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Anarchisme en Chine

L'anarchisme en Chine apparait dans les annĂ©es 1905-1910. Des annĂ©es d’effervescence politique et culturelle.

Anarchisme
en Chine
Image illustrative de l’article Anarchisme en Chine
Trois anarchistes chinois de la premiÚre génération, Wu Zhihui, Zhang Renjie et Li Shizeng. Vers 1910.

Personnalités Li Shizeng
Liu Shifu
Huang Lingshuang
Zhang Ji
Liu Shipei
Zhu Qianzhi (en)
Wu Zhihui
Tchouang-tseu (Zhuangzi)
Structures Xinshe (Société de la conscience) 1912-
Liufa qingong jianxue hui (La Société Travail-Etude), 1912-
Presse Xin Shiji (Le Nouveau SiĂšcle)
Tianyi bao (Principes naturels)
Ouvrages ‱ Jean-Jacques Gandini, Aux Sources de la rĂ©volution chinoise : les anarchistes. Contribution historique de 1902 Ă  1927, Atelier de crĂ©ation libertaire, 1986.
‱ Agathe Senna, Petite histoire de l’anarchisme chinois, Lundi matin, 2017, [lire en ligne]
Anarchisme par zone géographique

Le mouvement libertaire chinois est divers : communisme libertaire (Liu Shifu), anarchisme agrarien (Liu Shipei), anarchisme individualiste (Qu Qianzhi), anarcha-féminisme (He Zhen), anarcho-syndicalisme (Wu Kegang), culturel (Ba Jin).

L’anarchisme chinois n’est en rien une « importation » d’une « pensĂ©e politique occidentale ». Ses courants se croisent et ses sources sont plurielles : textes taoĂŻstes ou issus du bouddhisme pour les uns, Pierre Kropotkine et ÉlisĂ©e Reclus pour les autres.

Dans les annĂ©es 1920 le mouvement anarchiste prend une ampleur nationale. Dans les villes, des groupes d’entraide rĂ©unissent Ă©tudiants et ouvriers, des cours sont dispensĂ©s dans des usines, des programmes d’étude qui allient travail manuel et intellectuel. Les premiers syndicats ouvriers s'organisent, particuliĂšrement autour de Canton, oĂč l’on en compte une quarantaine dans les annĂ©es 1915. Dans les campagnes, des communautĂ©s libertaires sont crĂ©Ă©es notamment dans la province de Fujian. Entre 1905 et 1923, la presse anarchiste se dĂ©veloppe ainsi que des sociĂ©tĂ©s anarchistes.

C'est dans les annĂ©es 1930, que face Ă  l'Ă©mergence du Parti Communiste, l'influence du mouvement pĂ©riclite. Selon Ba Jin, c’est le manque de cohĂ©sion et d’organisation et le fait que ce ne soit pas un parti constituĂ© dans le jeu des partis politiques, qui, face aux communistes, mĂšne Ă  son dĂ©litement progressif.

MalgrĂ© la rĂ©pression et l’interdiction du mouvement, des anarchistes poursuivent l'action Ă  Shanghai, Canton et Nanjing. En 1931, Ă  Nanjing, une Ligue Anarchiste Orientale regroupent des chinois, japonais, corĂ©ens et vietnamiens.

En 1949, lors de la prise du pouvoir par le Parti Communiste, certains anarchistes accueillent l'Ă©vĂ©nement avec sympathie. Mais beaucoup d’auteurs ou penseurs anarchistes importants fuient Ă  l'Ă©tranger.

Dans la pĂ©riode contemporaine, les organisations ouvertement anarchistes ont cessĂ© d'ĂȘtre un Ă©lĂ©ment de la politique chinoise moderne Ă  cause de la rĂ©pression stricte exercĂ©e envers les antiautoritaires par les maoĂŻstes depuis la RĂ©volution Culturelle. Toutefois, comme mouvement de rĂ©sistance clandestin, l'anarchisme demeure influent. Les courants socialiste libertaire et communiste libertaire ont Ă©tĂ© particuliĂšrement puissants dans le mouvement anti-dictatorial et le mouvement ouvrier clandestin chinois. Parmi les groupes les plus connus dans le monde occidental, la Beijing Students' Autonomous Federation (en) et la Beijing Workers' Autonomous Federation (en).

Cours du soir pour les ouvriers chinois en France (1916).
Ba Jin (1938)

Contexte historique

Les origines de l'anarchisme en Chine remontent jusqu'aux premiers mouvements nationalistes chinois. La prédominance à la fin du XIXe des mouvements nihiliste et anarcho-communiste en Russie, frontaliÚre de la Chine, fut une source anarchiste notoire qui influença les mouvements nationalistes chinois.

L'utilisation de l'assassinat comme outil dans les mouvements anti-mandchous encouragée par des groupes comme le Corps Chinois d'Assassinat était calquée sur les martyrs et assassinats de groupes anti-tsaristes russes comme Narodnaya Volya (en français : La Volonté du Peuple) ou par les nationalistes panslavistes comme l'organisation Tsrna Ruka (en français : La Main Noire).

Bien que l'anarchisme et le nihilisme soient des idĂ©ologies bien distinctes, Ă  cette Ă©poque, la presse populaire en Chine et en Europe confondait les deux. À la ConfĂ©rence Internationale de Rome pour la DĂ©fense Sociale contre les Anarchistes (tenue du 24 novembre au ), l'anarchisme fut dĂ©fini comme « n'importe quel acte utilisant des moyens violents afin de dĂ©truire l'organisation de la sociĂ©tĂ© ». Cette association avec la violence politique provoqua un intĂ©rĂȘt premier pour l'anarchisme parmi certains rĂ©volutionnaires chinois. À cause du manque de traduction en chinois des textes anarchistes, cette influence fut trĂšs limitĂ©e.

Les mouvements chinois Ă©tudiants

La premiĂšre prĂ©sence anarchiste explicite et reconnaissable est nĂ©e en France et au Japon oĂč les enfants de riches familles allĂšrent Ă©tudier grĂące au programme chinois d’étude Ă  l’étranger qui fut Ă©tabli aprĂšs la rĂ©volte ratĂ©e des Boxers en 1900. Bien qu’inaccessible Ă  l’immense majoritĂ© de la population, ces programmes avaient dĂ©jĂ  attirĂ© en 1906 600 Ă©tudiants en Europe et environ 10 000 au Japon. Le Japon, particuliĂšrement Tokyo, Ă©tait la destination la plus populaire Ă  cause de sa proximitĂ© gĂ©ographique, son prix relativement abordable et l’affinitĂ© naturelle entre les deux cultures. En Europe, Paris Ă©tait particuliĂšrement populaire car la vie y Ă©tait relativement bon marchĂ©, le gouvernement français aidant financiĂšrement les Ă©tudiants, et parce que la France Ă©tait vue comme le centre de la civilisation occidentale.

D’aprĂšs certaines sources, c’était aussi un moyen pour les officiels du gouvernement chinois qui instaurĂšrent le programme d’éloigner les Ă©tudiants radicaux du pays, les plus radicaux Ă©tant envoyĂ©s en Europe, les plus modĂ©rĂ©s au Japon. Si ce fut le cas, alors cette politique fut remarquablement irrĂ©flĂ©chie car les Ă©tudiants Ă  l’étranger ont utilisĂ© les mĂ©thodes et les idĂ©ologies du socialisme et de l’anarchisme europĂ©ens pour transformer complĂštement la sociĂ©tĂ© chinoise. Chez les deux destinations d’étude, l’anarchisme est rapidement devenu l’idĂ©ologie occidentale adoptĂ©e par les Ă©tudiants la plus dominante. En 1906, deux groupes indĂ©pendants d’étudiants anarchistes furent crĂ©Ă©s Ă  quelques mois d’écart, un Ă  Tokyo, l’autre Ă  Paris. Les localisations diffĂ©rentes, et peut-ĂȘtre aussi les penchants diffĂ©rents des Ă©tudiants envoyĂ©s vers ces destinations, ont eu pour rĂ©sultat deux sortes d’anarchisme trĂšs diffĂ©rents.

Le groupe de Paris

D’aprĂšs Li Shizeng (en caractĂšres chinois æŽçŸłæ›Ÿ), qui fit partie du mouvement, les influences du groupe de Paris pouvaient ĂȘtre divisĂ©es entre trois courants principaux : la pensĂ©e libertaire radicale et l’anarchisme, le darwinisme et le darwinisme social, et les philosophes chinois traditionnels. Bien que le groupe de Paris Ă©tait beaucoup moins disposĂ© que son homologue de Tokyo Ă  comparer les enseignements de Lao-Tseu ou l’antique systĂšme "puits-champ" (en)Well-field system (en) avec le communisme anarchiste qu’il soutenait, Li dĂ©crit le groupe comme Ă©tant composĂ© de jeunes gens ayant reçu une excellente Ă©ducation dans la tradition chinoise classique. Il admit toutefois que les vieilles pensĂ©es les influençaient. Cependant, la tendance claire du groupe de Paris Ă©tait de dissoudre et mĂȘme activement combattre toute association anarchiste ayant une culture traditionnelle.

Le groupe de Tokyo

Le groupe de Tokyo fut attirĂ© par les mĂȘmes influences, mais dans un ordre de prĂ©fĂ©rence diffĂ©rent. Tandis que le groupe de Paris s’était Ă©pris de la science et de la civilisation occidentales, le groupe de Tokyo enracina son anarchisme dans les traditions politique natives d’Asie. En pratique, cela signifie que le groupe de Paris Ă©tudiait l’espĂ©ranto, vantait l’anarcho-syndicalisme, et puisait beaucoup dans les travaux de Bakounine et Kropotkine. Le groupe de Tokyo vantait lui une sociĂ©tĂ© paysanne bĂątie autour de villages gĂ©rĂ©s dĂ©mocratiquement et organisĂ©s en une fĂ©dĂ©ration libre pour l’entraide et la dĂ©fense. Ils basaient leur philosophie sur une fusion du taoĂŻsme, du bouddhisme et du systĂšme "puits-champ", et prĂ©fĂ©rait LĂ©on TolstoĂŻ Ă  Kropotkine. Les deux groupes prĂ©conisĂšrent trĂšs tĂŽt l’assassinat, peut-ĂȘtre un indicateur des futures influences nihilistes, mais dĂšs 1910, la conversion Ă  l’anarchisme s’accompagnait typiquement par le refus de l’assassinat.

Coopération et différences

Au dĂ©but des annĂ©es 1900, le mouvement anarchiste Ă©tait largement occidental et les Ă©tudiants chinois Ă  Paris Ă©taient des supporteurs enthousiastes de l’anarchisme car il le voyait comme le mouvement le plus tournĂ© vers l’avenir entre toutes les idĂ©ologies occidentales, et par consĂ©quent le plus Ă©loignĂ© de la culture chinoise qu’ils pensaient moribonde Ă  cause de sa tradition. Cette position les a rĂ©guliĂšrement placĂ© en opposition avec le groupe de Tokyo qui voyait mieux le cĂŽtĂ© bĂ©nĂ©fique de la culture traditionnelle, et mĂȘme avançait que puisque la Chine n’avait pas encore embrassĂ© l’illusion de la dĂ©mocratie libĂ©rale capitaliste, il serait plus facile pour eux que pour les europĂ©ens de rĂ©aliser la transition vers l’anarchisme.

Cependant ces diffĂ©rences ne signifie pas que les deux groupes rejetaient toute coopĂ©ration. Puisqu’ils revendiquaient tous deux une structure politique dĂ©centralisĂ©e, l’importance de l’économie locale et l’autodĂ©termination politique, ils parvinrent Ă  l’accord tacite qu’aprĂšs la rĂ©volution les deux systĂšmes pourraient coexister pacifiquement. Le conflit Ă©tait essentiellement dĂ» aux valeurs, aux prioritĂ©s, et par implication aux mĂ©thodes pour rĂ©aliser la rĂ©volution, que les deux groupes promouvaient. En particulier, le conflit reposait sur la place, s’il y en a une, qu’aurait les philosophies traditionnelles chinoises pour influencer les pensĂ©es et actions anarchistes. C’était une source majeure de dĂ©bat et de friction entre les deux groupes.

Le fait que les avocats de diffĂ©rents anarchismes soient en dĂ©saccord sur certains points mais acceptent de coopĂ©rer n’est pas une tendance unique dans l’expĂ©rience anarchiste chinoise. Pour cette raison, beaucoup de politologues dĂ©crivent l’anarchie comme un mouvement de mouvements, ou comme Noam Chomsky le dĂ©finissent comme « un ensemble d'idĂ©ologies et de mouvements partageant certaines caractĂ©ristiques basiques ». La diversitĂ© idĂ©ologique inhĂ©rente dans un tel mouvement de mouvements a Ă©tĂ© historiquement un de ses grands atouts, mais a aussi rĂ©guliĂšrement empĂȘchĂ© ses tentatives de se transformer en une force cohĂ©sive pour changer la sociĂ©tĂ©.

Comparaison avec les anarchistes européens

Les groupes de Paris et de Tokyo Ă©taient unanimes dans leur condamnation du confucianisme et dans leur volontĂ© de transformer la sociĂ©tĂ©. Tandis que le mouvement anarchiste europĂ©en revendiquait aussi une transformation sociale, les anarchistes chinois se rĂ©voltaient pour abolir l'ancienne culture, Ă  laquelle ils accordaient une importance principale. Les anarchistes europĂ©ens destinaient certaines de leurs critiques les plus dures au christianisme, vu comme un des trois piliers de l’autoritarisme, avec le capitalisme et l’État. Les anarchistes chinois dĂ©clarĂšrent la guerre totale Ă  la culture confucianiste, qu’ils voyaient comme une forme de contrĂŽle social assez analogue au christianisme occidental dans sa pĂ©nĂ©tration hĂ©gĂ©monique de la sociĂ©tĂ© et sa proscription des normes sociales. Comme Chu Minyi (un des membres du groupe de Paris) Ă©crivit : « Les chinois semblent ĂȘtre les plus fidĂšles adorateurs des choses anciennes, tant et si bien que leur esprit a Ă©tĂ© complĂštement enchaĂźnĂ© par les coutumes et qu'ainsi ils sont devenus esclaves des anciens ». Au cours des vingt annĂ©es suivantes, cet accent portĂ© sur la transformation culturelle sera adoptĂ©e en pratique par tous les Ă©lĂ©ments de la gauche radicale chinoise. Sa rhĂ©torique, si ce n’est sa substance, sera reprise par Mao pour justifier la RĂ©volution Culturelle.

L'anarchisme et le nationalisme

Dans la premiĂšre phase du mouvement, les anarchistes des deux Ă©coles prenaient gĂ©nĂ©ralement part au mouvement nationaliste, bien qu’en thĂ©orie ils rejetaient le nationalisme et les États-nations.

Attaques nationalistes

Les premiĂšres attaques contre le mouvement anarchiste naissant vinrent des nationalistes qui voyaient l’anarchisme comme une menace envers leur effort pour construire une nation forte, unifiĂ©e, centralisĂ©e et moderne qui puisse tenir tĂȘte au pouvoir envahissant de l’impĂ©rialisme occidental. Comme un lecteur nationaliste Ă©crivit au journal anarchiste XÄ«n ShĂŹjĂŹ (æ–°äž–çșȘ, en français : Le SiĂšcle Nouveau), publiĂ© par le groupe de Paris :

« Si vous, anarchistes, savaient seulement crier stupidement « Nous ne voulons pas de gouvernement, pas de soldats, pas de limites nationales, et pas d’État » et que vous ĂȘtes pour l’harmonie universelle, la justice, la libertĂ© et l’égalitĂ©, je crains que ceux qui connaissent seulement la force brute et non la justice rassemblent leurs armĂ©es pour diviser notre pays et notre peuple. »

Les nationalistes affirmaient aussi que leur mouvement ne pouvait dĂ©faire les dynasties Mandchoue et Qing qu’en crĂ©ant un front populaire, et que sur le long terme, si l’anarchisme avait une chance de rĂ©ussir, il devrait nĂ©cessairement ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ© par un systĂšme rĂ©publicain qui sĂ©curiserait la Chine.

RĂ©ponse des anarchistes

La rĂ©ponse des Ă©diteurs de XÄ«n ShĂŹjĂŹ, Ă©crite par Li Shizeng, Ă©tait basĂ©e sur l’idĂ©e que la rĂ©volution qu’ils prĂȘchaient serait mondiale, simultanĂ©e et spontanĂ©e. Donc les impĂ©rialistes Ă©trangers seraient trop prĂ©occupĂ©s avec les rĂ©volutions dans leur propre pays pour penser envahir ou harceler la Chine plus longtemps. Ils affirmaient aussi qu’avoir un gouvernement fort, centralisĂ© et coercitif n’avait pas empĂȘchĂ© les ennemis de la Chine de l’attaquer dans le passĂ©, et que sur le long terme la tyrannie restait la tyrannie, indĂ©pendamment de son origine Ă©trangĂšre ou chinoise. Ainsi, la seule approche pour les gens qui voulaient accĂ©der Ă  la libertĂ© devait ĂȘtre de s’opposer Ă  toute autoritĂ©, fĂ»t-elle mandchoue, han, Ă©trangĂšre ou chinoise.

RĂ©trospectivement, la question Ă©vidente est comment espĂ©raient-ils l’arrivĂ©e d’une rĂ©volution mondiale spontanĂ©e. La rĂ©ponse est que les membres du groupe de Paris, comme le faisaient de nombreux radicaux de tout acabit partout sur le globe Ă  l’époque, croyait que la rĂ©volution pouvait ĂȘtre assimilĂ©e Ă  une force de la nature. Dans ce contexte, la rĂ©volution viendrait car elle Ă©tait indubitablement nĂ©cessaire, et leur rĂŽle Ă©tait simplement de prĂ©parer le peuple pour elle et de l’aider Ă  voir l’absolue nĂ©cessitĂ© d’un changement social. Cette perspective donne un aperçu important de la nature fondamentalement Ă©volutionnaire du mouvement, et explique l’attention que le mouvement portait sur l’éducation plutĂŽt que sur la construction de l’organisation.

RĂ©sultat de la collaboration

L’implication d’éminentes figures nationalistes indique le rĂŽle des relations personnelles au sein de l’organisation du groupe de Paris. Les individus qui ont fondĂ© ce groupe Ă©taient issus du mouvement national et y sont restĂ©s fortement liĂ©s grĂące Ă  un rĂ©seau d’amitiĂ©s personnelles. Ainsi, il Ă©tait naturel pour eux d’essayer de faire entrer leurs amis dans l’organisation dans l’espoir qu’ils gagnent leur cause (et de rĂ©cupĂ©rer l’influence qu’ils avaient).

Le vrai rĂ©sultat d’une telle collaboration fut que ce sont les anarchistes, et non les nationalistes, qui compromirent leur position puisqu'en agissant ainsi, ils eurent accĂšs Ă  des positions stratĂ©giques dans le gouvernement nationaliste auquel ils Ă©taient thĂ©oriquement opposĂ©s. Cette mĂȘme annĂ©e Jing Meiju et Zhang Ji (un autre anarchiste affiliĂ© au groupe de Tokyo) furent tous deux Ă©lus au Parlement rĂ©publicain. Liu Shifu (ćŠ‰ćž«ćŸ©) et le groupe de Canton dĂ©clarĂšrent qu’en faisant cela ils Ă©taient traĂźtres Ă  la cause et qu’ils avaient prouvĂ© leur manque d’engagement dans le mouvement, mais les deux hommes continuĂšrent de s’appeler anarchistes et furent actifs dans la promotion de l’anarchisme jusqu’à la fin des annĂ©es 1920.

Toutefois, en contrepoint d’une telle collaboration, il y a une preuve que beaucoup d’autres anarchistes auraient pu rejoindre le nouveau gouvernement nationaliste et acquĂ©rir une position de pouvoir et de privilĂšges mais refusĂšrent pour ne pas violer leurs principes. Comme l’écrivent Robert Scalapino et G.T. Yu dans The Chinese Anarchist Movement[1] : « On peut quelque peu douter que beaucoup refusĂšrent de jouer le type de rĂŽle politique qui Ă©tait dĂ©sespĂ©rĂ©ment nĂ©cessaire Ă  une pĂ©riode oĂč le personnel entraĂźnĂ© Ă©tait extrĂȘmement rare comparĂ© aux tĂąches Ă  accomplir ».

ProblÚmes stratégiques

Arif Dirlik (en)Arif Dirlik (en) argumente en disant que ces problĂšmes sont significatifs de l’ambiguĂŻtĂ© persistante dans la dĂ©finition de l’anarchisme. Plus prĂ©cisĂ©ment, le problĂšme Ă©tait un problĂšme stratĂ©gique. Ces gens se considĂ©raient comme anarchistes car ils travaillaient sur le long terme Ă  l’abolition du capitalisme, de l’État, et de toute autoritĂ© coercitive en gĂ©nĂ©ral. De leur point de vue, l’anarchisme Ă©tait un but sur le trĂšs long terme et non quelque chose qu’ils s’attendaient Ă  voir se rĂ©aliser de leur vivant. Chiang par exemple, pensait qu’il faudrait 3000 ans pour mener Ă  bien la rĂ©volution dont-ils rĂȘvaient.

Ainsi, on comprend mieux pourquoi les anarchistes pouvaient ĂȘtre tentĂ©s de faire campagne pour le gouvernement et d’avoir un mandat politique ou de collaborer avec des Ă©lĂ©ments compatissants du gouvernement, puisqu'ainsi cela les aiderait Ă  accomplir leurs objectifs sur le long terme. Cette attitude est clairement diffĂ©rente de l’anarchisme rĂ©volutionnaire de Kropotkine et de Bakounine, ou mĂȘme du groupe de Canton, dont le but Ă©tait la rĂ©volution immĂ©diate et la crĂ©ation d’une sociĂ©tĂ© anarchiste dans le futur proche.

Cette tendance de certains membres les plus riches du mouvement de travailler Ă  la rĂ©volution sur le long terme et de se concentrer sur la philosophie et la thĂ©orie plutĂŽt que sur l’organisation concrĂšte a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© enracinĂ©e chez les classes sociales les plus basses. La rupture entre anarchistes, marxistes ou socialistes philosophes les plus riches, et les rĂ©volutionnaires ouvriers peut ĂȘtre une caractĂ©ristique commune des mouvements rĂ©volutionnaires.

Croissance du mouvement anarchiste

C’est pour cette raison que le groupe de Paris dĂ©clara que l’éducation Ă©tait l’activitĂ© rĂ©volutionnaire la plus importante dans laquelle il pouvait ĂȘtre impliquĂ©, et que c’était seulement par l’éducation du peuple qu’une sociĂ©tĂ© anarchiste pourrait ĂȘtre crĂ©Ă©e. (Voir par exemple Wu Shihui (ćŽçššæ™–) : L’éducation en tant que rĂ©volution, XÄ«n ShĂŹjĂŹ, )[2]. En consĂ©quence, les anarchistes du groupe de Paris orientaient leurs activitĂ©s vers l’éducation plutĂŽt que vers l’assassinat ou vers l’organisation sociale locale (les deux autres formes d’activisme qu’ils pardonnaient en thĂ©orie).

À ces fins, le groupe de Paris mit en place de nombreuses activitĂ©s gĂ©rĂ©es par des Ă©tudiants, comme une usine Ă  tofu en 1909, pour financer les Ă©tudes des Ă©tudiants radicaux chinois qui voudraient aller Ă©tudier Ă  l’étranger. Les Ă©tudiants y travaillaient une partie du temps et Ă©tudiaient pendant le reste, leur permettant ainsi d’avoir accĂšs Ă  une Ă©ducation europĂ©enne pour une fraction du coĂ»t que cela aurait dĂ» avoir ; et par la mĂȘme occasion, ils acquĂ©raient directement Ă  la source une expĂ©rience de ce que signifierait vivre, travailler et Ă©tudier dans une sociĂ©tĂ© anarchiste. Ce programme d’études Ă  l’étranger joua un rĂŽle critique dans la diffusion du langage et des idĂ©es anarchistes dans les mouvements nationalistes et rĂ©volutionnaires chinois Ă  l’étranger puisque des centaines d’étudiants participĂšrent au programme. L’approche Ă©tait Ă©minemment pragmatique puisqu’elle Ă©tait d’une grande aide aux Ă©tudiants qui voulaient Ă©tudier Ă  l’étranger mais qui n’avaient pas les ressources financiĂšres, et elle dĂ©montrait que les modĂšles d’organisation anarchiste basĂ©s sur l’entraide et la coopĂ©ration Ă©taient des alternatives viables aux entreprises capitalistes tournĂ©es vers le profit.

En dĂ©pit d’une opposition occasionnelle, les groupes de Paris et de Tokyo avaient plutĂŽt tendance Ă  aider la cause nationaliste. En fait, plusieurs membres du groupe de Paris furent parmi les premiers membres du Guomindang et devinrent des proches amis de Sun Yat-sen. À au moins deux occasions, Sun Yat-sen demanda et reçu une assistance financiĂšre "considĂ©rable" de la part de Zhang Jingjiang (ćŒ”éœæ±Ÿ), qui Ă©tait associĂ© au groupe de Paris.

Cette collaboration peut ĂȘtre comprise par l’importance que les anarchistes et les nationalistes accordaient au fait de travailler ensemble Ă  la rĂ©volution, et Ă  cause de l’éclectisme extrĂȘme de Sun Yat-sen qui dĂ©clara : « le but des trois principes du peuple [Ă©tait] le communisme et l’anarchisme ». Cela peut aussi expliquer l’empressement du groupe de Paris quelques annĂ©es plus tard, pendant la PremiĂšre guerre mondiale, d’accepter des financements de la part du gouvernement nationaliste pour dĂ©velopper leurs programmes.

L'anarchisme, mouvement de masse

En 1911, l’anarchisme Ă©tait devenu la force motrice de la mobilisation populaire et, d’un groupement de jeunes gens relativement fortunĂ©s Ă©tudiant Ă  l’étranger, s’était muĂ© en vĂ©ritable mouvement rĂ©volutionnaire englobant le peuple entier. Il y a certaines preuves que le mouvement ouvrier de base qui se dĂ©veloppait Ă  cette Ă©poque se fĂ©licita du nouvel afflux d’idĂ©aux anarchistes quand les gens qui travaillaient aux États-Unis furent forcĂ©s de retourner en Chine Ă  la suite de la proclamation de la loi d’exclusion des chinois ("Chinese Exclusion Act") en 1882. Cet acte limitait sĂ©vĂšrement (mais ne supprimait pas complĂštement) les flux d’ouvriers chinois Ă  destination et au dĂ©part des États-Unis.

L'influence des anarchistes américains

Aux États-Unis, les anarchistes Ă©taient quasiment les seuls au sein du mouvement ouvrier Ă  explicitement s’opposer au racisme envers les asiatiques et les mexicains, et quand Emma Goldman vint parler Ă  San Francisco dans les annĂ©es 1890, il y avait plusieurs milliers de travailleurs chinois prĂ©sents. De plus, dĂšs 1908, des milliers d’ouvriers chinois d’AmĂ©rique du Nord - particuliĂšrement ceux qui travaillaient en Californie et sur la cĂŽte nord-ouest - Ă©taient dĂ©jĂ  membres de l’Industrial Union, et de l’Industrial Workers of the World (IWW). Les Wobblies (comme Ă©taient appelĂ©s les membres de l’IWW) furent les premiers syndicalistes amĂ©ricains Ă  s’opposer Ă  la suprĂ©matie blanche de maniĂšre organisĂ©e et dĂ©libĂ©rĂ©e et Ă  recruter activement des membres asiatiques, noirs, latinos et des travailleurs Ă©migrĂ©s. La dĂ©fense des Ă©migrĂ©s chinois qui Ă©taient systĂ©matiquement victimes de harcĂšlement et de discrimination leur fit acquĂ©rir un large engagement parmi les ouvriers chinois et un vaste soutien de la part de la communautĂ© chinoise d’AmĂ©rique du Nord.

L’influence des membres chinois de l’IWW retournĂ©s en Chine n’a pas Ă©tĂ© suffisamment Ă©tudiĂ©e, mais la participation importante des anarchistes au mouvement syndical chinois et l’écho attentif qu’ils ont reçu doit quelque chose Ă  cette ancienne relation entre les ouvriers chinois et les anarchistes rĂ©volutionnaires.

La révolution nationaliste de 1911

À la suite de la rĂ©volution nationaliste d'octobre 1911 et de la victoire de l’Alliance RĂ©volutionnaire qui comptait plusieurs anarchistes de premier plan comme anciens membres, les anarchistes Ă  travers la Chine entiĂšre eurent l’occasion de s’engager davantage dans l’organisation. D’un autre cĂŽtĂ©, le pouvoir nationaliste ne garantissait aucunement la capacitĂ© de s’organiser librement en collectifs anti-autoritaires, et la persĂ©cution du gouvernement alla en s’amplifiant. Quand les objectifs de renversement de la dynastie mandchoue Qing furent atteints, la principale opposition idĂ©ologique Ă  l’anarchisme vint des socialistes autoproclamĂ©s, dont la Chinese Socialist Society (CSS) (qui plus tard deviendra le Parti Socialiste Chinois) et la partie la plus Ă  gauche du mouvement nationaliste qui, Ă  la suite de Sun Yat-sen, se faisait appeler socialiste. Jiang Kanghu, qui fonda la Chinese Socialist Society en 1911, participa Ă  la rĂ©daction de la XÄ«n ShĂŹjĂŹ (une des publications du groupe de Paris), et instaura l’abolition de l’État, la structure familiale traditionnelle et la culture confucĂ©enne comme piliers de son parti.

La source de conflit principale Ă©tait la volontĂ© de la CSS de conserver les relations commerciales tout en y associant un large filet de protection avec la sĂ©curitĂ© sociale, car ils pensaient que sans mĂ©canisme stimulant, les gens ne produiraient rien et la sociĂ©tĂ© s’effondrerait. Les autres sources de diffĂ©rend Ă©taient que la CSS se concentrait sur la construction de la rĂ©volution chinoise en Chine (et non Ă  partir de l’étranger), et l’utilisation pour cela du gouvernement Ă©lu, deux diffĂ©rences majeures avec l’anarchisme "classique". Jiang ne se considĂ©rait pas comme un anarchiste, ainsi son parti Ă©tait gĂ©nĂ©ralement perçu comme externe au mouvement, malgrĂ© les ressemblances. En 1912, le parti de Jiang se scinda en deux factions : les socialistes purs, dirigĂ©s par le moine bouddhiste anarchiste Tai Xu, et les restes du parti menĂ©s par Jiang.

Un peu plus tard dans la mĂȘme annĂ©e, Shifu, qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme la figure anarchiste la plus importante du mouvement en Chine continentale, fonda un groupe Ă  Canton (Guangzhou en mandarin), avec une plate-forme explicitement anarcho-communiste.

Les socialistes purs

Les socialistes purs rĂ©visĂšrent leur plate-forme en y incluant l’abolition complĂšte de la propriĂ©tĂ© et l’instauration d’un systĂšme Ă©conomique anarcho-communiste. Shifu les critiquait pour avoir gardĂ© le nom de socialistes, mais leur plate-forme Ă©tait clairement anarchiste, les deux groupes se considĂ©raient ainsi comme camarades. L’importance accordĂ©e Ă  la lutte paysanne, qui avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e par le groupe de Tokyo, devint Ă  cette pĂ©riode un sujet majeur de discussion aussi bien pour les anarchistes chinois des socialistes purs que pour ceux du groupe de Canton. Ce furent les anarchistes qui montrĂšrent les premiers le rĂŽle crucial que les paysans devraient jouer dans toute tentative rĂ©volutionnaire sĂ©rieuse en Chine, et les anarchistes furent les premiers Ă  s’engager dans une tentative sĂ©rieuse d’organiser les paysans.

Le groupe de Canton

La base principale de l’activisme anarchiste en Chine continentale pendant cette pĂ©riode fut Canton, mais les groupes de Paris et de Tokyo continuĂšrent d’avoir une influence signifiante. Les socialistes purs Ă©taient aussi fortement impliquĂ©s, mais puisqu’ils Ă©taient autant bouddhistes qu’anarchistes, ils prĂ©fĂ©raient promouvoir la vertu que de se concentrer sur une rĂ©volution immĂ©diate. À cette Ă©poque, l’anarchisme du groupe de Paris s’était muĂ© en une philosophie trĂšs abstraite qui Ă©tait plus concernĂ©e par la place de l’individu dans la sociĂ©tĂ© que par la rĂ©alitĂ© quotidienne des ouvriers. Ce n’est peut-ĂȘtre pas si surprenant au vu de l’origine relativement aisĂ©e de la plupart des membres du groupe, mais cela conduisit Ă  accroĂźtre les tensions entre leurs camarades de Canton, plus orientĂ©s vers la lutte des classes, et eux.

Le groupe de Canton est habituellement dĂ©crit comme ayant Ă©tĂ© dirigĂ© par Shifu, et cela est gĂ©nĂ©ralement vrai jusqu’à un certain point quand on l'entend plutĂŽt comme un leadership puisqu'il ne lui a jamais Ă©tĂ© accordĂ©e ni position formelle ni autoritĂ© coercitive sur le groupe. La contribution la plus importante du groupe fut la fondation d’une alliance entre les intellectuels et les ouvriers et leur travail de propagande qui permit de diffĂ©rencier l’anarchisme de tous les autres formes de socialisme qui gagnaient en popularitĂ©, et, ce faisant, cristallisa ce qu’était vraiment l’anarchisme.

Tandis que le groupe de Paris avait prĂ©fĂ©rĂ© exposer ses idĂ©aux en termes de libertĂ© nĂ©gative, c’est-Ă -dire se libĂ©rer de la coercition, de la tradition, etc., les membres du groupe de Canton utilisaient les assertions positives des droits des ouvriers, des femmes, des paysans, et des autres groupes opprimĂ©s pour exposer leur vision d’une sociĂ©tĂ© anarchiste. On remarquera l’absence notable de toute mention aux minoritĂ©s ethniques, puisqu'une base de leur plate-forme Ă©tait l’élimination des identitĂ©s raciale, ethnique et nationale en faveur d’une identitĂ© internationale qui aurait donnĂ© Ă  la loyautĂ© Ă  l’humanitĂ© dans son ensemble, et non Ă  un groupe racial ou ethnique, une place primordiale.

Il est important de remarquer que cette position fut formulĂ©e en rĂ©ponse Ă  la place primordiale qu’accordait le mouvement anti-mandchou Ă  l’ethnicitĂ©. Celui-ci cherchait Ă  justifier l’illĂ©gitimitĂ© de la dynastie Qing par le fait que ses membres faisaient partie d’une minoritĂ© qui n’était pas en phase avec la majoritĂ© Han du pays, une position que les anarchistes des quatre principaux groupes dĂ©criaient comme raciste et inappropriĂ©e Ă  un mouvement qui clamait qu’il Ɠuvrait pour la libĂ©ration. L’opinion des anarchistes Ă©tait donc qu’une organisation basĂ©e sur l’ethnicitĂ© promouvait le racisme, et n’avait pas place au sein d’une rĂ©volution qui cherchait la libĂ©ration de toute l’humanitĂ©.

Bien qu’en accord avec la position du mouvement anarchiste mondial de cette Ă©poque, cette opinion suscite de nombreuses rĂ©actions de la part des anarchistes modernes, dont beaucoup voient le potentiel rĂ©volutionnaire des luttes des groupes ethniques et raciaux opprimĂ©s. À propos du projet rĂ©volutionnaire en Chine, Ward Churchill (en)Ward Churchill (en) cite les dĂ©clarations de soutien du mouvement communiste Ă  une auto-dĂ©termination ethnique de la part des minoritĂ©s ethniques chinoises, dĂ©clarations qu'il considĂ©rait comme indispensables pour remporter l'adhĂ©sion de ces groupes Ă  leur mouvement. Cela se montra dĂ©cisif pendant la guerre civile qui Ă©clata entre le Parti communiste chinois et le Guomindang. Il est assez ironique que le mouvement anarchiste, qui est basĂ© sur les principes d'auto-dĂ©terminations politique et Ă©conomique locales – ce qui rĂ©pondraient aux aspirations autonomistes de ces groupes ethniques – fut incapable d'articuler ces minoritĂ©s communautaires pour qu'ainsi leur dĂ©sir d'auto-dĂ©termination pĂ»t ĂȘtre satisfait dans le cadre d'une sociĂ©tĂ© anarchiste.

En pratique, Ă  cette Ă©poque, le mouvement travaillait Ă  la propagande et Ă  l'organisation. Les anarchistes de Canton fondĂšrent un journal, MĂ­nshēng (æ°‘ćŁ°) (en français : La Voix du peuple) et commencĂšrent Ă  organiser les ouvriers, tandis qu'Ă  TaĂŻwan, Jing Meiju – qui Ă©tait anarchiste car membre du groupe de Tokyo – fonda une usine/Ă©cole explicitement anarcho-fĂ©ministe pour aider les femmes Ă  la fois Ă  gagner leur vie et Ă  recevoir une Ă©ducation.

L'influence du groupe de Paris

La similaritĂ© avec certaines rĂ©alisations du groupe de Paris est Ă©vidente. En avril 1912, les membres du groupe fondĂšrent LiĂčfă jiǎnxuĂ© huĂŹ (ç•™æł•äż­ć­ŠäŒš) (en français : SociĂ©tĂ© pour un Travail Actif et une Étude Rationnelle, en anglais : Association for Diligent Work and Frugal Study), dont le but Ă©tait d'aider les Ă©tudiants chinois en France. En janvier 1912, les membres du groupe de Paris revenus en Chine (notamment Li Shizeng) avaient dĂ©jĂ  fondĂ© JĂŹndĂ© huĂŹ (èż›ćŸ·äŒš) (SociĂ©tĂ© pour promouvoir la Vertu), dont le comitĂ© directoire incluait d'Ă©minents anarchistes, comme Li Shizeng et Wang Jiangwei.

Cette société, conformément aux tendances du groupe de Paris, se concentrait aussi bien sur le comportement moral et vertueux de l'individu que sur la praxis (pratique) révolutionnaire. Les rÚgles s'appliquant aux membres de la société déterminaient différents niveaux d'engagement et les décourageaient de manger de la viande ou d'aller voir des prostituées ; et concrÚtement leur interdisaient d'utiliser des pousse-pousse, de prendre des concubines ou d'exercer une fonction publique.

Bien qu'il soit tentant de voir de telles rĂšgles comme superflues, nous devons de toute Ă©vidence les prendre au sĂ©rieux, puisque, Ă  cette Ă©poque, la plupart des organisations anarchistes en Chine inclurent des rĂšgles similaires pour leurs membres. Le but Ă©tait de crĂ©er un noyau de rĂ©volutionnaires qui auraient pu ĂȘtre pris pour exemples et d'aider Ă  la crĂ©ation d'un modĂšle pour une culture rĂ©volutionnaire. On peut faire un parallĂšle Ă©vident avec l'obligation traditionnelle qu'avait Ă©galement les gens impliquĂ©s dans la vie publique de montrer l'exemple Ă  suivre et de promouvoir la vertu.

Le besoin français d'ouvriers

Quelques annĂ©es plus tard, pendant la premiĂšre guerre mondiale, le groupe de Paris tirait profit du besoin des gouvernements successifs français en main d'Ɠuvre pour obtenir des financements de la part des gouvernements français et chinois dans le but d'Ă©tendre son mouvement de travail-Ă©tudes aux travailleurs chinois. Les Ă©tudiants continuaient de venir, mais une partie de leur programme Ă©ducatif incluait maintenant leur Ă©ducation Ă  soutenir l'effort de guerre français. En agissant ainsi, le groupe aidait un pouvoir capitaliste et impĂ©rialiste dans son auto-dĂ©fense contre un autre pouvoir capitaliste et impĂ©rialiste.

Bien qu'un petit nombre d'anarchistes connus, comme Kropotkine, soutenaient la France pendant la premiĂšre guerre mondiale – car ils considĂ©raient que la France Ă©tait plus progressiste que l'Allemagne et craignaient qu'une victoire allemande saperait leur activitĂ© rĂ©volutionnaire en France – ils Ă©taient en minoritĂ© au sein du mouvement anarchiste mondial.

Les membres du groupe de Paris étaient plus que pragmatiques, et puisque les ouvriers chinois allaient venir d'une maniÚre ou d'une autre, ils profitÚrent de la situation et l'utilisÚrent comme opportunité pour satisfaire leur but à long terme, à savoir éduquer les ouvriers, bien que cela satisfßt les besoins à court terme de leurs ennemis. Le fait qu'ils aient réussi à recevoir des aides financiÚres du gouvernement pour un programme éducatif dont le but était d'entraßner les jeunes gens et les ouvriers à devenir des révolutionnaires efficaces est un argument en faveur de leur tactique.

La diffusion des idées anarchistes

Les implications pratiques d'une telle diffusion des idées anarchistes, et le cadre dans lequel elle prit place, sont deux bons indicateurs de la solide fusion du pragmatisme et de l'idéalisme qui caractérisaient les activités du groupe de Paris. Dans tous les cas, les contacts accrus avec des ouvriers en chair et en os ont eu un impact considérable sur sa propagande et sa théorie, puisque les problÚmes des ouvriers devinrent une part beaucoup plus importante de sa plate-forme.

L'anarchisme, mouvement populaire

En 1914, l'anarchisme était devenu un authentique mouvement populaire en Chine alors que le nombre de personnes, paysans et ouvriers mais aussi intellectuels et étudiants, déçues par le gouvernement nationaliste et son incapacité à rendre tangibles la paix et la prospérité promises augmentait.

Un problĂšme majeur qui se dĂ©veloppa au fil du temps fut la diffusion extrĂȘme des idĂ©es anarchistes au point qu'il devint difficile de dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment qui Ă©tait ou non anarchiste. Pour remĂ©dier Ă  cette situation, Liu Shifu fit paraĂźtre une sĂ©rie d'articles dans XÄ«n ShĂŹjĂŹ qui attaquaient Jiang Kanghu, Sun Yat-sen et les socialistes purs.

Les dĂ©bats qui s'ensuivirent servirent pour la premiĂšre fois Ă  vraiment cristalliser ce que signifiait exactement le mot anarchisme dans son sens large. Ces articles avaient gĂ©nĂ©ralement un ton amical. Le but Ă©tait de bien distinguer les diffĂ©rentes Ă©coles de pensĂ©e prĂ©sentes Ă  cette Ă©poque. Les lettres adressĂ©es Ă  Sun Yat-sen et aux nationalistes devaient exposer les ambiguĂŻtĂ©s de leur utilisation du mot socialisme pour dĂ©crire leur politique, qui clairement n'Ă©tait pas socialiste d'aprĂšs n'importe quelle dĂ©finition contemporaine. Les attaques contre Jiang Kanghu et la CSS cherchaient Ă  montrer que leur vision de la rĂ©volution et du socialisme Ă©tait trop Ă©troite car focalisĂ©e sur un seul pays ; et Ă  s'opposer au maintien des relations commerciales comme partie de leur plate-forme. Les attaques contre les socialistes purs Ă©taient de loin les plus aimables, puisque la critique principale Ă©tait que s'ils Ă©taient anarchistes, ils auraient dĂ» s'appeler anarchistes et non socialistes. XÄ«n ShĂŹjĂŹ encouragea et publia les rĂ©ponses de toutes les parties, et le but semblait ĂȘtre la crĂ©ation d'un dĂ©bat ouvert et respectueux entre amis.

Les cinq années suivantes, le mouvement grandit lentement mais sûrement tandis que chacun des groupes disparates poursuivait sa propagande, son éducation et son organisation de projets. En 1915, les débats anarchistes concernant la révolution sociale, qui commencÚrent une décennie plus tÎt avec le groupe de Paris, trouvÚrent une reconnaissance plus grande au sein du Nouveau mouvement culturel qui fut fondé par un petit groupe d'intellectuels à Pékin. Ce mouvement s'étendit au reste du pays au cours des quatre années suivantes, jusqu'à ce qu'il se fonde dans le Mouvement du 4 mai.

Le Nouveau mouvement culturel n'Ă©tait pas un mouvement anarchiste, mais sa glorification de la science et son mĂ©pris extrĂȘme du confucianisme et de la culture traditionnelle n'Ă©taient qu'une extension des critiques du groupe de Paris. La prolifĂ©ration des pensĂ©es anarchistes pendant cette pĂ©riode peut ĂȘtre perçue comme une preuve de l'influence que les anarchistes avaient sur le mouvement. Les participants au mouvement le voyaient comme une tentative raisonnĂ©e de crĂ©er une renaissance chinoise, et s'efforcĂšrent de crĂ©er et de vivre la nouvelle culture qu'ils avaient Ă©pousĂ©e.

Déclin de l'influence et montée du maoïsme

Une fois que les bolcheviks eurent consolidĂ© leur pouvoir en Russie, ils pensĂšrent immĂ©diatement Ă  Ă©tendre leur sphĂšre d'influence. Leur interprĂ©tation de la prĂ©diction de Marx - comme quoi la rĂ©volution serait globale - Ă©tait qu'ils devaient, en tant qu'avant-gardistes, utiliser les ressources dont ils disposaient pour lancer et soutenir des rĂ©volutions de style bolchevik partout dans le monde. En accord avec la doctrine de LĂ©nine concernant l'impĂ©rialisme, ils se concentraient sur les pays non-dĂ©veloppĂ©s, car ils croyaient qu'une fois que ces nations auraient mis Ă  bas l'impĂ©rialisme, le capitalisme occidental – privĂ© de support matĂ©riel et de matiĂšres premiĂšres – s'effondrerait. Ils ciblaient spĂ©cifiquement les pays qui possĂ©daient dĂ©jĂ  des mouvements rĂ©volutionnaires, et la Chine avait clairement toutes ces caractĂ©ristiques.

En 1919, les anarchistes jouĂšrent un rĂŽle significatif au sein du Mouvement du 4 mai qui secoua le pays. Ce fut Ă  cette Ă©poque que les premiers bolcheviks commencĂšrent Ă  s'organiser en Chine et contactĂšrent les groupes anarchistes pour recevoir soutien et aide. Les anarchistes, qui prirent les bolcheviks pour des alliĂ©s et ignoraient comment ils avaient soumis les soviets Ă  leur organe politique, les aidĂšrent Ă  mettre en place des groupes d'Ă©tudes communistes – la plupart d'entre eux Ă©taient alors majoritairement anarchistes – et introduisirent les bolcheviks dans les mouvements ouvriers et Ă©tudiants chinois.

Installation du Parti Communiste

En 1921, avec la fondation du Parti communiste chinois (PCC), le mouvement anarchiste commença presque immĂ©diatement Ă  perdre du terrain. Plusieurs raisons ont Ă©tĂ© invoquĂ©es. PremiĂšrement, les anarchistes perdirent leur capacitĂ© de coordonner des activitĂ©s Ă  travers diffĂ©rentes rĂ©gions. DeuxiĂšmement, il y eut une prise de conscience que les bolcheviks Ă©taient marxistes et non anarchistes, ce qui entraĂźna une perte immĂ©diate de prestige pour les anarchistes qui revendiquaient jusqu'alors le succĂšs de la rĂ©volution russe. TroisiĂšmement, et peut-ĂȘtre le point le plus crucial, le caractĂšre Ă©volutionnaire d'une bonne partie des sections du mouvement, c'est-Ă -dire qu'elles ne s'attendaient pas Ă  voir leurs buts se rĂ©aliser dans un futur proche ; ce qui sĂ©duisait moins les ouvriers qui voulaient un changement immĂ©diat. Le bolchevisme et la plate-forme du PCC Ă©taient donc attractifs pour les ouvriers car ils offraient la promesse d'un changement dans un futur immĂ©diat, voire dans l'instant prĂ©sent.

Quand le PCC entra dans le Premier Front Uni (1924-1927) avec le Guomindang contre les seigneurs de guerre en 1924, ils obtinrent un accÚs encore plus important au mouvement ouvrier, et aux mouvements de masse en général. En seulement deux ans, le PCC passa de quelques centaines de militants à plus de 50 000 grùce à leur soutien et à leur assimilation de différents mouvements de masse.

Attaques Ă  l'encontre de l'anarchisme

Avec un nombre de militants accru, le PCC n'éprouva plus le besoin de dissimuler son dédain pour le mouvement anarchiste et commença dans ses publications une série d'attaques dirigées contre l'anarchisme et les anarchistes. Le but de ces attaques était de discréditer leur principale opposition et de restreindre l'idéologie de leur nouvelle base populaire. Cela est particuliÚrement crucial puisque le leadership du PCC pour les cinquante années suivantes sera issu de personnes originellement anarchistes. Le fait que tant de radicaux quittÚrent le mouvement anarchiste pour rejoindre le PCC illustre les limites du mouvement anarchiste chinois pendant cette période.

À mesure que l'influence du PCC grandissait, ses attaques Ă  l'encontre de l'anarchisme devenaient de plus en plus franches et de moins en moins amicales. Bien que les premiers dĂ©bats entre l'anarchiste Ou Shengbai et le communiste Chen Duxiu, son ancien professeur, Ă©taient amicaux, ils devinrent par la suite franchement hostiles. Tandis que le mouvement anarchiste s'enfonçait dans l'insignifiance, ses camarades Ă©taient de plus en plus dĂ©sespĂ©rĂ©s.

Une minoritĂ© d'anarchistes, la plupart membres du groupe de Paris, s'Ă©taient impliquĂ©e dans le Guomindang quasiment dĂšs sa fondation ; mais la majoritĂ©, en accord avec ses principes opposĂ©s Ă  toute implication dans un exercice d'autoritĂ© coercitive, refusa de participer Ă  cette alliance. Le programme de LiĂčfă jiǎnxuĂ© huĂŹ fut un des rĂ©sultats de cette collaboration entre anarchistes et nationalistes. Quand le Guomindang purgea le PCC de ses membres en 1927, la petite minoritĂ© d'anarchistes qui en faisait partie exhorta les autres anarchistes Ă  rejoindre le mouvement nationaliste et de l'utiliser comme outil pour vaincre les communistes et de crĂ©er une sociĂ©tĂ© anarchiste. Cela provoqua une opposition immĂ©diate de la part des groupes anarchistes encore en activitĂ©. MĂȘme s'il y avait lĂ  un certain opportunisme, rejoindre le mouvement nationaliste apparaissait comme le seul moyen pour lui redonner une utilitĂ© aux yeux de certains et lui faire retrouver un nouvel Ă©lan.

Le rĂ©sultat de cette derniĂšre collaboration fut la crĂ©ation de la premiĂšre Labor University (UniversitĂ© du Travail) chinoise en 1927, qui Ă©tait destinĂ©e Ă  ĂȘtre une version locale du programme Ă©ducatif du groupe de Paris et Ă  crĂ©er une nouvelle gĂ©nĂ©ration de travailleurs intellectuels. Le but Ă©tait de surmonter le fossĂ© entre « ceux qui travaillent avec leurs mains » et « ceux qui travaillent avec leurs cerveaux ». L'universitĂ© fonctionna seulement quelques annĂ©es avant que le gouvernement nationaliste dĂ©cide que le projet Ă©tait trop subversif pour lui accorder un budget et stoppe son financement.

Il Ă©tait acceptable pour les anarchistes d'utiliser des fonds publics pour promouvoir l'anarchisme comme ils l'avaient fait en France, mais quand ils commencĂšrent Ă  agir de mĂȘme en Chine, leurs alliĂ©s furent beaucoup moins emballĂ©s. Lorsque le Guomindang mit en Ɠuvre une seconde vague de rĂ©pression envers les mouvements de masse subsistants, les anarchistes quittĂšrent massivement le parti et furent contraints Ă  la clandestinitĂ© tandis que les hostilitĂ©s entre le Guomindang et le PCC – qui Ă©taient tous deux hostiles aux anti-autoritaires – s'intensifiaient.

Les anarchistes aujourd'hui en Chine

Les organisations ouvertement anarchistes ont cessĂ© d'ĂȘtre un Ă©lĂ©ment de la politique chinoise moderne Ă  cause de la rĂ©pression stricte exercĂ©e envers les anti-autoritaires par les maoĂŻstes depuis la RĂ©volution Culturelle. Toutefois, comme mouvement de rĂ©sistance clandestin, l'anarchisme demeure influent. Les courants socialo-libertaire et anarcho-communiste ont Ă©tĂ© particuliĂšrement puissants dans le mouvement anti-dictatorial et le mouvement ouvrier clandestin chinois. Un de ces groupes les plus connus dans le monde occidental est le groupe Autonomous Beijing, un des nombreux groupes responsables des manifestations de la place Tian'anmen en 1989. Plus rĂ©cemment, Associated Press a reportĂ© l'Ă©mergence d'un mouvement anarchiste ouvrier distinct dans la ceinture industrielle chinoise (est du pays) et un nombre croissant d'assassinats d'officiels du PCC et de patrons d'usines par des ouvriers mĂ©contents. Malheureusement, Ă  cause de la censure extrĂȘme du gouvernement, il est quasiment impossible de cataloguer prĂ©cisĂ©ment les motivations et les affiliations de tels mouvements.

Voir aussi

He Zhen (sans date).
  • Agathe Senna, Qui Ă©taient les anarchistes chinois ? Petite histoire de l’anarchisme chinois, partie 1/4, Lundi matin, , [lire en ligne].
  • Agathe Senna, Petite histoire de l’anarchisme chinois - La pensĂ©e politique de Ba Jin, partie 3/4, Lundi matin, , [lire en ligne].
  • Agathe Senna, Petite histoire de l’anarchisme chinois - Censures et rĂ©Ă©critures historiques, le cas de Ba Jin, partie 4/4, Lundi matin, , [lire en ligne].

Références

Ouvrages cités

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Articles connexes

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