Antiochos III
Antiochos III (en grec ancien : áŒÎœÏÎŻoÏoÏ ÎłÊč) ou Antiochos le Grand (áŒÎœÏÎŻoÏoÏ áœ ÎÎÎłÎ±Ï / Antiochos ho MĂ©gas), nĂ© vers 242 et mort en , est un roi sĂ©leucide qui rĂšgne de Ă 187.
Antiochos III le Grand | |
Buste d'Antiochos III (copie romaine), musée du Louvre. | |
Titre | |
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Roi séleucide | |
223 av. J.-C. â 187 av. J.-C. | |
Prédécesseur | Séleucos III |
Successeur | SĂ©leucos IV |
Biographie | |
Dynastie | SĂ©leucides |
Date de naissance | Vers 242 av. J.-C. |
Lieu de naissance | Suse |
Date de décÚs | |
Lieu de dĂ©cĂšs | ĂlymaĂŻde |
PĂšre | SĂ©leucos II |
MÚre | Laodicé II |
Fratrie | Antiochis II, SĂ©leucos III |
Conjoint | 1. Laodicé III 2. Euboia de Chalcis |
Enfants | Avec Laodicé III : 1. Antiochis III 2. Antiochos le Jeune 3. Antiochos IV 4. Ardys (el) 5. Cléopùtre Ire 6. Laodicé IV 7. Mithridate (ca) 8. Séleucos IV 9. Une fille putative |
HĂ©ritier | Antiochos le Jeune puis Antiochos IV |
Religion | Religion grecque antique |
Il est considĂ©rĂ© comme le souverain le plus important de la dynastie des SĂ©leucides, qui rĂšgne en Asie, aprĂšs son fondateur SĂ©leucos Ier. Son surnom de MĂ©gas provient du titre d'origine achĂ©mĂ©nide MĂ©gas Basileus (« Grand Roi ») qu'il a adoptĂ© aprĂšs ses victoires. Il a en effet affermi son autoritĂ© en soumettant les gouverneurs rebelles, menĂ© une longue expĂ©dition (ou anabase) dans les satrapies orientales et livrĂ© deux guerres de Syrie contre l'Ăgypte ptolĂ©maĂŻque. DĂ©sireux de s'Ă©tablir en Anatolie, il s'oppose au royaume de Pergame. Il finit par entrer en guerre contre Rome et ĂȘtre vaincu Ă la bataille de MagnĂ©sie.
ModĂšle du roi en mouvement, il est le roi sĂ©leucide le plus prestigieux et le plus documentĂ© par les sources littĂ©raires, notamment Polybe et Tite-Live, ou Ă©pigraphiques (en Anatolie). Depuis Alexandre le Grand, aucun souverain hellĂ©nistique n'a parcouru de telles distances, menant campagne de la Bactriane Ă l'Ătolie.
Biographie
LâavĂšnement royal
NĂ© vers 242 av. J.-C., Antiochos est le second fils de SĂ©leucos II et le frĂšre de SĂ©leucos III. Son avĂšnement est prĂ©cipitĂ© par l'assassinat en 223 de son frĂšre par deux de ses officiers en Phrygie dans des conditions obscures. Le royaume sĂ©leucide parait alors affaibli, en particulier Ă cause du rĂšgne dĂ©sastreux de son pĂšre. Attale Ier de Pergame s'est en effet emparĂ© de l'Anatolie au dĂ©triment de l'oncle d'Antiochos, Antiochos HiĂ©rax, qui lui-mĂȘme a fait sĂ©cession en 241[1]. L'Ăgypte ptolĂ©maĂŻque exerce quant Ă elle une hĂ©gĂ©monie maritime totale dans tout le bassin oriental de la MĂ©diterranĂ©e et les satrapies orientales de l'empire deviennent indĂ©pendantes les unes aprĂšs les autres. Ă la mort de SĂ©leucos III, lâarmĂ©e fait acclamer comme roi AchaĂŻos II : il est lâarriĂšre petit-fils de SĂ©leucos Ier, faisant ainsi partie de la branche cadette de la dynastie sĂ©leucide. Il est plus ĂągĂ© quâAntiochos et parait semble-t-il plus apte Ă exercer le pouvoir. Toutefois, Achaios refuse le diadĂšme et fait reconnaĂźtre les droits de son petit-cousin, Antiochos III, alors gouverneur des satrapies supĂ©rieures[1].
Une fois au pouvoir, Antiochos rĂ©forme l'administration du royaume[2] : Molon, satrape de MĂ©die, devient gouverneur gĂ©nĂ©ral des satrapies supĂ©rieures Ă la place dâAntiochos, avec son frĂšre Alexandre. LâAnatolie est confiĂ©e Ă Achaios qui a, jusque-lĂ , fait preuve de sa loyautĂ©. Enfin, il maintient Ă ses cĂŽtĂ©s Hermias, le ministre (ou « prĂ©posĂ© aux affaires ») de SĂ©leucos III. Il est difficile de savoir si toutes ces dĂ©signations Ă de hauts postes de l'administration Ă©manent dâAntiochos ou si lâon peut y voir lâinfluence tant dâHermias que dâAchaios.
Au début de son rÚgne, Antiochos invite des poÚtes de GrÚce à sa cour, dont Euphorion de Chalcis qui devient le bibliothécaire royal jusqu'à sa mort.
Antiochos face aux forces centrifuges
Le dĂ©but de rĂšgne d'Antiochos se caractĂ©rise par des conflits entre Hermias et dâautres officiers du royaume. Seuls les Ă©crits de Polybe nous informent, de maniĂšre incomplĂšte, sur ces Ă©vĂ©nements[3]. Molon, gouverneur gĂ©nĂ©ral des satrapies supĂ©rieures (dont la Perse et la MĂ©die), ainsi que son frĂšre Alexandre, se rebellent en 222 av. J.-C., trĂšs peu de temps aprĂšs lâavĂšnement dâAntiochos. Les deux hommes profitent du jeune Ăąge du roi mais aussi de la rĂ©cente rĂ©forme de l'administration, posant ainsi le royaume dans une relative instabilitĂ©. Polybe mentionne diffĂ©rentes raisons pour expliquer ce soulĂšvement mettant en pĂ©ril tant l'empire sĂ©leucide que le statut de roi. Les raisons Ă©voquĂ©es seraient alors la crainte grandissante face Ă lâinfluence prise par Hermias ainsi que lâespoir de nouer des collaborations avec Achaios. Polybe Ă©voque toutefois le fait que Molon semblerait plutĂŽt se rĂ©volter contre Hermias que contre Antiochos. Durant cette rĂ©volte, le roi se trouve Ă Zeugma sur lâEuphrate, oĂč il accueille sa future Ă©pouse LaodicĂ© III du royaume du Pont. Des tensions apparaissent parmi les conseillers du roi : ĂpigĂ©nĂšs lui conseille de rĂ©agir vite avec lâenvoi dâune armĂ©e, tandis quâHermias pousse Ă la reconquĂȘte de la CĆlĂ©-Syrie, rĂ©gion disputĂ©e de longue date avec les Lagides au cours des diffĂ©rentes guerres de Syrie.
Antiochos regagne la Syrie ; mais Molon contraint les stratĂšges de l'armĂ©e royale Ă la retraite en occupant le pays Ă l'Est du Tigre. Antiochos dĂ©cide de marcher contre Molon mais Hermias le convainc dây envoyer seulement un stratĂšge mercenaire du nom de XĂ©noitas qui se fait battre et tuer. Molon sâempare de SĂ©leucie du Tigre, Ă©tendant plus encore sa domination. En 221, Antiochos se trouve dans une situation difficile, devant faire face Ă ce soulĂšvement tout en tentant vainement de reconquĂ©rir la CoelĂ©-Syrie face Ă PtolĂ©mĂ©e III. Le roi finit par dĂ©cider de se rendre lui-mĂȘme en Orient sur les conseils dâĂpigĂ©nĂšs. La campagne est menĂ©e de maniĂšre relativement efficace puisque Molon est vaincu et se suicide. Toutefois, le roi fait preuve de clĂ©mence auprĂšs des soldats et procĂšde Ă un nouveau rĂ©agencement de lâadministration tout en rĂ©organisant les satrapies relevant de Molon. Mais il se heurte en Anatolie Ă la rĂ©bellion d'AchaĂŻos II qui se proclame roi, recevant ainsi le soutien des Lagides[4]. Vers 220, il se rĂ©sout Ă faire assassiner Hermias ce qui assure sa popularitĂ©[5].
Antiochos conduit la lutte en Asie Mineure contre l'usurpateur Achaïos II entre 216 et 213. Sardes est prise mais celui-ci trouve refuge dans son imprenable acropole et reçoit l'aide de SÎsibios, le ministre de Ptolémée IV[6]. Victime d'une trahison, Achaios tombe entre les mains d'Antiochos et périt aprÚs un long supplice.
L'ambition impériale d'Antiochos (218-195)
Antiochos et la quatriĂšme guerre de Syrie
AprĂšs avoir restaurĂ© la souverainetĂ© sĂ©leucide sur les satrapies orientales en rĂ©primant le soulĂšvement de Molon et de son frĂšre Alexandre, Antiochos tourne ses ambitions vers la CĆlĂ©-Syrie[7]. Il peut concentrer toutes ses troupes dans cette campagne car il s'est dĂ©barrassĂ© de la menace de Molon ; mais il profite surtout de la faiblesse des Lagides Ă lâavĂšnement de PtolĂ©mĂ©e IV en 222 av. J.-C. Son pĂšre, PtolĂ©mĂ©e III, a amĂ©liorĂ© les positions extĂ©rieures de lâĂgypte, mais le royaume commence toutefois Ă connaĂźtre des difficultĂ©s internes. PtolĂ©mĂ©e IV est, tout comme Antiochos III, un roi plutĂŽt jeune, ĂągĂ© dâenviron 17 ans.
Antiochos cherche d'abord Ă rĂ©cupĂ©rer SĂ©leucie de PiĂ©rie en Syrie. Il profite de la trahison de ThĂ©odote du cĂŽtĂ© lagide, crĂ©ant ainsi un effet de surprise. Il entame des nĂ©gociations avec deux ministres lagides, SĂŽsibios et Agathocle. Puis au printemps 218, il cherche Ă conquĂ©rir en totalitĂ© la CĆlĂ©-Syrie aux dĂ©pens de Nikolaos. Il est alors aidĂ© par de nombreuses trahisons, notamment de chefs mercenaires. En 218, Antiochos envahit la rĂ©gion limitrophe entre les deux royaumes. Lors de son pĂ©riple le long de la cĂŽte, Antiochos enrĂŽle de nombreux mercenaires, dont des Arabes qui lui fournissent un important contingent d'infanterie lĂ©gĂšre. Les nĂ©gociations entamĂ©es par les ministres de PtolĂ©mĂ©e IV laissent le temps aux Lagides de prĂ©parer une armĂ©e considĂ©rable. Les deux armĂ©es se livrent bataille le 23 juin 217 Ă Raphia Ă lâextrĂȘme sud de la Palestine[8]. La bataille semble gagnĂ©e par Antiochos, notamment grĂące Ă la dĂ©route des Ă©lĂ©phants de PtolĂ©mĂ©e ; mais il poursuit longuement la cavalerie lagide, lâempĂȘchant ainsi de soutenir sa phalange, menant Ă une importante dĂ©faite de lâarmĂ©e sĂ©leucide. AprĂšs s'ĂȘtre retirĂ© Ă Antioche, il conclut un armistice aprĂšs des nĂ©gociations avec SĂŽsibios : PtolĂ©mĂ©e IV conserve la CĆlĂ©-Syrie mais renonce Ă SĂ©leucie de PiĂ©rie, port stratĂ©gique sur l'Oronte[9].
L'Anabase d'Antiochos (212-205)
Antiochos cherche Ă rĂ©tablir lâautoritĂ© sĂ©leucide sur les satrapies orientales et Ă faire face Ă l'expansion des Parthes et Ă la sĂ©cession du royaume grĂ©co-bactrien[10]. Il parvient Ă surmonter son Ă©chec contre les Lagides et Ă former une armĂ©e estimĂ©e (peut-ĂȘtre exagĂ©rĂ©ment) par Justin Ă 100 000 fantassins et 20 000 cavaliers qu'il rassemble Ă Ecbatane. Il mĂšne une sĂ©rie de campagnes victorieuses entre 212 et 204 qui s'apparente Ă une nouvelle anabase (« montĂ©e ») vers l'Orient, Ă©pisode connu grĂące Ă Polybe :
- Il dĂ©bute par une campagne en ArmĂ©nie : XerxĂšs, jeune roi, rĂšgne alors sur un Ătat vassal des SĂ©leucides mais ne paye plus son tribut. Il le fait Ă©pouser une de ses sĆurs, Antiochis, et place dans la principautĂ© deux stratĂšges[11].
- à la fin de 211, il se dirige vers la Médie afin s'avancer contre les Parthes et les Gréco-Bactriens. Il monnaie 4 000 talents en spoliant un temple d'Ecbatane. Lors de cette campagne, il associe son fils Antiochos le Jeune, alors ùgé de 9 ans, à la royauté, préparant de ce fait sa succession[12].
- En 209, il mĂšne une opĂ©ration contre les Parthes. Il traverse des paysages dĂ©sertiques et ne rencontre que peu de rĂ©sistance jusquâĂ HĂ©catompyles. La progression devient plus difficile Ă partir des montagnes dâHyrcanie. Ă la suite de la prise de Sirynx (peut-ĂȘtre une colonie grecque), les Parthes d'Arsace II sont contraints de conclure une alliance dont les dĂ©tails sont inconnus. Les Parthes ne sont pas dĂ©finitivement vaincus mais la campagne permet de libĂ©rer l'axe de communication entre l'ouest du royaume et les satrapies supĂ©rieures (Arie, Margiane, Bactriane)[13].
- Entre 208 et 206, il mĂšne campagne contre EuthydĂšme, le roi grec de Bactriane, qui s'appuie sur une armĂ©e forte dâenviron 10 000 cavaliers, recrutĂ©s majoritairement parmi la population iranienne. Antiochos, grĂące Ă un effet de surprise, met son adversaire en dĂ©route et le contraint Ă se rĂ©fugier Ă Bactres oĂč il est assiĂ©gĂ© pendant deux ans[14]. Le siĂšge de Bactres est considĂ©rĂ© par Polybe comme l'un des plus importants de l'Ă©poque en termes d'art militaire[15] - [16]. Les deux souverains finissent par Ă©tablir un accord : EuthydĂšme conserve son royaume et conclut une alliance matrimoniale. Son fils DĂ©mĂ©trios doit Ă©pouser une princesse sĂ©leucide[N 1]. LâindĂ©pendance de la Bactriane nâa plus Ă©tĂ© remise en cause par les SĂ©leucides[17].
- Ă partir de 206, il marche jusqu'aux frontiĂšres de l'« Inde » en Arachosie et dans les Paropamisades alors annexĂ©es par des souverains indiens. Il rencontre le prince SophagasĂ©nos (non mentionnĂ© comme membre de la dynastie Maurya) et renouvelle lâamitiĂ© qui le lie Ă lui[18], ce dernier lui offrant notamment des Ă©lĂ©phants de guerre. Il est probable que ce traitĂ© a pour finalitĂ© d'assurer la pĂ©rennitĂ© des relations commerciales entre la Syrie et le monde indien[17].
- Le retour de l'expĂ©dition se fait par lâIran mĂ©ridional. Il traverse l'Arachosie et la Drangiane puis hiverne en Carmanie, marquant ainsi selon Polybe la fin de lâexpĂ©dition dans les satrapies supĂ©rieures[19].
- Il embarque ensuite pour l'Arabie depuis la Carmanie ou la Perside, le reste de son armĂ©e marchant vers Babylone Ă travers la Perside et l'Ălam. Il parvient en 205 Ă Gerrha, un important port commercial et carrefour caravanier situĂ© sur la cĂŽte ouest du Golfe Persique (actuelle Arabie saoudite), et obtient le versement d'un tribut. AprĂšs une escale Ă Tylos (actuel BahreĂŻn), il embarque pour SĂ©leucie du Tigre[20].
Par cette anabase vers l'Orient qui a durĂ© plus de sept ans, Antiochos est parvenu Ă affirmer son autoritĂ© et Ă consolider son empire. Pour autant, cette expĂ©dition semble d'abord avoir Ă©tĂ© menĂ©e de maniĂšre empirique en rĂ©action aux vellĂ©itĂ©s des Parthes et des Bactriens, sans plan de conquĂȘte Ă©tabli Ă long terme[11]. Son intervention dans les affaires de GrĂšce empĂȘche Antiochos de profiter des succĂšs de cette campagne bien qu'il en retire un grand prestige auprĂšs de ses sujets (et les Ă©loges de Polybe). C'est en effet Ă son issue qu'Antiochos prend le titre de Grand Roi (Basileus MĂ©gas), d'inspiration achĂ©mĂ©nide. NĂ©anmoins ce titre n'apparait pas dans les documents royaux officiels ou dans les monnaies : il ne figure que dans des dĂ©crets honorifiques et des dĂ©dicaces privĂ©es[21] - [22]. L'adjectif megas est en revanche rapidement accolĂ© Ă son nom, de son vivant, car on peut supposer qu'il n'entend pas utiliser auprĂšs de ses sujets grecs un titre d'origine perse[23].
Antiochos et la cinquiĂšme guerre de Syrie
Antiochos cherche Ă prendre sa revanche sur l'Ăgypte lagide. Aussi profite-t-il de la mort prĂ©maturĂ©e de PtolĂ©mĂ©e IV et de la montĂ©e sur le trĂŽne d'un enfant de cinq ans, jouet de ses ministres, PtolĂ©mĂ©e V, pour dĂ©clencher la cinquiĂšme guerre de Syrie (201-195). La victoire Ă la bataille de Panion en 200, prĂšs des sources du Jourdain, lui permet de reconquĂ©rir la Samarie et la CĆlĂ©-Syrie[24]. Le gouverneur de cette derniĂšre trahit les Lagides et conserve son poste au titre de « stratĂšge et archiprĂȘtre ». Ă JĂ©rusalem, les Juifs lâaident Ă sâemparer de la citadelle encore aux mains des troupes lagides[25].
L'expansion séleucide en Anatolie
Profitant de la deuxiĂšme DeuxiĂšme Guerre de MacĂ©doine entre Rome et Philippe V, Antiochos mĂšne une politique ambitieuse qui lâamĂšne Ă intervenir en Asie Mineure et en Thrace avec pour dessein, semble-t-il, de restaurer l'empire de SĂ©leucos Ier[26]. Il se heurte au royaume de Pergame dĂšs 198 av. J.-C. et occupe les territoires pris par Attale Ier Ă AchaĂŻos II, sans qu'EumĂšne II puisse intervenir[27]. Il s'entend par ailleurs avec Prusias de Bithynie Ă qui il offre une portion de la Phrygie. Au printemps 197, il parvient jusqu'Ă l'Hellespont puis occupe les DĂ©troits, soumettant les citĂ©s grecques autonomes ou anciennement sous autoritĂ© antigonide comme Abydos. Il fait d'ĂphĂšse sa base navale principale en mer ĂgĂ©e[28]. En Ionie, ses succĂšs sont plus limitĂ©s[29] : Milet et MagnĂ©sie du MĂ©andre restent indĂ©pendantes.
Cette situation inquiĂšte les autres puissances anatoliennes, dont Pergame et Rhodes, cette derniĂšre envoyant une ambassade Ă Antiochos afin de prĂ©server ses intĂ©rĂȘts en Carie. Lampsaque et Smyrne[N 2] refusent de se soumettre et font appel Ă Rome, sans que celle-ci intervienne dans l'immĂ©diat[28], l'ambassade lampsacĂ©nienne n'obtenant du SĂ©nat qu'un soutien de forme[30].
PassĂ© en Thrace au printemps 196, Antiochos dĂ©pĂȘche une ambassade aux Romains afin de contourner l'appel de Lampsaque et de Smyrne. La rencontre se dĂ©roule aux Jeux isthmiques au cours desquels les Romains Ă©noncent par un sĂ©natus-consulte le principe de la « libertĂ© des Grecs » d'Europe et d'Asie n'Ă©tant pas alors sous la tutelle antigonide[31]. Antiochos se voit par ailleurs interdire de s'en prendre aux Grecs d'Asie Mineure ou d'envoyer une armĂ©e en Europe ; les SĂ©leucides ne sont pas menacĂ©s de guerre tant que cette injonction est respectĂ©e. Peu aprĂšs, une confĂ©rence se tient Ă Lysimacheia entre Antiochos et les ambassadeurs de PtolĂ©mĂ©e V avec la mĂ©diation des Romains. Antiochos est invitĂ© Ă Ă©vacuer les places occupĂ©es aux dĂ©pens des Lagides tandis qu'il annonce aux Romains que les affaires d'Asie ne les concernent pas. TrompĂ© par la fausse nouvelle de la mort de PtolĂ©mĂ©e V, Antiochos rompt les nĂ©gociations mais Ă©choue Ă prendre Chypre Ă cause d'une tempĂȘte[32]. En 195, il finit par conclure un traitĂ© d'amitiĂ© avec PtolĂ©mĂ©e V Ă qui il offre sa fille ClĂ©opĂątre Ire en mariage[32].
Cette conférence, qui a servi aux futurs adversaires à se jauger, aboutit à un statu quo favorable à Antiochos[33]. Surtout, la cité est destinée à devenir le lieu de résidence du nouveau prince héritier, le futur Séleucos IV, indiquant qu'Antiochos compte faire de lui son représentant dans les domaines occidentaux alors qu'auparavant les vice-rois ont résidé à Sardes[34].
La guerre antiochique (192-188) et ses conséquences
En 195 av. J.-C., Antiochos accueille Ă sa cour Hannibal Barca, ennemi notoire des Romains, ce qui renforce leur mĂ©fiance, mĂȘme si l'influence du Carthaginois sur la politique sĂ©leucide reste limitĂ©e, ou en tout cas mĂ©connue[35]. En 194, les derniĂšres lĂ©gions romaines Ă©vacuent la GrĂšce aprĂšs avoir aidĂ© la Ligue achĂ©enne Ă vaincre Sparte dans la guerre contre Nabis. Antiochos envoie en 193 une ambassade Ă Rome afin de solliciter l'amitiĂ© du peuple romain[35]. En rĂ©ponse, Flamininus propose Ă Antiochos qu'il conserve la Thrace en Ă©change du maintien de la protection romaine sur les citĂ©s grecques d'Asie. Des lĂ©gats du SĂ©nat se rendent ensuite Ă Pergame auprĂšs d'EumĂšne II qui pousse Ă la guerre. Puis ils se rendent Ă ĂphĂšse pour sâentretenir avec Hannibal et enfin Ă ApamĂ©e pour rencontrer Antiochos. Mais celui-ci quitte les nĂ©gociations, prenant prĂ©texte de la mort du prince hĂ©ritier, Antiochos le Jeune[36]. Son reprĂ©sentant, Minio, se montre intransigeant et refuse les propositions romaines[37]. Ni Antiochos, ni le SĂ©nat ne cherchent la guerre mais les affaires de GrĂšce vont donner le casus belli.
La Ligue Ă©tolienne, alliĂ©e de Rome au cours de la prĂ©cĂ©dente guerre contre la MacĂ©doine, n'est pas satisfaite des termes du traitĂ© proposĂ© par Flamininus[38]. Les Ătoliens cherchent Ă mettre sur pied une coalition anti-romaine et se rapprochent du tyran de Sparte, Nabis, qui a pu se maintenir au pouvoir malgrĂ© sa dĂ©faite[39]. AppelĂ© par les Ătoliens qui lui promettent le ralliement d'une grande partie des Grecs, Antiochos dĂ©barque en octobre 192 Ă DĂ©mĂ©trias en Thessalie[40]. L'armĂ©e qu'il conduit est beaucoup moins importante qu'espĂ©rĂ© par les Ătoliens, tandis que les ralliements des citĂ©s grecques restent rares. AthĂšnes conserve sa neutralitĂ© tandis que la ligue achĂ©enne, fidĂšle Ă l'alliance romaine, dĂ©clare la guerre Ă Antiochos et aux Ătoliens.
Vaincu en avril-mai 191 aux Thermopyles par les lĂ©gions du consul Manius Acilius Glabrio et du tribun Caton l'Ancien[41], Antiochos repasse en Asie, oĂč il est Ă©crasĂ© en 189 Ă la bataille de MagnĂ©sie du Sipyle par Scipion l'Asiatique (frĂšre de Scipion l'Africain), aprĂšs avoir lancĂ© une vaine poursuite de cavalerie comme Ă Raphia[42].
Antiochos est contraint de signer la paix d'ApamĂ©e en 188, trĂšs avantageuse pour les Romains[43] : il perd toute l'Asie Ă l'ouest de la ligne Halys-Taurus au profit surtout des Attalides, indĂ©fectibles alliĂ©s des Romains, livre ses Ă©lĂ©phants et sa flotte (sauf dix navires) et paye une Ă©norme indemnitĂ© de guerre de 12 000 talents, Ă verser en douze annuitĂ©s, dont une partie finit probablement dans les caisses de la famille des Scipions Ă en croire Tite-Live[N 3]. Son fils Antiochos IV est par ailleurs envoyĂ© comme otage Ă Rome. Prenant prĂ©texte de l'indemnitĂ© Ă payer, Antiochos tente de s'emparer du trĂ©sor d'un temple d'ĂlymaĂŻde, mais la population se rĂ©volte et il est tuĂ© comme un « vulgaire bandit » le 3 ou 4 juillet 187[44]. Son fils SĂ©leucos IV, dĂ©jĂ associĂ© au pouvoir, lui succĂšde.
Bilan de son rĂšgne
MalgrĂ© son incapacitĂ© Ă restaurer l'empire originel des SĂ©leucides, sa dĂ©faite contre les Romains et sa fin « lamentable », Antiochos parait avoir Ă©tĂ© un souverain disposant de certaines qualitĂ©s politiques et militaires[44]. Le dĂ©but de son rĂšgne est certes marquĂ© par la rĂ©volte de Molon et d'AchaĂŻos II et surtout la dĂ©faite Ă Raphia contre PtolĂ©mĂ©e IV ; mais il est parvenu par la suite Ă Ă©tendre son autoritĂ© sur les satrapies orientales au terme d'une Anabase et finit par occuper la CĆlĂ©-Syrie aux dĂ©pens des Lagides. PoussĂ© par l'agitation de la Ligue Ă©tolienne et victime de lâintransigeance d'EumĂšne II qui l'empĂȘche de conclure un compromis avec Rome, il est entraĂźnĂ© dans un conflit qu'il n'a pas nĂ©cessairement souhaitĂ©. Il se montre finalement incapable de saisir la portĂ©e de l'expansion romaine vers le monde Ă©gĂ©en et d'apprĂ©cier la valeur tactique des lĂ©gions malgrĂ© les conseils d'Hannibal[45].
Famille
Mariage et enfants
Antiochos épouse sa cousine, la princesse pontique Laodicé III, objet d'un culte divin, qui lui donne une grande descendance :
- Antiochos le Jeune, roi associé, mort en 193 av. J.-C. ;
- Ardys (el), mort avant son pĂšre ;
- Mithridate (ca), mort avant son pĂšre ;
- SĂ©leucos IV ;
- Antiochos IV ;
- Laodicé IV, épouse de trois de ses frÚres ;
- ClĂ©opĂątre Ire Syra, reine d'Ăgypte ;
- Antiochis III, Ă©pouse d'Ariarathe IV roi de Cappadoce ;
- Une fille putative mariée à Démétrios Ier de Bactriane.
AprÚs avoir répudié Laodicé, Antiochos épouse en secondes noces en 191 une jeune grecque, Euboia, fille de CléoptolÚme de Chalcis.
Ascendance
32. Antiochos | |||||||||||||||||||
16. SĂ©leucos Ier | |||||||||||||||||||
33. Laodicé de Macédoine | |||||||||||||||||||
8. Antiochos Ier | |||||||||||||||||||
34. SpitaménÚs | |||||||||||||||||||
17. Apama | |||||||||||||||||||
35. Dascatylis de Bactriane | |||||||||||||||||||
4. Antiochos II | |||||||||||||||||||
36. Antigone le Borgne | |||||||||||||||||||
18. Démétrios Ier PoliorcÚte | |||||||||||||||||||
37. Stratonice | |||||||||||||||||||
9. Stratonice Ire | |||||||||||||||||||
38. Antipater | |||||||||||||||||||
19. Phila Ire | |||||||||||||||||||
2. SĂ©leucos II | |||||||||||||||||||
40. Antiochos | |||||||||||||||||||
20. SĂ©leucos Ier | |||||||||||||||||||
41. Laodicé de Macédoine | |||||||||||||||||||
10. AchaĂŻos Ier | |||||||||||||||||||
42. SpitaménÚs | |||||||||||||||||||
21. Apama | |||||||||||||||||||
43. Dascatylis de Bactriane | |||||||||||||||||||
5. Laodicé Ire | |||||||||||||||||||
1. Antiochos III | |||||||||||||||||||
48. SĂ©leucos | |||||||||||||||||||
24. Antiochos | |||||||||||||||||||
12. SĂ©leucos Ier | |||||||||||||||||||
25. Laodicé de Macédoine | |||||||||||||||||||
6. AchaĂŻos Ier | |||||||||||||||||||
26. SpitaménÚs | |||||||||||||||||||
13. Apama | |||||||||||||||||||
54. Artabaze II | |||||||||||||||||||
27. Dascatylis de Bactriane[46] | |||||||||||||||||||
3. Laodicé II | |||||||||||||||||||
Annexes
Sources antiques
- Appien, Guerres de Syrie.
- Polybe, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne].
- Tite-Live, Histoire romaine [détail des éditions] [lire en ligne].
Bibliographie
- Catherine Grandjean, Le monde hellénistique, Paris, A. Colin, coll. « U : Histoire », , 350 p. (ISBN 978-2-200-35516-6, OCLC 750802485, BNF 41326333).
- Peter Green (trad. Odile Demange), D'Alexandre à Actium : du partage de l'empire au triomphe de Rome, Paris, R. Laffont, coll. « Bouquins », , 1136 p. (ISBN 978-2-221-08471-7, OCLC 37182669).
- John Ma, Antiochos III et les cités de l'Asie mineure occidentale, Les Belles Lettres, coll. « Histoire », , 476 p. (ISBN 978-2-251-38067-4).
- John Ma, « Dans les pas dâAntiochos III : lâAsie mineure entre pouvoir et discours », dans LâOrient mĂ©diterranĂ©en de la mort dâAlexandre aux campagnes de PompĂ©e : CitĂ©s et royaumes Ă l'Ă©poque hellĂ©nistique. Actes du colloque de la SOPHAU, Pallas, (lire en ligne), chap. 62, p. 243-259.
- Claire PrĂ©aux, Le Monde hellĂ©nistique : La GrĂšce et l'Orient de la mort d'Alexandre Ă la conquĂȘte romaine de la GrĂšce (323-146 avant J.-C.), t. 1, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio. L'histoire et ses problĂšmes », (1re Ă©d. 1978), 398 p. (ISBN 978-2-13-042619-6, BNF 39043099).
- Ădouard Will, Histoire politique du monde hellĂ©nistique 323-, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », (ISBN 2-02-060387-X).
- Ădouard Will, Le monde grec et l'Orient : Le monde hellĂ©nistique, t. 2, PUF, coll. « Peuples et Civilisations », (1re Ă©d. 1975) (ISBN 978-2-13-045482-3).
- Ădouard Will, « Les premiĂšres annĂ©es du rĂšgne d'Antiochos III (223-219 av. J.-C.) », Revue des Ătudes Grecques, vol. 75, no 351,â , p. 72-129 (lire en ligne).
- (en) John Grainger, The Seleukid Empire of Antiochus III : 223-187 BC, Pen and Sword, , 240 p.
Liens internes
Notes et références
Notes
- Rien n'indique si ce mariage a bien eu lieu.
- La cité de Smyrne est la premiÚre cité grecque à honorer Rome d'un culte en 195.
- Tite-Live (XXXVIII, 53-60) rapporte le procÚs fait à Scipion l'Africain, accusé de n'avoir pas versé au trésor public tout le butin d'Asie.
Références
- Will 2003, tome 3, p. 15.
- Will 2003, tome 3, p. 16.
- Polybe, V, 41-57. Sur cette crise voir Will 2003, tome 3, p. 17-21.
- Will 2003, tome 3, p. 23-25.
- Will 2003, tome 3, p. 21.
- Will 2003, tome 3, p. 49.
- Will 2003, tome 3, p. 26.
- Will 2003, p. 37.
- Will 2003, tome 3, p. 38.
- Sur la situation dans les provinces iraniennes et orientales voir Will 2003, tome 3, p. 52-53.
- Will 2003, tome 3, p. 54.
- Will et 2003 tome 3, p. 55-56.
- Will 2003, tome 3, p. 57.
- Polybe, XI, 34.
- Polybe, XXIX, 12, 7-8.
- Clancier, Coloru et Gorre 2017, p. 49.
- Will 2003, tome 3, p. 58-61.
- Polybe, XI, 34, 11-12.
- Will 2003, tome 3, p. 63.
- Will 2003, tome 3, p. 63-64.
- Will 2003, tome 3, p. 66.
- Une de ses dédicaces est écrite en l'honneur d'Antiochos IV, fils du « Grand Roi Antiochos » : Will 2003, tome 3, p. 68.
- Will 2003, tome 3, p. 68.
- Will 2003, tome 3, p. 118.
- Will 2003, tome 3, p. 119.
- Will 2003, tome 3, p. 178-179.
- Will 2003, tome 3, p. 179.
- Will 2003, tome 3, p. 182.
- Will 2003, tome 3, p. 184.
- Will 2003, tome 3, p. 185.
- Will 2003, tome 3, p. 186.
- Will 2003, tome 3, p. 187.
- Will 2003, tome 3, p. 188.
- Will 2003, tome 3, p. 189.
- Will 2003, tome 3, p. 194-195.
- Tite-Live, XXXV, 15.
- Will 2003, tome 3, p. 197-198.
- Will 2003, tome 3, p. 196.
- Will 2003, tome 3, p. 198.
- Will 2003, tome 3, p. 200.
- Will 2003, tome 3, p. 206-207.
- Will 2003, tome 3, p. 214.
- Will 2003, tome 3, p. 221-223.
- Will 2003, tome 3, p. 239.
- Will 2003, tome 3, p. 240.
- x de DASKYLEION â gw.geneanet.org.