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Service d'action civique

Le service d'action civique (SAC) a été, de 1960 à 1981, une association au service du général de Gaulle puis de ses successeurs gaullistes. Elle est créée à l'origine pour constituer une « garde de fidèles » dévouée au service inconditionnel du général après son retour aux affaires en 1958. Ses statuts mentionnent qu'il s'agit d'une « association ayant pour but de défendre et de faire connaître la pensée et l'action du général de Gaulle ». Le SAC est issu du service d'ordre du Rassemblement du peuple français (RPF), qui s'était régulièrement opposé au service d'ordre et aux militants communistes dans des affrontements violents, de 1947 à 1955.

Service d'action civique
Histoire
Fondation
Dissolution
Identifiants
SIREN

Fondé pendant la guerre d'Algérie et les troubles qui l'accompagnent en métropole (attentats du FLN puis de l'OAS), le SAC est marqué par cette ambiance originelle de violences.

Pierre Debizet, un ancien de la France libre (réseau Libération-Nord et BCRA), en est le premier secrétaire général pour une brève période — de janvier à . Il quitte le SAC en raison de problèmes de santé et d'un désaccord avec la politique algérienne du général de Gaulle, désormais orientée vers l'autodétermination de ce pays. Après son départ, Paul Comiti est coopté à la présidence du SAC, qu'il conserve jusqu'en 1969 où, trop absorbé par ses nouvelles fonctions d'adjoint à la sécurité présidentielle, il met fin à son mandat. Pierre Debizet réintègre alors le secrétariat général du Service.

Le SAC est souvent présenté comme une « police parallèle » du régime gaulliste. Plusieurs de ses membres sont mis en cause dans des affaires de violences électorales et de droit commun. Il est parfois confondu avec les « barbouzes », groupe de 200 à 300 individus recrutés par Lucien Bitterlin et Pierre Lemarchand pour lutter contre l'OAS en Algérie à partir de 1961. Le SAC n'est pas engagé dans la lutte contre l'OAS.

Le SAC est finalement dissous par François Mitterrand en 1982 après la tuerie d'Auriol, survenue le , au cours de laquelle le responsable de la section locale des Bouches-du-Rhône et cinq personnes de sa famille sont assassinés par des membres de sa section qui le soupçonnent de trahison.

Historique

Une organisation au service du général de Gaulle

Le SAC est né en et est enregistré le à la préfecture de Paris. L'objectif de ses fondateurs est d'apporter un soutien inconditionnel à la politique du général de Gaulle. Le premier bureau, à la création, a Pierre Debizet comme président[1] (militant actif dans les années 1950 au sein du mouvement ultracolonialiste Les volontaires français et du groupe d’extrême droite Parti patriote révolutionnaire[2]), Serge Planté comme adjoint et André Laviron comme trésorier. Selon certaines sources, le véritable chef en est Jacques Foccart. L'historien François Audigier, auteur de Histoire du S.A.C. La part d'ombre du gaullisme le qualifie de « parrain politique » du SAC. Foccart explique qu'il a été chargé par le général de Gaulle d'assurer le contact avec les organisations de la mouvance gaulliste, parmi lesquelles figure le SAC. C'est à ce titre qu'il en a « eu l'occasion de suivre et de voir les activités du SAC[3] ». Devant la Commission d'enquête parlementaire, il indique en être membre honoraire.

Lors du changement de politique du général de Gaulle à l'égard de l'Algérie, des membres du SAC favorables ou militants de l'Algérie française démissionnent. Pierre Debizet, qui se trouve par ailleurs gravement malade, laisse la place au printemps 1960. Dès avril 1960, Paul Comiti, ancien résistant des Forces françaises libres, commissaire de police et garde du corps du général de Gaulle, devient président, avec pour adjoints Henri Djouder, lui aussi ancien des FFL, commissaire et garde du corps du général, et Serge Planté. Robert Levillain est le secrétaire général et Charles Mattei, le trésorier. Le bureau est modifié le 5 avril 1962, Paul Comiti reste président, Henri Djouder vice-président et Charles Mattei trésorier, mais Robert Levillain est remplacé par René Tiné et Serge Planté remplacé par Jacques Lenain qui devient deuxième vice-président[4] - [5].

Il ne compte alors que quelques centaines d'adhérents, souvent anciens du service d'ordre du RPF. Ce sont des militants pour qui le Général de Gaulle seul compte. Pour expliquer le fait qu'ils aient choisi le SAC plutôt que l'adhésion à l'UNR, Paul Comiti les compare à « des chrétiens qui vont directement au Seigneur sans passer par le curé ».

Le SAC s'installe au 5, rue de Solférino dans un immeuble qui avait abrité le siège du RPF et le bureau du général de Gaulle.

Charles Pasqua en devient le vice-président en mai 1967, en remplacement de Henri Djouder qui a démissionné, jusqu'en 1969 où il quitte le mouvement. Jacques Godfrain, futur ministre de la coopération d'Alain Juppé de 1995 à 1997, occupe le poste de trésorier du SAC de à .

Les années 1960

Les campagnes Ă©lectorales de 1965-67 voient l'augmentation des effectifs, qui atteignent les 2 000 Ă  3 000 adhĂ©rents. Le contexte politique de l'Ă©poque est tendu. Les campagnes Ă©lectorales des annĂ©es 1960 sont marquĂ©es par des affrontements souvent violents avec parfois morts d'homme et usage d'armes Ă  feu (rĂ©fĂ©rendum de 1958, lĂ©gislatives de juin 1968)[6].

Le rôle principal du SAC est le service d'ordre du parti gaulliste (UNR, UD-Ve République puis RPR). Cependant les deux organisations sont indépendantes. En 1978, Alain Devaquet, secrétaire général du RPR tente de faire intégrer les responsables départementaux du SAC aux comités départementaux du RPR en tant que membres de droit. Selon la Commission d'enquête parlementaire, cette initiative n'est pas couronnée de succès[7].

Des membres du Service d'action civique initient en mai- la création des Comités de défense de la République qui préparent la contre-manifestation en faveur de De Gaulle le [8] et participent au service d'ordre des réunions de l'Union pour la défense de la République autour de l'UD-Ve (ex-UNR). Des membres du SAC créent également l'UNI pour contrer la « subversion gauchiste » dans le milieu universitaire. L'organisation de Debizet a aidé jusqu'en 1976 le syndicat étudiant dans toutes ses démarches d'autant plus que beaucoup de militants avaient leur carte dans les deux organisations. Après 1976, la double appartenance existe, mais les organisations ont une direction distincte.

Les Ă©vĂ©nements de mai 68 provoquent de nombreuses adhĂ©sions au SAC. Charles Pasqua Ă©voque le nombre de 15 Ă  20 000 adhĂ©rents Ă  cette Ă©poque. Selon certaines sources, des personnes peu scrupuleuses seraient ainsi entrĂ©es au service[8].

Violences

  • En , les membres du SAC dĂ©guisĂ©s en ambulanciers ramassent des manifestants pour aller les tabasser au sous-sol de leur QG, rue de SolfĂ©rino[9] - [10][source secondaire nĂ©cessaire].
  • Des membres du SAC sont impliquĂ©s dans plusieurs bagarres de colleurs d'affiche Ă  l'occasion de campagnes Ă©lectorales, avec des consĂ©quences parfois tragiques :
    • Le , une bagarre oppose un groupe de colleurs d'affiches gaulliste et des cheminots CGT dans les locaux de la SNCF Ă  Clichy-Levallois; un chauffeur de taxi est blessĂ© par une balle perdue et deux membres du SAC sont inculpĂ©s pour port d'arme prohibĂ©[11].
    • Le 29, un colleur d'affiches de 18 ans, militant des jeunesses communistes, est tuĂ© par balles Ă  Arras : le meurtrier Jean-Claude Vallein n'est apparemment pas encartĂ© au SAC, c'est un membre prĂ©sumĂ© de cette organisation qui lui avait fourni l'arme[1].
    • Le , un militant communiste reçoit un coup de couteau Ă  Drancy, dans une bagarre de colleurs d'affiche; l'auteur du coup, militant UDR et membre prĂ©sumĂ© du SAC, est renvoyĂ© aux assises pour tentative de meurtre[12].
    • Le , pendant la campagne Ă©lectorale, un militant du SAC ouvre le feu Ă  Grenoble sur des partisans du non au referendum[13].
    • La Commission d'enquĂŞte parlementaire Ă©crit Ă  ce sujet : « Dans les campagnes Ă©lectorales, les membres du SAC font Ă©videmment comme tous les militants, de l'affichage, de la distribution de tracts, etc. En ce domaine, les seules remarques qui puissent ĂŞtre faites sur le comportement des militants du SAC est que leur rĂ´le se limite le plus souvent Ă  assurer la protection des colleurs d'affiches et Ă  intervenir pour cela Ă  tort et Ă  travers, et trop souvent dangereusement »[14].
  • En 1970, deux membres du SAC sont condamnĂ©s pour coups et blessures ayant entrainĂ© la mort sans intention de la donner et complicitĂ©, dans l'affaire de droit commun dite « de Puyricard » au cours de laquelle une femme a Ă©tĂ© tuĂ©e près d’Aix-en-Provence[15] - [16].

Le retour de Pierre Debizet

En 1968, redevenu député du Cantal, Georges Pompidou accepte la présidence d'honneur du SAC, qu'il occupera jusqu'à son élection à la présidence de la République. Nommé commissaire principal, adjoint au directeur de la sécurité présidentielle, Paul Comiti quitte ses fonctions au SAC en 1969. Pierre Debizet reprend son poste de secrétaire général.

La même année, le préfet de police Maurice Grimaud transmet au ministre de l'Intérieur Raymond Marcellin plusieurs curriculum vitae de personnages ayant encouru une condamnation et qui ont adhéré récemment au SAC. Marcellin transmet l'information à Georges Pompidou. Le ministre envisage une auto-dissolution du SAC, mais se voit objecter qu' « il était fâcheux de porter préjudice à l'ensemble d'une organisation à cause de la présence de quelques personnages douteux qu'il valait donc mieux exclure[17] ». Pierre Debizet est chargé de cette « épuration ».

Il entreprend un examen des récentes adhésions et en rejette un certain nombre[18]. René Tiné, Charles Pasqua et de nombreux autres membres sont écartés ou quittent d'eux-mêmes le Service, considérant qu'il n'a plus lieu d'être dans la mesure où le général de Gaulle a abandonné le pouvoir. Debizet décide également de remplacer la carte de membre qui ressemble trop à une carte de police et exige que chaque candidat soit parrainé par deux membres du Service et produise un extrait de casier judiciaire vierge[8].

  • Dans les annĂ©es 1970, Patrice Chairoff publie dans LibĂ©ration un plan du SAC prĂ©voyant l’internement de gauchistes dans des stades. Ce document est attribuĂ© au Marseillais GĂ©rard KappĂ©, un ancien lieutenant de Charles Pasqua qui dĂ©ment[19]. Devant la Commission d'enquĂŞte parlementaire sur les activitĂ©s du Service d'action civique, Paul Comiti qualifie le document de « faux manifeste » et « d'une des plus vilaines insultes qu'on nous ait adressĂ©es[20]. Patrice Chairoff, de son vrai nom Dominique Calzi, a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  plusieurs reprises pour escroquerie[21].
  • Le Ă  Reims, Pierre MaĂ®tre, un ouvrier des Verreries MĂ©caniques Champenoises qui se trouve Ă  un piquet de grève est abattu d'une balle dans la tĂŞte. Deux autres ouvriers sont blessĂ©s. L'auteur des coups de feu est un membre de la CFT qui fait Ă©galement partie du SAC[22]. Il est condamnĂ© Ă  vingt ans de rĂ©clusion[23].

En 1982, la Commission d'enquête parlementaire cite une liste établie par la police judiciaire mentionnant « soixante-cinq affaires commises par cent six membres du SAC depuis sa création »[24]. Le SAC aurait joué un rôle dans la création d'une organisation de contre-terrorisme en Corse, Francia, destinée à s'opposer au FLNC. Selon certaines sources, des membres de l'organisation sont employés pour des missions de « mercenariat » en Afrique.

L'observation du mouvement laisse à penser que la théorie des « deux SAC » développée en manière de défense par certains adhérents pourrait avoir une part de vérité, la coexistence sous une même étiquette, d'une part, de groupes gaullistes très droitiers et activistes, recrutant des personnes souvent honorables, telles un magistrat de l'Est de la France, un certain nombre de militants ouvriers souvent liés aux syndicats indépendants comme la Confédération générale des syndicats indépendants ou la Confédération des syndicats libres, etc. et, d'autre part, une série d'individus aux franges du renseignement, du banditisme et de l'extrême droite (voire des trois), utilisés pour des « coups » peu recommandables. Des associations appelées SAC et sans rapport avec le mouvement national ont été déposées par des amis de Charles Pasqua après que celui-ci a été exclu du mouvement.

Les liens supposés avec le banditisme

Le SAC est réputé avoir recruté des adhérents parmi le « Milieu ». Des malfaiteurs auraient possédé une carte du SAC, sans qu'il soit possible d'établir avec certitude s'ils ont été membres du SAC[25]; certains éléments de la pègre avaient en effet conservé des liens avec le gaullisme en raison de leur passé de résistant ou de déporté durant la Seconde Guerre mondiale. D'autres malfaiteurs auraient pu souhaiter exhiber une proximité du pouvoir politique pour impressionner les policiers.

François Audigier explique que la détermination de l'appartenance de certains malfaiteurs au SAC est « une question très délicate. D'abord pour des raisons méthodologiques (liée au manque de sources : les archives policières et judiciaires étant inexistantes ou non accessibles, les témoignages étant difficiles, l'historien est dépendant d'enquêtes journalistiques souvent à charge) et épistémologiques (cela pose la question de la définition de l'appartenance à une organisation militante). Dire de telle figure de la pègre niçoise, marseillaise, grenobloise ou lyonnaise qu'elle appartient au SAC, comme le fait souvent rapidement la presse de l'époque, reste en réalité discutable »[6].

La Commission d'enquĂŞte parlementaire recense six cas[24] :

  • Edmond Vidal, le chef du Gang des Lyonnais : en 1975, lors de l'instruction ouverte contre cette association de malfaiteurs qui a commis de nombreux vols Ă  main armĂ©e, Vidal indique avoir « travaillĂ© pour des polices parallèles » et notamment avoir installĂ© des systèmes d'Ă©coute dans la chambre d'hĂ´tel de Gaston Defferre Ă  l'occasion du congrès du Parti socialiste Ă  Grenoble. Le magistrat instructeur demande un supplĂ©ment d'enquĂŞte Ă  la police judiciaire qui conclut Ă  l'inanitĂ© de ces dĂ©clarations. Lors du procès, Vidal dĂ©clare Ă©galement avoir obtenu sa carte d'identitĂ© par l'intermĂ©diaire du malfaiteur Jean AugĂ©. Après enquĂŞte, l'avocat gĂ©nĂ©ral rend ses conclusions le devant la cour d'assises : il apparaĂ®t que cette carte a Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©e le en toute lĂ©galitĂ© Ă  Edmond Vidal, tous les documents nĂ©cessaires ayant effectivement Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s par le demandeur. Ce n'est pas Edmond Vidal qui avait retirĂ© cette carte, mais un inspecteur des Renseignements gĂ©nĂ©raux dĂ©tachĂ© au SĂ©nat. L'intĂ©ressĂ© a dĂ©clarĂ© « ne plus se souvenir des conditions de ce retrait, mais a spĂ©cifiĂ© qu'il effectuait de frĂ©quentes dĂ©marches identiques pour de nombreux parlementaires. »
  • Jean AugĂ© : cet ancien rĂ©sistant est considĂ©rĂ©, Ă  partir des annĂ©es 1960, comme le caĂŻd du milieu lyonnais. La Commission cite un arrĂŞt de la Cour d'appel de Lyon du selon lequel AugĂ© a effectuĂ© en 1961 une mission en AlgĂ©rie pour le compte de la SĂ©curitĂ© militaire. Selon le journaliste James Sarazin, spĂ©cialiste du grand banditisme, Jean AugĂ© se prĂ©valait cependant de son appartenance au SAC. Pierre Debizet dĂ©ment l'appartenance d'AugĂ© au Service : « Il a Ă©tĂ© utilisĂ© par d'autres services dans le cadre de la lutte contre l'OAS, des services souterrains, trop contents de mettre ça sur le dos du SAC ».
  • Christian David, surnommĂ© « le beau Serge » : malfaiteur chevronnĂ©, il abat le le commissaire Galibert et blesse deux inspecteurs lors d'une tentative d'interpellation, puis prend la fuite en AmĂ©rique du Sud oĂą il rejoint les rĂ©seaux Ricord. DirigĂ©es par Auguste Ricord, un ancien de la Gestapo française de la rue Lauriston, ces organisations se livrent au trafic d'hĂ©roĂŻne avec les États-Unis et le Canada. Plusieurs organes de presse ont mentionnĂ© le fait que David aurait exhibĂ© une carte du SAC avant de tuer le commissaire. Selon François Audigier, cette information est fausse : il ne s'agit que d'une carte tricolore[6]. La Commission d'enquĂŞte parlementaire confirme qu'il ne s'agissait pas d'une carte du SAC, « mais plutĂ´t d'un « coupe-file », sans doute du type de ceux que dĂ©livrait la PrĂ©fecture de police Ă  cette Ă©poque ». La Commission affirme que la fuite de David a Ă©tĂ© organisĂ©e par les malfaiteurs Antoine GuĂ©rini et Constantin Tramoni (Tramini). Ce dernier se prĂ©valait de son appartenance au SAC[26] alors que les GuĂ©rini Ă©taient notoirement proches de Gaston Defferre depuis 1947. En , peu après l'arrestation de Christian David par la police brĂ©silienne, le journaliste RenĂ© Backmann affirme que « les policiers français ne semblaient plus s’intĂ©resser beaucoup Ă  ce personnage encombrant ». Selon le journaliste, le malfaiteur aurait Ă©tĂ© « bien placĂ© pour connaĂ®tre les liens qui existent entre le S.A.C., le « milieu », et certaines filières internationales de trafic de l’hĂ©roĂŻne ou des armes ». Il affirme que « beaucoup de gens tremblent, donc Ă  la pensĂ©e que le « beau Serge », pris au piège, pourrait rĂ©vĂ©ler un peu trop de noms aux policiers amĂ©ricains du Bureau des Narcotiques qui ont demandĂ© son extradition au gouvernement brĂ©silien[15] ». HonorĂ© GĂ©vaudan, qui fut directeur adjoint de la police judiciaire, estime qu'il s'agit de « venimeux sous-entendus » auxquels il oppose des arguments moraux et juridiques. Selon lui, ni les policiers, ni les juges n'auraient acceptĂ© de ne pas faire leur devoir vis-Ă -vis de l'assassin d'un commissaire. David a d'emblĂ©e plaidĂ© coupable devant le tribunal de Brooklyn, parce qu'il ne tient pas du tout Ă  revenir en France oĂą il risque la guillotine[27]. Après avoir purgĂ© sa peine aux États-Unis, Christian David est extradĂ© en 1985 vers la France oĂą il est condamnĂ© en 1989 Ă  15 ans de dĂ©tention.
  • Trafic de drogue :
    • la Commission cite deux individus interpellĂ©s dans la mĂŞme affaire en 1969 et 1970 pour trafic de stupĂ©fiants : Pierre (Yves) Lahovary et Jean Audisio. L'inspecteur Claude Chaminadas, de l'Office central pour la rĂ©pression du trafic de stupĂ©fiants, explique qu'il a trouvĂ© chez eux deux cartes du SAC et que l'instigateur du trafic Macel Galvani Ă©tait responsable du SAC pour les Alpes Maritimes. La Commission prĂ©cise que ces trois malfaiteurs font partie d'une branche du Service dirigĂ©e par GĂ©rard KappĂ© qui a fait sĂ©cession du SAC de Pierre Debizet. Ils sont condamnĂ©s au maximum de la peine prĂ©vue, soit cinq ans de prison.
    • Deux autres membres prĂ©sumĂ©s, dĂ©signĂ©s par leurs initiales L.F. et J.C., ont Ă©tĂ© impliquĂ©s dans une autre affaire de stupĂ©fiants. Ce dernier a Ă©tĂ© condamnĂ©, le , par le Tribunal correctionnel de Paris, Ă  trois ans de prison, dont deux annĂ©es avec sursis, pour « avoir transportĂ© de France aux États-Unis, le , un kilogramme cinq cents grammes d'hĂ©roĂŻne, et dĂ©but , une certaine quantitĂ© d'hĂ©roĂŻne cachĂ©e dans deux valises »[28].
  • La Commission cite enfin un règlement de comptes survenu le , près de Niolon, dans les Bouches-du-RhĂ´ne. L'enquĂŞte permet d'arrĂŞter le l'auteur de l'assassinat, AndrĂ© Granato et de dĂ©manteler Ă  cette occasion une bande de malfaiteurs. GĂ©rard KappĂ©, alors responsable d'une branche sĂ©cessionniste du Service, identifie Granato comme membre du SAC.

L'affaire de l'ETEC

Fin , une instruction est ouverte à Paris par le juge Michaud pour extorsion de fonds, chantage et trafic d'influence. Sept personnes sont interpellées. Elles ont agi sous le couvert de la société ETEC (Études techniques et commerciales) sise boulevard de Courcelles à Paris. Joseph dit "Charly" Lascorz, principal animateur de l'ETEC, est en fuite et sera extradé d'Espagne quelques mois plus tard. Quatre des inculpés se prévalent d'appartenir au SAC, dont ils avaient été exclus en 1969.

Lascorz est condamné en première instance à trois ans de prison et ses co-inculpés de huit mois avec sursis à deux ans de prison[29].

Tuerie d'Auriol et fin du SAC

Pierre Debizet, responsable du SAC, arrive à Marseille en car il s'inquiète des rivalités entre les membres locaux de son organisation. Jacques Massié, responsable local du SAC et policier, est accusé de détournement de fonds et de proximité avec la gauche par les autres membres de l'organisation.

Quelque temps plus tard, Massié et toute sa famille sont assassinés. Rapidement, les meurtriers sont arrêtés et condamnés à de lourdes peines. Pierre Debizet est inquiété par la justice mais sans suite pénale.

Ă€ l'initiative du groupe communiste de l'AssemblĂ©e nationale, une commission d'enquĂŞte parlementaire est constituĂ©e en . Elle dispose de 6 mois pour enquĂŞter, mène des investigations et interroge 99 tĂ©moins durant 46 sĂ©ances, des dirigeants du SAC comme Debizet qui refuse de prĂŞter serment, des anciens membres comme Charles Pasqua, des fonctionnaires ou anciens fonctionnaires du ministère de l'intĂ©rieur tel Robert Pandraud, des syndicalistes, des journalistes comme Roger Colombani, des personnalitĂ©s comme Jacques Foccart et des hommes politiques comme Christian Bonnet, ancien ministre de l'intĂ©rieur[30]. Les membres de la majoritĂ© de gauche jouent un rĂ´le majeur dans les activitĂ©s de la Commission, car les membres de l'opposition comme Alain Madelin, Marc Lauriol ou Jean Tiberi refusent de pourvoir un poste de vice-prĂ©sident et un poste de secrĂ©taire et ne posent pas de questions aux tĂ©moins. Son rapport est remis le . Elle dĂ©cide de ne pas demander formellement la dissolution du SAC. Ses conclusions sont les suivantes : « Il appartient donc au seul pouvoir exĂ©cutif d'apprĂ©cier si les activitĂ©s du SAC telles qu'elles ressortent des Ă©lĂ©ments qu'il a en sa possession, peuvent ou non le conduire Ă  prendre une telle dĂ©cision. (…) Cependant, la Commission ne peut manquer d'affirmer que les investigations menĂ©es, que les documents rassemblĂ©s la conduisent Ă  conclure que le SAC, par sa nature, par son organisation et par son orientation a Ă©tĂ© inĂ©luctablement entraĂ®nĂ© Ă  exercer des activitĂ©s hors de la loi »[31].

Les commissaires appartenant aux groupes RPR et UDF récusent le rapport de la Commission « dont le mobile dominant est inspiré par des fins politiciennes, notamment en vue des prochaines consultations électorales, beaucoup plus que par une recherche sincère et sereine de la vérité[32] ».

Le SAC est dissous par le président François Mitterrand le [33], par application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées.

Effectifs et recrutement

La Commission d'enquĂŞte parlementaire cite un nombre « ne dĂ©passant pas 10 000 adhĂ©rents » avant 1968. Les Ă©vĂ©nements de mai 68 provoquent un afflux d'adhĂ©rents, dont le nombre atteint 20 000 selon Charles Pasqua, voire 30 000 selon d'autres sources. Le tirage du bulletin « Action civique » destinĂ© aux adhĂ©rents est alors de 10 000 exemplaires. Il redescend Ă  7 000 en , après l' « Ă©puration » effectuĂ©e par Pierre Debizet et les autres dĂ©parts.

En 1981, Pierre Debizet communique le nombre de 10 000 adhĂ©rents. Les Renseignements gĂ©nĂ©raux les estiment Ă  5 000 seulement. Compte tenu du tirage d' « Action civique » stable Ă  8 500 exemplaires depuis 1975, la Commission conclut que « le SAC comprend entre 8 000 et 10 000 adhĂ©rents, dont environ la moitiĂ© militent effectivement au sein de l'association »[34]. Les Ă©lĂ©ments d'information qu'elle a pu recueillir - et notamment l'Ă©tude de certains fichiers dĂ©partementaux -, permettent d'Ă©valuer globalement entre 10 et 15 % environ le nombre de policiers par rapport Ă  l'ensemble des adhĂ©rents du SAC.

Les « successeurs »

Après la dissolution du SAC, de nouvelles structures apparaissent.

Solidarité et défense des libertés

Certains, lors de la période de flottement du SAC, voulurent récupérer cette organisation qui a toujours existé de façon autonome par rapport aux différents partis gaullistes. Charles Pasqua est l'un d'eux[35].

Le futur ministre de l'Intérieur créa à cette occasion « Solidarité et défense des libertés » (aussi appelée Solidarité et liberté) qui rassemblait des membres du RPR, de l'UDF[36] ou des anciens du SAC. Le 3 mai 1982 l'association organisa une manifestation contre le terrorisme, où des nombreux militants du Centre national des indépendants et paysans (CNIP) et du Parti des forces nouvelles (PFN) furent présents, ce sont d'ailleurs ces derniers qui assurèrent le maintien de l'ordre[37] - [38]. Peu active l'organisation fut vite dissoute[39].

Le MIL

Le Mouvement initiative et liberté (MIL) a été créé le [40], soit huit mois avant la dissolution du SAC.

Il est alors présidé par Jacques Rougeot, un proche du Rassemblement pour la République (RPR) et président de l'Union nationale inter-universitaire (UNI). Le général Alain de Boissieu, Pierre Messmer, Jacques Foccart et Pierre Debizet, dernier président du SAC avant sa dissolution, participent également à la création du MIL.

Ouvrages et médias traitant du SAC

Bibliographie

  • Patrice Chairoff, Dossier b… comme barbouzes, Paris, Alain Moreau, , 491 p.
  • Gilbert Lecavelier, Serge Ferrand, Aux ordres du SAC, Ă©ditions Albin Michel, 1982
  • Louis Odru (rapporteur), Rapport de la commission d'enquĂŞte sur les activitĂ©s du Service d'action civique, Paris, Les Presses du Palais-Royal et Éditions Alain Moreau, , 996 p. (ISBN 2-85209-004-X) Lire en ligne le tome 1, Lire en ligne le tome 2
  • Benjamin Biale, Le Service d'action civique : 1958-1968, MĂ©moire IEP Aix-en-Provence, 1997
  • Alex Panzani, La Tuerie d'Auriol, J'ai lu, 2001
  • François Audigier, Histoire du SAC, la part d'ombre du gaullisme, Paris, Stock, , 528 p. (ISBN 2234056292)
  • Claude Faure, Aux Services de la RĂ©publique. Du BCRA Ă  la DGSE, Fayard, 2004
  • Olivier Legrand, Djian (scĂ©nario), et Alain Paillou (dessins), Le Service, (bande dessinĂ©e), Emmanuel Proust Éditions :
  1. Tome 1. Premières armes 1960-1968, 2011 (ISBN 978-2848103525)
  2. Tome 2. Hautes Sphères 1974-1979, 2013 (ISBN 978-2848104201)
Les auteurs enquêtent sur la mort du juge François Renaud et s'intéressent largement au SAC.
  • François Audigier, « Évolution de la violence militante en France de 1958 Ă  1967 et gestion partidaire de cette violence, le cas gaulliste : le Service d'Action Civique (SAC) », dans François Audigier (dir.), Histoire des services d'ordre en France du XIXe siècle Ă  nos jours, Paris, Riveneuve Ă©ditions, coll. « Violences et radicalitĂ©s militantes », , 263 p. (ISBN 978-2-36013-433-5), p. 161-188.
  • François Audigier, Histoire du SAC : les gaullistes de choc, 1958-1969, Paris, Éditions Perrin, , 384 p. (ISBN 978-2-262-07574-3)

Films

Émissions de télévision

Émissions de radio

  • Patrick Pesnot, « Rendez-vous avec X » - Le SAC : Service d'action civique, diffusion en 2 Ă©missions (25/02/2006 et 4/03/2006 ; rediffusion 26/12/2009 et 2/01/2010).

Notes et références

  1. Yves Bordenave, « En Mai 68, le SAC était considéré comme la « police parallèle » du pouvoir », sur lemonde.fr, (consulté le )
  2. Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsita, KAMERUN !, La DĂ©couverte,
  3. Odru (rapporteur) 1982, p. 915.
  4. « Les organigrammes ne seront pas tous connus exactement. Le premier bureau, à la création, avait Pierre Debizet comme président, Serge Planté comme adjoint et André Laviron comme trésorier. Dès avril 1960 le président est Paul Comiti, avec pour adjoints Henri Djouder et Serge Planté, celui-ci cédant bientôt la place à Jacques Lenain, avec aussi pour secrétaire général Robert Levillain qui s'effacera devant René Tiné. Charles Pasqua apparaîtra à la vice-présidence en mai 1967 seulement. », Pierre Pellissier , Charles Pasqua, JC Lattès, 1987, p.84
  5. « Dans le bureau, modifié le 5 avril 1962, Paul Comiti restait président, Henri Djouder vice-président et Charles Mattei trésorier, mais Robert Levillain et Serge Planté partaient. Le poste de deuxième président échoyait à Jacques Lenain. », François Audigier, Histoire du SAC, la part d'ombre du gaullisme, Stock, 2003, p.63
  6. Étienne Campion, François Audigier, « Ce qu'était vraiment le Service d'action civique », Le Figaro - FigaroVox,‎ (lire en ligne)
  7. Odru (rapporteur) 1982, p. 114.
  8. Voir sur lexpress.fr..
  9. Voir sur temoignagechretien.fr..
  10. Voir sur liberation.fr.
  11. « PARIS: deux membres du service d'action civique écroués pour port d'arme après l'échauffourée de Clichy », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  12. « M. Deroualle, militant U.D.R., est renvoyé aux assises », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  13. « UN MEMBRE DU S.A.C., AUTEUR DE COUPS DE FEU CONTRE UN PARTISAN DU "NON", EST ARRÊTÉ », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  14. Odru (rapporeur 1982, p. 131.
  15. « Les truands au service du pouvoir », Le Nouvel Observateur, 13 novembre 1972.
  16. « La cour d'assises a condamné les trois accusés à des peines de réclusion : douze ans pour Mme Boulbès, huit ans pour Padovani et Costeraste », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  17. Odru (rapporteur) 1982, p. 955.
  18. Odru (rapporteur) 1982, p. 916.
  19. Cité par Le Nouvel Observateur, 15 octobre 2005.
  20. Odru (rapporteur) 1982, p. 484.
  21. « L'AUTEUR DE " B… COMME BARBOUZES " A ÉTÉ ÉCROUÉ », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  22. « Le procès d'un truand du patronat », Club de Mediapart,‎ (lire en ligne)
  23. Jean-Marc Théolleyre, « Le meurtrier de Pierre Maître est condamné à vingt ans de réclusion », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  24. Odru (rapporteur) 1982, p. 235.
  25. Audigier 2003, p. 464.
  26. Odru (rapporteur) 1982, p. 240.
  27. Honoré Gévaudan, La bataille de la French Connection, Paris, Éditions Jean-Claute Lattès, , 496 p. (ISBN 978-2-7062-6918-9, lire en ligne), p. 463
  28. Odru (rapporteur) 1982, p. 241-243.
  29. « TROIS ANS DE PRISON DONT UN AVEC SURSIS POUR JOSEPH LASCORZ », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  30. Liste des membres de la commission et avant-propos
  31. Odru (rapporteur) 1982, p. 261.
  32. Odru (rapporteur) 1982, p. 267-270.
  33. Décret no 82-670 du 3 août 1982 portant dissolution de l'association nommée « Service d'action civique » (SAC).
  34. Odru (rapporteur) 1982, p. 66-68.
  35. Charles Pasqua avait été exclu du SAC sur ordre de Jacques Foccart au début de 1969 pour avoir tenté d'en prendre le contrôle à la faveur des événements de mai 1968. Contrairement à la légende, Pasqua était généralement mal vu du SAC.
  36. « Le mouvement Solidarité et liberté veut illustrer une nouvelle forme d'opposition », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  37. Philippe LAMY, « Le Club de l’Horloge (1974-2002). Évolution et mutation d’un laboratoire idéologique. », UNIVERSITE PARIS VIII -VINCENNES-SAINT-DENIS,‎
  38. Pierre PĂ©an, Compromissions - La RĂ©publique et la mafia corse,
  39. Frédéric Charpier, Les Officines. Trente ans de barbouzeries chiraquiennes: Trente ans de barbouzeries chiraquiennes,
  40. La fiche du MIL sur le site france-politique.fr.
  41. Fiche Allociné.
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