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Bateau-phare

Un bateau-phare (ou bateau-feu) est un bateau de construction spéciale, faisant partie de la flotte des bateaux de servitude (ou bateaux « spécialisés », ou « de service »), doté d'un mât tubulaire portant un phare, parfois deux à l'image de certains lightships américains ou canadiens (exemple : le White Island). Il était destiné à faciliter la navigation en indiquant un danger à l'approche des côtes (le plus souvent) ou dans les passes étroites ou difficiles (lacs, estuaires).

Phare d'un bateau-feu dans la nuit (Sandettié)

Présentation

Bateau-feu à gaz sans gardien (Phares et balises de La Pallice) en 1919, impliqué dans le naufrage du paquebot Afrique.
L’Elbe 1 à Cuxhaven

Les bateaux-feux[1] sont surtout des produits de la deuxième moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Auparavant, des bouées furent d'abord installées pour signaler les bancs de sable stables dans le but de réduire les risques encourus par les bateaux naviguant près des côtes. Progressivement les bancs les plus connus furent indiqués par des bateaux équipés d'une lanterne conséquente. Le premier vrai bateau-feu, le Nore, est mouillé à l'entrée de la Tamise en 1732. Si certains étaient construits spécifiquement pour cet usage, beaucoup seront d'abord des bateaux modifiés, initialement en bois. On commencera réellement à construire des bateaux-feux en série en Angleterre à partir de 1823.

Ces bateaux étaient mouillés en mer, au moyen d'une ancre spéciale, à proximité des hauts-fonds dangereux dont ils signalaient la présence. Ils se trouvaient également aux embouchures des fleuves et dans les passes navigables où il était difficile d'aménager un phare pour délimiter un chenal par manque de fond rocheux. Certains étaient maintenus et manœuvrés par un équipage, d'autres, à fonctionnement automatique, étaient mouillés comme des bouées.

Pour les bateaux-feux habités, la vie à bord de ces navires stationnaires n'était pas toujours facile. Du fait de leur situation immobile, le roulis était impossible à contrecarrer et par gros temps, il incommodait même les plus aguerris des équipages. Le reste du temps, c'était la routine et la monotonie qui s'installaient. Certains ont dès lors servi progressivement de stations météo, d'analyse et d'alerte marine : les bateaux-météo.

Ces bateaux seront utilisés dans un grand nombre de pays du Nord de l'Europe (Allemagne, Grande-Bretagne, Norvège, Suède, France, etc.) ainsi qu'en Amérique du Nord, notamment aux États-Unis. En Europe notamment, les bateaux-feux changeaient de nom selon les bancs de sable où ils étaient affectés (Mardyck puis Dyck, Sandettié, Ruytingen, Bassurelle ou Snouw). Avec la généralisation des balises automatiques et l'avènement des techniques de navigation modernes, leur usage a cependant presque disparu.

En France, le service des phares et balises conçut ce genre de navire Ă  l'imitation de ce qui Ă©tait dĂ©jĂ  pratiquĂ© en Angleterre. Trois ports avaient besoin de bateaux-feux pour Ă©clairer leurs approches : Dunkerque, Boulogne et Le Havre. Ă€ la fin de la Seconde Guerre mondiale, la flotte française est rĂ©duite Ă  trois bâtiments, dont le Dyck construit en 1935 et le SandettiĂ© construit en 1912. Deux nouveaux bâtiments seront mis en chantier : le BF6 (futur SandettiĂ©) et le BF7 (futur Bassurelle). En 126 ans, pas moins de 16 bâtiments se succĂ©dèrent ainsi dans le pas de Calais jusqu'en 1989.

Au Canada, les bateaux-feux seront surtout utilisés dans le Saint-Laurent et les grands lacs intérieurs (Saint-Louis ou Saint-François notamment). En 1867, on dénombrait plus d'une douzaine.*

Accidents de bateaux-feux

- Ayant cassé sa chaîne le bateau-feu Mardyck et son équipage sont sauvés par un remorqueur[2].

- Ayant cassé sa chaîne le bateau-feu Ruytingen et son équipage sont sauvés par un remorqueur[3].

- Le feu flottant Ruytingen a été abordé, dans la nuit de jeudi à vendredi, par un brick-goélette inconnu. Il est sauvé avec son équipage par un remorqueur[4].

- Le feu flottant Dyck casse sa chaîne, le bateau-feu et son équipage sont sauvés par un remorqueur[5].

11 aoĂ»t 1903 - Le feu flottant Sandettie est abordĂ© par un vapeur de Lubeck - L'Ă©quipage a Ă©tĂ© sauvĂ© et ramenĂ© Ă  Flessingues[6].

- Le feu flottant Sandettie est abordé en pleine tempête. Son équipage pompera l'eau durant 36 heures. Il sera ramené au port par le baliseur des Ponts-et-Chaussées[6].

- Incendie ou abordage du flottant Ruytingen (Selon des sources diverses)[7].

11-12 janvier 1920 - Le paquebot L'Afrique, avec à son bord 600 personnes dont 192 tirailleurs sénégalais, des missionnaires, des colons et autres passagers, se heurte avec un bateau-feu au large de la Gironde, ce qui entraîne par le fond L'Afrique[8]. Seuls 34 passagers survivent à l'accident.

- Pris dans une tempête, le Dyck finit échoué entre Hemmes et Oye. Les sauveteurs de la SCSN de Calais et Dunkerque présents sur place sauveront 3 personnes, 4 personnes y laisseront la vie[9].

- Lors de la Bataille de Dunkerque, Le Dyck est attaqué par la Luftwaffe. Atteint par des bombes, il coule. L'équipage, sain et sauf, est recueilli par une chaloupe du second dragueur, le Joseph Marie[10].

Bateaux-feux encore visibles

Le Kemi en Finlande
Le Batofar Ă  Paris
France

Aucun bateau-feu français n'est encore en activité. Fin 2018 il n'en subsiste que cinq dont deux seulement sont originaires de France. Ils sont tous en bon état.

  • Le bateau-feu d'origine irlandaise Osprey (1955) (rebaptisĂ© Batofar), sur les quais de Seine Ă  Paris, est transformĂ© en bar et salle de concerts de styles très divers[11].
  • Le bateau-feu d'origine suĂ©doise Falsterborev fut finalement transformĂ© un temps en restaurant. AbandonnĂ© ensuite dans le port du Havre, il a coulĂ© en 2007 mais son dĂ©mantèlement n'est entrepris que fin 2012[12].
  • Le bateau-feu français Havre III (ex-Dyck), Ă©galement au Havre, se visite depuis sa restauration ; il a Ă©tĂ© construit en 1935 et affectĂ© au Havre en 1948 Ă  7 milles au sud du cap de la Hève jusqu'en 1981, oĂą il a Ă©tĂ© remplacĂ© par une bouĂ©e-phare. Il est amarrĂ© dans le bassin Vauban, devant le centre commercial des Docks Vauban, au Havre (ancien musĂ©e maritime et portuaire).
  • Le bateau-feu d'origine anglaise Scarweather est visible au port musĂ©e de Port-Rhu Ă  Douarnenez depuis 1991, après une carrière au large de Bristol[13]. C'est le dernier bateau-feu construit en Angleterre en 1947. Il n'est pas visitable.
  • Le bateau-feu français SandettiĂ©, ou BF6 (1947), Ă©galement reconverti en bateau musĂ©e, classĂ© monument historique, fait partie depuis 1997 de la « collection Ă  flot » du MusĂ©e portuaire de Dunkerque ; ce dernier disposait Ă©galement du Dyck (BF2, ex-Havre II) qui a finalement Ă©tĂ© mis en dĂ©molition en juin 2008 ; classĂ© Ă©galement monument historique, il a Ă©tĂ© dĂ©classĂ© en 2004[14].
  • Le Lightship no. 94 (LV 94) construit Ă  l'origine pour la Trinity House Lighthouse Service en 1939 et affectĂ© Ă  Londres. Il sert un temps de MusĂ©e Ă  Amsterdam puis de salle de confĂ©rence avant d'ĂŞtre rachetĂ© par un investisseur français pour ĂŞtre reconverti en salle de spectacle[15] et amarrĂ© Ă  Lyon[16]. Dans cette perspective il est renommĂ© Razzle mais le bateau est refusĂ© par la ville de Lyon et reste bloquĂ© Ă  L'Estaque [17]. Le navire est finalement amarrĂ© le 19 fĂ©vrier 2021 au quai d'Alger, Ă  Sète, pour cĂ©lĂ©brer l'annĂ©e du centenaire de la naissance de Georges Brassens[18]. Ă€ cette occasion il est renommĂ© Roquerols en hommage au rocher de Roquerols[19] entre Sète et Balaruc-les-Bains, sur l'Étang de Thau oĂą Georges Brassens aimait se rendre[20].
Autres pays
  • Le bateau-feu anglais Calshot Spit est aujourd'hui une attraction Ă  l'Ocean Village marina de Southampton (Grande-Bretagne).
  • Le bateau-feu anglais Helwick LV-14 est maintenant amarrĂ© dans la marina de Swansea (Pays de Galles). Autrefois, il Ă©tait ancrĂ© au large de Rhossili pour signaler un dangereux banc de sable.
  • Le bateau-feu belge West-Hinder a Ă©tĂ© transformĂ© en bateau musĂ©e dans le port de Zeebruges après une carrière au large d'Ostende jusqu'en 1994.
  • Le bateau-feu suĂ©dois Finngrundet, visible au musĂ©e Vasa de Stockholm depuis 1970 après une carrière au sud du golfe de Botnie.
  • Le bateau-feu finlandais Kemi, basĂ© dans le Nord du golfe de Botnie, a Ă©tĂ© en restauration Ă  Kotka. Il est visible depuis l'Ă©tĂ© 2009.
  • Le bateau-feu finlandais Relandersgrund sert depuis 2008 de cafĂ©-bar Ă  Helsinki.
  • Le bateau-feu Noord hinder est Ă  Amsterdam.
  • Le bateau-feu Fehmarnbelt est aujourd'hui au Museum ship de LĂĽbeck (Allemagne).
  • Le bateau-feu d'origine anglaise Trinity House LV-11 (rebaptisĂ© Breeveertien) sert de restaurant Ă  Rotterdam (Pays-Bas).
  • Le bateau-feu allemand Elbe 1 est un bateau musĂ©e Ă  Cuxhaven.
  • Le bateau-feu allemand Borkumriff IV serait visible au Nationalparkschiff Borkumer Schutzhafen.
  • Le FS Senator Brockes (rebaptisĂ© Europa) a Ă©tĂ© construit Ă  Hambourg en 1911. Il devient un bateau-feu Ă  partir de 1970 servant Ă  Ă©clairer l’embouchure de l’Elbe. Il est transformĂ© Ă  nouveau depuis les annĂ©es 1990 en trois-mâts barque. BasĂ© Ă  Amsterdam, il navigue toujours en 2008.
  • Le bateau-feu amĂ©ricain Columbia, WLV-604, aujourd'hui au Columbia River Maritime Museum (Oregon). Il est dotĂ© de deux phares.
  • Le bateau-feu amĂ©ricain Portsmouth LV-101 est un bateau musĂ©e au Naval Shipyard Museum de Portsmouth.
  • Le bateau-feu amĂ©ricain Huron LV-103 est un bateau musĂ©e au Pine Grove Park (Michigan).
  • Le bateau-feu amĂ©ricain Nantucket LV-112 est un bateau musĂ©e exposĂ© Ă  Boston.
  • Le bateau-phare "Le Roquerols" Ă  Sète.

Divers

  • L'Ă©pave d'un bateau-feu se trouve depuis 1943 au large de Landemer (Ă  l’ouest de Cherbourg) et constitue un lieu de plongĂ©e apprĂ©ciĂ©. Son identitĂ© est inconnue, c'est probablement un bâtiment d'origine belge rĂ©quisitionnĂ© par l'Allemagne[21].
  • Une exposition mobile prĂ©sentĂ©e dans une remorque routière façon bateau-phare ludique, a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par l'artiste maritime Ramine[22] avec l’aide des Ă©tudiants du lycĂ©e Vauban-Kerichen de Brest. Cette exposition fut prĂ©sentĂ©e pour la première fois lors de Brest 2004. L'exposition sur l'histoire des bateaux-phares est constituĂ©e de textes, de photographies anciennes, de dioramas et de maquettes[23]. Depuis 2004 le BatoExpo a voyagĂ© Ă  travers la France et la Belgique.
  • Le Bateau-phare est le titre d'un film amĂ©ricain sorti en 1985 (titre original : The Lightship), rĂ©alisĂ© par Jerzy Skolimowski.
  • Le Bateau-phare est le titre d'un roman de Siegfried Lenz, Ă©ditions Belfond, 1998 (Le bateau-phare Hatteras est en couverture).
  • L'entretien d'un bateau-phare sur les bancs de Grisbadarna, lieu de pĂŞche prisĂ©, a pu servir Ă  dĂ©montrer les droits de la Suède sur ces lieux marins, face Ă  la Norvège qui les contestait[24].

Notes et références

  1. Les Archives nationales conservent, sous la cote CP/F/14/17522/2, et , 58 plans de bateaux-feux implantés dans le département du Nord datant de 1896 à 1921.
  2. Philippe Boutelier, « Sauvetage du bateau feu Mardyck », sur https://www.sauveteurdudunkerquois.fr
  3. Philippe Boutelier, « 1993 Sauvetage du Ruytingen », sur https://www.sauveteurdudunkerquois.fr
  4. Philippe Boutelier, « Sauvetage des bateaux feu DYCK et RUYTINGEN », sur https://www.sauveteurdudunkerquois.fr
  5. Philippe Boutelier, « 3 Février 1902 Sauvetage du bateau feu Dyck », sur https://www.sauveteurdudunkerquois.fr
  6. Philippe Boutelier, « Sauvetage du Sandettié », sur www.sauveteurdudunkerquois.fr]« Sauvetage du Sandettié », sur www.sauveteurdudunkerquois.fr.
  7. Philippe Boutelier, « 30 juin 1906 *Sauvetage du feu flottant RUYTINGEN* », sur https://www.sauveteurdudunkerquois.fr
  8. AJ+ français, « L’histoire tragique des tirailleurs naufragés de “L’Afrique” »,
  9. Philippe Boutelier, « 13 décembre 1933 Sauvetage du Dyck », sur https://www.sauveteurdudunkerquois.fr
  10. Philippe Boutelier, « 1940 Sauvetage du Dyck », sur https://www.sauveteurdudunkerquois.fr
  11. « Présentation du Batofar » (consulté le )
  12. LeHavre-Falsterborev-bateau-feu
  13. Selon JĂ©rĂ´me Billard
  14. Sur le site de La Voix du Nord : « Devenu inutile, le bateau-feu Dyck est ferraillé au port ouest »
  15. Le Razzle, le bateau phare culturel qui attend son heure sur www.tourisme-marseille.com (consulté le 6 février 2019)
  16. Marseille : le bateau-phare va mettre le feu Ă  la nuit
  17. Amarré à l’Estaque, le Razzle veut éclairer la nuit marseillaise
  18. Le bateau du centenaire de Brassens est arrivé à Sète
  19. Sète : le rocher mystérieux de l'étang de Thau
  20. Thau : le refuge secret de Brassens
  21. Description, sur un site de lieux de plongée
  22. Site web de Ramine
  23. Site consacré au bateau-phare roulant BatoExpo
  24. Cf. (en + fr) Vincent Coustère et Pierre Michel Eisemann (prĂ©f. Suzanne Bastid), RĂ©pertoire de la jurisprudence arbitrale internationale [« Repertory of International Arbitral Jurisprudence: 1794-1918 »], Dordrecht Boston Norwell, MA, Martinus Nijhoff Publishers Sold and distributed in the U.S.A. and Canada by Kluwer Academic Publishers, (ISBN 978-90-247-3760-4 et 978-9-024-73761-1, OCLC 489946784, lire en ligne), p. 86-88

Voir aussi

Bibliographie

  • Dictionnaire Gruss de Marine, Éditions Maritimes et d'Outre-Mer
  • Gilles Barnichon, Navires spĂ©cialisĂ©s, Éditions MDV MaĂ®tres du vent, 2006
  • Les Bateaux-feux : histoire et vie des marins de l'immobile, coĂ©ditĂ© par Somogy et le MusĂ©e portuaire de Dunkerque.
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