Bataille d'Auray (1815)
La bataille d'Auray se déroule le lors de la chouannerie de 1815. Elle s'achève par la victoire des impériaux qui repoussent les chouans et prennent d'assaut la ville d'Auray.
Empire français | Chouans |
• Auguste Julien Bigarré • Guillaume-Charles Rousseau | • Louis de Sol de Grisolles • Marc-Antoine de La Boëssière de Lennuic • Joseph Cadoudal • Yves Le Thieis • Louis-Joseph de Margadel • Julien Guillemot • Claude-René Guezno de Penanster • Louis-Jacques de Sécillon • Jean Rohu • Guillaume Gamber • Gabriel de Francheville |
20 morts[5] 185 blessés[5] | ~ 100 morts[6] ~ 100 blessés[6] 1 canon capturé[4] 1 obusier capturé[4] |
Batailles
Coordonnées | 47° 40′ 07″ nord, 2° 58′ 53″ ouest |
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Prélude
Après sa victoire à la bataille de Muzillac contre la garnison de Vannes commandée par le général Rousseau, l'armée royaliste de Louis de Sol de Grisolles accueille un débarquement d'armes dans la crique de Foleu[7], à 25 kilomètres en amont de l'embouchure de la Vilaine[8] - [3]. Les chouans reçoivent alors des Britanniques 8 000 fusils et carabines[3] - [7], des munitions ainsi qu'un canon et un obusier[3]. Ils regagnent ensuite Rochefort-en-Terre[8].
Ce succès n'est cependant pas exploité par Sol de Grisolles, qui se préoccupe de répartir équitablement les armes anglaises entre les différentes légions[3]. Encombré par son convoi, il ne marche ni sur Pontivy ni sur Vannes, mais se porte en direction de la côte pour préparer un second débarquement à Carnac[7]. Cependant, il laisse ainsi le temps aux troupes impériales de se réorganiser[7] - [3].
Le 18 juin, le général Auguste Julien Bigarré arrive de Rennes avec des renforts et fait sa jonction à Ploërmel avec les troupes du général Rousseau, sorties de Vannes[7]. Sol de Grisolles est informé de ce mouvement alors qu'il se trouve le même jour à Plaudren avec 5 000 hommes[9]. Cependant, il refuse d'intercepter la colonne de Rousseau et laisse les impériaux effectuer leur jonction[9] - [10].
Le 19 juin, l'armée de Sol de Grisolles quitte Plaudren et gagne la ville d'Auray[9]. De leur côté, les impériaux sortent de Ploërmel le 18 et se portent ensuite sur Josselin, puis Grand-Champ et enfin Sainte-Anne-d'Auray, à cinq kilomètres au nord de la ville d'Auray[1]. Quatre colonnes convergent alors sur Auray : de Ploërmel par Grand-Champ, de Pontivy par Pluvigner, de Lorient par Landévant et de Vannes par Pontsal[7]. Dos à la mer, les chouans ne peuvent plus éviter le combat[7].
Forces en présence
Dans son rapport, Bigarré affirme être à la tête de 1 550 hommes[1]. Dans leurs mémoires, les officiers royalistes Julien Guillemot[A 1] et Marc-Antoine de La Boëssière de Lennuic[A 2], évaluent quant à eux le nombre des impériaux à 3 000[11] - [6]. La colonne est notamment constituée de nombreux étudiants en droit, fer de lance des « fédérés »[3]. Des voltigeurs et des dragons forment l'avant-garde, sous les ordres du chef d'escadron Carabène[1] - [12].
L'armée royaliste du Morbihan, placée sous le commandement supérieur de Louis de Sol de Grisolles, est constituée de la légion de Bignan, commandée par Yves Le Thieis ; de la légion d'Auray, commandée par Joseph Cadoudal, avec pour second Jean Rohu ; de la légion de Vannes, commandée par le chevalier Louis-Joseph de Margadel ; de la légion de la Redon, commandée par Louis-Jacques de Sécillon ; de la légion de Pontivy, commandée par Julien Guillemot[A 3] ; et de la légion de Gourin, commandée par Claude-René Guezno de Penanster[13]. À Auray, elle forme au total 8 000 hommes[2] - [3]. Parmi eux figurent quelques centaines de soldats et de marins déserteurs, qui selon le rapport de Bigarré « fermaient les têtes des colonnes de ces masses de paysans et cherchaient pas leur exemple à leur inspirer plus de fermeté »[14]. L'artillerie est constituée d'un canon de 5 livres et d'un obusier[2] débarqués par les Britanniques près de Muzillac le 12 juin[3].
DĂ©roulement
La veille de la bataille, les troupes de Bigarré campent au couvent de Sainte-Anne d'Auray, tandis que les forces royalistes sont positionnées à Auray et à Brech[10]. Les deux armées sont alors séparées par la rivière du Loc'h[10].
Sol de Grisolles fait déployer ses troupes pour défendre quatre ponts sur le Loc'h : le pont de Tren-Rousse — ou Treuroux — le plus au nord, situé entre Brech et Plumergat ; le pont de Brech, situé près du bourg ; le pont de Théoret, près du champ des martyrs ; et le pont de Saint-Goustan, à l'entrée est d'Auray, sur la route de Vannes[11]. La légion de Bignan prend position à Brech et son 4e bataillon est chargé de la défense du pont[9]. La légion d'Auray défend quant à elle les trois autres ponts[11]. Environ 500 à 600 hommes de la légion de Redon commandés par Sécillon prennent également position au pont de Théoret, où se trouvent Cadoudal et Rohu, ainsi que les deux pièces d'artillerie[11]. Malgré l'avis insistant de Guillaume Gamber, Sol de Grisolles refuse de lancer une attaque de nuit contre le camp des impériaux[10] et se rend à Carnac, où il rencontre l'amiral britannique Henry Hotham[15]. C'est finalement Bigarré, qui prend l'initiative d'une attaque nocturne[10].
À trois heures du matin, les impériaux se mettent en marche[10] - [1]. L'attaque est lancée au nord de Brech par les voltigeurs et les dragons de Carabène, qui forment l'avant-garde[1]. Ces derniers trouvent le pont de Tren-Rousse abandonné par ses défenseurs et peuvent ainsi franchir le Loc'h sans rencontrer de résistance[11] - [10]. Après avoir ainsi passé la rivière, les impériaux attaquent le bourg de Brech par le nord, où ils surprennent totalement la légion de Bignan sur son flanc et la mettent en fuite en lui infligeant de lourdes pertes[11] - [6] - [10].
Alertées, les forces de Cadoudal, Sécillon, Gamber et Rohu se rangent en bataille sur la lande de Poublaie — aussi appelée Poulle-Baille ou Lan-er-Reux — au nord d'Auray, avec leur canon et leur obusier[2] - [1] - [11]. De leur côté, les impériaux s'alignent en ordre et en silence, sans s'affoler des tirs essuyés[16]. Ils poussent ensuite des cris de « vive l'empereur! », puis avancent en ordre serré, baïonnette au canon[16]. Habitués à combattre en tirailleurs, les chouans ne tiennent pas le choc sur ce terrain découvert et leur ligne s'effondre sous la poussée des pelotons de cavalerie[2]. Les insurgés abandonnent leur canon et leur obusier qui n'auront tiré qu'une seule fois chacun[4].
Les chouans reviennent alors à leur tactique habituelle et s'embusquent derrière les haies et les fossés[2] - [1]. Cependant des charges à la baïonnette suffisent à les déloger[2] - [1]. Malgré l'arrivée du général Sol de Grisolles, de la légion de Margadel et de la compagnie des écoliers de Vannes[11] - [6], les royalistes sont chassés de toutes leurs positions[1], et notamment de la chartreuse d'Auray, qui est à un moment défendue[6]. Le général Bigarré est cependant blessé lors de ces combats[17] - [A 4].
Les impériaux lancent ensuite l'assaut sur la ville d'Auray[18]. Ils enfoncent d'abord les défenses royalistes sur leur flanc gauche et progressent le long de la rivière du Loc'h[6]. Dans le cimetière, ils délogent les 250 hommes de Gabriel de Francheville après un combat d'une demi-heure[6] - [18]. Les chouans opposent cependant une plus forte résistance au pont et au port Saint-Goustan, où les marins de Rhuys sont retranchés dans les immeubles[18] - [11] - [6]. Sol de Grisolles fait même passer de l'autre côte de la rivière une partie de ses forces, qui sont placées sous les ordres de Francheville, pour qu'elles contournent et prennent à revers les forces de Bigarré par le pont de Théoret[11] - [6]. Cependant à Saint-Goustan, l'annonce de l'arrivée d'une colonne par la route de Vannes fait fléchir les chouans qui redoutent alors d'être attaqués dans leur dos[11] - [6]. À trois heures de l'après-midi, les combats prennent fin[6]. Sol de Grisolles donne l'ordre de la retraite aux dernières troupes restantes et rappelle le bataillon de Francheville[11]. Les chouans se retirent d'Auray par le pont de Saint-Goustan et s'engagent sur la route de Vannes, d'où ils gagnent ensuite Sainte-Anne-d'Auray, puis Plumergat[11] - [6]. La plupart des insurgés se débandent ensuite pour regagner leurs villages[11].
Pertes
Le 25 juin, dans son rapport au ministre de la guerre[19], le général Bigarré affirme que pas moins de 1 500 chouans ont été tués ou blessés lors du combat[5]. Pour l'historien Aurélien Lignereux, ce bilan est exagéré, mais les pertes royalistes semblent avoir été trois fois supérieures à celles des impériaux[5]. Dans son « précis de la campagne de 1815 », l'officier royaliste Marc-Antoine de La Boëssière de Lennuic affirme que les pertes royalistes sont d'une centaine de morts, dont les officiers de Langle, du Couédic[A 5], Maillart et Dagorn, et un même nombre de blessés, parmi lesquels figure l'aide-major général de Moëlien[6]. Ce dernier est capturé, mais sa sœur obtient pour lui la vie sauve[20].
Du côté des impériaux, l'état des pertes est dressé le 22 juin par l'adjudant commandant faisant fonction de chef d'état-major[19]. Le bilan est de 20 morts — dont dix soldats, deux officiers, trois gendarmes, trois dragons, un artilleur de marine et un fédéré de Rennes nommé Guichard — et 185 blessés — dont 34 artilleurs, 12 gendarmes, 11 fédérés, trois dragons, un douanier, et le général Bigarré[5]. Chez les officiers, le général Bigarré est lui-même blessé aux reins[12]. Son aide-de-camp, le chef d'escadron Couturier, a le bras gauche traversé par une balle[12]. Le commandant de l'avant-garde, le chef d'escadron Carabène, également attaché à l'état-major, est quant à lui blessé à la jambe[12].
Du côté des civils, deux femmes d'Auray, dont une nonagénaire, auraient été assassinées par des soldats impériaux d'après les royalistes[21].
Conséquences
Après les combats, le général Bigarré affirme avoir remporté une victoire décisive, mais son succès se révèle finalement limité[22]. Le 25 juin, la nouvelle de la défaite de Napoléon à Waterloo est connue dans le Morbihan[15]. Conscient que le vent tourne, Sol de Grisolles repousse les ouvertures de Bigarré[15]. Le 2 juillet, ses troupes réceptionnent un nouveau débarquement d'armes à Locmariaquer et repoussent à Crach les douaniers et les soldats du général Rousseau[15]. Le 3 juillet, dans une lettre adressée au ministre de la guerre, le préfet du Morbihan Joseph-Louis-Victor Jullien constate que les autorités ne contrôlent dans le département que Vannes, Lorient, Hennebont et Pontivy[22].
Notes
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« Le 19, l’armée se dirigea sur Auray ; chaque chef de corps, sans s'arrêter dans cette ville, alla de suite prendre la position indiquée par le général Desol de Grisolle, qui, de son côté, était allé dans la baie de Quiberon, pour s'entendre avec l'amiral anglais. La légion de Bignan se rendit directement au bourg de Brech, avec ordre de défendre le passage du pont qui se trouve au bas de ce bourg, sur la route de Sainte-Anne : le quatrième bataillon de cette légion fut placé sur le pont, sous les ordres de mon cousin Gambert, de Pleugriffet, qui avait en même temps à surveiller la chaussée du moulin du Hurto, un peu au-dessous du pont; quatre compagnies du bataillon de Bignan, sous les ordres de mon frère François, furent placées sur la route de Baud, à hauteur et à un kilomètre de Brech; dix compagnies restèrent dans ce bourg. Le premier bataillon de la légion d'Auray, commandé par Joseph Lainé, de Crach, avait à défendre le pont Saint-Gonstant, à l'entrée d'Auray, sur la route de Vannes. Le deuxième bataillon, sous les ordres de Charles Le Neillon, était placé au-delà de Brech, et devait défendre le pont de Tren-Rousse. Mais il n'y resta pas, et cette faute fut la cause des malheurs qui survinrent le jour suivant. Quelques autres compagnies de la légion d'Auray, sous les ordres de Joseph Cadoudal, de Rohu et de M. de Langle, prirent position sur la butte qui se trouve au-dessus du champ des Martyrs, à hauteur du pont de Théoret. M. de Sécillon et Gambert s'y trouvaient également, à la tête de cinq ou six cents hommes au plus, et les canons étaient sur la grande route à la même hauteur. De son côté, le général Bigarré, arrivé à Sainte-Anne le 20, à la tête de 3,000 hommes, se met en marche, le 21 avant le jour, pour aller traverser la rivière d'Auray, au moulin de Tren-Rousse, à une lieue au-delà de Brech, et puis, tournant à gauche, il se dirigea sur ce bourg. M. Le Thieis, qui l'occupait avec dix compagnies, fut complétement surpris. Il avait compté sur le bataillon de Charles Le Neillon, placé en avant de lui, et n'avait pris aucune précaution de ce côté. Cette négligence impardonnable devant l'ennemi, fut cause d'un sauve qui peut général, dans lequel plusieurs Chouans furent tués et un plus grand nombre blessés. Parmi les tués, se trouvait le chef de bataillon Dagorn, qui s'était porté en avant, au bruit des premiers coups de fusil , avec mon cousin Vincent Guillemot, du Roscoët, capitaine-adjudant-major du bataillon de mon frère, et une vingtaine d'hommes; mais ils ne purent tenir un instant. Le jeune Le Gal, de Kerordo, fils de Le Gal, tué en 1801, dans son village, à l'époque de la déroute dont je vous ai parlé, fut aussi trouvé parmi les morts. Un grand nombre de fuyards arrivèrent au poste que mon frère occupait, et nous annoncèrent la prise du bourg. Nous voulûmes alors prendre la route d'Auray, pour nous joindre à ceux des nôtres qui s'y trouvaient; mais la colonne de Bigarré, qui se formait dans la lande, marcha sur nous et nous obligea de prendre à droite. Nous vîmes dans ce moment, au bas de cette lande, un Chouan à cheval, se dirigeant tout seul vers l'ennemi , qu'il voulait reconnaitre ; mais bientôt, il prit la fuite au galop, poursuivi par plusieurs cavaliers. C'était le brave Joseph Cadoudal; il était venų avec la compagnie d'Auray, qui l'avait abandonné, à son insu, sans tirer un coup de fusil, MM. de Sécillon, Gambert et Rohu, en apprenant ce qui se passait à Brech, quittèrent leur position pour se porter dans la direction du feu, et, arrivés à la lande de Poulle-Baille, ou Lan-er-Reux, les deux premiers prirent une position dans le champ à gauche de la route; Rohu se plaça dans le champ à droite, avec deux compagnies. Toutes leurs forces réunies montaient à peine à 600 hommes, et ils ne pouvaient espérer d'arrêter la marche de la colonne du général Bigarré, forte de 3,000 hommes. Cependant, dès qu'elle parut, les Chouans firent sur elle une décharge terrible, qui fit tomber un grand nombre de soldats, et força Bigarré à lancer en tirailleurs plus d'un tiers de ses hommes. Alors commença un combat qui ne finit qu'à Auray. La compagnie des écoliers , qui avait passé la nuit dans cette ville, accourụt au secours, et ne s'arreta qu’à hauteur de l'endroit où les canons étaient placés depuis la veille. Le général Desol arriva en même temps sur les lieux, et la défense devint plus opiniâtre. Le général Bigarré et ses deux aides-de-camp ayant été blessés, la colonne ennemie fit halte un instant, et semblait indécise si elle continuerait d'avancer ou si elle ferait sa retraite; mais, sans s'ébranler, elle continua sa marche avec beaucoup d'ordre. Toutefois, son entrée à Auray ne se fit pas sans y trouver de la résistance de la part des Chouans, ni sans éprouver des craintes sérieuses, d'autant que le pont de Saint-Gonstant était bien gardé, et que le général Desol avait ordonné d'attaquer la colonne ennemie par la route qu'elle avait prise pour entrer en ville et la mettre entre deux feux. Malheureusement, les Chouans qui gardaient le pont de Saint-Gonstant ajoutèrent trop de foi à un rapport qui leur annonçait qu'il arrivait des troupes de Vannes, avec de l’artillerie, et ils se retirèrent vers Sainte-Anne, laissant ainsi la route libre. Cette faute força le général Desol de donner l'ordre à toute l’armée de prendre la même direction, et nous fûmes coucher à Plumergat. Le commandant de l'artillerie de l'armée Royale avait fait tirer deux coups de canon, pendant le combat, et avait ensuite pris la fuite. Le malheureux avait tellement perdu la tête, qu'étant arrivé sur la route d'Auray à Vannes, il fit entrer ses deux pièces dans un champ de blé et les y abandonna. Le jour suivant, elles furent trouvées par les soldats du général Bigarré. Dans cette journée, M. de Moëlien reçut six coups de baïonnette et un coup d'épée à Auray même; M. de Langle, commandant le bataillon de Hennebon, y fut tué, ainsi que M. du Couëdic, officier de la marine royale. Les jeunes gens de la légion de Joseph Cadoudal, ceux de la légion de Sécillon et du canton de Gambert, qui avaient combattu, ne suivirent pas M. Desol à Plumergat; ils rentrèrent tous chez eux. Il ne resta avec le général que son état-major et une partie de la légion de Bignan, et déjà même, dès la veille du combat, le corps principal de l'armée était réduit à moins d'un tiers de son effectif, parce qu'en approchant de la côte, les officiers de paroisse et les soldats s'en étaient allés pour changer de chemises. Cependant, ce combat n'eut un résultat fâcheux pour les Royalistes, que parce que, à l'exception du général Desol et de MM. de Sécillon et Gambert, aucun des chefs ne fit son devoir[11]. »
— Mémoires de Julien Guillemot
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« Cette jonction [de Bigarré et de Rousseau] s'opéra le 18 à Ploërmel, sans que l'armée royale, gênée par le convoi dont la dispersion en lieux sûrs l'occupait essentiellement, pût s'y opposer. Le 18, elle se rendit à Plaudren, et le 19 à Auray, afin d'y recevoir les nouveaux secours, qui l'eussent mise à même d’armer tous les hommes qui demandaient à servir. Ce fut contre ce point que le général Bigarré réunit tous ses efforts. Il combina une attaque simultanée de quatre corps de troupes ; le principal, à la tête duquel il marcha, se dirigea de Ploërmel sur Grand-Champ; un autre de Pontivy, par Camors et Pluvigner; le troisième, de Lorient, par Landévan; le quatrième, de Vannes, par Pontsal. Dans celle position, bordée d'un côté par la mer, et où de l'autre aboutissaient quatre routes occupées par des corps attaquants, l'armée royale était forcée de recevoir une affaire : M. le général de Sol préféra de la donner. Le 20, la tête de la principale colonne ayant paru à Sainte-Anne, à une lieue d'Auray, elle y fut resserrée par les tirailleurs de la compagnie d'Auray, et le bataillon de voltigeurs, commandé par MM. Louis et Alexandre Dubot, officiers qui ont constamment montré dans cette campagne autant d'activité que de bravoure. Elle y fut harcelée la nuit par M. Joseph Cadoudal; mais le matin du 21, l'ennemi reprit l'offensive et marcha, fort de trois mille hommes, sur le pont de Breck, pour tourner la position d'Auray. Ce point était défendu par M. Le Thiez, qui n'avait qu'une partie de sa légion; trop faible, il dut céder au nombre, se défendit courageusement dans le bourg de Breck, où il perdit beaucoup de monde, sans pouvoir maintenir la position, qui fut forcée. Au débouché du bourg, l'ennemi trouva en bataille, sur la lande de Poulbaie, une partie de la légion d'Auray et celle de Sécillon, et les bataillons Gambert et Galles; ces troupes, plus faibles que l'ennemi, se replièrent et prirent poste derrière les haies qui bordent la lande de Poulbaie; elles y furent attaquées avec une grande impétuosité par la totalité des forces du général Bigarré; après une fusillade extrêmement vive, qui ébranla un instant l'ennemi, elles furent forcées de se replier. Soutenues par le bataillon de Margadel et le feu de deux pièces d'artillerie, elles défendirent quelque temps la position de la Chartreuse; mais la froide intrépidité avec laquelle la colonne ennemie poursuivait sa marche, voyant tomber, sans s'arrêter, les rangs de ses pelotons, surmonta celte résistance. Elle se renouvela à l'entrée de la ville d'Auray, où M. de Francheville, à la tête de deux cent cinquante hommes, soutint une demi-heure les troupes qui se retiraient; mais la crainte que l'ennemi, plus nombreux, n'eût débordé la gauche des royalistes, ayant fait dégarnir leur droite pour couvrir le faubourg du Lock, l'ennemi put pénétrer dans la ville par sa gauche, et coupa, par cette manœuvre, une partie de l'armée. Le gros passa le pont et se défendit vigoureusement dans le faubourg de Saint-Constant, où l'ennemi ne put jamais le forcer, malgré une fusillade qui se prolongea jusqu’à trois heures de l'après-midi : on se battait depuis trois heures du matin. M. le général de Sol ordonna alors d'attaquer la ville, en la tournant par la même route qu'avait tenue l'ennemi; ce mouvement fut entamé, et M. de Francheville, à la tête de son bataillon, avait déjà passé la rivière au pont de Tréauret; mais la marche du corps, sorti de Vannes avec de l'artillerie sur les derrières de l'armée, rendant sa position hasardeuse, elle se replia sur Sainte-Anne, d'où les ennemis étaient partis le matin ; et, après avoir fait reposer les troupes, qui avaient passé sur pied deux jours et une nuit, et n'avaient pas mangé depuis vingt-quatre heures, le général de Sol se porta sur Plumergat où il coucha. Celle affaire coûta aux royalistes M. de Langle, riche propriétaire et excellent officier, dernier des trois frères morts au service du roi ; MM. du Couédic, Maillart et Dagorn, tués; M. de Moëlien, aide-major général, blessé de sept coups de baïonnette et d'un coup d'épée ; une centaine d'autres tués et autant de blessés. La perte des ennemis fut triple, et répandit la consternation parmi eux : leur général rapporté grièvement blessé, ainsi que ses deux aides de camp; vingt-cinq officiers mis hors de combat, ainsi que plus de la moitié des fédérés sortis de Rennes avec lui; une longue file de charrettes, pleines de blessés, ramenées à leur suite, après avoir laissé tous les hôpitaux d'Auray regorgeant de ceux qui l'étaient trop grièvement pour être transportés ; un morne silence : tout donna à leur rentrée à Vannes les caractères d'une pompe funèbre plutôt que ceux d’un triomphe. Une seule circonstance, en effet, donnait à l'affaire d'Auray une apparence d'avantages en faveur des bonapartistes, puisque celui qu'ils avaient obtenu, de se placer entre l'armée royale et la mer, était plus que compensé par des pertes triples ; ils traînaient à leur suite les deux pièces d'artillerie des royalistes. Lorsque le général de Sol avait fait marcher pour réattaquer Auray par le pont de Tréauret, cette route étant impraticable pour l'artillerie, il avait fait diriger les canons sur Grand-Champ. De faux avis sur les mouvements de l'ennemi firent dévier de cet ordre, et le lendemain ces pièces tombèrent au pouvoir du général Bigarré; mais ce général et le public savent bien que les circonstances qui lui en procurèrent la possession furent entièrement étrangères à l'armée et à l'affaire de la veille[6]. »
— Marc-Antoine de La Boëssière de Lennuic, Précis de la campagne faite en 1815 par l'armée royale de Bretagne sous les ordres de M. le général comte de Sol de Grisolles.
- Cependant si Julien Guillemot est présent à Auray[11], sa légion est alors à Melrand et ne prend pas part au combat[9].
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« D'après une autre version répandue dans le pays, Bigarré blessé dans la lande de Ploublaie y serait resté avec une trentaine d'hommes ; les paysans bretons qui ont pris part à cette affaire regrettent encore aujourd'hui d'avoir laissé échappé cette bonne occasion de s'emparer du général[17]. »
— Relation de l'affaire d'Auray, par Regnaut, chef d'état-major du 7e régiment d'infanterie de ligne, .
- Thomas Jean Marie du Couëdic, neveu de Charles Louis du Couëdic, ancien émigré revenu de Russie en France, nommé chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis et porteur de la fleur de lys à partir du 10 juillet 1814 par autorisation signée par le comte de la Ferronays d'après les ordres du duc de Berry. Sur sa tombe à Brech, on inscrivit: « Ci git le corps du Chevalier du Couëdic de Kergoaler, capitaine de vaisseau russe, chevalier de l'Ordre royal de Saint-Louis, tué au combat du 21 juin 1815, martyr de sa religion et victime de son amour pour son roi ».
Références
- Chassin, t. III, 1899, p. 779-780.
- Lignereux 2015, p. 164-165.
- Dupuy 2004, p. 300-301.
- Lignereux 2015, p. 161.
- Lignereux 2015, p. 170.
- La Borderie, t. XXV, 1869, p. 176-178.
- Lignereux 2015, p. 144.
- Guillemot 1859, p. 231.
- Guillemot 1859, p. 232-233.
- Lignereux 2015, p. 163-164.
- Guillemot 1859, p. 234-237.
- Lignereux 2015, p. 172.
- Lignereux 2015, p. 124.
- Lignereux 2015, p. 191.
- Lignereux 2015, p. 224.
- Lignereux 2015, p. 193-194.
- Lignereux 2015, p. 305.
- Lignereux 2015, p. 187-188.
- Lignereux 2015, p. 326.
- Lignereux 2015, p. 208.
- Lignereux 2015, p. 217.
- Lignereux 2015, p. 225.
Voir aussi
Bibliographie
- Charles-Louis Chassin, Les pacifications de l'Ouest, 1794-1801-1815, t. III, Paris, Paul Dupont, Ă©diteur, .
- Roger Dupuy, La Bretagne sous la Révolution et l’Empire, 1789-1815, éditions Ouest-France université, Rennes, , 350 p. (ISBN 978-2-737-33502-0). .
- Roger Grand, Les Cent-Jours dans l'Ouest : La Chouannerie de 1815, Perrin, , 272 p.
- Julien Guillemot, Lettres Ă mes neveux sur la Chouannerie, Imprimerie FĂ©lix Masseaux, , 299 p. (lire en ligne).
- Arthur de La Borderie (dir.), Revue de Bretagne et de Vendée, t. V - Troisième série (Tome XXV de la collection), Nantes, Bureau de rédaction et d'abonnement, , 503 p. (lire en ligne).
- Aurélien Lignereux, Chouans et Vendéens contre l'Empire, 1815. L'autre Guerre des Cent-Jours, Paris, Éditions Vendémiaire, , 384 p. (ISBN 978-2363581877). .