ă©tude systĂ©matique du systĂšme des castes par l'anthropologue Louis Dumont, la principale clĂ© de comprĂ©hension du systĂšme des castes est la hiĂ©rarchie. Pour Dumont « la hiĂ©rarchie n’est dans le systĂšme [des castes] rien moins que la forme consciente de rĂ©fĂ©rence des parties au tout ». Mais il ne s’agit pas d’une hiĂ©rarchie de type militaire qui impliquerait une subordination, mais plutĂŽt d’une gradation, d’un « classement des ĂȘtres selon leur degrĂ© de dignitĂ© ».

Ce degrĂ© de dignitĂ© est avant tout basĂ© sur l’occupation de la caste. Ici intervient la notion de pur/impur : chaque caste est dotĂ©e d’une spĂ©cialisation professionnelle et le degrĂ© relatif de puretĂ© de cette profession dĂ©termine la place de la caste qui l’exerce dans la hiĂ©rarchie. Cette hiĂ©rarchie s’organise entre, Ă  son sommet, le Brahmane, prĂȘtre et Ă©rudit, et, au bas de l’échelle, l’Intouchable, chargĂ©e des tĂąches les plus impures. Les autres castes se rĂ©partissent entre ces deux extrĂȘmes.

Dumont note deux autres donnĂ©es dans l’organisation de ce systĂšme hiĂ©rarchique :

  • l'existence de disparitĂ©s rĂ©gionales fortes : telle caste, ou plus exactement telle profession, peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme pure dans une rĂ©gion et impure dans une autre et ainsi occuper une place diffĂ©rente dans la hiĂ©rarchie. De mĂȘme, l’intouchabilitĂ© et ses consĂ©quences diffĂšrent d’une rĂ©gion Ă  l’autre ;
  • si la hiĂ©rarchie concerne avant tout les castes, c’est-Ă -dire les jatis, le systĂšme des varnas s’applique toujours : malgrĂ© une impuretĂ© relative thĂ©oriquement plus grande, une caste peut dominer les autres dans une localitĂ© donnĂ©e en fonction de son Ă©tat. Les Kshatriyas notamment, en tant que rois et guerriers, dominent les autres castes Ă  l’exception des Brahmanes, mĂȘme lorsqu’ils suivent un mode de vie « moins pur » (en ne suivant pas un rĂ©gime vĂ©gĂ©tarien par exemple).

Toutefois, cette analyse hiĂ©rarchique ne tient pas compte de tous les phĂ©nomĂšnes Ă  l'Ɠuvre car, en soi, ce systĂšme hiĂ©rarchique reposant sur un principe de pur/impur censĂ© correspondre Ă  l’ordre cosmique ne pourrait souffrir aucune contestation : mĂȘme ceux considĂ©rĂ©s comme « polluant », et par consĂ©quent relĂ©guĂ©s tout en bas de l’échelle, souffrant discrimination et ostracisme, ne pourraient qu’accepter leur sort comme le reflet de leur statut impur[41] et le systĂšme serait en quelque sorte immobile. Or, il ne l’est pas : comme Dumont le dit lui-mĂȘme, d’autres facteurs que la hiĂ©rarchie, en particulier le pouvoir, interviennent. En effet, en Inde comme ailleurs, le pouvoir n’est pas immuable : il est l’objet d’une lutte, autrefois souvent armĂ©e, aujourd’hui principalement politique. Quand le pouvoir passe d’un groupe Ă  un autre, il dĂ©place une ou plusieurs castes dans la hiĂ©rarchie et remet donc en cause le systĂšme de dĂ©part. De mĂȘme que le pouvoir politique, la richesse joue un rĂŽle important : par exemple, dans le Pendjab ce sont les Jats, caste agricole, qui dominent la sociĂ©tĂ©[42].

Politique coloniale britannique

Les colonisateurs britanniques expliquent d'abord les castes par comparaison avec ce qu’ils connaissent dĂ©jĂ , rejoignant le deuxiĂšme type de thĂ©ories explicatives : pour les colonisateurs provenant d’une sociĂ©tĂ© elle-mĂȘme divisĂ©e en classes, les castes sont une expression de classes sociales reflĂ©tant une organisation sociale elle aussi fixe et hiĂ©rarchisĂ©e, posant les Brahmanes au sommet de la sociĂ©tĂ© :

« Classe et caste ont entre elles une relation de famille et espĂšce. La classification gĂ©nĂ©rale est par classe, la classification dĂ©taillĂ©e par caste. La premiĂšre reprĂ©sente la vision externe de l’organisation sociale, la seconde la vision interne[43]. »

Un tel parallĂšle ne correspond cependant pas aux caractĂ©ristiques des castes : alors qu’une classe sociale est dĂ©finie uniquement par des facteurs politiques et Ă©conomiques, une caste est non seulement dĂ©terminĂ©e par d’autres facteurs, notamment religieux, mais elle est aussi endogame.

Mais les Britanniques percevaient aussi l’Inde comme Ă©tant peuplĂ©e d’une grande variĂ©tĂ© de « races » qui auraient Ă©tĂ© prĂ©servĂ©es par l’institution de la caste[33]. Si elle rend compte de l’endogamie de la caste, cette interprĂ©tation revĂȘt surtout un intĂ©rĂȘt pratique du point de vue de l’administrateur : la conception des castes en tant que races, dotĂ©es selon la conception de l’époque de caractĂ©ristiques propres, permet en effet aux colonisateurs de tenter d’organiser la sociĂ©tĂ© indienne en se fondant sur des bases jugĂ©es « naturelles » et donc plus efficaces. Ainsi, on peut citer l’exemple du Pendjab utilisĂ© par H. K. Puri[44] : l’armĂ©e britannique indienne est rĂ©organisĂ©e en 1890 sur la base de « races martiales », en particulier les Jats sikhs ; le Punjab Land Alienation Act de 1901 rĂ©serve l’attribution des terres aux « castes agricoles » Ă  l’exclusion des castes les plus basses ; ou encore le Criminal Tribes Act de 1871 qui dĂ©clare :

« quand nous parlons de “criminels professionnels”, nous [
] voulons dire une tribu dont les ancĂȘtres Ă©taient des criminels depuis des temps immĂ©moriaux, dont les membres sont eux-mĂȘmes destinĂ©s par l’usage de la caste Ă  commettre des crimes et dont les descendants violeront la loi[T 3] - [33]. »

RĂšgles sociales

Pureté et interdits

Pour un individu, l'appartenance Ă  une caste va de pair avec l'application d'un certain nombre de rĂšgles qui rĂ©gentent son rapport avec les individus de sa caste ou d'autres castes. Ces rĂšgles sont liĂ©es Ă  la notion de puretĂ© Ă©voquĂ©e plus haut : il s'agit globalement pour une personne de se protĂ©ger ou de se laver d'une impuretĂ© qui peut ĂȘtre temporaire (associĂ©e Ă  un Ă©vĂšnement de la vie) ou permanente (liĂ©e Ă  l'occupation d'une caste)[45].

Les textes hindous, notamment les Lois de Manu datées environ du IIe siÚcle av. J.-C.[46], listent les causes d'impureté. La mort, en particulier, est cause d'impureté temporaire pour les parents du défunt ainsi que, par exemple, la naissance pour la mÚre et le nouveau-né ou les menstruations pour une femme. Des rituels de purification sont prescrits pour qui est affecté d'une impureté temporaire : bain, rasage, absorption des produits de la vache, etc.[47].

Un degrĂ© de puretĂ© est attachĂ© Ă  une caste en fonction de son occupation. Par exemple, la caste des blanchisseurs, qui lavent notamment les draps aprĂšs un accouchement ou les menstruations, est relativement impure en raison de l'impuretĂ© de son activitĂ©[45]. De lĂ  dĂ©coulent de nombreux interdits destinĂ©s Ă  Ă©viter qu'une personne ne soit « polluĂ©e » par l'impuretĂ© d'une personne appartenant Ă  une caste infĂ©rieure, mais il n'existe pas forcĂ©ment de rĂšgles universelles : une caste est attachĂ©e Ă  une rĂ©gion particuliĂšre et les rĂšgles qui rĂ©gissent ses rapports avec les autres castes peuvent ĂȘtre diffĂ©rentes des rĂšgles que suivent une caste similaire dans une autre rĂ©gion de l'Inde[48]. Herbert Risley, dans le cadre du recensement effectuĂ© par les Britanniques en 1901, a notamment listĂ© certains critĂšres dans la perspective d'Ă©tablir un classement hiĂ©rarchique des castes dans chaque rĂ©gion : le varna d'appartenance de la caste en question, si des Brahmanes officient Ă  ses cĂ©rĂ©monies religieuses, si la caste pratique le mariage des enfants et interdit le remariage des veuves, si elle est servie par des barbiers, si elle a accĂšs ou non Ă  certains temples, si elle a accĂšs au puits commun, si elle est relĂ©guĂ©e dans un quartier distinct, si elle doit s'Ă©carter de la route en croisant une personne d'une caste supĂ©rieure, etc.[49]. À l'Ă©poque, il observe en particulier que les rĂšgles sont beaucoup plus rigides dans le Sud de l'Inde que dans le Nord[48].

D'autres rÚgles sociales existent : avec qui une caste peut partager un repas (avec des variantes en fonction du type de nourriture) ou un narguilé, le régime alimentaire (végétarisme ou non par exemple), l'organisation des mariages, etc.

Gouvernement de caste

Traditionnellement, une caste ou un « fragment de caste » (sous-caste ou fragment territorial) peut ĂȘtre dotĂ©e d'une gouvernance sous la forme d'une assemblĂ©e de caste ou d'un panchayat. Ce systĂšme perdure encore parfois dans le nord de l'Inde (Uttar Pradesh, Haryana, Pendjab) de maniĂšre para-lĂ©gale et parallĂšle au systĂšme des panchayats de village organisĂ© par l'État.

FormĂ© par un groupe de notables ou spĂ©cialistes, parfois dotĂ© d'un sarpanch et d'autres dignitaires Ă©lus ou hĂ©rĂ©ditaires, ce gouvernement agit comme une « autoritĂ© plurielle, gardienne de la coutume et de la concorde » Ă  qui on peut faire appel pour arbitrer un conflit ou sanctionner ce qui est contraire Ă  la coutume de la caste. Il peut notamment adopter comme sanction l'exclusion d'une personne de la caste[50]. Ces derniĂšres annĂ©es, les panchayats de caste ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©es illĂ©gaux par la Cour suprĂȘme de l'Inde en raison de peines qu'ils infligent — pouvant aller jusqu'au crime d'honneur — Ă  l'encontre d'individus ne souhaitant pas respecter les rĂšgles de la caste pour leur mariage[51].

Castes et politique publique

Création des premiers quotas

Les Dalits, ou Depressed Classes comme on les appelle officiellement jusqu’en 1935, occupent une place particuliĂšre dans la politique coloniale en Inde. À la diffĂ©rence des autres castes, leur cas ne pose pas de problĂšme particulier en termes de classification : destinĂ©s par leur naissance mĂȘme aux mĂ©tiers les plus « impurs », ils sont exclus des « temples et de tous les autres lieux publics oĂč les autres peuvent craindre leur contact « polluant » » et se situent donc au bas de la hiĂ©rarchie sociale[34]. Cependant, c’est autour de la question des Depressed Classes que se mettent en place les premiĂšres politiques de quota.

Ambedkar Ă©crit dans The Untouchables and the Pax Britannica[52] :

« De grands espoirs ont Ă©tĂ© soulevĂ©s parmi les gens des Depressed Classes par l’avĂšnement du rĂšgne britannique. D’abord parce qu’il s’agissait d’une dĂ©mocratie qui, pensaient-ils, croyait dans le principe que chaque homme compte[T 4]. »

En colonisant l'Inde, les Britanniques mettent en place un systĂšme d’écoles publiques thĂ©oriquement ouvertes Ă  tous, sans considĂ©ration de castes. Cependant, dĂšs 1854, on constate que l’admission est dans la plupart des cas refusĂ©s aux enfants des Depressed Classes, ou, quand ils sont admis, qu’ils sont rejetĂ©s par les enseignants et les parents d’élĂšves[52]. Aussi est-il dĂ©cidĂ© en 1892 d’établir des Ă©coles spĂ©ciales rĂ©servĂ©es. Les Britanniques crĂ©Ăšrent Ă©galement en 1944 des bourses rĂ©servĂ©es aux castes les plus basses. À partir de 1934, lorsqu’il fut constatĂ© que « mĂȘme instruits, les Intouchables ne trouvaient pas d’emploi », un quota d’embauche de 8,5 % fut instaurĂ© dans la fonction publique (portĂ© Ă  12,5 % en 1946). Enfin, dĂšs 1919, des siĂšges furent rĂ©servĂ©s aux Depressed Classes dans les assemblĂ©es lĂ©gislatives des provinces et l'assemblĂ©e centrale siĂ©geant Ă  New Delhi[53]. Il faut attendre 1935 pour que la terminologie change, quand les Depressed Classes sont rebaptisĂ©es Scheduled Castes, reconnaissant ainsi que les populations en question sont des « races, castes ou tribus[T 5] » plutĂŽt que des classes sociales[54]. C’est dans ce contexte qu’émergent les premiers leaders dalits, en particulier Ambedkar, qui revendique en 1932 la crĂ©ation d’électorats sĂ©parĂ©s.

Mais ce qui apparaĂźt clairement, c'est qu'aucune des mesures Ă©voquĂ©es n’a Ă©tĂ© susceptible d’amĂ©liorer durablement le sort des Dalits. Si les Ă©coles rĂ©servĂ©es permettent de faire progresser lĂ©gĂšrement le taux d’alphabĂ©tisation dans cette population, l'impact de la politique reste trĂšs limitĂ©[55]. D’autant plus que certaines dĂ©cisions sont en contradiction avec la politique gĂ©nĂ©rale : si des postes sont rĂ©servĂ©s dans la fonction publique Ă  partir de 1934, la dĂ©cision prise en 1890 d’organiser l’armĂ©e sur la base des castes et d’exclure du recrutement les Intouchables n’est pas remise en cause, alors que « le service militaire Ă©tait le seul service dans lequel il Ă©tait possible pour les Intouchables de gagner leur vie et d’avoir une carriĂšre »[52]. L'administration britannique ne manifeste en effet pas de volontĂ© de transformation sociale. Bien au contraire, confrontĂ© Ă  plusieurs reprises Ă  divers cas de discriminations, le gouvernement colonial dĂ©clare que les « dĂ©savantages » affectant une partie de la population ne sont pas de son fait, qu'elles existaient avant la colonisation, et qu’il ne peut donc pas agir sans que les mentalitĂ©s et les attitudes des Indiens Ă©voluent d’abord[52].

Le mouvement pour l'indépendance et la question dalite

La question des castes en gĂ©nĂ©ral n’a pas vraiment Ă©tĂ© au cƓur des prĂ©occupations de la pensĂ©e politique indienne avant l’IndĂ©pendance, mĂȘme si on note quelques exemples de prise de conscience poussĂ©e par le recensement britannique. Par exemple en 1931, un pamphlet distribuĂ© Ă  Lahore invite les Indiens Ă  rĂ©pondre, entre autres, « nĂ©ant » Ă  la question sur la caste. Le groupe distribuant ce pamphlet avait de toute Ă©vidence un but politique, mais le fait de proposer une telle rĂ©ponse laisse penser qu’elle est envisageable pour les Indiens, et que donc ils n’accorderaient pas Ă  la caste une importance particuliĂšre en termes d’identification[33].

La question se pose diffĂ©remment pour les Dalits. Les traitements dont ils sont l’objet en raison de leur « impuretĂ© » les isolent du reste de la population et conduisirent les Britanniques Ă  adopter une sĂ©rie de politiques en leur faveur. Émerge alors une pensĂ©e politique concrĂ©tisĂ©e par l’émergence de leaders dalits, au premier rang desquels Bhimrao Ramji Ambedkar.

Ambedkar : les Dalits, une communauté opprimée
Ambedkar s'exprime dans un microphone.
Ambedkar lors d'un discours Ă  Nasik en 1935.

NĂ© en 1891 Ă  Mahu (aujourd’hui Dr Ambedkar Nagar, dans le Madhya Pradesh) dans la caste dalite des Mahars, Bhimrao Ramji Ambedkar a Ă©tudiĂ© Ă  l’universitĂ© de Bombay, l’universitĂ© Columbia aux États-Unis puis Ă  Londres, avant de rentrer en Inde en 1923. Il s’est impliquĂ© dans la lutte des Dalits pour avoir accĂšs aux temples hindous ou le droit de puiser l’eau dans les mĂȘmes puits que les autres hindous. Il a participĂ©, en tant que reprĂ©sentant des Intouchables, aux trois confĂ©rences de la Table ronde Ă  Londres. En 1947, il est invitĂ© par Nehru Ă  devenir le premier ministre de la Justice du gouvernement de l’Inde indĂ©pendante, avant d’ĂȘtre Ă©lu Ă  la prĂ©sidence du comitĂ© de rĂ©daction de la Constitution de la RĂ©publique indienne.

Durant toutes ces années, Ambedkar dénonce le sort fait aux Dalits et développe une critique trÚs vigoureuse du systÚme des castes. En cela, il se différencie trÚs nettement de la vision britannique : pour lui, les Intouchables ne sont pas une classe défavorisée, mais une communauté opprimée.

Il dĂ©veloppe ainsi une critique radicale de l'hindouisme. Dans The Untouchables and the Pax Britannica[52], Mr Gandhi and the Emancipation of the Untouchables[56] ou What Congress and Gandhi have done to the Untouchables[57], Ambedkar se situe dans une dĂ©marche polĂ©mique de dĂ©nonciation de la situation des Dalits dans laquelle il insiste, en se servant d’exemples, sur les discriminations, exactions ou atrocitĂ©s commises par des hindous de castes supĂ©rieures. Mais Ambedkar ne se contente pas d’une critique sociale : pour lui, l’origine du mal se situe dans l’existence du systĂšme des castes. Or ce systĂšme trouvant sa source dans la religion, c’est l’hindouisme mĂȘme qu’il faut remettre en cause :

« [Il] doit ĂȘtre reconnu que les hindous respectent les castes non pas parce qu’ils sont inhumains ou bornĂ©s. Ils respectent les castes car ils sont profondĂ©ment religieux. Les gens n'ont pas tort de respecter les castes. À mon avis, c’est leur religion qui a tort[T 6] - [58]. »

Ambedkar invite donc à rejeter les enseignements et l'autorité des textes hindous, qui imposent selon lui une « religion de rÚgles », pour les remplacer par une « religion de principes »[58]. Ainsi, il déclare « Je ne mourrai pas hindou »[59] et finit par se convertir au bouddhisme en 1956.

Cependant, si pour Ambedkar les Dalits ne trouveront de vĂ©ritable solution que par le rejet de l'hindouisme, il situe sa lutte sur le terrain politique : pour lui, la lutte pour la libertĂ© que constitue le mouvement pour l'indĂ©pendance doit non seulement ĂȘtre une rĂ©forme des institutions politiques, mais Ă©galement une refonte des institutions sociales. Ambedkar considĂšre qu'une rĂ©forme sociale se met en place par la loi. Ainsi, lors de la ConfĂ©rence de la Table ronde de 1930, il soumet un « Plan de garanties politiques pour la protection des Depressed Classes dans la future Constitution de l’Inde autonome »[57]. Ce plan a pour but de permettre l'intĂ©gration des Dalits Ă  la sociĂ©tĂ© indienne, c’est-Ă -dire de supprimer de fait l’intouchabilitĂ©, et de garantir cette suppression par la loi. Le plan comprend huit conditions et Ambedkar prĂ©cise que seul leur respect lui permettra, en tant que reprĂ©sentant des Depressed Classes, de consentir Ă  l’autonomie politique de l’Inde. Si le leader dalit pose des « conditions », c’est qu’il considĂšre qu’une Inde politiquement autonome sera soumise au rĂšgne de la majoritĂ© hindoue. Ainsi, il ne veut pas de l’autonomie ou de l’indĂ©pendance si elle se traduit par le remplacement pour les Dalits d’une oppression par une autre (en l’occurrence des Britanniques par les hindous) et il conçoit ici encore les Dalits comme Ă©tant une communautĂ© entiĂšrement sĂ©parĂ©e des hindous et nĂ©cessitant donc une protection particuliĂšre. Ce postulat de la sĂ©paration de fait entre hindous et Dalits est d’ailleurs clairement exprimĂ© par Ambedkar :

« Un Intouchable peut-il ĂȘtre considĂ©rĂ© comme faisant partie de la sociĂ©tĂ© hindoue ? Y a-t-il un quelconque lien humain qui les lie au reste des hindous ? Il n’y en a aucun. Il n’y a pas de connubium[N 5]. Il n’ y a pas de commensalitĂ©. Il n’y a mĂȘme pas le droit de toucher ou encore moins de s’associer. Au contraire, le simple contact physique est source de pollution pour un hindou. L’entiĂšre tradition des hindous est de considĂ©rer l’Intouchable comme un Ă©lĂ©ment sĂ©parĂ© et d’insister lĂ -dessus comme un fait avĂ©rĂ©[T 7] - [57]. »

Gandhi et Ambedkar : deux visions opposées des Dalits
Gandhi Ă  bord d'un train Ă  l'arrĂȘt.
Gandhi désignait les Dalits par le terme « Harijans ».

À l'inverse d'Ambedkar, Mohandas Karamchand Gandhi ne remet pas en cause l’organisation en castes de la sociĂ©tĂ© indienne. Au contraire, il est « convaincu de la perfection organiciste et cosmique de l’ordre quadripartite des castes hindoues »[60]. Mais il n’est pas non plus insensible au sort des Dalits. En 1920 Gandhi Ă©crit qu’il y a trois possibilitĂ©s d’action pour ce qu’il appelle alors les Panchamas : l’alliance avec les Britanniques qui selon lui ferait d’eux leurs « esclaves », le rejet de l’hindouisme qu’il refuse car « l’intouchabilitĂ© ne fait pas partie de l’hindouisme [mais] est plutĂŽt une excroissance Ă  retirer par tous les moyens », et la non coopĂ©ration avec les autres hindous, impossible pour lui car nĂ©cessitant une organisation dont ils ne disposent pas[57]. Pour Gandhi, la solution est donc la suivante :

« La meilleure mĂ©thode est donc pour les Panchamas de se joindre au grand mouvement national avançant vers le rejet de l’esclavage du Gouvernement actuel. [...] La non coopĂ©ration contre ce gouvernement malfaisant prĂ©suppose la coopĂ©ration entre les diffĂ©rentes sections formant la Nation indienne. [...]
La non coopĂ©ration contre le gouvernement signifie la coopĂ©ration entre les gouvernĂ©s et si les hindous ne suppriment pas le pĂ©chĂ© de l’intouchabilitĂ©, il n’y aura pas de swaraj, ni dans un an ni dans cent ans. Le swaraj n’est pas atteignable sans la suppression des pĂ©chĂ©s de l’intouchabilitĂ© et sans l’unitĂ© entre hindous et musulmans[T 8] - [57]. »

Lors de la ConfĂ©rence de la Table ronde de 1931 chargĂ©e de prĂ©parer la future Constitution de l’Inde britannique, la principale question est celle de la reprĂ©sentation des communautĂ©s. En particulier, la dĂ©lĂ©gation du CongrĂšs emmenĂ©e par Gandhi insiste sur l’unitĂ© de la nation indienne et ne parvient pas Ă  trouver d’accord avec la Ligue musulmane et Ambedkar sur la reprĂ©sentation des musulmans et des Depressed Classes. Ambedkar propose en particulier, dans la logique de sa vision de communautĂ©s sĂ©parĂ©es, que comme les musulmans, les Depressed Classes forment un Ă©lectorat sĂ©parĂ© du reste des hindous, capable d’élire ses propres reprĂ©sentants dans les lĂ©gislatures provinciales et centrale. Comme le raconte Ambedkar dans son rĂ©cit de 1945, cette proposition est vigoureusement combattue par Gandhi au nom de l’unitĂ© de la communautĂ© hindoue :

« Les Ă©lectorats sĂ©parĂ©s pour les « Intouchables » les condamneront Ă  l’esclavage pour toujours. Les musulmans ne cesseront jamais d’ĂȘtre musulmans en ayant des Ă©lectorats sĂ©parĂ©s. Voulez-vous que les « Intouchables » restent « intouchables » Ă  jamais ? Les Ă©lectorats sĂ©parĂ©s perpĂ©tueraient le stigmate. [...] Avec le suffrage universel, vous donnez aux « Intouchables » une sĂ©curitĂ© complĂšte. MĂȘme les hindous orthodoxes auraient Ă  les approcher pour voter[T 9] - [57]. »

En l’absence d’accord entre les reprĂ©sentants prĂ©sents Ă  la ConfĂ©rence, le gouvernement britannique rend en aoĂ»t 1932 un arbitrage accordant aux communautĂ©s, y compris les Depressed Classes, des Ă©lectorats sĂ©parĂ©s. Gandhi, en recourant Ă  la grĂšve de la faim, oblige alors Ambedkar Ă  accepter une solution de compromis : le Pacte de Poona. Selon les termes du pacte, les Depressed Classes ne disposent plus d’un Ă©lectorat sĂ©parĂ© mais voient un certain nombre de circonscriptions hindoues rĂ©servĂ©es Ă  des candidats issus de leurs rangs[61]. Sont ainsi jetĂ©es les bases du systĂšme qui perdure aujourd’hui : la crainte de voir les Dalits sĂ©parĂ©s du reste des hindous est Ă©cartĂ©e, puisque tous votent ensemble, et la rĂ©servation des circonscriptions permet d’assurer une reprĂ©sentation minimale des Dalits au sein des assemblĂ©es.

Les castes dans la Constitution indienne

La conception des castes et les politiques mises en Ɠuvre ne varient que trĂšs peu entre les derniĂšres annĂ©es de colonisation et les premiĂšres annĂ©es qui suivent l'indĂ©pendance.

La prĂ©sidence du comitĂ© de rĂ©daction de la Constitution est confiĂ©e Ă  Ambedkar : la loi fondamentale de la nouvelle rĂ©publique conserve ainsi les dispositifs prĂ©cĂ©dents, adoptĂ©s par les Britanniques en concertation avec les leaders indĂ©pendantistes indiens et basĂ©s sur la reprĂ©sentation des Scheduled Castes dans les organes politiques et la fonction publique, avec quasiment le mĂȘme dispositif de rĂ©servations que celui nĂ©gociĂ© Ă  Poona.

La mesure la plus emblématique de la Constitution est inscrite dans son article 17 :

« L'« intouchabilité » est abolie et sa pratique dans toutes ses formes est interdite. L'application de toute incapacité trouvant sa source dans l'« intouchabilité » sera un délit punissable selon la loi[T 10] - [62]. »

La Constitution se garde cependant d’abolir le systùme des castes dans son ensemble. Elle se contente d’interdire les discriminations :

« (1) L'État ne fera aucune discrimination Ă  l’encontre d’un citoyen sur la base de la religion, de la race, de la caste, du sexe, du lieu de naissance ou d’aucune de ces raisons
(2) Aucun citoyen ne sera, sur la base de la religion, de la race, de la caste, du sexe, du lieu de naissance ou d’aucune de ces raisons, sujet Ă  une incapacitĂ©, responsabilitĂ©, restriction ou condition par rapport Ă  :
(a) l'accĂšs aux magasins, restaurants publics, hĂŽtels et lieux de divertissement public ; ou
(b) l'usage des puits, rĂ©servoirs, bains publics, routes et lieux publics entiĂšrement ou partiellement entretenus par les fonds de l'État ou dĂ©diĂ©s Ă  l'usage du grand public[T 11] - [63]. »

Le principe des rĂ©servations est quant Ă  lui inscrit dans le titre XVI de la Constitution sous le titre « Dispositions particuliĂšres relatives Ă  certaines classes ». Comme dans le Pacte de Poona, la Constitution dispose qu’un certain nombre de siĂšges seront rĂ©servĂ©s dans la Lok Sabha et les assemblĂ©es lĂ©gislatives des États[64]. Le systĂšme en vigueur avant l'indĂ©pendance est donc maintenu avec quelques diffĂ©rences : les rĂ©servations sont Ă©tendues aux populations tribales, les Scheduled Tribes, et un systĂšme de proportionnalitĂ© est instaurĂ©. Ainsi en 1951, 5 % des siĂšges sont rĂ©servĂ©s au Scheduled Tribes (st) et 15 % aux Scheduled Castes (sc), en fonction de la reprĂ©sentation dĂ©mographique des deux catĂ©gories[61]. Cependant, dans ce mĂȘme titre XVI il est indiquĂ© :

« Nonobstant quoi que ce soit dans ce chapitre, les dispositions de la prĂ©sente Constitution relative Ă  la rĂ©servation de siĂšges pour les Scheduled Castes et les Scheduled Tribes dans la Chambre du peuple et les AssemblĂ©es lĂ©gislatives des États [...] cesseront d’avoir effet Ă  l’expiration d'un dĂ©lai de vingt ans aprĂšs l'entrĂ©e en vigueur de la prĂ©sente Constitution[T 12] - [65]. »

Ainsi, dans l’esprit des rĂ©dacteurs de la Constitution, ce dispositif de rĂ©servations devait ĂȘtre transitoire. L'histoire montre qu’il n’en a rien Ă©tĂ©, et Ă  partir de 1970 puis tous les dix ans, la fin des rĂ©servations a Ă©tĂ© sans cesse repoussĂ©e.

Enfin, le titre XVI prĂ©voit dans l’article 340 la nomination d’une commission chargĂ©e d’examiner « la condition des classes arriĂ©rĂ©es sur le plan social et Ă©ducatif »[T 13] et de faire des recommandations pour amĂ©liorer cette condition. Cet article constitue l’une des premiĂšres reconnaissances de l’existence de populations dĂ©favorisĂ©es en dehors des sc/st et de la possibilitĂ© d’une politique catĂ©gorielle en leur faveur.

Émergence des Other Backward Classes

Si les politiques en faveur des Dalits ont Ă©tĂ© mises en place extrĂȘmement tĂŽt, il en va diffĂ©remment pour les autres basses castes. L’expression backward classes apparaĂźt pour la premiĂšre fois en 1870 : Ă  l'Ă©poque elle dĂ©signe non seulement les Dalits mais Ă©galement les classes appartenant au varna des Shudras. Les Shudras sont partout majoritaires en Inde, mais ils englobent une multitude de jatis, certaines considĂ©rĂ©es comme trĂšs impures, bien que non intouchables, d’autres exerçant une domination locale. Les consĂ©quences de l’intouchabilitĂ© font qu’à partir de 1925 les Depressed Classes sont catĂ©gorisĂ©es Ă  part pour faire l’objet d’une politique spĂ©cifique[66]. La question des pauvres non intouchables ne ressurgit vraiment qu’aprĂšs l’indĂ©pendance. On les appelle alors « autres classes arriĂ©rĂ©es », Other Backward Classes (obc). L’utilisation du mot « classe » reflĂšte Ă  la fois l’influence socialiste — l’important ce sont les classes sociales – et gandhienne – reconnaĂźtre la caste divise la sociĂ©tĂ©[67]. Toutefois, quand une premiĂšre Backward Classes Commission est constituĂ©e en 1953 sous la prĂ©sidence de Kaka Kelalkar, elle Ă©tablit quatre critĂšres permettant de dĂ©finir le retard social (un statut social dĂ©gradĂ©, un manque gĂ©nĂ©ral d’éducation, une sous-reprĂ©sentation dans la fonction publique, une sous-reprĂ©sentation dans les secteurs du commerce et de l’industrie), et conclut que ces critĂšres sont liĂ©s Ă  un « mĂȘme dĂ©nominateur commun » : la caste[66]. La commission Kelalkar Ă©tablit ainsi la premiĂšre liste des obc, regroupant 2 399 castes reprĂ©sentant 32 % de la population, et elle formule un lien direct entre la caste et le statut socio-Ă©conomique d’une communautĂ©. Le gouvernement de l'Ă©poque rĂ©pond cependant que les efforts de dĂ©veloppement effaceraient « ces lignes de clivage social, alors que la classification de ces castes comme arriĂ©rĂ©es [risquerait] de maintenir, et mĂȘme de perpĂ©tuer, les distinctions de caste[67]. » Dans les annĂ©es qui suivent, les tribunaux indiens reprennent cette ligne et invalident les quotas pour les basses castes autres que les Dalits[68].

Il faut attendre les années 1970 pour que cette conception des basses castes évolue. AprÚs la victoire du Janata Party face aux CongrÚs en 1977, le nouveau gouvernement met en place une deuxiÚme commission nationale sur les backward classes, la commission Mandal. La commission rend son rapport en 1980, qui présente un tournant majeur dans la conception des basses castes, en considérant que :

« La caste est aussi une classe de citoyens, et si une caste dans son ensemble souffre d’un retard en termes sociaux et Ă©ducatifs, des quotas peuvent ĂȘtre introduits en sa faveur[69]. »

Elle recommande de crĂ©er un quota de 27 % de ces Other Backward Classes (obc) pour les embauches dans la fonction publique, quota qui s'ajoute Ă  ceux des Scheduled Tribes et Scheduled Castes, en respectant la dĂ©cision de la Cour suprĂȘme de ne pas avoir plus de 50 % des postes soumis Ă  un quota. À partir de l'examen des castes Ă  l'aide d'un systĂšme de points mesurant le retard social (considĂ©ration sociale par les autres classes ou castes, travail manuel, Ăąge moyen lors du mariage, participation des femmes au travail), le retard Ă©ducatif (scolarisation, Ă©chec scolaire) et le retard Ă©conomique (patrimoine de la famille, habitation, accĂšs Ă  l’eau potable, endettement), le rapport Mandal Ă©tablit une liste de 3 743 castes, reprĂ©sentant 52 % de la population.

Toutefois, on observe que les critĂšres retenus ne sont pas strictement Ă©conomiques et aboutissent Ă  faire bĂ©nĂ©ficier de quotas des castes, notamment agricoles, qui en rĂ©alitĂ© dominent socialement les autres castes de leur rĂ©gion[70]. Cela s'explique par la volontĂ© affichĂ©e de la commission Mandal de donner Ă  ces castes « le sentiment de participer Ă  la gouvernance [du] pays[69] » afin de leur donner confiance dans ce systĂšme, et mĂȘme de « [les] mobiliser politiquement »[71].

Le rapport Mandal est trÚs critiqué à sa publication. Le CongrÚs, notamment, refuse de constater la réalité de la sur-représentation des hautes castes dans le monde politique[72] et critique le fait que les critÚres retenus pour la définition des obc ne permettent pas de cibler les plus pauvres[73].

Il faut attendre un nouveau jugement de la Cour suprĂȘme en 1992, reconnaissant qu'« une caste peut ĂȘtre une classe en Inde, et c’est mĂȘme trĂšs souvent le cas[74] » pour que le rapport Mandal soit mis en Ɠuvre. Un quota de 27 % des postes de la fonction publique est alors rĂ©servĂ© aux « Socially and Educationally Backward Classes » et une Commission nationale pour les classes arriĂ©rĂ©es (National Commission for Backward Classes, ncbc), permanente, est chargĂ©e « d’examiner les demandes d’inclusion de toute classe de citoyens aux listes comme classe arriĂ©rĂ©e et de recevoir les plaintes pour la sur-inclusion ou la sous-inclusion de toute classe arriĂ©rĂ©e dans de telles listes »[75]. Dans le mĂȘme temps, des quotas rĂ©servĂ©s aux obc — en plus des rĂ©servations pour les sc/st — sont mis en place dans les panchayats puis, en 2005, le gouvernement dĂ©cide d’étendre le quota des obc de 27% Ă  l’admission dans les institutions d’enseignement supĂ©rieur gĂ©rĂ©es par le gouvernement central.

En 1993, la Cour suprĂȘme a toutefois prescrit l’exclusion des quotas de la « couche de crĂšme » (creamy layer), c’est-Ă -dire des « personnes ou sections socialement avancĂ©es parmi les obc »[76].

Les castes dans le jeu Ă©lectoral

L'Ă©mergence de la question des Other Backward Classes dans le dĂ©bat public arrive dans un contexte marquĂ©, d'une part, par de fortes inĂ©galitĂ©s Ă©conomiques et sociales et, d'autre part, par des rĂ©formes politiques (rĂ©forme agraire notamment) qui bousculent l’ordre social et font de certaines castes considĂ©rĂ©es autrefois comme basses de par leur occupation, des castes dominantes Ă©conomiquement, aboutissant Ă  ce que les groupes qui dominent une rĂ©gion se trouvent confrontĂ©s aux hautes castes qui continuent de constituer l’élite politique[77]. Alors que la domination politique du CongrĂšs national indien s'effrite, la crĂ©ation des obc comme « catĂ©gorie politique reposant sur la caste » permet dans un paysage politique changeant de mobiliser rapidement un grand nombre d'Ă©lecteurs[78]. La revendication de quotas pour les obc devient l’argument permettant la constitution d’une coalition de castes afin d’accĂ©der au pouvoir.

Selon Max-Jean Zins, la montĂ©e en puissance des obc sur le plan Ă©conomique est ainsi directement liĂ©e Ă  l'Ă©parpillement des votes entre diffĂ©rents petits partis. Alors que prĂ©cĂ©demment le CongrĂšs parvenait Ă  « capter » les leaders des castes, en particulier dalits, qui pourraient mettre en danger sa prĂ©Ă©minence, en leur proposant des responsabilitĂ©s politiques[79], Ă  partir des annĂ©es 1970 et 1980 les obc « [entendent dĂ©fendre eux-mĂȘmes leurs intĂ©rĂȘts et leur propre vision du monde »[80]. MĂ©caniquement, les partis politiques s’adaptent Ă  cette volontĂ© de reprĂ©sentation communautaire, car ils ont tout intĂ©rĂȘt Ă  baser leur plate-forme politique sur la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts communautaires, voire Ă  tenter de crĂ©er eux-mĂȘmes un sentiment d’appartenance, dans la mesure oĂč cela leur permet d’engranger les votes de communautĂ©s entiĂšres (« votebank »). Ce phĂ©nomĂšne est par exemple particuliĂšrement marquĂ© dans l’État de l’Uttar Pradesh, oĂč le CongrĂšs a Ă©tĂ© Ă©lectoralement marginalisĂ© par le bjp et deux partis rĂ©gionaux, le Bahujan Samaj Party et le Samajwadi Party, tous trois formulant leurs plates-formes politiques en termes d’identitĂ©s[81], sur lesquelles d’ailleurs repose principalement leur succĂšs Ă©lectoraux. Selon la National Election Study effectuĂ©e pour les Ă©lections Ă  la Lok Sabha de 2009, seulement 12 % des Ă©lecteurs du bsp ont soutenu ce parti parce qu’ils pensaient que son programme Ă©tait bon alors qu’un quart l’ont fait pour reprĂ©senter leur communautĂ© et 5 % parce qu’ils pensaient bĂ©nĂ©ficier de la victoire du parti[82].

Réalités sociales des castes

Inégalités, discriminations et violences persistantes

Des Dalits en train de battre du grain.
Des Dalits battant du grain prĂšs de Madurai.

Bien loin de l’objectif d’une sociĂ©tĂ© sans caste, encore rappelĂ© par Rajiv Gandhi dans son discours de 1990, les castes sont une rĂ©alitĂ© dans l’Inde contemporaine[73]. Leurs effets sont cependant difficiles Ă  mesurer car de 1951 Ă  2011, la question de la caste a disparu du recensement dĂ©cennal, seule restant la question de l’appartenance aux Scheduled Castes ou Scheduled Tribes.

Cependant, les chiffres de la National Sample Survey Organisation, qui intĂšgrent la catĂ©gorie des Other Backward Classes, « attestent clairement de la persistance des inĂ©galitĂ©s de castes dans l’Inde contemporaine »[83]. En effet, les basses castes (sc, st et obc) sont sur-reprĂ©sentĂ©es dans les catĂ©gories les plus pauvres. Dans les campagnes, ils reprĂ©sentent 83 % de la population vivant sous le seuil de pauvretĂ© alors qu’ils ne sont que 69 % de la population rurale totale. Le diffĂ©rentiel est encore plus grand en ville, oĂč ces chiffres s’établissent Ă  67 et 48 % respectivement. Les inĂ©galitĂ©s frappent en premier lieu les Dalits, puisque 36 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvretĂ© en milieu rural, contre moins de 12 % pour les hautes castes et, lĂ  encore, cette diffĂ©rence s’accentue en milieu urbain oĂč 38 % des sc vivent sous le seuil de pauvretĂ© contre moins de 10 % des hautes castes. Les obc sont globalement mieux lotis dans la mesure oĂč si la majoritĂ© d’entre eux sont considĂ©rĂ©s « trĂšs pauvres » ou « pauvres », ils sont plus Ă©quitablement rĂ©partis entre les diffĂ©rentes catĂ©gories, compte tenu du fait que la dĂ©finition retenue pour les obc par le rapport Mandal rend cette catĂ©gorie trĂšs hĂ©tĂ©rogĂšne.

Ces inĂ©galitĂ©s de richesses se retrouvent dans le type d'emploi occupĂ©. Ainsi, les hommes appartenant aux Scheduled Castes ou Scheduled Tribes ont bien plus de chance d’ĂȘtre des travailleurs irrĂ©guliers (47 % d’entre eux) et ceux appartenant aux obc sont plus souvent travailleurs indĂ©pendants (41 %). À l’autre bout de l’échelle, 44 % des employeurs et 43 % des hommes bĂ©nĂ©ficiant d’un salaire rĂ©gulier sont des hindous de hautes castes. Ainsi, non seulement les basses castes disposent globalement d’un revenu plus faible, elles ont Ă©galement des emplois plus prĂ©caires que les autres. C’est particuliĂšrement frappant en ce qui concerne les Dalits dans la mesure oĂč le type d’emploi qu’ils occupent majoritairement (travailleurs irrĂ©guliers et travailleurs indĂ©pendants) laisse penser qu’ils exercent toujours les activitĂ©s traditionnelles liĂ©es Ă  l’intouchabilitĂ© de leur caste[84].

Au-delĂ  des inĂ©galitĂ©s Ă©conomiques, les violences envers les Dalits existent toujours et ont conduit le gouvernement Ă  faire adopter le Scheduled Castes and Scheduled Tribes (Prevention of Atrocities) Act en 1989. Cette loi contraint les États Ă  dĂ©signer des tribunaux spĂ©ciaux pour traiter des crimes commis au nom de l’intouchabilitĂ© et oblige le gouvernement central Ă  leur fournir une assistance financiĂšre. Ainsi pour la pĂ©riode de 2007 Ă  2008, 358 millions de roupies ont Ă©tĂ© versĂ©es aux États et 32 407 cas d’atrocitĂ©s ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s[85].

Des centaines de milliers d'Indiens appartenant aux basses castes sont chargés de nettoyer le plus souvent sans aucune protection les tuyaux souterrains, les égouts et les fosses septiques. L'usage du nettoyage manuel tel qu'il est pratiqué est théoriquement interdit par la loi depuis 2013, mais celle-ci est difficile à appliquer, la pratique ayant souvent lieu via des sous-traitants. Des accidents mortels surviennent réguliÚrement[86].

Effets des réservations

Les rĂ©servations, c’est-Ă -dire des quotas de siĂšges ou de postes rĂ©servĂ©s Ă  certaines castes, concernent trois secteurs :

  • la reprĂ©sentation politique : des circonscriptions sont rĂ©servĂ©es lors des Ă©lections Ă  la Lok Sabha, aux Vidhan Sabhas, aux panchayats et aux conseils municipaux ;
  • la fonction publique : des quotas de postes ouverts au recrutement sont rĂ©servĂ©s pour les sc/st et les obc ;
  • l’éducation : des places sont rĂ©servĂ©es pour les sc/st et depuis peu pour les obc dans les Ă©tablissements d’enseignement supĂ©rieur.

Représentation politique

Le nombre de circonscriptions rĂ©servĂ©es aux Intouchables et Adivasis (SC/ST) est calculĂ© en fonction de leur part respective dans la population. Par exemple, dans la Lok Sabha Ă©lue en 2009, sur 545 circonscriptions, 79 sont rĂ©servĂ©es pour des candidats issus des sc et 47 pour des candidats issus des st, soit respectivement 16 % et 9 % correspondant Ă  la part des sc et st dans la population totale. Des dispositifs similaires existent au niveau local et dans chaque État. Ces rĂ©servations en faveur des Dalits et des Adivasis visent Ă  garantir Ă  ces populations une reprĂ©sentation correspondant Ă  leur poids dĂ©mographique car les discriminations dont elles sont l’objet, liĂ©es notamment Ă  l’intouchabilitĂ©, laissent supposer qu’elles seraient autrement exclues. Mais Ă  la diffĂ©rence des revendications d’Ambedkar lors des ConfĂ©rences de la Table ronde, il ne s’est jamais agi pour les Dalits d’élire leurs propres reprĂ©sentants dans les diffĂ©rentes assemblĂ©es : dans la quasi-totalitĂ© des circonscriptions, les Dalits (ou les Adivasis) forment une minoritĂ© de la population. Christophe Jaffrelot note qu’en 1961, la majoritĂ© des circonscriptions rĂ©servĂ©es comptaient entre 20 % et 30 % de Dalits et que seulement 3 en comptaient plus de 40 %[87]. DĂšs lors, les candidats, bien qu’issus de la communautĂ© dalite, doivent en appeler Ă  la population gĂ©nĂ©rale lors des campagnes Ă©lectorales. Ils n’ont donc pas de raison de dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts spĂ©cifiques des Dalits s’ils espĂšrent ĂȘtre Ă©lus. Par ailleurs, mĂȘme les Ă©lus dalits des circonscriptions rĂ©servĂ©es ne peuvent se prĂ©tendre reprĂ©sentants des Dalits dans leur ensemble puisque 75 % des membres des Scheduled Castes vivent dans des circonscriptions non rĂ©servĂ©es et sont donc reprĂ©sentĂ©s Ă  la Lok Sabha par des Ă©lus gĂ©nĂ©ralement issus de castes supĂ©rieures[79].

Un systĂšme similaire existe au niveau local mais certains États ont adoptĂ© des dispositifs supplĂ©mentaires. Ainsi, au Bengale-Occidental, non seulement des siĂšges sont rĂ©servĂ©s au sein des gram panchayats, mais une rĂ©servation existe Ă©galement au niveau du chef de village (les villages dont le poste de chef de village est rĂ©servĂ© Ă  un membre des sc/st sont dĂ©terminĂ©s par un systĂšme de rotation Ă  chaque Ă©lection). Une Ă©tude montre que dans les villages dont le chef est issu des sc ou st, les foyers dalits ou adivasis bĂ©nĂ©ficient plus qu’ailleurs des programmes gouvernementaux. Mais l’aspect clientĂ©liste de ces affectations d’aides est Ă©galement prĂ©sent, puisque l'Ă©tude note que la prĂ©sence aux meetings politiques est fortement corrĂ©lĂ©e Ă  la rĂ©ception d’aides par les participants[88].

En ce qui concerne les Other Backward Classes, ceux-ci ne bĂ©nĂ©ficient gĂ©nĂ©ralement pas de rĂ©servations dans les assemblĂ©es lĂ©gislatives. Cependant, l’émergence de la question des obc dans le dĂ©bat public a eu des effets certains sur leur reprĂ©sentation. En effet, les obc reprĂ©sentant presque partout la majoritĂ© de la population, les partis politiques ont adaptĂ© leurs discours afin de rĂ©pondre Ă  leurs revendications. Mais ce faisant, ils ont aussi prĂ©sentĂ© plus de candidats issus de ces communautĂ©s :

« Ces formations [...] donnÚrent leur investiture à des candidats de basses castes en plus grand nombre à partir de 1991, et ce avec un succÚs croissant car les obc [...] votaient désormais pour les leurs [...][74] »

Ainsi, la part des obc parmi les dĂ©putĂ©s s’est accrue : en Inde du Nord, ils Ă©taient 25 % en 1996 contre seulement 11 % en 1984. Dans le mĂȘme temps, la proportion des Ă©lus de hautes castes passe de 47 % Ă  37 %[74].

Emplois

La politique de quotas dans la fonction publique est introduite en 1934 par les Britanniques car, plusieurs annĂ©es aprĂšs la crĂ©ation d’écoles rĂ©servĂ©es, il apparaĂźt que les membres des Depressed Classes, mĂȘme instruits, ne parviennent pas Ă  trouver d’emplois. Une rĂ©servation de 8,5 % des postes vacants de la fonction publique est donc instaurĂ©e, chiffre portĂ© Ă  12,5 % en 1946 pour ĂȘtre proportionnel Ă  la part des Dalits dans la population. À ces rĂ©servations furent ajoutĂ©es celles des Scheduled Tribes au moment de l’IndĂ©pendance puis, Ă  partir de 1992, un quota de 27 % pour les obc. Signalons Ă©galement qu’un certain nombre d’États princiers, dont les souverains sont issus de castes shudras, ont tentĂ© de lutter contre l’influence des Brahmanes dans leurs administrations en instaurant des quotas pour les backward classes[89].

Parmi les effets de telles rĂ©servations, il Ă©tait attendu qu'en offrant aux Dalits un dĂ©bouchĂ© dans l’administration, il deviendrait possible de les extraire de leurs activitĂ©s traditionnelles associĂ©es Ă  leur caractĂšre « polluant » et donc thĂ©oriquement d’attĂ©nuer les effets de l’intouchabilitĂ©. Dans les faits c'est difficilement le cas, car lorsque l’on regarde la proportion des Scheduled Castes dans l’administration indienne, on observe que ceux-ci sont sur-reprĂ©sentĂ©s dans la catĂ©gorie infĂ©rieure des fonctionnaires, entre 17 % et 20 % des effectifs suivant les annĂ©es, et que leur proportion n’augmente que trĂšs lentement dans les autres catĂ©gories. Dans la catĂ©gorie supĂ©rieure, leur prĂ©sence reste trĂšs marginale, passant pĂ©niblement de 0,53 % en 1953 Ă  8,23 % en 1987[90]. Ainsi, les quotas de sc/st ne sont remplis que pour les basses catĂ©gories, c’est-Ă -dire celles s’occupant principalement du nettoyage des lieux publics[91]. Les Dalits continuent d’exercer dans la fonction publique les occupations qu’ils exercent traditionnellement, mĂȘme s'il ne faut pas sous-estimer les avantages offerts par le statut de fonctionnaire dans un pays oĂč moins de 10 % de la force de travail est occupĂ©e dans le « secteur organisĂ© »[92]. Une Ă©tude de 2007 a dĂ©montrĂ© que les rĂ©servations ont augmentĂ© la reprĂ©sentation des Scheduled Castes et des Scheduled Tribes dans l’emploi salariĂ© d’au moins 5 %[93].

En ce qui concerne les obc, des Ă©tudes effectuĂ©es dans les annĂ©es 1980 montrent qu'ils sont nettement sous-reprĂ©sentĂ©es parmi les hauts fonctionnaires : entre 5 % et 12,5 %, soit pour l’hypothĂšse haute le tiers seulement de la population estimĂ©e des Shudras. Mais malgrĂ© la mise en place des rĂ©servations pour les obc Ă  partir de 1992, il est difficile depuis de trouver de la documentation Ă©tablissant leur proportion dans l’administration, car il semblerait que les ministĂšres soient rĂ©ticents Ă  fournir les donnĂ©es nĂ©cessaires[94].

Éducation

Une Ă©tude de C.P. Chauhan[95] compare la part des sc, st et obc dans la population et parmi les Ă©lĂšves des diffĂ©rents niveaux d’éducation.

En ce qui concerne les sc/st tout d’abord, les chiffres montrent qu’ils ont toujours eu un taux d’alphabĂ©tisation infĂ©rieur au reste de la population. Les taux d’alphabĂ©tisation pour la population gĂ©nĂ©rale Ă©taient de 16,7 % en 1951 et 64,4 % en 2001 (+286 %), pour les Scheduled Castes, ces taux s’établissent Ă  8 % en 1951 et 54,3 % en 2001 (+578 %), et pour les Scheduled Tribes ils sont de 5 % et 46,3 % (+826 %). Ces chiffres montrent que malgrĂ© la diffĂ©rence, l’alphabĂ©tisation a progressĂ© plus rapidement parmi les sc que dans le reste de la population. Ces bons rĂ©sultats sont Ă  mettre en lien avec le taux de scolarisation des enfants issus des sc/st au niveau primaire. En effet, dans les Ă©coles Ă©lĂ©mentaires ceux-ci sont prĂ©sents dans la mĂȘme proportion que leur population, ce qui dĂ©note un taux de scolarisation satisfaisant Ă  ce niveau. En revanche, Ă  partir du niveau secondaire, la part des sc/st se rĂ©duit notamment parce que l’échec scolaire est beaucoup important pour ces Ă©lĂšves que pour les Ă©lĂšves de plus hautes castes. La situation est encore plus critique dans l’enseignement supĂ©rieur, oĂč les Scheduled Castes ne reprĂ©sentent que 9,9 % des inscrits, et les Scheduled Tribes 3,7 %.

Concernant les obc, la situation est plus difficile Ă  Ă©valuer car il n’existe pas de statistiques officielles concernant leur population. Une Ă©tude dĂ©montre cependant que la proportion des obc s’établirait Ă  25,5 % parmi les hommes Ă©tudiant dans l’enseignement supĂ©rieur[96]. Ce chiffre est trĂšs proche du quota de 27 % mis en place en 2006 par le gouvernement central dans les Ă©tablissements qu’il gĂšre.

Génétique

En 2018, une large Ă©tude gĂ©nĂ©tique portant sur la formation gĂ©nomique de l'Asie du Sud et centrale constate que certains groupes se dĂ©marquent du modĂšle gĂ©nĂ©ral, chacun d'entre eux prĂ©sentant un mauvais ajustement et des niveaux d'ascendance steppique significativement plus Ă©levĂ©s que la moyenne. Les signes les plus marquĂ©s de l'ascendance steppique Ă©levĂ©e Ă©taient ceux de deux groupes traditionnellement sacerdotaux, censĂ©s ĂȘtre les gardiens des textes Ă©crits en sanscrit.

Selon les chercheurs de cette étude : « Une explication possible est que l'afflux d'ascendance steppique en Asie du Sud au milieu du IIe millénaire avant notre Úre a créé une méta-population de groupes ayant des proportions différentes d'ascendance steppique, un groupe ayant relativement plus d'ascendance steppique dans la propagation de la culture védique précoce. En raison des rÚgles strictes en matiÚre d'endogamie en Asie du Sud, qui ont gardé certains groupes isolés de leurs voisins pendant des milliers d'années, une partie de cette infrastructure au sein de la population indienne persiste encore... »[97]

Notes et références

Notes

  1. Karade states, "the caste quarantine list was abolished by independent India in 1947 and criminal tribes law was formally repealed in 1952 by its first parliament"[15]
  2. « Varáč‡a signifie « classe » et aussi « couleur », mais essentiellement « classe » quand il s'agit de groupes de choses ou d'ĂȘtres vivants, car les noms des varáč‡a humains servent aussi Ă  dĂ©signer des sortes de pierres prĂ©cieuses ou des sortes d'Ă©lĂ©phants, distinguĂ©es par les odeurs, la nourriture et non les couleurs. Cependant les varáč‡a humains ont des couleurs emblĂ©matiques. » Filliozat.
  3. Dalits, Intouchables, Harijans, Scheduled Castes et Depressed Classes sont des termes Ă©quivalents : « Intouchables » est l’appellation traditionnelle, toujours la plus commune en français, « Dalits » a Ă©tĂ© popularisĂ© par Ambedkar, « Harijans » par Gandhi, « Scheduled Caste » est le terme officiel utilisĂ© par le gouvernement indien, « Depressed Classes » Ă©tait le terme utilisĂ© par le gouvernement de l’Inde britannique jusqu’en 1935. « Dalits » est aujourd'hui le terme prĂ©fĂ©rĂ© en Inde en dehors des contextes officiels oĂč « Scheduled Castes » prĂ©vaut.
  4. « En dĂ©pit des diffĂ©rences fondamentales entre les varáč‡a (classes) et jāti (espĂšces), comme ces derniĂšres rentrent pour la plupart dans les quatre grandes classes, il arrive frĂ©quemment, mĂȘme dans les textes indiens, que les deux termes soient employĂ©s l'un pour l'autre, ce qui a favorisĂ© leur traduction commune par « caste ». » Filliozat.
  5. En sociologie et en ethnologie, un connubium désigne un systÚme de relations matrimoniales entre des groupes ethniques.

Traductions

  1. « Sikhism did not lead to the creation of an egalitarian community or end of caste hierarchy and discrimination ».
  2. « Caste was seen as the essence of Indian society, the system through which it was possible to classify all of the various groups of indigenous people according to their ability ».
  3. « when we speak of ‘professional criminals’ we
 (mean) a tribe whose ancestors were criminals from time immĂ©morial, who are themselves destined by the usages of caste to commit crime, and whose descendants will be offenders against the law ».
  4. « Great hopes were raised among the Depressed Classes by the advent of the British Rule. Firstly, because it was a democracy which, they thought, believed in the principle of one man one value. ».
  5. « races, castes or tribes ».
  6. « it must be recognized that the Hindus observe Caste not because they are inhuman or wrong headed. They observe Caste because they are deeply religious. People are not wrong in observing Caste. In my view, what is wrong is their religion ».
  7. « Can an Untouchable be held to be part of the Hindu Society? Is there any human tie that binds them to the rest of the Hindus? There is none. There is no connubium. There is no commensalism. There is not even the right to touch; much less to associate. Instead, the mere touch is enough to cause pollution to a Hindu. The whole tradition of the Hindus is to recognise the Untouchable as a separate element and insist upon it as a fact ».
  8. « The better way therefore, perhaps, is for the Panchamas heartily to join the great national movement that is now going on for throwing off the slavery of the present Government. [...] Non co-operation against this evil Government pre-supposes cooperation. between the different sections forming the Indian nation.
    Non-co-operation against the Government means cooperation among the governed, and if Hindus do not remove the sin of untouchability, there will be no Swaraj whether in one year or in one hundred years. Swaraj is as unattainable without the removal of the sins of untouchability as it is without Hindu-Muslim unity/
    »
    .
  9. « Separate electorates to the 'Untouchables' will ensure them bondage in perpetuity. The Musalmans will never cease to be Musalmans by having separate electorates. Do you want the 'Untouchables' to remain 'Untouchables' for ever ? Well, the separate electorates would perpetuate the stigma. [...] With adult franchise, you give the 'Untouchables' complete security. Even the orthodox would have to approach them for votes ».
  10. « ‘Untouchability’ is abolished and its practice in any form is forbidden. The enforcement of any disability arising out of ‘Untouchability’ shall be an offence punishable in accordance with law ».
  11. « (1) The State shall not discriminate against any citizen on grounds only of religion, race, caste, sex, place of birth or any of them. (2) No citizen shall, on grounds only of religion, race, caste, sex, place of birth or any of them, be subject to any disability, liability, restriction or condition with regard to— (a) access to shops, public restaurants, hotels and places of public entertainment; or (b) the use of wells, tanks, bathing ghats, roads and places of public resort maintained wholly or partly out of State funds or dedicated to the use of the general public. ».
  12. « Notwithstanding anything in the foregoing provisions of this Part, the provisions of this Constitution relating to the reservation of seats for the Scheduled Castes and the Scheduled Tribes in the House of the People and in the Legislative Assemblies of States [...] shall cease to have effect on the expiration of a period of twenty years from the commencement of this Constitution. ».
  13. « the conditions of socially and educationally backward classes ».

Références

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  7. Simon Cole, Suspect identities : a history of fingerprinting and criminal identification, Cambridge, MA, Harvard University Press, , 67–72 p. (ISBN 978-0-674-01002-4) :
    « " [British] amateur ethnographers believed that Indian castes, because of their strictures against intermarriage, represented pure racial types, and they concocted the notion of racially inferior criminal castes or 'criminal tribes', inbred ethnic groups predisposed to criminal behavior by both cultural tradition and hereditary disposition" »
  8. Dirks (2001a), p. 176–188.
  9. Henry Schwarz, Constructing the criminal tribe in colonial India : acting like a thief, US, Wiley-Blackwell, , 69–78 p. (ISBN 978-1-4051-2057-9)
  10. Henry Schwarz, Constructing the criminal tribe in colonial India : acting like a thief, US, Wiley-Blackwell, , 71–74 p. (ISBN 978-1-4051-2057-9)
  11. Birinder P. Singh, Criminal tribes of Punjab : a social-anthropological inquiry, New York, Routledge, , liv–lvi, Introduction (ISBN 978-0-415-55147-2)
  12. Vinayak Chaturvedi, Peasant pasts history and memory in western India, Berkeley, University of California Press, , 122–126 p. (ISBN 978-0-520-25076-5, lire en ligne) :
    « " In 1911, the entire Dharala [a Rajput caste] population of nearly 250,000 individuals in Kheda district was declared a criminal tribe under Act IIII of 1911, the Criminal Tribes Act." »
  13. Mark Brown, Penal power and colonial rule, Routledge, , 176, 107, 165–188 (ISBN 978-0-415-45213-7) :
    « "[The] criminal tribes are destined by the usage of caste to commit crime and whose dependents will be offenders against the law, until the whole tribe is exterminated or accounted for..." »
  14. A. Yang, Crime and criminality in British India, US, University of Arizona Press, , 112–127 (ISBN 978-0-8165-0951-5, lire en ligne)
  15. Jagan Karade, Development of scheduled castes and scheduled tribes in India, Newcastle, UK, Cambridge Scholars, , 25, 23–28 (ISBN 978-1-4438-1027-2)
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Voir aussi

En français

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En anglais

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Articles connexes

Liens externes

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