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Andrés Framini

Andrés Framini, (Berisso, 1914 - Buenos Aires, 2001) est un dirigeant syndical et homme politique argentin appartenant au mouvement péroniste.

Andrés Framini
Illustration.
Andrés Framini en 1955
Fonctions
Coprésident provisoire de la CGT
–
Président du syndicat AOT (textile)
–
Président du syndicat AOT (textile)
–
Successeur Juan Carlos Laholaberry
Gouverneur de la province de Buenos Aires (non reconnu par le pouvoir)
Élu le – (Ă©lection annulĂ©e)
Biographie
Nom de naissance Andrés Framini
Date de naissance
Lieu de naissance Berisso (province de Buenos Aires, Argentine)
Date de décÚs
Lieu de décÚs Buenos Aires
Nature du décÚs Naturelle
SĂ©pulture CimetiĂšre de la Chacarita (Buenos Aires)
Nationalité Drapeau de l'Argentine Argentin
Parti politique Parti péroniste authentique ; Parti justicialiste
Enfants Deux
Profession Ouvrier du texte ; syndicaliste
RĂ©sidence Grand Buenos Aires

D’origine modeste, ouvrier du textile Ă  Buenos Aires, il fut sensibilisĂ© Ă  la question sociale par PerĂłn et devint un pĂ©roniste de la premiĂšre heure, participant notamment le 17 octobre 1945 au rassemblement ouvrier sur la place de Mai pour rĂ©clamer la libĂ©ration de PerĂłn emprisonnĂ©. Il exerça comme secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du puissant syndicat Association ouvriĂšre textile (AOT) entre 1951 et 1955, puis encore de 1959 Ă  1968. En , lors de la tentative de putsch contre le gouvernement constitutionnel, il accourut sur la place de Mai en soutien au prĂ©sident PerĂłn.

AprĂšs le coup d’État (rĂ©ussi) de , Framini jouera sous le subsĂ©quent rĂ©gime militaire dit RĂ©volution libĂ©ratrice un rĂŽle de premier plan dans la vie politique et syndicale argentine, en particulier dans le processus de « normalisation » du monde syndical impulsĂ© par le nouveau pouvoir. La rĂ©volution de palais qui eut lieu Ă  la mi- et porta au pouvoir l’aile antipĂ©roniste intransigeante de la junte, incarnĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Aramburu (aux dĂ©pens de l’aile nationaliste catholique plus conciliante, encore prĂ©dominante au lendemain du coup d’État et incarnĂ©e par Lonardi), exacerba le conflit entre la confĂ©dĂ©ration syndicale CGT, dont Framini avait Ă©tĂ© Ă©lu secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral dĂ©but octobre, et le nouveau pouvoir ; l’avis de grĂšve gĂ©nĂ©rale, durement rĂ©primĂ©e, Ă©choua, et plusieurs milliers de syndicalistes, dont Framini, furent jetĂ©s en prison. Il prit une part active au soulĂšvement armĂ© (manquĂ©) du gĂ©nĂ©ral Valle en 1956, Ă©chappant de justesse aux reprĂ©sailles. RĂ©duit Ă  la clandestinitĂ©, le syndicalisme pĂ©roniste s’efforça de se rĂ©organiser, de maintenir Ă  flot le rĂ©seau de ses forces et de donner corps, par un ensemble d’actions (mise sur pied de commissions internes clandestines, grĂšves en grand nombre, sabotages
), Ă  ce qu’il est convenu d’appeler la RĂ©sistance pĂ©roniste, dont Framini fut l’un des chefs de file. Il se rallia, en alliance avec les syndicalistes communistes, aux 62 Organisations, l’une des trois fractions dans lesquelles la CGT, mise sous tutelle par le pouvoir, se fragmenta en 1957, et fut Ă  la fin de cette mĂȘme annĂ©e l’un des inspirateurs de l’important Programme de La Falda « pour l’indĂ©pendance nationale ».

L’issue Ă©lectorale Ă  laquelle le rĂ©gime avait dĂ» consentir en 1958 conduisit Ă  l’élection du prĂ©sident Frondizi, qui autorisa les pĂ©ronistes Ă  concourir aux Ă©lections provinciales de 1962, qui vit la victoire des pĂ©ronistes dans la plupart des provinces, y compris de Framini, candidat au gouvernorat de Buenos Aires. Sous la pression des militaires, le rĂ©sultat du scrutin fut annulĂ© par Frondizi.

Dans les annĂ©es 1960, l’antagonisme entre Framini, fidĂšle Ă  PerĂłn exilĂ©, et le mĂ©tallo Vandor, tentĂ© par un « pĂ©ronisme sans PerĂłn » et disposĂ© aux compromis avec le pouvoir, finit par entraĂźner la scission des 62 Organisations. N’ayant pas rĂ©ussi Ă  se faire rĂ©Ă©lire Ă  la tĂȘte de l’AOT en 1968, Framini disparut du devant de la scĂšne, effacement auquel contribua sans doute aussi un simulacre d’enlĂšvement politique qu’il avait mis en scĂšne lui-mĂȘme.

Au retour de PerĂłn en 1973, il s’engagea pour un temps dans l’aile gauche du Parti justicialiste, tentant de rĂ©duire l’influence au sein de ce parti de LĂłpez Rega. Dans le collimateur des militaires aprĂšs le coup d’État de 1976, il dut plonger dans la clandestinitĂ©.

Biographie

Enfance et jeunesse

AndrĂ©s Framini naquit le Ă  Berisso, localitĂ© ouvriĂšre sise dans la couronne industrielle sud du Grand Buenos Aires et proclamĂ©e « capitale provinciale de l’immigrant » en 1978[1]. Dans les annĂ©es 1930, il dĂ©buta dans la vie active comme ouvrier de l'industrie textile, laquelle Ă©tait alors en pleine expansion et Ă  l’avant-garde du processus d’industrialisation de l’Argentine, pendant cette dĂ©cennie et la suivante.

Syndicalisme et péronisme

Ancienne usine Piccaluga dans le quartier de Barracas, banlieue sud de Buenos Aires. C’est en se faisant Ă©lire dĂ©lĂ©guĂ© syndical dans cette usine que Framini commença sa carriĂšre de dirigeant syndical.

En 1943, dans le cadre du processus politique complexe qu’était le gouvernement militaire dĂ©nommĂ© RĂ©volution de 43, une partie du mouvement ouvrier, celle appartenant principalement aux courants socialiste et syndicaliste rĂ©volutionnaire, conclut une alliance avec un groupe de jeunes militaires emmenĂ© par les colonels Juan PerĂłn et Domingo Mercante. Ce fut Ă  ce moment que Framini s’engagea dans le militantisme syndical :

« Lorsque PerĂłn est apparu en 1945 au secrĂ©tariat au Travail et Ă  la PrĂ©voyance, j’étais un jeune ouvrier textile, qui, comme tous les travailleurs, vivait avec de bas salaires, sans protection sociale, avec de longues journĂ©es de travail et souvent maltraitĂ© par les contremaĂźtres. Pour moi, cela Ă©tait la chose normale, je pensais que c’était lĂ  la vie de l’ouvrier qu’il m’avait Ă©tĂ© donnĂ© de devenir, et que je n’avais qu’à subir. PerĂłn m’a dit que ce n’était pas vrai, que cela Ă©tait injuste, qu’il fallait changer cela et qu’on pouvait le changer, si nous nous unissions avec les camarades, dans les syndicats. Ainsi PerĂłn m’a ouvert l’esprit. Depuis lors j’ai su qu’on n’avait pas le droit de m’exploiter. »

— AndrĂ©s Framini[2].

Selon ce qu’il a lui-mĂȘme relatĂ©, Framini prit part Ă  la mobilisation ouvriĂšre du 17 octobre 1945, considĂ©rĂ©e comme la date fondatrice du pĂ©ronisme en tant que mouvement politique[3]. À ce moment, l’Association ouvriĂšre textile (AsociaciĂłn Obrera Textil, AOT), l’un des syndicats les plus puissants du pays, et appelĂ©e Ă  lui faire jouer un rĂŽle de premier plan dans la vie publique, n’avait pas encore Ă©tĂ© fondĂ©e, mais le serait bientĂŽt, une dizaine de jours plus tard.

Framini ne tarda pas Ă  se distinguer comme organisateur syndical, dĂšs aprĂšs qu’il eut Ă©tĂ© Ă©lu dĂ©lĂ©guĂ© de l’entreprise textile F. Piccaluga y Cia, l’une des entreprises pionniĂšres de l’industrie argentine, qui possĂ©dait des ateliers de fabrication dans le quartier de Barracas, dans le sud de l’agglomĂ©ration de Buenos Aires, et oĂč, historiquement, le syndicalisme textile avait Ă©mergĂ© sous la conduite du socialiste Lucio Bonilla[4] - [5].

En 1953, alors qu’il dĂ©fendait une position opposĂ©e Ă  celle de la direction du syndicat, Framini parvint Ă  supplanter les dirigeants d’alors et fut nommĂ© secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’AOT[6].

Le , Framini accourut Ă  la place de Mai pour manifester son soutien au prĂ©sident Juan PerĂłn, face Ă  la tentative (avortĂ©e) de coup d’État militaire dĂ©clenchĂ©e ce mĂȘme jour, tentative lors de laquelle les putschistes s’employĂšrent, avec des avions de guerre de l’aĂ©ronavale, Ă  bombarder et Ă  mitrailler la foule sur la place de Mai, causant la mort de plus trois centaines de personnes[3] - [7].

Chef de file de la Résistance péroniste

La CGT en rĂ©union avec Lonardi en 1955. À gauche, Luis Cerrutti Costa, ministre du Travail ; au centre, le prĂ©sident de facto, le gĂ©nĂ©ral Lonardi ; Ă  droite, Luis Natalini et AndrĂ©s Framini, dirigeants de la centrale syndicale CGT.

Le , quelques semaines aprĂšs le bombardement de la place de Mai survenu en juin, le prĂ©sident Juan Domingo PerĂłn fut renversĂ© par un nouveau coup d’État militaire, prĂ©lude Ă  la dictature autodĂ©nommĂ©e RĂ©volution libĂ©ratrice. Le rĂ©gime militaire issu du putsch donna le coup d’envoi Ă  une longue pĂ©riode de mise hors la loi et d’ostracisme Ă  l’encontre du pĂ©ronisme, qui devait se prolonger jusqu’aux Ă©lections de 1973 et Ă  quoi les militants pĂ©ronistes s’efforceront de faire opposition par un ensemble d’actions connu sous la dĂ©signation RĂ©sistance pĂ©roniste (ou DeuxiĂšme PĂ©ronisme) ; c’est tout au long de cette pĂ©riode qu’AndrĂ©s Framini jouera un rĂŽle de premier plan dans la vie syndicale et politique argentine, ne cessant de condamner la persĂ©cution du mouvement ouvrier et la proscription du pĂ©ronisme aprĂšs 1955. Ainsi prit-il la tĂȘte de la CGT AutĂ©ntica, qui fut la premiĂšre tentative de rĂ©organiser le mouvement ouvrier pĂ©roniste aprĂšs la rĂ©pression, les exĂ©cutions et les emprisonnements auxquels s’étaient livrĂ©s les dictateurs Pedro Eugenio Aramburu et Isaac Rojas[8].

La dictature autodĂ©nommĂ©e RĂ©volution libĂ©ratrice Ă©tait tiraillĂ©e par deux tendances politiques : celle des nationalistes catholiques, emmenĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Eduardo Lonardi, et celle des libĂ©raux de droite, avec Ă  leur tĂȘte le gĂ©nĂ©ral Aramburu et l’amiral Rojas. Les nationalistes catholiques acceptaient nombre des conquĂȘtes sociales obtenues sous le gouvernement de PerĂłn et n’adoptaient pas une position frontalement opposĂ©e au pĂ©ronisme. Les libĂ©raux de droite, en revanche, se proposaient d’abroger les mesures sociales dĂ©cidĂ©es par PerĂłn et s’étaient ancrĂ©es dans une attitude rĂ©solument antipĂ©roniste. Dans les dĂ©buts de la dictature, les deux camps se tenaient en Ă©quilibre, Lonardi exerçant comme prĂ©sident de facto, et Rojas comme vice-prĂ©sident de facto.

Dans cette premiĂšre pĂ©riode, le mouvement ouvrier pĂ©roniste s’évertua Ă  manƓuvrer en exploitant les dissensions entre les deux fractions militaires, pour obtenir des avantages et gagner du temps pour se rĂ©organiser ; pendant ce temps, les syndicats officiels Ă©taient tenus par des groupes non pĂ©ronistes appuyĂ©s par les militaires (socialistes, anarcho-syndicalistes, radicaux, indĂ©pendants), raison pour laquelle cette pĂ©riode viendra Ă  ĂȘtre appelĂ©e Entente cordiale[9].

Le , le comitĂ© directeur de la CGT dĂ©missionna, pour laisser place Ă  une direction provisoire composĂ©e notamment de Luis Natalini de la fĂ©dĂ©ration syndicale Luz y Fuerza (Ă  majoritĂ© pĂ©roniste, regroupant les travailleurs de l’électricitĂ©) et d’AndrĂ©s Framini. Initialement, l’on avait dĂ©signĂ©, pour diriger la CGT, un triumvirat composĂ© d’AndrĂ©s Framini (textiles), Luis Natalini et Dante Viel (secteur public), mais le gouvernement militaire repoussa Viel au motif qu’il s’agissait d’un fonctionnaire public[10] - [9]. Les syndicalistes nĂ©gociaient avec le rĂ©gime militaire par le biais du ministre du Travail Luis Cerruti Costa, un social-chrĂ©tien, avocat du syndicat de mĂ©tallurgistes Union ouvriĂšre mĂ©tallurgique (UniĂłn Obrera MetalĂșrgica, UOM), qui avait Ă©tĂ© pĂ©roniste jusqu’en 1947. Le lendemain de leur accession Ă  la direction de la CGT, Framini et Natalini signĂšrent un pacte formel avec le ministre Cerruti Costa, par lequel le gouvernement reconnaissait les autoritĂ©s de la CGT et s’engageait Ă  nommer, pour surveiller les syndicats, des interventeurs impartiaux ; dans les syndicats devaient se tenir des Ă©lections dĂ©mocratiques avant 120 jours[10]. En contrepartie, Framini et Natalini firent quelques concessions, comme p.ex. la suppression, dans le prĂ©ambule des statuts de la CGT, de la dĂ©claration d’adhĂ©sion Ă  la doctrine pĂ©roniste, et le renoncement au , Jour de la LoyautĂ© pĂ©roniste, comme jour fĂ©riĂ©[10].

NĂ©anmoins, vers la fin du mois d’octobre, les tensions s’exacerbĂšrent, quand le rĂ©gime militaire du prĂ©sident de facto Aramburu, qui avait pris la succession de Lonardi, s’appliqua Ă  installer, par le moyen de l’intervention gouvernementale directe, des comitĂ©s de direction non pĂ©ronistes dans les syndicats, et que la CGT fit en rĂ©action monter sa pression sur le gouvernement afin qu’il s’abstĂźnt d’intervenir dans les syndicats. Le , lors d’une rĂ©union avec le ministre du Travail, Framini requit celui-ci de cesser d’appuyer les factions d’opposition dans les syndicats, sous la menace de dĂ©crĂ©ter une grĂšve gĂ©nĂ©rale[10]. Cerruti Costa rejeta cette exigence syndicale et laissa sans effet l’accord signĂ© avec la CGT. Les nouvelles rĂšgles Ă©nonçaient Ă  prĂ©sent la caducitĂ© des mandats des dirigeants de la CGT et des syndicats, et prĂ©voyaient la tenue d’élections syndicales contrĂŽlĂ©es par les forces armĂ©es[10].

Entre-temps, l’attitude offensive adoptĂ©e par la CGT avait portĂ© la fraction libĂ©rale de droite du rĂ©gime militaire Ă  rĂ©agir et Ă  reserrer son emprise sur le gouvernement. Le , la marine alla mĂȘme jusqu’à occuper le ministĂšre du Travail dans l’intention de dĂ©clencher une action rĂ©pressive contre le syndicalisme pĂ©roniste. Cerruti Costa rĂ©sista Ă  la pression et parvint, avec le soutien de Lonardi, Ă  s’accorder avec Framini et Natalini sur un nouveau pacte, aux termes duquel les autoritĂ©s de la CGT seraient Ă  nouveau reconnues ; il fut convenu d’autre part de dĂ©signer d’un commun accord les interventeurs syndicaux chargĂ©s de procĂ©der Ă  la normalisation[10].

Ce nonobstant, le secteur libĂ©ral de droite revint Ă  la charge le , aprĂšs que le gouvernement militaire eut mis en place la Commission consultative nationale (Junta Consultiva Nacional), prĂ©sidĂ©e par l’amiral Rojas et composĂ©e des hautes personnalitĂ©s politiques que la plupart des partis anti-pĂ©ronistes y avaient mandatĂ©es. Deux jours aprĂšs, une rĂ©volution de palais Ă©clata qui Ă©carta du pouvoir le gĂ©nĂ©ral Lonardi et installa au titre de nouveau prĂ©sident de facto le libĂ©ral de droite Pedro Eugenio Aramburu[10].

La CGT rĂ©agit en dĂ©crĂ©tant une grĂšve gĂ©nĂ©rale pour les 15, 16 et . AussitĂŽt, le rĂ©gime militaire d’Aramburu fit jeter en prison plus de 9 000 dirigeants syndicaux, y compris Framini et Natalini. En raison de ces incarcĂ©rations massives, l’appel Ă  la grĂšve ne fut guĂšre suivi que dans quelques districts et villes Ă  forte concentration ouvriĂšre comme Avellaneda, Berisso et Rosario, et dut ĂȘtre levĂ© dĂšs le lendemain. La CGT et la plupart des syndicats subirent une intervention des militaires et le nouveau rĂ©gime dictatorial mit en marche une vigoureuse politique rĂ©pressive, complĂ©tĂ©e de plusieurs dĂ©crets qualifiant de dĂ©lit le fait de nourrir des idĂ©es pĂ©ronistes, voire de seulement mentionner le nom de l’ancien prĂ©sident Juan PerĂłn, dĂ©lit passible de peines de prison jusqu’à six ans pour les contrevenants[10].

Des années plus tard, Framini évoqua ainsi cette période:

« AprĂšs qu’Aramburu avait pris ses fonctions Ă  la PrĂ©sidence, j’ai declarĂ© trois journĂ©es de grĂšve. Ils sont venus me chercher dans ma maison Ă  Lugano. J’ai alors dit Ă  mon Ă©pouse : « Je vais au commissariat de police et je reviens... ». J’ai tardĂ© neuf mois avant de le faire. Quatre ans se sont passĂ©s pour moi Ă  ĂȘtre tantĂŽt fugitif, tantĂŽt dĂ©tenu. C’était souvent pire d’ĂȘtre fugitif que d’ĂȘtre prisonnier. »

— AndrĂ©s Framini[5].

Les syndicats et la CGT ayant subi l’intervention gouvernementale, le syndicalisme pĂ©roniste s’efforça de se rĂ©organiser en s’appuyant sur ses sympathisants dans les usines et les zones industrielles, par la mise sur pied de commissions internes clandestines et le recours aux grĂšves et aux sabotages ― le canevas de base de ce qui serait ensuite dĂ©signĂ© par RĂ©sistance pĂ©roniste (Resistencia Peronista). C’est lĂ  que surgit toute une nouvelle gĂ©nĂ©ration de responsables syndicaux, tels que le mĂ©tallurgiste Augusto Timoteo Vandor et le travailleur du textile Juan Carlos Laholaberry, lequel sera pendant de longues annĂ©es l’associĂ© syndical de Framini, avant de le supplanter Ă  la direction de l’AOT en 1968[10]. Fin 1956, libre Ă  nouveau, Framini fut Ă  l’origine de la crĂ©ation d’un centre de coordination syndicale, qu’il nomma CGT AutĂ©ntica, qui ne sera pas reconnue par le rĂ©gime militaire. Auparavant, d’autres groupes avaient dĂ©jĂ  tentĂ© des expĂ©riences similaires, comme la CGT Única e Intransigente et le Comando Sindical[10]. Cette annĂ©e-lĂ , dans la clandestinitĂ©, le syndicalisme pĂ©roniste organisa 52 mouvements de grĂšve, auxquels participeront 853 994 travailleurs, un des nombres les plus Ă©levĂ©s, proportions gardĂ©es, de l’histoire de l’Argentine[10].

Framini, qui Ɠuvrait dans la clandestinitĂ©, figura Ă  cette Ă©poque comme l’un des principaux dirigeants de la RĂ©sistance pĂ©roniste. À ce titre, il fut l’un des organisateurs du soulĂšvement civico-militaire avortĂ© du , que dirigeait le gĂ©nĂ©ral Juan JosĂ© Valle et qui fut durement rĂ©primĂ©, en particulier par l’exĂ©cution de 27 civils et militaires, en ce compris les douze exĂ©cutions clandestines de LeĂłn SuĂĄrez. Framini avait Ă©tĂ©, aux cĂŽtĂ©s du responsable syndical mĂ©tallurgiste Armando Cabo et les gĂ©nĂ©raux Valle et RaĂșl Tanco, l’un des quatre hommes Ă  la tĂȘte de l’insurrection, qui se donna pour nom Mouvement de restauration nationale du Neuf-Juin (Movimiento de RecuperaciĂłn Nacional 9 de Junio). Pendant les Ă©vĂ©nements, Framini se tenait au QG du soulĂšvement, installĂ© Ă  Avellaneda, dans une maison sur la rue Alsina, en face de la place Alsina[11]. Il a Ă©tĂ© affirmĂ© que s’il avait Ă©tĂ© trouvĂ© par le rĂ©gime militaire, Framini aurait assurĂ©ment figurĂ© sur la liste des fusillĂ©s[12].

RĂ©organisation syndicale et les 62 organisations

En cohĂ©rence avec la politique du gouvernement militaire tendant Ă  mettre Ă  la tĂȘte des syndicats des comitĂ©s de direction non peronistes, l’intervention militaire dans l’Association ouvriĂšre textile (AOT) sera favorable Ă  Lucio Bonilla, ancien dirigeant de la fraction qui, au sein de l’Union ouvriĂšre textile (UOT), Ă©tait dominĂ©e par le camp socialiste et s’opposait Ă  la fraction dominĂ©e par les communistes (les deux anciennes UOT avaient Ă©tĂ© dissoutes en 1946, afin de pousser ses membres Ă  rejoindre l’AOT, fondĂ©e l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente[4]). MalgrĂ© cela, aux Ă©lections normalisatrices tenues en 1957, la liste socialiste fut battue par une alliance entre pĂ©ronistes et communistes ; compte tenu que Framini n’avait pas Ă©tĂ© lĂ©galement habilitĂ© par le gouvernement militaire Ă  prĂ©senter sa candidature, c’est Juan Carlos Loholaberry qui fut Ă©lu secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral[4].

En , le gouvernement militaire organisa le congrĂšs normalisateur de la CGT, sous la prĂ©sidence de l’interventeur Ă  la centrale, le capitaine de vaisseau Alberto PatrĂłn Laplacete. Framini fut dĂ©lĂ©guĂ© Ă  ce congrĂšs par l’AOT et en sera l’une des figures clef. Lors de ce congrĂšs, le pĂ©ronisme conclut des alliances avec les communistes et avec les syndicalistes indĂ©pendants, dans le dessein de prĂ©venir la victoire des secteurs syndicaux favorables au rĂ©gime militaire. Au moment oĂč cette alliance fut en passe d’obtenir la majoritĂ© lui permettant d’avoir la main sur les accrĂ©ditations des dĂ©lĂ©guĂ©s, les dĂ©lĂ©guĂ©s officialistes (proches du pouvoir en place) se retirĂšrent, en sorte que le quorum du congrĂšs ne fut pas atteint, par suite de quoi le congrĂšs Ă©choua. Le rĂ©sultat en fut la scission de la CGT en trois grandes fractions syndicales :

  • les 62 Organisations, initialement composĂ©es de pĂ©ronistes et de communistes, jusqu’à ce que ces derniers se sĂ©parent Ă  leur tour, peu de temps aprĂšs ;
  • les 32 ComitĂ©s syndicaux dĂ©mocratiques (socialistes et radicaux) ;
  • les 19 Organisations communistes (sĂ©parĂ©es entre-temps d’avec les 62) et indĂ©pendantes, fraction qui allait se dissoudre l’annĂ©e suivante pour fonder le MUCS (acronyme de Movimiento de Unidad y CoordinaciĂłn Sindical), d’orientation communiste[9] - [10].

Cette mĂȘme annĂ©e, les fractions syndicales pĂ©roniste et communiste dĂ©clarĂšrent conjointement deux grĂšves gĂ©nĂ©rales, le et les 22 et [13], avec pour revendications notamment la remise en libertĂ© des syndicalistes emprisonnĂ©s, la levĂ©e de l’état de siĂšge, l’abrogation du dĂ©cret de gel des salaires et la reprise du congrĂšs de la CGT[9] - [10].

En , Framini participa Ă  l’AssemblĂ©e plĂ©niĂšre nationale des dĂ©lĂ©gations rĂ©gionales de la CGT et des 62 organisations, qui se tint Ă  La Falda (province de CĂłrdoba) et oĂč fut approuvĂ© le cĂ©lĂšbre Programme de La Falda « pour l’indĂ©pendance Ă©conomique »[10].

En 1958, Framini partagea, et soutint activement, le vote pĂ©roniste en faveur de la candidature prĂ©sidentielle d’Arturo Frondizi, en conformitĂ© avec le pacte secret conclu entre celui-ci et Juan PerĂłn[14].

En 1959, durant le mandat prĂ©sidentiel de Frondizi (1958-1962), Framini fut accusĂ© d’« activitĂ©s subversives » et dĂ©tenu sur ordre prĂ©sidentiel Ă  trois reprises, en vertu des pouvoirs extraordinaires confĂ©rĂ©s par l’état de siĂšge. Son cas fut dĂ©noncĂ© par la FĂ©dĂ©ration internationale des travailleurs du textile, du vĂȘtement, du cuir et des peaux (FITTVCP) auprĂšs du ComitĂ© sur la libertĂ© syndicale de l’Organisation internationale du travail (OIT), oĂč il fut enregistrĂ© sous l’intitulĂ© Affaire 216. Dans son avis, l’OIT recommanda au gouvernement argentin de mettre Framini rapidement Ă  la disposition d’un juge, qui pourrait rĂ©soudre sa situation en appliquant la loi commune[15]. La mĂȘme annĂ©e, il fut de nouveau Ă©lu secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’AOT, fonction qu’il continuera d’exercer jusqu’en 1968.

En , Framini se joignit Ă  la Commission des 20, direction fĂ©dĂ©rĂ©e du mouvement ouvrier, qui Ă©tait constituĂ©e de pĂ©ronistes et d’indĂ©pendants et exigeait le rĂ©tablissement de la CGT. Pour mettre le gouvernement sous pression, la Commission des 20 dĂ©clencha le une grĂšve gĂ©nĂ©rale, qui força le prĂ©sident Frondizi Ă  la recevoir et Ă  lui agrĂ©er sa demande le [10].

Par la suite, la CGT sera dirigĂ©e par un secrĂ©tariat provisoire de huit membres : AndrĂ©s Framini (textile), Augusto Vandor (mĂ©tallurgie), JosĂ© Alonso (vĂȘtement), Juan Rachini (eaux gazeuses), Arturo Stafolani (La Fraternidad), HĂ©ctor Riego Ribas (mĂ©tiers graphiques), Manuel Carullas (tramways) et Francisco PĂ©rez LeirĂłs (agents municipaux)[10].

Élection au poste de gouverneur de Buenos Aires

AndrĂ©s Framini (Ă  gauche) jetant son bulletin de vote dans l’urne lors des Ă©lections de 1962.

Le prĂ©sident Arturo Frondizi autorisa la participation de candidats pĂ©ronistes aux Ă©lections provinciales du , il est vrai sous de nouvelles dĂ©nominations de parti, telles que Union populaire, Parti travailliste, Tres Banderas, etc. Concernant la province de Buenos Aires, la plus importante du pays, PerĂłn annonça de son exil que pour le gouvernorat de Buenos Aires se prĂ©senterait un binĂŽme de candidats composĂ© d’AndrĂ©s Framini et de lui-mĂȘme, comme candidats gouverneur et vice-gouverneur, respectivement. Cette annonce provoqua un tollĂ© chez les militaires et dans les milieux anti-pĂ©ronistes, et le ministre de l’IntĂ©rieur Alfredo VĂ­tolo dĂ©clara ne pas vouloir autoriser la candidature de PerĂłn. De mĂȘme, le juge Ă©lectoral Leopoldo Isaurralde fit savoir qu’il n’agrĂ©erait pas la candidature de PerĂłn, et le cardinal Antonio Caggiano ne manqua de signaler publiquement que PerĂłn avait Ă©tĂ© excommuniĂ© par l’Église catholique[3]. Finalement, le binĂŽme pĂ©roniste fut complĂ©tĂ© par Francisco Marcos Anglada et concourut sous la dĂ©nomination d’UniĂłn Popular. Pendant la campagne, un slogan sera utilisĂ© anticipant dĂ©jĂ  le retour de PerĂłn au pouvoir : « Framini-Anglada, PerĂłn en la Rosada » (la Rosada = la Casa Rosada, palais prĂ©sidentiel Ă  Buenos Aires)[3]. Le binĂŽme Framini-Anglada reçut Ă©galement le soutien du Parti socialiste, alors dirigĂ© par Alfredo Palacios, et d’Alicia Moreau de Justo, qui dĂ©cida de retirer de la course son propre binĂŽme[16].

Le pĂ©ronisme remporta les Ă©lections lĂ©gislatives dans neuf des dix-sept circonscriptions oĂč elles se dĂ©roulaient, et six gouvernorats : Buenos Aires (Ă©lection de Framini), Chaco, NeuquĂ©n, RĂ­o Negro, Santiago del Estero y TucumĂĄn[17]. Cette victoire pĂ©roniste inattendue donna lieu Ă  une rĂ©clamation des militaires, laquelle porta le prĂ©sident radical Frondizi Ă  enclencher la procĂ©dure d’intervention fĂ©dĂ©rale contre la province de Buenos Aires, Ă  annuler quelques jours plus tard les Ă©lections, puis Ă  appliquer le mĂȘme traitement Ă  toutes les provinces adverses Ă  son gouvernement, en particulier celles aussi oĂč le pĂ©ronisme l’avait emportĂ©[18]. Cette intervention pourtant ne suffit pas Ă  Ă©viter le coup d’État qui renversa Frondizi onze jours plus tard, annula les Ă©lections et remit en pleine vigueur les anciennes mesures de rĂ©pression et de proscription contre le pĂ©ronisme.

En dĂ©pit de ce putsch et de l’annulation du scrutin, Framini, accompagnĂ© de ses partisans, s’en vint le , date Ă  laquelle il devait entrer en fonction comme gouverneur, prendre possession de son poste, et fit dresser procĂšs-verbal du refus du gouvernement de facto de l’investir, ce qui entraĂźna une violente rĂ©pression policiĂšre[3].

Trois dĂ©cennies plus tard, sous le gouvernorat d’Eduardo Duhalde (1991-1999), une loi provinciale reconnut la validitĂ© de la victoire Ă©lectorale d’AndrĂ©s Framini et lui octroya en consĂ©quence le titre d’ancien gouverneur de la province de Buenos Aires[14].

Framini ou Vandor

Cette mĂȘme annĂ©e 1962 en juin, Framini joua un rĂŽle de premier plan lors de l’AssemblĂ©e nationale plĂ©niĂšre des 62 Organisations, qui se tint Ă  Huerta Grande, dans la province de CĂłrdoba, et oĂč il prononça un important discours[19]. Celui-ci sous-tendra le programme politique historique qui fut finalement approuvĂ© par cette AssemblĂ©e et qui Ă©tait en rĂ©sonance avec les postulats des mouvements de libĂ©ration nationale alors en vogue. Le programme de Huerta Grande comportait les points suivants : 1. Nationalisation de toutes les banques et mise en place d’un systĂšme bancaire public et centralisĂ©. 2. Instauration du contrĂŽle de l’État sur le commerce extĂ©rieur. 3. Nationalisation des secteurs clef de l’économie : sidĂ©rurgie, Ă©lectricitĂ©, pĂ©trole et Ă©quipements frigorifiques. 4. Interdiction de tout mouvement direct ou indirect de capitaux vers l’étranger. 5. RĂ©pudiation des engagements financiers du pays, contractĂ©s dans le dos du peuple. 6. Interdiction de toute importation susceptible de concurrencer la production argentine. 7. Expropriation de l’oligarchie terrienne sans aucun type de compensation. 8. Établissement du contrĂŽle ouvrier sur la production. 9. Abolition du secret commercial et contrĂŽle public rigoureux sur les sociĂ©tĂ©s commerciales. 10. Planification de l’effort productif en fonction des intĂ©rĂȘts de la Nation et du Peuple argentins, en fixant des lignes de prioritĂ©s et en Ă©tablissant des bornes minimales et maximales de production.

À partir de ce moment, Framini, par son attitude de loyautĂ© vis-Ă -vis de PerĂłn exilĂ©, apparut comme l’antithĂšse du dirigeant syndical mĂ©tallurgiste Augusto Timoteo Vandor, qui inclinait Ă  se passer de la direction de PerĂłn[7]. Cet antagonisme se fera jour Ă  nouveau en 1966, lorsque quelques responsables syndicaux emmenĂ©s par Vandor se rapprocheront du dictateur militaire Juan Carlos OnganĂ­a, au rebours d’une fraction dissidente au sein des 62 Organisations qui prĂ©conisait une opposition active Ă  la dictature militaire.

Framini faisait partie du Commandement tactique pĂ©roniste, instance clandestine crĂ©Ă©e pour maintenir l’organisation Ă  flot pendant les annĂ©es oĂč le pĂ©ronisme Ă©tait proscrit. Les autres membres en Ă©taient John William Cooke, Augusto Vandor, Delia Parodi et MarĂ­a Granata.

Peu aprĂšs, mais sous la prĂ©sidence dĂ©jĂ  d’Arturo Illia (1963-1966), c’est Ă  Framini qu’il reviendra, en qualitĂ© de membre du Commandement tactique pĂ©roniste, d’annoncer publiquement, lors du rassemblement organisĂ© sur la Plaza Miserere de Buenos Aires le , le retour en Argentine de Juan PerĂłn, programmĂ© pour cette mĂȘme annĂ©e. Le gouvernement d’Illia cependant y fit obstacle, le chancelier Miguel Ángel Zavala Ortiz (qui avait participĂ© en tant que pilote de guerre au bombardement de la place de Mai en [20]) entreprenant en effet des dĂ©marches auprĂšs de la dictature militaire brĂ©silienne, qui empĂȘcha alors l’avion dans lequel voyageait PerĂłn de dĂ©coller.

En , les 62 Organisations allĂšrent Ă  la scission par suite du dessein de la fraction vandoriste de mettre en Ɠuvre un « pĂ©ronisme sans PerĂłn ». Framini rejoignit la fraction antivandoriste, que dirigeait le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la CGT JosĂ© Alonso et qui fut nommĂ©e Debout Ă  cĂŽtĂ© de PerĂłn (De Pie Junto a PerĂłn), en rĂ©fĂ©rence au document par lequel la rupture fut actĂ©e. Le secteur antivandoriste rallia Ă  sa cause plusieurs dirigeants syndicaux, comme Amado Olmos (personnel de santĂ©) et Lorenzo Pepe (cheminots), de mĂȘme que les dirigeants de gauche membres des 19 Organisations. Le vandorisme de son cĂŽtĂ© contre-attaqua en Ă©cartant Alonso comme secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la CGT, et reçut l’appui de personnalitĂ©s syndicales telles que Fernando Donaires, qui remplaça Alonso, Rogelio Coria (bĂątiment) et Miguel Gazzera (pĂątes alimentaires)[10].

En 1968 Framini fut battu par Juan Carlos Laholaberry aux Ă©lections pour le poste de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’Association ouvriĂšre textile (AOT)[21]. En plein processus Ă©lectoral, Framini simula son propre enlĂšvement, apparemment dans le but de se repositionner face Ă  ce qu’il considĂ©rait ĂȘtre une fraude. Cependant, la tentative, qui ne fut pas exempte de quelques traits tragicomiques, fut mise au jour, principalement par des journalistes, plus particuliĂšrement du journal CrĂłnica, qui dĂšs le dĂ©but avait soupçonnĂ© une mise en scĂšne. VĂ­ctor Proncet se saisira de cette affaire pour en faire le sujet de sa nouvelle La vĂ­ctima, laquelle sera Ă  son tour portĂ©e Ă  l’écran, sous la forme d’un film censurĂ© et jamais projetĂ© commercialement, Los traidores de 1973, du metteur en scĂšne Raymundo Gleyzer, qui sera victime de disparition forcĂ©e sous la dictature militaire en 1976[22] - [23].

AprĂšs 1968

L’activitĂ© publique de Framini se reduisit considĂ©rablement aprĂšs qu’il eut Ă©tĂ© Ă©vincĂ© de la prĂ©sidence de l’AOT et Ă  cause aussi de l’épisode de l’auto-enlĂšvement. S’il continua Ă  agir dans la vie politique, ce ne sera plus dĂ©sormais aux plus hautes positions.

En 1974, il fonda Ă  l’intĂ©rieur du Parti justicialiste, conjointement avec SebastiĂĄn Borro, Dante Viel et Armando Cabo, l’AgrupaciĂłn del Peronismo AutĂ©ntico, puis, peu aprĂšs, en 1975, alors que PerĂłn Ă©tait dĂ©jĂ  dĂ©cĂ©dĂ©, il se joignit au groupe fondateur du Parti pĂ©roniste authentique, parti grĂące auquel la gauche pĂ©roniste, principalement la Jeunesse pĂ©roniste et les Montoneros, entendait juguler le pouvoir de l’ultradroitier JosĂ© LĂłpez Rega dans le Parti justicialiste. Cependant, Framini dĂ©missionna peu aprĂšs, pour dĂ©saccord avec la direction[7].

AprĂšs le coup d’État militaire du , Ă  l’origine de la dictature autodĂ©nommĂ©e Processus de rĂ©organisation nationale, une brigade spĂ©ciale (grupo de tareas, GT, dans le jargon de l’époque) vint Ă  son domicile pour l’apprĂ©hender, mais ne put le trouver. Framini dut ensuite vivre cachĂ© pendant plusieurs mois. Lui-mĂȘme relata cet Ă©pisode comme suit :

« En 76, j’ai Ă©tĂ© sauvĂ© par pure chance, car lorsqu’ils ont commis le coup d’État, le mĂȘme jour, ils en ont tuĂ© quelques-uns, dont le major Alberte. Ils sont venus me chercher, Ă  mon domicile. Je n’y Ă©tais pas, ni moi, ni mon Ă©pouse, par hasard. Ils sont montĂ©s par derriĂšre, avec une Ă©chelle, ils ont ouvert Ă  l’arriĂšre, ils m’ont emportĂ© quelques petites choses ― le principal Ă©tait l’agenda ―, et j’ai dĂ» disparaĂźtre. Ceci a eu pour consĂ©quence que j’ai dĂ» vendre ma maison et dĂ©mĂ©nager Ă  un autre endroit de la rĂ©publique. Et aujourd’hui il faut que je supporte que ma dame me dise : tout ça Ă  cause de la politique ! »

[14]

En 1997, la Chambre des dĂ©putĂ©s de la Nation le distingua, avec d’autres personnalitĂ©s de l’histoire nationale, comme un des Mayores Notables de la Argentina[24].

Dans la décennie 1990, Framini se manifesta contre le gouvernement de Carlos Menem, de qui il dira en 1998 :

« Menem est arrivĂ© avec un masque pĂ©roniste et s’est vouĂ© Ă  tout corrompre sur son passage pour installer le modĂšle permettant d’en finir avec le pays. Il n’a rien laissĂ© debout, tout a Ă©tĂ© liquidĂ© ; nous avions dĂ©jĂ  perdu la rĂ©publique et nous ne rĂ©agissions toujours pas. »

— AndrĂ©s Framini[25].

Enfin, dans les annĂ©es 2000, Framini appuya, toutefois sans le rejoindre[14], le Polo Social, dirigĂ© par le pĂšre Luis Farinello et comprenant l’avocat syndical HĂ©ctor Recalde, le socialiste Antonio Cartañå, la sociologue Olga MartĂ­n de Hammar, les responsables syndicaux Luis D'ElĂ­a et Francisco « Barba » GutiĂ©rrez, et Humberto Tumini, entre autres.

Dans ses derniÚres années de vie, Andrés Framini se consacra principalement à témoigner sur les luttes sociales en Argentine, participant à des conférences-débats dans les syndicats, les organisations populaires et les partis politiques[5].

Mort

Framini mourut le , dans des circonstances particuliĂšres. Ce jour-lĂ , Ă  l’ñge de 86 ans, Framini assista Ă  une cĂ©rĂ©monie d’hommage Ă  Eva PerĂłn, dans le local du syndicat des travailleurs du secteur public (ATE) de la CTA, oĂč il prononça un discours et assista Ă  la projection du film PerĂłn, sinfonĂ­a del sentimiento de Leonardo Favio. C’est alors qu’il fut frappĂ© d’une attaque qui le laissa mort sur-le-champ. Ses restes furent veillĂ©s rue Quito et ensuite inhumĂ©s au cimetiĂšre de la Chacarita. Trois jours aprĂšs, le dĂ©putĂ© fĂ©dĂ©ral Juan Carlos Dante Gullo Ă©crivit un article publiĂ© dans le journal PĂĄgina/12 et intitulĂ© Una muerte hermosa (Une belle mort), qui s’achĂšve sur une opinion partagĂ©e par tous ceux qui ont connu Framini :

« Il mourut en luttant. Il mourut comme il l’aurait voulu. Il mourut comme il avait vĂ©cu. Une belle vie ! »

[26]

Au moment de sa mort, il ne touchait aucune pension de retraite et avait comme unique propriĂ©tĂ© un appartement d’une piĂšce et demie[14]. Cinq jours aprĂšs son dĂ©cĂšs, la Chambre des dĂ©putĂ©s de la Nation lui rendit un hommage auquel s’associa l’ensemble des groupes parlementaires[27].

Liens externes

Notes et références

  1. DĂ©cret provincial 438/1978.
  2. Luis Galcerån, El tercer peronismo o el peronismo del retorno, séminaire « Historia de las ideas políticas universales, los siete peronismos y el pensamiento nacional », Institut des hautes études Juan Domingo Perón, 2006.
  3. ÂĄFramini-Anglada: PerĂłn en la Rosada!, Agenda de ReflexiĂłn, nÂș 266, mars 2005.
  4. (es) Torcuato S. Di Tella, « La UniĂłn Obrera Textil 1930-1945 », Desarrollo EconĂłmico, Buenos Aires, vol. 33, no 129,‎
  5. FalleciĂł Framini, el gobernador que no llegĂł a serlo, Sindicato Mercosul, 11 mai 2001.
  6. (en) James W. McGuire, Peronism Without Peron : Unions, Parties, and Democracy in Argentina, Stanford, Stanford University Press, , 388 p. (ISBN 978-0-8047-3655-8), p. 67
  7. (es) « MuriĂł Framini, sĂ­mbolo sindical », ClarĂ­n, Buenos Aires,‎ (lire en ligne)
  8. (es) Carlos Tomada, « AndrĂ©s Framini: un ejemplo de ayer, de hoy y hacia el futuro », PĂĄgina 12, Buenos Aires,‎ (lire en ligne)
  9. (es) Gabriel D. Lerman, « El nacimiento de las 62 Organizaciones. Entrevista a Santiago Senen GonzĂĄlez », PĂĄgina/12, Buenos Aires,‎ (lire en ligne)
  10. (es) Julio Godio, Historia del movimiento obrero argentino (1870-2000), vol. II, Buenos Aires, Corregidor, , p. 963-969
  11. Andrés Framini, 9 de junio de 1956. Alzamiento del General Juan José Valle, discours.
  12. José Luis Ponsico, Hace seis años moría Andrés Framini, Word Press (2007).
  13. CapĂ­tulo 17: Los trabajadores no dan tregua, La Resistencia Peronista, El Forjista.
  14. Lorenzo Pepe, Homenaje a AndrĂ©s Framini, rĂ©union nÂș 11 de la 6e session ordinaire, tenue le 16 mai 2001 Ă  la Chambre des dĂ©putĂ©s de la Nation argentine (2001).
  15. OIT, Dossier 216, Comité sur la liberté syndicale.
  16. Alfredo Allende, Homenaje a AndrĂ©s Framini (2001), Chambre des dĂ©putĂ©s de la Nation, RĂ©union nÂș11, 6e session ordinaire tenue le 16 mai 2001.
  17. Jorge J. Cortabarría, « Los comicios argentinos del 18 de marzo de 1962 », Parlamentario,
  18. (es) José María Rosa, Historia Argentina, El Radicalismo, vol. 10, Buenos Aires, Editorial Oriente, , p. 179
  19. Le texte intĂ©grla de ce discours peut ĂȘtre consultĂ© dans l’ouvrage De Vandor a Ubaldini/2, d’Osvaldo Calello et Daniel Parcero, Ă©d. Centro Editor de AmĂ©rica Latina, Buenos Aires 1984 ( (ISBN 950-25-0085-7)), p. 200-207.
  20. (es) « 16 de junio de 1955 : La Masacre de Plaza de Mayo », sur informedigital.com.ar via Wikiwix (consulté le ).
  21. (es) Hector Alvarez, « 68-69: SĂ­ntesis y perspectivas sociales ÂżTodo tiempo futuro serĂĄ mejor? », Panorama,‎ (lire en ligne) (reproduit sur le site MĂĄgicas Ruinas
  22. (es) Alejandro Tarruela, Historias secretas del peronismo : Los CapĂ­tulos Olvidados Del Movimiento, Buenos Aires, Sudamericana, , 348 p. (ISBN 978-950-07-2847-8)
  23. (es) Pablo Piedras, « Los traidores, de Raymundo Gleyzer. Estilos y estrategias de actuaciĂłn en el cine polĂ­tico », Revista Afuera, no 4,‎ iii (lire en ligne, consultĂ© le )
  24. (es) « Distinguen en el Congreso a 24 Mayores Notables », ClarĂ­n, Buenos Aires,‎ (lire en ligne)
  25. (es) Stella Calloni, « Argentina, vaciada, desintegrada y saqueada », La Jornada, Mexico, Universidad Nacional AutĂłnoma de MĂ©xico,‎ (lire en ligne)
  26. (es) Juan Carlos Dante Gullo, « Una muerte hermosa », PĂĄgina/12, Buenos Aires,‎ (lire en ligne)
  27. Plusieurs dĂ©putĂ©s (2001), Homenaje a AndrĂ©s Framini, Chambre des dĂ©putĂ©s de la Nation, rĂ©union nÂș11, 6e session ordinaire tenue le 16 mai 2001.
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