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Anarchisme en Malaisie

L'anarchisme en Malaisie trouve son origine dans les activités révolutionnaires d'immigrants chinois en Malaisie britannique, précurseurs du mouvement anarchiste local, qui atteint son apogée dans les années 1920. AprÚs une campagne de répression de la part des autorités britanniques, l'anarchisme est supplanté par le bolchevisme comme principal courant révolutionnaire. L'anarchisme resurgit dans les années 1980, dans le cadre de la scÚne punk malaisienne.

Anarchisme en Malaisie
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Histoire

Au IIe siĂšcle les premiers États de la pĂ©ninsule malaise tels que le royaume de Langkasuka se forment et dominent la rĂ©gion[1]. Ces derniers Ă©voluent de CitĂ©s-États et petits royaumes vers des rĂ©gimes politiques beaucoup plus vastes, capables de contrĂŽler l'ensemble de la pĂ©ninsule et sa rĂ©gion.

Au VIIe siÚcle, l'empire de Srivijaya domine la péninsule malaise, ainsi que les ßles Sumatra et Java. En 1288, Srivijaya est conquise par le royaume javanais de Singhasari (campagne de Pamalayu (en)). En 1293, ce dernier devient l'empire de Majapahit et contrÎle la majorité de l' archipel malais.

Si les États Ă©taient majoritairement hindous ou bouddhistes, l'effondrement de Srivijaya inaugure l'Ă©mergence des sultanats musulmans dans toute la pĂ©ninsule. Les sultanats centralisĂ©s de Selangor, Perak, Pahang et Negri Sembilan fusionnent pour Ă©tablir les États malais fĂ©dĂ©rĂ©s[2]. Tandis que les sultanats du nord de Kedah, Kelantan, Perlis et Terengganu, et le sultanat du sud de Johor demeurent autonomes[3].

MalgrĂ© la montĂ©e en puissance des rĂ©gimes malais au cours des siĂšcles, de nombreux peuples autochtones de la pĂ©ninsule se maintiennent en tant que sociĂ©tĂ©s sans État. L'un de ces groupes est le peuple Semai, une sociĂ©tĂ© acĂ©phale qui vit au sein de petites colonies horticoles au centre de la pĂ©ninsule[4]. Les Semai ne reconnaissent pas la notion de propriĂ©tĂ© privĂ©e[5], organisent leurs communautĂ©s Ă  travers des assemblĂ©es publiques[6] et observent un mode de vie qui encourage le principe de non-violence[7] - [8] - [9] - [10].

L'anarchisme en Malaisie britannique

Au début du XIXe siÚcle, l'Empire britannique colonise la péninsule malaise. Les autorités coloniales organisent le territoire en quatre établissements des détroits : Penang, Singapour, Malacca et Dinding, qui sont administrés par la Compagnie des Indes orientales. Les travailleurs chinois immigrent dans ces colonies[11], notamment pour travailler dans les industries miniÚres[12] et du bois. Beaucoup de ces immigrants s'installent de façon permanente en Malaisie, échappant à l'autorité de la dynastie Qing. Cela leur permet de diffuser librement les idées révolutionnaires du républicanisme, du nationalisme, du socialisme et de l'anarchisme .

L'Ă©mergence de l'anarchisme et du mouvement ouvrier en Malaisie

Au cours des annĂ©es 1900, Sun Yat-sen visite rĂ©guliĂšrement la pĂ©ninsule, oĂč il organise des branches locales du Tongmenghui Ă  Seremban, Kuala Lumpur, Malacca et Penang, considĂ©rĂ© comme le siĂšge de l'organisation[13].

AprĂšs la RĂ©volution de 1911, le Tongmenghui se rĂ©organise en Kuomintang. À la suite de son interdiction par les autoritĂ©s britanniques, il poursuit ses opĂ©rations dans la clandestinitĂ© : notamment la collecte de fonds pour aider l'effort rĂ©volutionnaire de la RĂ©publique de Chine nouvellement Ă©tablie, ainsi que l'organisation d'Ă©coles de langue chinoise et de bibliothĂšques en Malaisie[14].

En 1913, lorsque la deuxiÚme révolution contre le gouvernement de Yuan Shikai est vaincue, l'Asie du Sud-Est devient le nouveau centre d'activité du mouvement ouvrier chinois, avec l'établissement de branches d'un nouveau Syndicat des travailleurs dans toute la Malaisie[15].

Figures de proue de ce nouveau syndicat, les anarchistes chinois organisent Ă  partir de Penang une base de soutien dans toute l'Asie du Sud-Est[16].

Liu Shifu lance de nombreuses organisations anarchistes en Malaisie, notamment la « Société de la vérité » et la « Société des camarades anarcho-communistes »[17].

Penang devient alors une plaque tournante pour la publication et la distribution de propagande anarchiste en Malaisie.

AprÚs la dissolution de l'éphémÚre empire de Chine et la mort de l'empereur Yuan Shikai, une troisiÚme révolution se déclenche dans le sud de la Chine. Dirigée par Sun Yat-Sen, elle est une tentative de résister à un nouveau régime du gouvernement central.

L'Union des travailleurs dĂ©place sa base d'opĂ©rations dans la capitale rĂ©volutionnaire de Guangzhou, oĂč elle organise les travailleurs de la ville en syndicats industriels.

Inspiré par l'organisation des Travailleurs industriels du Monde, le Syndicat des Travailleurs crée la "Fédération Industrielle des Chinois d'Outre-Mer", afin d'unir le mouvement ouvrier chinois au-delà des frontiÚres[18]. Le Syndicat des travailleurs malais centralise alors le syndicalisme dans le pays, dirigé par le mouvement anarchiste local[19].

Selon les autoritĂ©s britanniques, le Syndicat des travailleurs malais totalise 200 000 membres Ă  la fin des annĂ©es 1910[20] - [21]. Les services secrets britanniques affirment que l'organisation est contrĂŽlĂ©e par des sociĂ©tĂ©s secrĂštes anarchistes chinoises et que des enquĂȘtes ont rĂ©vĂ©lĂ© des liens Ă©troits avec la Chine[22]. Les Britanniques interdisent le Syndicat des travailleurs malais en 1919, alors qu'il a dĂ©jĂ  fusionnĂ© ses organisations avec le Kuomintang et a continuĂ© son organisation syndicale clandestine.

Le mouvement anarchiste organisé en Malaisie

En 1919, un groupe anarchiste chinois de Guangzhou établit la « Société de la vérité » en Malaisie[23].

Le groupe distribue Ă  grande Ă©chelle de la littĂ©rature anarchiste dans toute l'Asie du Sud-Est, produisant mĂȘme une partie de son matĂ©riel en malais[16].

En mars 1919, un cercle anarchiste de Kuala Lumpur démarre la publication du journal Yi Qunbao, diffusant ainsi une variété de documents sur l'anarchisme, l'anarcho-communisme et le marxisme[24] - [25].

Le mouvement anarchiste malais connaßt une recrudescence significative dans le cadre du Mouvement du 4 Mai, qui se soulÚve en réaction à la cession du Shandong à l'empire du Japon dans le cadre du traité de Versailles.

Selon un activiste anarchiste en Malaisie, cet évÚnement génÚre le développement de la notion de conscience de classe dans le pays[26].

Les travailleurs et les étudiants participent à des manifestations dans toute la Malaisie, organisées par la Société anarchiste de la vérité, dégénérant en manifestations, émeutes et boycotts[27].

Le journal Yi Qunbao est à l'avant-garde de la propagande pendant le Mouvement du 4 mai, qualifiant les boycotts d'« autodéfense », la lutte pour renverser le gouvernement de Beiyang d'« autodétermination » et l'objectif d'établir l'anarcho-communisme en Chine comme « l'autonomie »[25].

Cette propagande est menĂ©e par l'anarchiste Goh Tun-ban, qui exhorte les travailleurs Ă  Ă©tablir une sociĂ©tĂ© sans État et sans classe par le biais d'une rĂ©volution sociale[28] - [29].

Pour sa participation à la publication de littérature anarchiste à Kuala Lumpur, Goh est interrogé par les autorités britanniques, qui l'expulsent, ainsi que d'autres personnalités anarchistes chinoises[30] - [31].

Malgré la répression et la déportation d'individus anarchistes de premier ordre, le mouvement anarchiste organisé continue de croßtre. En 1919, la Fédération anarchiste malaise est créée et est affiliée à la Société des camarades anarcho-communistes. L'organisation déclare dans son manifeste:

« LibertĂ©, ÉgalitĂ©, FraternitĂ©, CommunautĂ© de Biens, CoopĂ©ration : chacun fait ce qu'il peut et prend ce dont il a besoin. Pas de gouvernement, de lois ou de forces militaires. Pas de propriĂ©taires terriens, de capitalistes ou de classe aisĂ©e. Pas d'argent, de religion, de police, de prison ou de chefs. Pas de reprĂ©sentants Ă©lus, de chefs de famille, pas de personne sans instruction ou ne travaillant pas. Pas de rĂšgles de mariages, pas de grands et de petits, riches ou pauvres, et la mĂ©thode Ă  adopter est donnĂ©e par organisation des camarades au moyen de centres de communication, par la propagande dans les brochures, les discours et l'Ă©ducation, par la rĂ©sistance passive au pouvoir. Ne payez pas d'impĂŽts, cessez le travail, cessez le commerce. Par la mĂ©thode de l'action directe, assassiner et semer le dĂ©sordre. L'anarchie est la grande rĂ©volution. »[26]

L'apogée du mouvement anarchiste

En 1920, des groupes anarchistes opÚrent à Penang, Ipoh, Kuala Lumpur et Seremban. Liu Kafei, frÚre de Liu Shifu, est alors l'un des anarchistes les plus en vue de Malaisie, aux cÎtés notamment de nombreux d'enseignants[26].

Les écoles chinoises jouent alors un rÎle particuliÚrement important dans la diffusion de la propagande révolutionnaire, ce qui conduit l'administration coloniale à introduire une loi obligeant les écoles à s'enregistrer auprÚs des autorités. Les Britanniques identifient un renforment des liens entre le Kuomintang et le mouvement anarchiste malais, en partie via les activités du groupe « Shiyan Tun »[25].

Le journal Yi Qunbao continue ses opérations depuis Kuala Lumpur, avec Liu Kafei pour rédacteur en chef. Il y écrit une chronique qui analyse les événements sociaux de l'époque et aborde entre autres les thÚmes de la liberté d'expression, de l'éducation et de la Révolution russe. Kafei plaide publiquement l'établissement d'une société anarcho-communiste, fondée sur les valeurs de liberté et d'égalité absolues[32] - [33].

En 1921, les anarchistes malais cĂ©lĂšbrent le premier mai du pays, qui se poursuit chaque annĂ©e[26]. De nouvelles revues libertaires sont diffusĂ©es Ă  travers tout le pays, et publient notamment des traductions des Ɠuvres de Pierre Kropotkine[26].

En 1923, une branche de la Fédération anarchiste malaise est créée à Penang, qui a établi un lycée afin de fournir une éducation à la population de l'ßle. Les autorités britanniques surveillent la situation à Penang, interdisant aux principaux anarchistes d'enseigner[16].

L'activité anarchiste prend une importance particuliÚre en 1924, alors qu'un certain nombre d'anarchistes gagnent en notoriété publique à Kuala Lumpur, Ampang, Ipoh, Penang et Seremban.

Bien que l'organisation de la FĂ©dĂ©ration anarchiste soit restĂ©e petite, avec environ 50 membres actifs[34], l'anarchisme est trĂšs influent parmi les Malais chinois - en particulier les enseignants et les ouvriers de l'imprimerie[26]. Un congrĂšs national de la FĂ©dĂ©ration anarchiste a eu lieu en fĂ©vrier 1924, au cours duquel sont discutĂ©s des questions d'organisation, de crĂ©ation d'Ă©coles et d'accroissement des activitĂ©s anarchistes[16]. Les enseignants anarchistes militent activement auprĂšs de leurs Ă©tudiants et collĂšgues, alors que le nombre de manifestations de rue augmentent.

Des tensions Ă©mergent entre les anarchistes malais et la FĂ©dĂ©ration anarchiste chinoise Ă  Guangzhou, qui n'approuve pas la nouvelle indĂ©pendance de la fĂ©dĂ©ration malaise[35]. Certains des participants au congrĂšs sont Ă©galement Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s par les autoritĂ©s, forçant des membres Ă©minents Ă  fuir en exil[16]. NĂ©anmoins, la littĂ©rature anarchiste continue Ă  ĂȘtre distribuĂ©e parmi les ouvriers et les Ă©tudiants de Malaisie[36].

En janvier 1925, les anarchistes planifient une sĂ©rie d'assassinats en rĂ©ponse Ă  la rĂ©pression coloniale du mouvement. À Penang, une tentative d'assassinat du gouverneur Laurence Guillemard (en) Ă©choue, et de nouvelles autoritĂ©s coloniales sont dĂ©signĂ©es comme cibles. La jeune anarchiste Wong Sau Ying dĂ©clenche un engin explosif Ă  l'intĂ©rieur du protectorat chinois Ă  Kuala Lumpur, blessant deux responsables coloniaux. Wong est rapidement arrĂȘtĂ©e et condamnĂ©e Ă  10 ans dans la prison de Pudu (en), oĂč elle se suicide[16] - [37].

À la suite de cette attaque, les autoritĂ©s coloniales britanniques intensifient la rĂ©pression contre les mouvements de gauche du pays, ordonnant la suppression du Kuomintang et de la FĂ©dĂ©ration anarchiste. De nombreux militants anarchistes sont arrĂȘtĂ©s et dĂ©portĂ©s.

Ces opĂ©rations mettent un coup d'arrĂȘt aux activitĂ©s du mouvement anarchiste bien que certaines branches du syndicalisme aient continuĂ© Ă  avoir de l'influence.

Communisme, nationalisme et lutte pour l'indépendance de la Malaisie

Le lĂ©ninisme remplace le mouvement anarchiste comme courant dominant de l'extrĂȘme gauche malaise[34]. Le Parti communiste chinois milite auprĂšs d'immigrants chinois en Malaisie britannique, ce qui a culmine avec la crĂ©ation du Parti communiste de Malaisie (MCP) en avril 1930[38]. MalgrĂ© la rĂ©pression, le parti parvient Ă  structurer des syndicats et des comitĂ©s de travailleurs parmi les immigrĂ©s chinois, initiant un certain nombre de grĂšves[39]. Tandis que le Parti communiste est principalement influent parmi les travailleurs malais chinois, l'aile gauche du premier mouvement nationaliste malais (en) opĂšre auprĂšs des Malais, entraĂźnant la formation du Kesatuan Melayu Muda (en) (KMM) en 1938[40].

Alors que le KMM soutient activement l'empire du Japon pendant l'occupation de la Malaisie, il voit ses demandes d'indépendance rejetées et le parti est dissous de force par les forces d'occupation[41]. Pour sa part, le MCP crée l'Armée populaire anti-japonaise malaise pour combattre l'occupation, déclenchant une guérilla dans toute la Malaisie[42].

Avec le retour de la domination britannique (en) à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Union malaise est instituée pour susciter un contrÎle centralisé et unitaire sur toute la péninsule. Cette politique est vivement rejetée par les Malais indigÚnes, y compris le Parti Kebangsaan Melayu Malaya (en) (PKMM), qui crée en réaction la Fédération de Malaisie dans une volonté de retour au fédéralisme .

Le retour de l'administration coloniale britannique est récusé par le MCP. Celui-ci crée l'Armée de libération nationale malaise (MNLA) pour mener des attaques contre les colons britanniques. AprÚs l'assassinat par le MNLA de trois agriculteurs britanniques, l'administration coloniale invoque l'état d'urgence en Malaisie, qui déclenche une guerre civile entre la Fédération et les communistes[43]. L'administration dirige une répression contre tous les groupes politiques de gauche, déclarant le PKMM et le MCP illégaux. L'Organisation nationale malaise unie (ONMU), un parti politique positionné à droite, arrive au pouvoir en coopérant avec les Britanniques pour vaincre l'insurrection communiste.

Pendant ce temps, le PKMM est réorganisé en Parti Rakyat Malaysia (en), et rejette le régime de l'ONMU tout en coopérant avec le Parti travailliste de Malaisie (en) pour revitaliser l'aile gauche malaise.

À l'issue de l'insurrection communiste, la proclamation de la Malaisie (en) unifie la fĂ©dĂ©ration de la Malaisie avec le Sarawak et le Sabah, pour former le pays indĂ©pendant de la Malaisie[44].

À la suite d'une nouvelle insurrection communiste (en) contre le nouvel État malaisien, le MCP se trouve forcĂ© Ă  rĂ©primer la dissidence interne. Engendrant la scission de nombreuses factions qui s'affrontent[45], le Parti communiste malaisien est dĂ©finitivement dissous en 1989. La gauche radicale du malaise commence alors Ă  chercher des alternatives au marxisme-lĂ©ninisme .

RĂ©surgence du mouvement anarchiste

AprÚs une longue période de rémission, l'anarchisme ressurgit en Malaisie au cours des années 1980, comme en témoigne la participation des anarchistes malaisiens à un congrÚs anarchiste international à Venise en septembre 1984[46].

Une nouvelle vague anarchiste s'installe dans les années 1990, dans le cadre de la sous-culture punk naissante qui se développe dans toute l'Asie du Sud-Est.

La scĂšne musicale punk malaisienne se dĂ©veloppe rapidement Ă  Kuala Lumpur, Ipoh et Johor Bahru, avec des groupes comme Carburetor Dung (en) faisant ouvertement rĂ©fĂ©rence Ă  l'anarchisme dans leur Ɠuvre[47]. Des groupes anarchistes tels que la FĂ©dĂ©ration Anarcho-punks, Anti-Racist Action et Liberated Aboriginal sont crĂ©Ă©s. Ces groupes organisent des initiatives comme entre autres la distribution de vĂȘtements, la collecte de fonds pour les rĂ©sidents locaux et l'organisation d'un service de blanchisserie gratuit. Des fanzines anarchistes sont Ă©galement publiĂ©s et distribuĂ©s dans toute la Malaisie. Une antenne de l'organisation Food Not Bombs s'installe Ă  Kuala Lumpur et un rĂ©seau Anarchist Black Cross s'organise pour fournir de l'aide aux prisonniers politiques.

Dans les années 2000, le mouvement anarchiste malaisien se diversifie. L'anarcho-pacifisme, l'anarcho-communisme et l'anarchisme vert se répandent dans tout le pays.

Cependant, le manque de traductions disponibles de littĂ©rature en langue malaisienne et le coĂ»t Ă©levĂ© des livres (souvent inabordables pour les Malais pauvres) entravent la croissance du mouvement[47]. Les politiques rĂ©pressives du gouvernement malais constituent Ă©galement un obstacle, car les rĂ©unions publiques ne peuvent se tenir sans l'autorisation de la police. À cela s'ajoute l'interdiction de la publication d'une littĂ©rature considĂ©rĂ©e comme subversive, ainsi que la surveillance des communications Ă©lectroniques. La loi sur la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure autorise Ă©galement la dĂ©tention prĂ©ventive sans procĂšs ni inculpation pĂ©nale[48].

En 2005, le centre social autogéré Gudang Noisy est créé à Ampang (en). Ce projet devient l'infoshop de la bibliothÚque universelle en 2010, aprÚs avoir échangé avec de nombreux centres autonomes similaires au Japon, en Allemagne et à Singapour. Renommé Rumah Api, le centre organise des concerts, des projections de films et des débats, ainsi qu'une cuisine pour l'organisation Food Not Bombs. La bibliothÚque constitue une collection de livres et de brochures, et initie la publication du magazine en malais Bidas. Les militants travaillant au Rumah Api s'intÚgrent au mouvement étudiant, attirant la participation aux manifestations du 1er mai de la ville et distribuant des tracts anarchistes. D'autres centres sociaux et infoshops sont également créés, notamment à Trengganu et Bangsar (en)[49].

La massification des manifestations du 1er mai dans tout le pays entraĂźne un regain d'intĂ©rĂȘt pour le mouvement ouvrier et l' anarcho-syndicalisme. Bien qu'initialement critiquĂ©s, les anarcho-syndicalistes rĂ©ussissent Ă  Ă©tablir des syndicats illĂ©gaux dans les usines de toute la Malaisie, dans le but de crĂ©er « un grand syndicat (en) » par le biais de la fĂ©dĂ©ration des syndicats de travailleurs malaisiens. Leur attention se focalise en particulier sur le militantisme et l'Ă©ducation, avec la crĂ©ation de Kukong Press amenant Ă  la publication de littĂ©rature anarchiste en langue malaise. Le Black Book devient le premier livre anarchiste Ă  ĂȘtre Ă©crit Ă  l'origine en malais[47].

Les manifestations du 1er mai se multiplient et se radicalisent.

En 2014, un bloc anarchiste lors du rassemblement anti-GST du 1er mai (en) Ă  Kuala Lumpur tente de pĂ©nĂ©trer la place Merdeka, oĂč ils s'affrontent avec des membres du Parti islamique malaisien d'extrĂȘme droite[50] - [51] - [52].

Lors du rassemblement anti-GST du 1er mai 2015, un bloc anarchiste dĂ©file pour protester contre l'augmentation du coĂ»t de la vie, la rĂ©duction des prestations sociales et l'augmentation des impĂŽts. Alors que les manifestants refusent de se disperser, les anarchistes affrontent la police, qui tentait de saisir la nourriture et l'eau des manifestants[53]. AprĂšs l'utilisation par les anarchistes de bombes fumigĂšnes et de pĂ©tards, l'attaque d'une succursale de McDonald's avec de la peinture et des jets de pierres sur un bĂątiment bancaire, la police utilise des gaz lacrymogĂšnes et un canon Ă  eau pour disperser les manifestants, arrĂȘtant une trentaine de personnes[54].

Cette rĂ©surgence de l'activitĂ© anarchiste entraĂźne une nouvelle vague de rĂ©pression. Le 28 aoĂ»t 2015, un dĂ©tachement de policiers armĂ©s prend d'assaut le Rumpah Api lors d'un concert, confisquant du matĂ©riel de musique, des ordinateurs et des livres, et arrĂȘte 163 personnes, dont des ressortissants Ă©trangers[55] - [56] - [57]. Le 24 janvier 2016, lors d'un rassemblement (en) Ă  Kuala Lumpur contre la ratification du Partenariat transpacifique, sept anarchistes sont arrĂȘtĂ©s par la police, accusĂ©s de dommages matĂ©riels[58].

En 2020, pour critiquer la gestion gouvernementale de la pandĂ©mie de COVID-19 en Malaisie, des anarchistes de tout le pays coordonnent une sĂ©rie d’initiatives, appelant Ă  la dĂ©mission des principaux politiciens malaisiens[59].

Voir Ă©galement

Références

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