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Auguste Ricord

Auguste Joseph Ricord nĂ© le Ă  Marseille[1] et mort en 1985[2], surnommĂ© « il commandante Â», « Mr HĂ©roĂŻne Â» et « el viejo Â» (le vieux), est connu pour avoir Ă©tĂ© membre de la Gestapo française. Après sa fuite en AmĂ©rique du Sud, il devient l'un des organisateurs de la French Connection dans les annĂ©es 1950. Il est condamnĂ© en janvier 1973 par un tribunal new-yorkais Ă  vingt ans de prison, pour avoir introduit sur le sol des États-Unis plus de 6 tonnes d'hĂ©roĂŻne entre 1967 et 1972.

Auguste Ricord
Image illustrative de l’article Auguste Ricord
Information
Nom de naissance Auguste Joseph Ricord
Naissance
Marseille, France
Décès (à 74 ans)
Surnom Il Commandante
Mr HĂ©roĂŻne
Sentence 20 ans : trafic de stupéfiant
Pays Drapeau de la France France-Drapeau du Paraguay Paraguay
Ville Marseille-AsunciĂłn

Biographie

Sa première condamnation (pour extorsion de fonds) est prononcée le 24 avril 1927 à Marseille. Il est ensuite condamné à quatre reprises au moins pour vol à main armée, recel et port d'arme prohibé. À Paris, il est fiché comme proxénète.

En 1941, son ami Joseph Joanovici le prĂ©sente Ă  Henri Lafont, chef de la Gestapo française de la rue Lauriston. Ce dernier l'intègre au racket des Ă©tablissements de nuit et des restaurants parisiens qui s'approvisionnent au marchĂ© noir, ainsi qu'au pillage des biens juifs. Les deux hommes s'associent dans l'exploitation de plusieurs cabarets et maisons closes. En 1942, Ricord est brièvement incarcĂ©rĂ© Ă  la suite d'un cambriolage et libĂ©rĂ© sur intervention de Joanovici. L'annĂ©e suivante il vole 400 000 francs Ă  un commerçant de ChĂ©risy et lui extorque son stock d'essence. Il sera condamnĂ© pour cela, le 24 octobre 1951, par la cour d'assises d'Eure-et-Loir Ă  vingt ans de travaux forcĂ©s et dix ans d'interdiction de sĂ©jour[3].

À la Libération, Ricord fuit par l'Italie (d'autres sources citent l'Espagne), avant de gagner l'Amérique du Sud. Condamné à mort en France pour intelligence avec l'ennemi, il réapparaît en 1948 à Buenos Aires, où il ouvre des bars et des restaurants pour couvrir son activité dans la prostitution[1]. Selon certaines sources, il a quitté la rue Lauriston avec trois hommes de mains de Lafont, qui seront tous assassinés entre 1948 et 1951. Les trois hommes auraient emporté le trésor accumulé par Lafont rue Lauriston[3] : or, bijoux, devises, faux passeports[4]. Cependant l'un de ses anciens associés affirme que ses débuts en Argentine ont été difficiles et qu'il a commencé à gagner de l'argent après 1958[5].

Lors de son procès à New York, il expliquera avoir débarqué en Argentine en 1947 avec un faux passeport français au nom de Lucien Dargelès[6]. Les demandes d'extradition faites par la justice française restent lettre morte.

Il prend la nationalité argentine, mais quitte le pays dix ans plus tard après une arrestation pour corruption et association illégale. Il s'installe à Caracas où il ouvre un cabaret et organise des cercles de jeux clandestins en dirigeant un réseau de traite des blanches. Il finit par s'implanter au Paraguay où il monte un restaurant, le Paris-Nice, à l'extérieur d’Asunción - son seizième établissement depuis son arrivée en Amérique du Sud. Il noue des liens avec l'entourage immédiat du dictateur paraguayen, le général Alfredo Stroessner. Il est chargé de trouver un pays à même de faire transiter la drogue exportée aux États-Unis[7].

En mai 1970, une note de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) indique à son sujet : « Actuellement à Asuncion (Paraguay), où il est propriétaire du restaurant Paris-Nice, cet individu est recherché à la suite d’une condamnation à la peine de mort et à la confiscation de ses biens par le tribunal militaire de Paris pour intelligence avec l’ennemi […] Autour de lui gravite toute une équipe d’anciens agents de la Gestapo ayant fui la France et qui se sont réfugiés en Amérique du Sud[8] ». Plusieurs malfaiteurs français en cavale ont effectivement trouvé refuge auprès de lui : Christian David (assassin en 1966 à Paris du commissaire Galibert), André Condemine (ayant notamment participé à un vol à main armée sanglant à Mulhouse en 1958), François Chiappe (proxénète ayant abattu un concurrent à Paris en 1964), Lucien Sarti (assassin d'un policier belge en 1966), Claude Pastou, Michel Nicoli[9]... Il organise avec eux des filières d'exportation de l'héroïne raffinée dans les laboratoires clandestins marseillais vers les États-Unis, par l'itinéraire classique (Turquie-Marseille-New York) ou par le circuit latino-américain (Turquie-Marseille-Montevideo-Asuncion-Miami). Sur la dernière étape du circuit, le transport de l'héroïne est confié aux petits avions privés pilotés par des aviateurs contrebandiers. L'organisation de Ricord a des liens avec la Mafia sicilienne dont le représentant en Amérique du sud est Tommaso Buschetta[5].

D'autres trafiquants notoires rejoignent son réseau, tels Jean-Claude Kella et Laurent Fiocconi. Le 19 avril 1968, Ricord est arrêté avec Lucien Sarti et François Chiappe, pour son implication supposée dans le braquage de la Banque d'Argentine. Tous les trois sont libérés par manque de preuves[1].

En 1972, Nelson Gross, conseiller spĂ©cial du secrĂ©taire d'État amĂ©ricain et coordinateur pour les questions internationales de drogue, indiquera que le rĂ©seau Ricord envoyait au moins 1 000 kilos de drogue chaque annĂ©e aux États-Unis, et peut-ĂŞtre mĂŞme entrait-il pour un tiers dans l'approvisionnement du marchĂ© amĂ©ricain[10]. Ricord est arrĂŞtĂ© en mai 1971 alors qu'il cherche Ă  quitter le Paraguay pour l'Argentine. Son nom a Ă©tĂ© donnĂ© au Bureau of Narcotics and Dangerous Drugs par cinq comparses interpellĂ©s alors qu'ils tentaient d'introduire une cinquantaine de kilos d'hĂ©roĂŻne aux États-Unis. Il est incarcĂ©rĂ© Ă  Asuncion, oĂą il jouit d'un traitement de faveur liĂ©, selon les autoritĂ©s amĂ©ricaines, Ă  l'implication de plusieurs officiers supĂ©rieurs paraguayens dans le trafic d'hĂ©roĂŻne[11]. Sous la pression du dĂ©partement d'État, le Paraguay accepte de l'extrader vers les États-Unis le 3 septembre 1972.

Il est condamné en janvier 1973 par un tribunal new-yorkais à vingt ans de prison, reconnu coupable d'avoir introduit sur le sol des États-Unis, via l'Amérique du Sud, plus de 6 tonnes d'héroïne entre 1967 et 1972. Le montant de ce trafic a été estimé à l'époque à quelque 3 milliards de dollars. Souffrant de paralysie et d'aphasie, il est libéré le 9 mars 1983. Il retourne au Paraguay, où il meurt en 1985.

Voir aussi

Références

  1. https://news.google.com/newspapers?nid=110&dat=19720921&id=ro9aAAAAIBAJ&sjid=LEoDAAAAIBAJ&pg=6925,6396330&hl=fr
  2. https://www.foreignaffairs.com/articles/paraguay/1989-03-01/paraguay-after-stroessner
  3. Maurice Denuzière, « Joseph Ricord : un " parrain " déchu », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  4. GĂ©vaudan, p. 146/496.
  5. André Bercoff, « La mafia française sous les verrous », L'Express,‎ 27 novembre - 3 décembre 1972
  6. Maurice Denuzière, « Joseph Ricord a enfin parlé, mais n'a rien dit », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  7. « Depuis la dictature de Stroessner, rien n’a changé au Paraguay », sur L'Humanité,
  8. Alexandre Marchant, « La French Connection, entre mythes et réalités », Vingtième Siècle. Revue d'histoire 2012/3 (N° 115),‎ (lire en ligne)
  9. GĂ©vaudan, p. 142/496.
  10. « Le conseiller spécial du secrétaire d'État américain est satisfait des résultats obtenus dans la lutte contre le trafic de drogue », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  11. Jacques Amalric, « Le trafiquant de drogue Joseph Ricord a été incarcéré à New-York », Le Monde,‎ (lire en ligne)

Sources

  • HonorĂ© GĂ©vaudan, La bataille de la french connection, Éditions Jean-Claude Lattès, 1985 (ISBN 9782706269189)
  • GrĂ©gory Auda, Les Belles AnnĂ©es du Milieu, Michalon, 2002
  • Vincent Nouzille et Jacques Follorou, Les Parrains Corses, Fayard, 2004
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