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Augusto Vandor

Augusto Timoteo Vandor (Bovril, province d'Entre RĂ­os, 1923 ― Buenos Aires, 1969)[1] Ă©tait un dirigeant syndical argentin du secteur mĂ©tallurgique.

Augusto Vandor
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
El Lobo Vandor en 1965.
Nom de naissance Augusto Timoteo Vandor
Alias
El Lobo (le Loup)
Naissance
Bovril, province d'Entre RĂ­os
DĂ©cĂšs
Buenos Aires
Nationalité Drapeau de l'Argentine Argentin
Profession
Ouvrier métallurgiste
Activité principale
Dirigeant syndical (CGT)
Formation
Militaire (Ă©cole de marine)

AprĂšs une brĂšve carriĂšre militaire comme sous-officier de la marine argentine, Vandor rentra dans le civil et connut, surtout Ă  partir de 1954, une ascension irrĂ©sistible dans le monde syndical, rĂ©ussissant, malgrĂ© les rĂ©ticences de PerĂłn qui le soupçonnait de corruption et de vouloir secrĂštement empĂȘcher son retour d’exil, Ă  avoir la main sur 62 des comitĂ©s syndicaux qui composaient la centrale CGT. Le vandorisme, consistant en une politique de nĂ©gociation et de compromis, voire de collusion, avec le patronat et avec le pouvoir post 1955, conjuguĂ©e Ă  une attitude autoritaire, tendant Ă  Ă©liminer les militants plus combattifs et ne reculant pas devant les violences physiques Ă  l’encontre de ses adversaires, valurent Ă  Vandor une inĂ©vitable opposition interne, qui finit par faire Ă©clater la CGT en deux fractions en 1968. Son assassinat par cinq coups de feu dans son bureau n’a pas pu ĂȘtre totalement Ă©lucidĂ©, mais doit sans doute ĂȘtre imputĂ© Ă  un groupe d’activistes se rĂ©clamant du pĂ©ronisme rĂ©volutionnaire.

PremiÚres années et carriÚre militaire

Augusto Vandor Ă©tait originaire de Bovril, petite localitĂ© de la province d'Entre RĂ­os, oĂč il grandit aux cĂŽtĂ©s de ses sƓurs Mercedes et Celina, nĂ©es comme lui du mariage de Roberto Vandor, paysan français d’ascendance hollandaise, et d’Alberta Facendini[2].

En 1941, Ă  l’ñge de 17 ans, aprĂšs avoir travaillĂ© quelque temps dans une station service, dans une centrale Ă©lectrique et dans un entrepĂŽt de laines et cuirs, Augusto Vandor dĂ©cida de s’enrĂŽler dans la flotte navale argentine comme sous-officier machiniste[3]. Il suivit d’abord une formation militaire Ă  l’École de mĂ©canique de la Marine (ESMA) Ă  Buenos Aires[4], avant de prendre du service Ă  bord d’un dragueur de mines, le Comodoro Py.

À 24 ans, en 1947, dĂ©tenteur alors du grade de caporal-chef machiniste, Vandor dĂ©cida de solliciter sa dĂ©mission (ce qui lui sera accordĂ©), mettant fin ainsi Ă  sa carriĂšre militaire, et adhĂ©ra au mouvement pĂ©roniste[5].

CarriĂšre syndicale

Trois ans aprĂšs avoir quittĂ© la carriĂšre militaire, il fit ses premiers pas dans l’activitĂ© syndicale au sein de l’équipe ouvriĂšre de l’usine Philips de Saavedra, dans la proche banlieue nord-ouest de Buenos Aires. C’est lĂ  aussi qu’il fit la rencontre d’Elida MarĂ­a Curone, qui deviendra son Ă©pouse en 1963. Il se signala bientĂŽt dans le milieu syndical par ses capacitĂ©s de nĂ©gociation et par sa tĂ©nacitĂ©, qui lui valurent le surnom de El Lobo (le Loup). En 1954, sous le deuxiĂšme gouvernement de PerĂłn, il prit la tĂȘte d’une grĂšve, qui, lancĂ©e initialement sur des revendications salariales, se termina par la victoire des grĂ©vistes et consacra la rĂ©putation de Vandor dans le monde syndical. DĂšs cette Ă©poque, il apparut comme un dirigeant d’un style nouveau, nĂ©gociateur vigoureux, qui avait rĂ©ussi Ă  rĂ©soudre en sa faveur les dissensions internes existant au dĂ©but du conflit[6].

En septembre 1955, Ă  la suite du coup d’État civico-militaire et de l’instauration subsĂ©quente de la dictature autodĂ©nommĂ©e RĂ©volution libĂ©ratrice, Vandor resta emprisonnĂ© pendant six mois et fut licenciĂ© de Philips. Vandor ne fera sa rĂ©apparition sur la scĂšne du syndicalisme qu’à partir de 1958, annĂ©e qui vit l’élection d’Arturo Frondizi Ă  la tĂȘte de l’État et oĂč l’activitĂ© syndicale fut Ă  nouveau autorisĂ©e en vertu de la loi 14.250, qui allait aussi permettre, conformĂ©ment Ă  ce qui aurait Ă©tĂ© secrĂštement pactisĂ© entre Frondizi et PerĂłn, le retour des pĂ©ronistes Ă  la direction des grands comitĂ©s syndicaux[5]. Vandor, dont il a Ă©tĂ© supposĂ© qu’il ait rencontrĂ© PerĂłn dans son lieu d’exil de Ciudad Trujillo, parvint Ă  se hisser Ă  la tĂȘte de l’Union ouvriĂšre mĂ©tallurgique (UOM, en espagnol UniĂłn Obrera MetalĂșrgica), puis, plus tard, Ă  partir de janvier 1963, Ă  prendre la direction des 62 organisations syndicales pĂ©ronistes, et par lĂ  Ă  devenir l’homme le plus influent de la centrale CGT[5].

L’on assista depuis lors Ă  l’émergence, au sein du pĂ©ronisme, d’une faction dĂ©nommĂ©e vandorisme, se caractĂ©risant par son participationnisme (c’est-Ă -dire sa volontĂ© de compromis avec le patronat), par sa disposition Ă  pactiser avec le gouvernement de facto, et par son adhĂ©sion au pĂ©ronisme sans PerĂłn, alias nĂ©o-pĂ©ronisme[7].

En 1959, le modĂšle dĂ©veloppementaliste de Frondizi Ă©tant entrĂ© en crise, les puissances Ă©conomiques argentines placĂšrent Ă  la tĂȘte du ministĂšre de l’Économie l’ingĂ©nieur Álvaro Alsogaray, qui signa un accord avec le Fonds monĂ©taire international et imposa un strict plan d’ajustement structurel. Le mouvement ouvrier rĂ©pliqua par une vague de grĂšves, oĂč, dans la mĂ©tallurgie, l’arrĂȘt de travail se prolongea sur plus d’un mois, paralysant l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie argentine. Le gouvernement de Frondizi rĂ©solut alors de pactiser avec Vandor par le truchement d’un fonctionnaire du ministĂšre du Travail, Rubens San SebastiĂĄn. Celui-ci parvint Ă  un accord avec Vandor prĂ©voyant des hausses de salaire en contrepartie d’une perte de droits sociaux pour les travailleurs et d’une augmentation de la productivitĂ©. Depuis lors, les rumeurs allaient bon train sur la plantureuse gratification que Vandor aurait reçue en Ă©change de la signature de la convention. Il est certain que son mode de vie changea notablemente : sur l’hippodrome huppĂ© de San Isidro, il devint, naguĂšre encore simple spectateur et parieur passionnĂ©, subitement un important propriĂ©taire de chevaux de course[5].

En 1963, Vandor se fera l’idĂ©ologue et l’animateur du conflit de travail le plus dur auquel fut jamais confrontĂ© un pouvoir dĂ©mocratique en Argentine — en l’espĂšce le gouvernement d’Illia —, le « plan de lutte » de Vandor comportant en effet l’occupation de plus de 10 000 usines[5].

Relation avec PerĂłn

Vandor fut le grand promoteur de l’OpĂ©ration retour (Operativo Retorno) destinĂ© Ă  permettre Ă  PerĂłn de revenir de son exil espagnol en Argentine. Le 2 dĂ©cembre 1964, la Commission Pro-Retorno, dirigĂ© par Vandor, partit pour Madrid afin de faire escorte Ă  l’ancien prĂ©sident lors de son voyage de retour. Cependant, Ă  leur arrivĂ©e Ă  l’aĂ©roport du GaleĂŁo, Ă  Rio de Janeiro, le gouvernement militaire brĂ©silien ordonna Ă  ladite Commission, sur les instances du gouvernement d’Illia, de rebrousser chemin Ă  destination de Madrid. Dans l’entourage de PerĂłn, des soupçons commencĂšrent Ă  se faire jour que l’opĂ©ration manquĂ©e avait Ă©tĂ© en fait une manƓuvre de Vandor visant Ă  dĂ©montrer au peuple argentin que PerĂłn ne pouvait pas rentrer au pays et qu’un pĂ©ronisme sans PerĂłn Ă©tait donc inĂ©luctable ― thĂšse du mouvement nĂ©opĂ©roniste, dont le principal tenant Ă©tait incontestablement Vandor lui-mĂȘme. Depuis lors, les relations entre Vandor et PerĂłn allĂšrent de mal en pis, et le conflit Ă©clata au grand jour Ă  l’occasion des Ă©lections provinciales de 1965, lorsque PerĂłn dĂ©pĂȘcha en Argentine son Ă©pouse Isabel pour entĂ©riner les binĂŽmes (duo de candidats) pĂ©ronistes et rĂ©pudier les candidats vandoristes[5].

En janvier 1966, quelques jours seulement aprĂšs que tous ses candidats eurent Ă©tĂ© battus par ceux de PerĂłn, Vandor, comme il se trouvait sur le champ de courses de San Isidro, fut la cible d’un attentat d’oĂč il sortit toutefois indemne[5].

Vers la mĂȘme Ă©poque circulait une lettre de PerĂłn adressĂ©e Ă  JosĂ© Alonso, alors secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’Association ouvriĂšre du textile et rival de Vandor au sein de la CGT, lettre dans laquelle le lĂ­der exilĂ© dĂ©clarait :

« L’ennemi principal est Vandor et sa cohorte. Il faut les combattre par tous les moyens, et les frapper Ă  la tĂȘte, sans trĂȘve et sans faire de quartier. Son action en a Ă©tĂ© une de tromperie, de duplicitĂ©, de dĂ©fection, de satisfaction d’intĂ©rĂȘts personnels et de coterie, de dĂ©viation, de non-accomplissement des devoirs, de combines, de compromissions inavouables, d’emploi discrĂ©tionnaire de fonds, putrĂ©faction, trahison, esprit de clan. C’est pourquoi je ne pourrai jamais, comme d’aucuns le croient, pardonner une si funeste gestion. En politique, on ne peut pas blesser, il faut tuer, parce qu’on doit savoir prendre la mesure du dommage que peut causer une patte grossiĂšre. Il faudra qu’il y ait une solution, et une dĂ©finitive, cette fois sans tractations, pas comme vous autres arrangez les choses. VoilĂ  ma parole, et vous savez que PerĂłn tient sa parole[5]. »

Tensions au sein de la CGT

Durant le premier semestre de 1966, des affrontements internes se produisirent dans le syndicalisme pĂ©roniste et au sein mĂȘme de l’UOM. Le 13 mai de cette annĂ©e, le CongrĂšs national du syndicat entama ses sĂ©ances Ă  Avellaneda, dans la proche banlieue industrielle sud-est de Buenos Aires. Pendant une pause, dans une brasserie du quartier, des coups de feu furent Ă©changĂ©s entre les principaux dirigeants de l’UOM, dont Vandor et son second, Rosendo GarcĂ­a, et les dĂ©lĂ©guĂ©s du pĂ©ronisme rĂ©volutionnaire, dont Domingo Blajaquis et Juan Salazar ; la fusillade se solda par trois morts, Blajaquis, Salazar et Rosendo GarcĂ­a. L’écrivain Rodolfo Walsh, dans son cĂ©lĂšbre essai ÂżQuiĂ©n matĂł a Rosendo?, rend Vandor responsable des trois morts, y compris donc celle de GarcĂ­a. L’exposĂ© de Walsh Ă©tait en accord avec les expertises balistiques, que l’autoritĂ© judiciaire n’avait pas prises en considĂ©ration lorsqu’elle dĂ©cida d’absoudre Vandor de toute culpabilitĂ© et de toute charge[5].

Le gouvernement d’Illia fut renversĂ© par un nouveau coup d’État militaire le 28 juin 1966, dont Vandor fut l’un des protagonistes. C’est Ă  ce titre qu’il assista Ă  la cĂ©rĂ©monie d’investiture du dictateur OnganĂ­a et qu’il exprima devant la presse sa satisfaction concernant les bonnes intentions du nouveau prĂ©sident envers le mouvement ouvrier organisĂ©. Mais il Ă©tait inĂ©vitable que la gestion autoritaire et nĂ©gociatrice de Vandor suscitĂąt l’émergence d’un noyau d’opposants en dĂ©saccord avec les politiques de la dictature et exclus de l’activitĂ© syndicale par la faction vandoriste[5] ; aussi, lorsqu’en mai 1968 le CongrĂšs normalisateur de la CGT se rĂ©unit Ă  Buenos Aires, il fut abruptement mis fin aux sessions par la fractionnement de la CGT, qui se scinda en la CGT Azopardo (du nom de l’avenue Azopardo, adresse du siĂšge central de la CGT), emmenĂ© par Vandor, et en la CGT de los Argentinos (CGTA), dirigĂ© par le chef des ouvriers du livre, Raimundo Ongaro[5] - [8].

Assassinat

Le 30 juin 1969 eut lieu l’opĂ©ration Judas, oĂč un commando rĂ©ussit Ă  pĂ©nĂ©trer dans le siĂšge de l’UOM, au no 1900 de la rue La Rioja, dans le centre de Buenos Aires, assassina Vandor de cinq balles de pistolet, puis dĂ©posa dans les locaux, avant de s’enfuir, une bombe de TNT, laquelle en explosant dĂ©truisit une partie de l’immeuble[9]. L’organisation de guĂ©rilla ArmĂ©e nationale rĂ©volutionnaire (EjĂ©rcito Nacional Revolucionario, ENR) revendiqua l’attentat le 7 fĂ©vrier 1971[10]. Selon Eugenio MĂ©ndez, ce groupe Ă©tait dirigĂ© par l’écrivain Rodolfo Walsh, comprenait Raimundo Villaflor dans ses rangs, et devait Ă©galement tuer, en plus de Vandor, le syndicaliste JosĂ© Alonso[11] ; en rĂ©alitĂ©, d’aprĂšs d’autres auteurs, comme Felipe Pigna[5], Richard Gillespie[12] et Eduardo Zamorano[11], la dĂ©nomination Ejercito Nacional Revolucionario Ă©tait un nom fictif utilisĂ© par un groupe de militants pour donner le change aux services de renseignements, et au moment oĂč le communiquĂ© de revendication fut rendu public (en 1971), les auteurs physiques de l’assassinat de Vandor avaient dĂ©jĂ  crĂ©Ă©, et faisaient dĂ©jĂ  partie de, l’organisation politico-militaire de guĂ©rilla appelĂ©e Descamisados, qui Ă©tait placĂ©e sous les ordres de Dardo Cabo et destinĂ©e postĂ©rieurement Ă  ĂȘtre absorbĂ©e par les Montoneros. Selon Pigna encore, la dĂ©cision de tuer Vandor avait Ă©tĂ© prise en septembre 1968 aprĂšs que les syndicalistes vandoristes, en connivence avec le patronat, eurent fait Ă©chouer la grĂšve dans les raffineries de pĂ©trole de Berisso et d’Ensenada ; de plus, selon le mĂȘme auteur, la prise de distance de Vandor vis-Ă -vis du Cordobazo, et sa quasi condamnation de cette rĂ©volte, telle qu’il l’exprima dans un communiquĂ© du 5 juin 1969, six jours aprĂšs l’éclatement de ladite rĂ©volte Ă  CĂłrdoba, dans lequel il appelait au respect envers les forces armĂ©es et en appelait Ă  l’unitĂ© du peuple et de l’armĂ©e, contribua Ă  accĂ©lĂ©rer les prĂ©paratifs de l’opĂ©ration Judas. En mars 1969, le groupe de guĂ©rilla, qui Ă©tait rĂ©duit Ă  cinq militants, se mit Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  la maniĂšre de faire intrusion dans l’inexpugnable siĂšge de l’UOM dans le quartier de Parque Patricios, que gardaient une vingtaine de gardes du corps de Vandor. Selon Pigna, pendant plus de trois mois, le groupe Ă©tudia les entrĂ©es et sorties, le mouvement des vĂ©hicules et les horaires de Vandor, tout en tĂąchant entre-temps de se procurer des armes : cinq mitraillettes de calibre 22, deux pistolets de calibre 45, un rĂ©volver 38 et un 32, et deux pistolets 22, en plus de trois kilos de TNT, pour le cas oĂč ils ne rĂ©ussiraient pas Ă  localiser promptement Vandor et qu’ils auraient Ă  faire sauter l’édifice[5].

Hommage à Vandor de la part de l'Union ouvriÚre métallurgique argentine, dans le cimetiÚre de la Chacarita à Buenos Aires.

Plusieurs annĂ©es plus tard, le journal El Descamisado, dirigĂ© par Cabo, publiera une autre version encore de l’attentat[11] - [13]. L’ancien chef des Montoneros JosĂ© AmorĂ­n affirme que l’opĂ©ration Ă©tait par trop complexe pour qu’une organisation fraĂźchement crĂ©Ă©e comme Descamisados ait pu la mener Ă  bien, et tient que les auteurs appartenaient en leur majoritĂ© Ă  la centrale ouvriĂšre CGT de los Argentinos (CGTA)[14]. Une version enfin, recueillie par un journaliste Ă  l’UniĂłn Obrera MetalĂșrgica le jour des faits, indique que Vandor aurait reconnu l’un des auteurs et l’aurait saluĂ© par « Hola CĂłndor » ; or, Dardo Cabo avait participĂ© trois ans auparavant Ă  l’opĂ©ration CĂłndor, qui avait consistĂ© Ă  dĂ©tourner un avion et Ă  le contraindre Ă  atterrir sur les Ăźles Malouines[5].

SinguliĂšrement, le communiquĂ© par lequel le commando supposĂ©ment responsable de l’assassinat s’attribuait l’action ne fut publiĂ© que prĂšs de deux annĂ©es plus tard, le 7 fĂ©vrier 1971. D’aprĂšs les auteurs du communiquĂ©, ce dĂ©calage Ă©tait dĂ» Ă  ce que « l’ENR rĂ©solut de ne pas faire de propagande Ă  propos de l’opĂ©ration Judas avant de disposer d’une force suffisante que pour garantir la continuitĂ© de son action. Cet objectif atteint, il dĂ©cide de rendre public le prĂ©sent communiquĂ©. » Le communiquĂ© se termine en indiquant que « pour les Judas, il n’y aura pas de pardon. Que tous les dirigeants syndicaux choisissent librement leur destin. Vive la Patrie. »[5].

Le soir de ce mĂȘme 30 juin 1969, le gouvernement dĂ©crĂ©ta l’état de siĂšge et mit Ă  profit l’incident pour opĂ©rer une intervention dans la plupart des comitĂ©s syndicaux de la combattive CGT de los Argentinos, intervention au cours de laquelle il y eut des dĂ©tentions massives de militants dissidents et de dirigeants ouvriers, dont Raimundo Ongaro[5].

Le vandorisme

Le secrĂ©tariat du syndicat UOM tenait un vaste fichier de perturbateurs, continuellement mis Ă  jour Ă  l’aide des fichiers des entreprises. Tout licenciement Ă©tait automatiquement suivi de l’expulsion du syndicat, et inversement ; l’article 9 des statuts du syndicat autorisait d’expulser un affiliĂ© sans rĂ©union de discussion, sur simple dĂ©cision du comitĂ© de direction[15]. Ainsi, fin 1963, l’usine mĂ©tallurgique TAMET donna son congĂ© Ă  un groupe de militants communistes et pĂ©ronistes dissidents ; auparavant dĂ©jĂ , ils avaient Ă©tĂ© expulsĂ©s de l’UOM pour une supposĂ©e infraction, et une fois levĂ©e la protection syndicale, le patron avait le champ libre. Cet Ă©pisode est symptomatique du processus d’intĂ©gration de l’appareil syndical dans le systĂšme politique et institutionnel du pouvoir argentin post 1955 et de son corollaire, la bureaucratisation, et d’autre part de la mise en Ɠuvre de mĂ©thodes autocrates pour rĂ©guler la vie interne des comitĂ©s syndicaux, processus qui connut son apogĂ©e dans les annĂ©es de 1962 Ă  1966[16]. La personnalitĂ© qui, dans l’esprit public argentin, symbolisait ce processus, Ă©tait Vandor ; il personnifiait le basculement du mouvement pĂ©roniste d’une position d’opposition au statu quo d’aprĂšs 1955, vers une acceptation de la nĂ©cessitĂ© de parvenir Ă  un accord avec le patronat et le pouvoir. Le vandorisme devint synonyme de compromis, de pragmatisme et d’acquiescement aux contraintes de la realpolitik. Sur le plan politique, le vandorisme signifiait l’emploi de la force politique et postulait la reprĂ©sentativitĂ© des syndicats comme force dominante du pĂ©ronisme et comme seule fraction lĂ©gale du mouvement habilitĂ©e Ă  nĂ©gocier et Ă  traiter avec les autres « facteurs de pouvoir ». Cela se traduisit, sur le plan formel, par de frĂ©quents pourparlers entre gouvernement et responsables syndicaux, et sur le plan informel, par des consultations entre d’une part Vandor et d’autres syndicalistes et d’autre part des hommes politiques et des reprĂ©sentants du patronat[16]. Dans le mĂȘme temps devinrent aussi synonymes du vandorisme le remise au pas de toute dissension interne par la bureaucratie syndicale et le recours Ă  des hommes de main pour intimider les « opposants »[16].

C’est ainsi qu’à partir de 1959, les avant-gardes les plus combatives furent Ă©liminĂ©es. Vandor se maintint Ă  la tĂȘte de son syndicat pendant dix ans, sans que l’on sĂ»t ce qu’en pensaient ses mandataires, et ce jusqu’en mai 1967, lorsque deux listes d’opposition, dont une pĂ©roniste (la grise), firent leur apparition pour lui contester son poste de dirigeant. L’une quelconque de ces deux listes, la grise ou la rose, eĂ»t Ă©tĂ© en mesure de battre Vandor. En septembre 1967, la liste grise (pĂ©roniste) put apporter la preuve de la complicitĂ© de l’UOM dans le licenciement de plus de 700 travailleurs anti-vandoristes dans une vingtaine d’entreprises. Ceux qui s’en offusquaient protestĂšrent et exigĂšrent la tenue d’assemblĂ©es, Ă  quoi l’appareil syndical ripostait par des tabassages, voire, en cas d’insuffisante efficacitĂ©, par une balle dans la tĂȘte[17].

Aux Ă©lections syndicales de 1967, le sous-secrĂ©taire au Travail Rubens San SebastiĂĄn ordonna la suspension des Ă©lections Ă  l’UOM et la prorogation du mandat de ses dirigeants, y compris de Vandor. Les grandes entreprises mĂ©tallurgiques se mirent ensuite Ă  limoger un Ă  un les ennemis connus de Vandor. La General Electric licencia cinq candidats de la liste grise, en plus de 56 ouvriers de son usine Santo Domingo et 70 (dont 12 dĂ©lĂ©guĂ©s syndicaux) de son usine Carlos Berg. La sociĂ©tĂ© Philips procĂ©da Ă  un millier de licenciements : il ne restera plus aucun dĂ©lĂ©guĂ©, ni plus personne qui l’eĂ»t Ă©tĂ© dans le passĂ©[15].

Bibliographie

  • (es) Santiago SenĂ©n GonzĂĄlez et FabiĂĄn Bosoer, Saludos a Vandor. Vida, muerte y leyenda de un lobo, Buenos Aires/Barcelone, Ediciones B Argentina/Javier Vergara editor/Vergara Grupo Zeta, , 302 p. (ISBN 978-950-15-2432-1)
  • (es) Álvaro AbĂłs, Cinco balas para Augusto Vandor, Buenos Aires, Editorial Sudamericana, , 284 p. (ISBN 978-9500726795)

Notes et références

  1. Data BĂĄsica
  2. Familia
  3. Primeros Años
  4. Inicios
  5. (es) Felipe Pigna, « El asesinato de Vandor », El Historiador (consulté le ).
  6. Sindicalismo I
  7. Vandorismo
  8. Sindicalismo II
  9. (es) AndrĂ©s Bufali, « DespuĂ©s del asesinato de Vandor », La NaciĂłn,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  10. DeclaraciĂłn del ENR con motivo del ajusticiamiento de Augusto T. T. Vandor
  11. Cité par Hugo Gambini dans Historia del peronismo. La violencia (1956-1983), éd. Javier Vergara Editor, Buenos Aires 2008, p. 181. ISBB 978-950-15-2433-8
  12. Richard Gillespie, Soldiers of PerĂłn : Argentina's Montoneros, Oxford, Clarendon Press, , 310 p. (ISBN 978-0-19-821131-0), p. 108
  13. Gerardo Bra, El asesinato de Vandor, dans Todo es Historia n° 265 de juillet 1989
  14. José Amorín, Montoneros : la buena historia, Catålogos, , 374 p. (ISBN 978-950-89-5199-1), p. 178
  15. (es) Rodolfo Walsh, cité par Felipe Pigna, « ¿Qué es el vandorismo? (passage de ¿Quién Mató a Rosendo? de Rodolfo Walsh, Buenos Aires, Ediciones de la Flor, 1995) », El Historiador (consulté le ).
  16. (en) Daniel James, Resistance and Integration : Peronism and the Argentine Working Class, 1946-1976, Cambridge University Press, , 303 p. (ISBN 978-0-521-46682-0, présentation en ligne).
  17. Rodolfo Walsh poursuit : « Si l’éventuel rĂ©calcitrant avait certaines rĂ©fĂ©rences Ă  faire valoir, quand p.ex. il s’appelait Felipe Vallese et qu’il Ă©tait un lutteur intrĂ©pide, le troisiĂšme Ă©chelon Ă©tait mis en jeu, Ă  savoir la police, qui alors enlevait le rĂ©calcitrant, le torturait et le faisait disparaĂźtre. Il ne servait alors Ă  rien, comme dans le cas de Vallese, sĂ©questrĂ© au commissariat de Villa Lynch, de fournir Ă  des codĂ©tenus Ă©largis le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone de l’UOM, pour prĂ©venir le syndicat ; celui-ci se garda bien, en l’espĂšce, de se mobiliser, car Vallese passait pour communiste » ; l’auteur insinue ainsi l’existence d’une connivence secrĂšte entre Vandor et la police de la dictature. Il est Ă  noter pourtant que l’enlĂšvement et la disparition de Vallese suscitĂšrent des rĂ©actions massives et immĂ©diates, notamment de la part des organismes syndicaux, par la voix en particulier de Vandor et de Rosendo GarcĂ­a, avec l’assistance juridique du Dr Fernando Torres. Cf. (es) Alejandro InchĂĄurregui, « ÂżPuede desaparecer una persona? », El Ortiba (consultĂ© le ).
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