Sabri al-Banna
Sabri Khalil al-Banna (en arabe : Ű”ŰšŰ±Ù ŰźÙÙÙ Ű§ÙŰšÙۧ), connu sous le nom dâAbou Nidal (en arabe : ŰŁŰšÙ Ù۶ۧÙ, en français : « le pĂšre de Nidhal »), est le fondateur du Fatah-Conseil rĂ©volutionnaire (Fatah-CR), un mouvement palestinien dissident plus connu sous la dĂ©nomination dâOrganisation Abou Nidal[1]. Au faĂźte de sa puissance, dans les annĂ©es 1970-1980, cette organisation extrĂ©miste Ă©tait considĂ©rĂ©e comme le plus brutal des groupes palestiniens[2] - [3] - [4] - [5].
Abou Nidal ŰŁŰšÙ ÙŰ¶Ű§Ù | |
Biographie | |
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Nom de naissance | Sabri Khalil al-Banna
Ű”ŰšŰ±Ù ŰźÙÙÙ Ű§ÙŰšÙۧ |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Jaffa (Palestine sous mandat britannique) |
Date de décÚs | (à 65 ans) |
Lieu de décÚs | Bagdad (Irak) |
Nature du décÚs | suicide ou assassinat (controversé) |
SĂ©pulture | CimetiĂšre musulman Al-Karakh (Bagdad, Irak) |
Nationalité | Palestinien |
Parti politique | Fatah-Conseil révolutionnaire
(ÙŰȘŰ Ű§ÙÙ ŰŹÙŰł ۧÙŰ«Ù۱Ù) Plus connu comme Organisation Abou Nidal |
Religion | Islam sunnite |
RĂ©sidence | Palestine, Ăgypte, Arabie saoudite, Jordanie, Irak, Syrie, Liban, Libye |
Abou Nidal a crĂ©Ă© le Fatah-CR en , Ă la suite dâune scission avec le Fatah de Yasser Arafat au sein de lâOrganisation de libĂ©ration de la Palestine (OLP)[6] - [7]. Agissant sous sa propre banniĂšre, Abu Nidal aurait ordonnĂ© des attentats dans 20 pays, tuant plus de 300 personnes et en blessant plus de 650 autres[8] - [9]. Le groupe a en particulier perpĂ©trĂ© les attentats des aĂ©roports de Rome et de Vienne le , au cours desquels des hommes armĂ©s ont, simultanĂ©ment dans les deux aĂ©roports, ouvert le feu sur des passagers aux comptoirs dâEl Al, tuant 20 personnes.
Abou Nidal est mort des suites dâun (ou de) tir(s) dâarme(s) Ă feu dans sa maison de Bagdad en . Des sources palestiniennes ont affirmĂ© quâil a Ă©tĂ© tuĂ© sur ordre de Saddam Hussein, alors que les autoritĂ©s irakiennes ont soutenu quâil sâĂ©tait suicidĂ© au cours dâun interrogatoire[10] - [11].
Jeunesse
Famille et scolarité
Abou Nidal est nĂ© en Ă Jaffa, sur la cĂŽte mĂ©diterranĂ©enne de ce qui Ă©tait alors la Palestine sous mandat britannique. Son pĂšre, Hajj Khalil al-Banna, possĂ©dait 24 km2 dâorangeraies entre Jaffa et Majdal (aujourdâhui Ashkelon en IsraĂ«l) (p. 45-46)[1], (p. 57 pour les orangeraies)[6]. La famille vivait luxueusement dans une maison en pierre de trois Ă©tages prĂšs de la plage, devenue plus tard un tribunal militaire israĂ©lien (p. 45-46; 122-123 pour image du tribunal)[1].
Muhammad Khalil al-Banna, le frĂšre dâAbou Nidal, a racontĂ© Ă Yossi Melman (en) :
« Mon pĂšre Ă©tait lâhomme le plus riche de Palestine. Il vendait environ 10 % des rĂ©coltes dâagrumes expĂ©diĂ©es de Palestine en Europe â surtout en Angleterre et en Allemagne. Il possĂ©dait une rĂ©sidence estivale Ă Marseille en France et une autre Ă Alexandrette, ville alors syrienne et plus tard turque, ainsi que de nombreuses maisons en Palestine mĂȘme. La plupart du temps, nous vivions Ă Jaffa. Notre maison avait environ vingt chambres et, nous autres enfants, nous descendions nager dans la mer. Nous avions Ă©galement des Ă©curies avec des chevaux arabes et lâune de nos maisons Ă Ashkelon avait mĂȘme une grande piscine. Je pense que nous Ă©tions alors la seule famille palestinienne possĂ©dant une piscine privĂ©e (p. 45)[1].
[...] Le kibboutz nommĂ© Ramat HaKovesh (en) a jusquâĂ maintenant un terrain appelĂ© « le verger al-Banna ». Mon frĂšre et moi en avons conservĂ© les titres de propriĂ©tĂ© mĂȘme si nous savons trĂšs bien que ni nous, ni nos enfants, nâavons aucune chance de le rĂ©cupĂ©rer (p. 47)[1]. »
La prospĂ©ritĂ© de Khalil al-Banna lui permit dâavoir plusieurs Ă©pouses. Dans une interview accordĂ©e Ă Der Spiegel, Abou Nidal a indiquĂ© que son pĂšre avait 13 Ă©pouses[12], 17 fils et 8 filles. Yossi Melman Ă©crit que la mĂšre dâAbou Nidal fut sa huitiĂšme Ă©pouse (p. 46)[1]. Dâautres sources indiquent quâelle fut la seconde Ă©pouse[13]. Elle avait Ă©tĂ© lâune des servantes de la famille, une jeune-fille alaouite de 16 ans, mais aurait Ă©tĂ© en rĂ©alitĂ© une danseuse de cabaret devenu servante pour approcher le pĂšre[14]. La famille dĂ©sapprouvait ce mariage, selon Patrick Seale, et en consĂ©quence Abou Nidal fut mĂ©prisĂ© par les aĂźnĂ©s de sa fratrie. Par la suite, leurs relations se sont arrangĂ©es (p. 58)[6].
En 1944 ou 1945, son pĂšre lâa placĂ© au collĂšge des FrĂšres de Jaffa (en), un Ă©tablissement scolaire français des FrĂšres des Ă©coles chrĂ©tiennes oĂč il Ă©tudia une annĂ©e (p. 47)[1]. Son pĂšre est dĂ©cĂ©dĂ© en 1945 quand Abou Nidal avait sept ans et la famille chassa sa mĂšre de la maison (p. 58)[6]. Ses frĂšres lui firent quitter le CollĂšge des FrĂšres et lâinscrivirent dans une prestigieuse Ă©cole musulmane privĂ©e de JĂ©rusalem, aujourdâhui connue sous le nom dâĂ©cole Ă©lĂ©mentaire Umariya (en). Il y Ă©tudia pendant deux ans (p. 48)[1].
Guerre de Palestine de 1948
Le , lâONU a approuvĂ© la rĂ©solution 181 validant le Plan de partage de la Palestine en un Ă©tat arabe et un Ă©tat juif, JĂ©rusalem Ă©tant placĂ© sous contrĂŽle international. Des combats Ă©clatĂšrent immĂ©diatement et lâinterruption de lâagrumiculture affecta les revenus de la famille (p. 48)[1]. Ă Jaffa, il y eut une pĂ©nurie alimentaire, des explosions de camions piĂ©gĂ©s et un bombardement au mortier par lâIrgoun[15]. Yossi Melman Ă©crit que la famille al-Banna avait eu de bonnes relations avec la communautĂ© juive, mais câĂ©tait la guerre et les relations ne les aidĂšrent pas (p. 48-49)[1]. Le frĂšre dâAbou Nidal raconta Ă Yossi Melman :
« Mon pĂšre Ă©tait un ami proche dâAvraham Shapira, un des fondateurs de lâorganisation dâauto-dĂ©fense juive Hashomer. Il lui rendait visite Ă sa maison de Petah Tikva ou bien Shapira nous rendait visite Ă cheval Ă notre maison de Jaffa. Je me souviens aussi que nous rendions visite au Dr Weizmann [qui deviendra plus tard premier prĂ©sident dâIsraĂ«l] dans sa maison Ă Rehovot (p. 48-49)[1]. »
Juste avant que les troupes israĂ©liennes ne conquiĂšrent Jaffa en , la famille sâĂ©tait rĂ©fugiĂ©e dans sa maison prĂšs de Majdal. Mais les milices juives conquirent Ă©galement cette ville et la famille dut Ă nouveau sâenfuir. Cette fois, elle s'installa au camp de rĂ©fugiĂ©s de Bureij dans la bande de Gaza, alors sous contrĂŽle Ă©gyptien. Yossi Melman Ă©crit que la famille y a passĂ© neuf mois, vivant sous des tentes, dĂ©pendant de lâOffice de secours et de travaux des Nations unies pour les rĂ©fugiĂ©s de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) pour des rations dâhuile, de riz et de pommes de terre (p. 49)[1]. Cette expĂ©rience eut un profond impact sur Abou Nidal (p. 49)[1], (p. 59)[6].
Installation Ă Naplouse puis en Arabie saoudite
LâexpĂ©rience commerciale de la famille al-Banna et lâargent quâils avaient rĂ©ussi Ă emporter avec eux, leur permirent de se relancer dans les affaires, Ă©crit Yossi Melman (p. 49)[1]. Ils avaient toutefois perdu leurs orangeraies, qui faisaient dĂ©sormais partie du nouvel Ă©tat dâIsraĂ«l qui avait dĂ©clarĂ© son indĂ©pendance en . La famille dĂ©mĂ©nagea Ă Naplouse en Cisjordanie, Ă lâĂ©poque sous contrĂŽle jordanien (p. 46)[1]. Abou Nidal y acheva ses Ă©tudes secondaires en 1955 et adhĂ©ra au parti nationaliste arabe Baas (p. 100)[8]. Il aurait exercĂ© le mĂ©tier d'enseignant pendant un temps[14]. Et il commença des Ă©tudes supĂ©rieures dâingĂ©nieur Ă lâUniversitĂ© du Caire, mais les interrompit au bout de deux ans, sans avoir obtenu de diplĂŽme (p. 50)[1].
En 1960 il partit pour lâArabie saoudite, oĂč il sâinstalla comme peintre et Ă©lectricien, et travailla comme intĂ©rimaire pour lâAramco (p. 50)[1], (p. 64)[6]. Il resta proche de sa mĂšre et lui rendit visite chaque annĂ©e, Ă Naplouse depuis lâArabie saoudite, comme lâa racontĂ© son frĂšre Ă Yossi Melman. Câest en 1962, lors dâune de ces visites, quâil rencontra son Ă©pouse, dont la famille sâĂ©tait Ă©galement enfuie de Jaffa. Le couple eut un fils et deux filles (p. 51)[1].
Personnalité
Abou Nidal nâĂ©tait souvent pas en bonne santĂ©, si lâon en croit Patrick Seale, et il avait tendance Ă porter des blousons Ă fermeture Ă©clair et de vieux pantalons, et buvait du whisky chaque soir vers la fin de sa vie. Il devint, toujours selon Patrick Seale, « maĂźtre en dissimulation et subterfuge, nâaccordant sa confiance Ă personne, solitaire et sur la dĂ©fensive, [vivant] comme une taupe, Ă lâabri des regards » (p. 56)[6]. Ses connaissances disaient quâil Ă©tait capable de travailler dur et avait le sens des affaires (p. 57)[6]. Salah Khalaf (Abou Iyad), le numĂ©ro deux du Fatah, qui sera assassinĂ© par lâOrganisation Abou Nidal en 1991, le connaissait bien Ă la fin des annĂ©es 1960, quand il le prit sous son aile. Il a racontĂ© Ă Patrick Seale :
« Il mâavait Ă©tĂ© recommandĂ© comme un homme plein dâĂ©nergie et dâenthousiasme, mais il paraissait timide quand nous nous sommes rencontrĂ©s. Ce nâest quâen faisant plus amplement sa connaissance que jâai dĂ©couvert dâautres traits de sa personnalitĂ©. Il Ă©tait dâexcellente compagnie, avec une langue acĂ©rĂ©e et une tendance Ă rejeter presque toute lâhumanitĂ© comme espions et traĂźtres. Jâaimais bien ça ! Jâai dĂ©couvert quâil Ă©tait trĂšs ambitieux, probablement au-delĂ de ses capacitĂ©s, et Ă©galement trĂšs excitĂ©. Parfois il se mettait dans de tels Ă©tats quâil en perdait toutes facultĂ©s de raisonnement (p. 69)[6]. »
Patrick Seale suggĂšre que lâenfance dâAbou Nidal expliquerait sa personnalitĂ©, qualifiĂ©e de chaotique par Abou Iyad et de psychopathique par Issam Sartawi (en), le chirurgien cardiaque dont lâassassinat au Portugal en 1983 a Ă©tĂ© revendiquĂ© par lâOrganisation Abou Nidal[16] (p. 3, 51)[1], (p. 57)[6]. Le mĂ©pris de sa fratrie, le dĂ©cĂšs de son pĂšre et lâexpulsion de sa mĂšre de la maison familiale quand il avait sept ans, puis la perte de son domicile et de son statut social durant le conflit avec IsraĂ«l, a suscitĂ© chez lui une vision complotiste du monde, qui sâest reflĂ©tĂ©e dans sa direction tyrannique de son organisation. Les Ă©pouses des membres (le groupe nâĂ©tait constituĂ© que dâhommes) nâĂ©taient pas autorisĂ©es Ă se frĂ©quenter et lâĂ©pouse dâAbou Nidal Ă©tait supposĂ©e vivre isolĂ©e, sans amis (p. 58-59)[6].
Vie politique
Impex, Septembre noir
En Arabie saoudite, Abou Nidal participe Ă la crĂ©ation dâun petit groupe de jeunes palestiniens qui se fait appeler lâOrganisation palestinienne secrĂšte. Cet activisme lui coĂ»te son emploi et sa maison : lâAramco le licencie et le gouvernement saoudien lâemprisonne puis lâexpulse[8].
Il retourne Ă Naplouse avec son Ă©pouse et sa famille et rejoint les rangs du Fatah de Yasser Arafat au sein de lâOLP. EmployĂ© Ă des petits boulots, il est engagĂ© dans la politique palestinienne sans ĂȘtre particuliĂšrement actif. Son activisme s'intensifie nettement Ă la suite de la guerre des Six Jours en 1967 et la victoire dâIsraĂ«l qui annexe le plateau du Golan, la Cisjordanie et la bande de Gaza. Yossi Melman Ă©crit que « lâentrĂ©e des tanks de Tsahal dans Naplouse fut pour lui une expĂ©rience traumatisante. La conquĂȘte le poussa Ă lâaction » (p. 52)[1].
Il dĂ©mĂ©nage Ă Amman en Jordanie, y crĂ©ant une sociĂ©tĂ© dâimport-export nommĂ©e Impex (p. 69)[6]. Le Fatah lui demande de se choisir un nom de guerre et il opte pour Abou Nidal (« pĂšre de la lutte ») en rĂ©fĂ©rence Ă son fils Nidal[7] (de sorte que son nom de guerre est Ă©galement un authentique kunya, les hommes ayant pour habitude dans le monde arabe de se faire appeler « pĂšre de⊠» en rĂ©fĂ©rence au prĂ©nom de leur fils aĂźnĂ©). Il a Ă©tĂ© dĂ©crit par ceux qui lâont cĂŽtoyĂ© Ă lâĂ©poque comme un dirigeant bien organisĂ©, pas un guĂ©rillero ; pendant les combats entre les fĂ©dayins palestiniens et les troupes du roi Hussein de Jordanie, il reste Ă son bureau (p. 51)[1], (p. 70)[6].
Impex sert de façade pour le Fatah, comme lieu de rĂ©union et comme circuit de financement. Cela devient le fil conducteur de la carriĂšre dâAbou Nidal. Les entreprises contrĂŽlĂ©es par lâOrganisation Abou Nidal, aux activitĂ©s lĂ©gales, font de lui un homme riche, en mĂȘme temps quâelles servent de couverture pour des ventes dâarmes et des activitĂ©s mercenaires (p. 69)[6].
Abou Iyad nomme Abou Nidal en 1968 comme reprĂ©sentant du Fatah Ă Khartoum au Soudan, puis (sur lâinsistance dâAbou Nidal) au mĂȘme poste Ă Bagdad en , deux mois avant les Ă©vĂ©nements de Septembre noir, quand, aprĂšs plus de 10 jours de combats et la perte de milliers de vie, lâarmĂ©e du roi Hussein chasse les fĂ©dayins palestiniens de Jordanie. Patrick Seale Ă©crit que lâabsence dâAbou Nidal de Jordanie Ă cette Ă©poque, quand il Ă©tait devenu clair que le roi Hussein allait passer Ă lâaction contre les Palestiniens, a fait naĂźtre dans le mouvement le soupçon quâil ne pensait quâĂ sa propre survie (p. 78)[6].
PremiÚre opération
Peu aprĂšs les Ă©vĂ©nements de Septembre noir, Abou Nidal commence Ă accuser lâOLP de couardise sur les ondes de sa station radio en Irak, la « Voix de la Palestine » (sans rapport avec la radio Voix de la Palestine (en)), et ce pour avoir acceptĂ© un cessez-le-feu avec le roi Hussein (p. 78)[6]. Au cours du troisiĂšme congrĂšs du Fatah en 1971 Ă Damas, Abou Nidal se joint Ă lâĂ©crivain et militant palestinien Naji Alloush et Ă Abou Daoud (dirigeant de lâorganisation Septembre noir, responsable du massacre de Munich en 1972), pour appeler Ă plus de dĂ©mocratie au sein du Fatah et Ă la vengeance contre le roi Hussein (p. 85-87)[6].
En , Abou Daoud est arrĂȘtĂ© en Jordanie pour une tentative dâassassinat du roi Hussein. Cela conduit Abou Nidal Ă mener sa premiĂšre opĂ©ration, nommĂ©e « Al-âIqab » (« le chĂątiment ») : le , cinq hommes armĂ©s entren dans lâambassade dâArabie saoudite Ă Paris, prennent quinze personnes en otage et menacent de faire exploser le bĂątiment si Abou Daoud n'est pas libĂ©rĂ©[17] (p. 69)[1], (p. 92)[6]. Deux jours plus tard, les preneurs dâotage s'envolent vers le Koweit sur un avion de la Syrianair, retenant toujours cinq personnes en otage, puis vers Riyad, menaçant de jeter les otages en lâair depuis lâavion. Le , ils se rendirent et libĂ©rĂšrent les otages[18]. Abou Daoud fut relĂąchĂ© deux semaines plus tard ; Patrick Seale raconte que le gouvernement koweitien a versĂ© 12 millions de dollars au roi Hussein pour cette libĂ©ration (p. 91)[6].
Le jour de lâattaque, 56 chefs dâĂ©tat se rĂ©unissaient Ă Alger pour la 4e ConfĂ©rence du mouvement des non-alignĂ©s. Selon Patrick Seale, lâopĂ©ration contre lâambassade sĂ©oudienne avait Ă©tĂ© commanditĂ©e par le prĂ©sident irakien Ahmad Hassan al-Bakr, pour faire diversion de la confĂ©rence, parce quâil Ă©tait jaloux que lâAlgĂ©rie en soit lâhĂŽte. Patrick Seale ajoute que lâun des preneurs dâotage avait reconnu quâil lui avait Ă©tĂ© demandĂ© de voler avec les otages jusquâĂ la fin de la confĂ©rence (p. 92)[6].
Abou Nidal avait menĂ© cette opĂ©ration sans lâaccord du Fatah (p. 69)[1]. Abou Iyad (adjoint dâArafat) et Mahmoud Abbas (ultĂ©rieurement PrĂ©sident de l'AutoritĂ© palestinienne), sâenvolĂšrent pour lâIrak pour raisonner Abou Nidal sur lâimpact nĂ©gatif des prises dâotage sur le mouvement. Abou Iyad raconta Ă Patrick Seale quâun officiel irakien prĂ©sent lors de cette rĂ©union a dit : « Pourquoi attaquez-vous Abou Nidal ? CâĂ©tait notre opĂ©ration ! Nous lui avions demandĂ© de lâorganiser pour nous ». Ce qui rendit Mahmoud Abbas furieux et lui fit quitter la rĂ©union avec les autres reprĂ©sentants de lâOLP. Patrick Seale Ă©crit quâĂ partir de ce moment, lâOLP considĂ©ra quâAbou Nidal Ă©tait sous le contrĂŽle du gouvernement irakien (p. 92)[6].
Expulsion du Fatah
Deux mois plus tard, en (juste aprĂšs la guerre du Kippour en octobre), lâOrganisation Abou Nidal a dĂ©tournĂ© le vol KLM 861 (en), cette fois sous le nom dâOrganisation de la jeunesse nationaliste arabe. Le Fatah Ă©tait en train de discuter la tenue dâune confĂ©rence de paix Ă GenĂšve ; le dĂ©tournement avait pour objectif de les prĂ©venir de ne pas sây engager plus avant. En rĂ©ponse, Yasser Arafat expulsa Abou Nidal de lâOLP (p. 70, en mars 1974)[1], (p. 97-98, en juillet 1974)[6].
En , Abou Nidal fondait lâOrganisation Abou Nidal et la nommait Fatah-Conseil rĂ©volutionnaire (p. 99)[6]. En novembre de cette mĂȘme annĂ©e, un tribunal du Fatah le condamna Ă mort par contumace pour une tentative dâassassinat sur Mahmoud Abbas (p. 98)[6]. Patrick Seale Ă©crit quâil est peu vraisemblable quâAbou Nidal ait projetĂ© de tuer Mahmoud Abbas et tout aussi peu vraisemblable que le Fatah ait voulu exĂ©cuter Abou Nidal. Il Ă©tait invitĂ© Ă venir Ă Beyrouth discuter de la sentence de mort et Ă©tait autorisĂ© Ă repartir, mais il Ă©tait Ă©vident quâil Ă©tait dĂ©sormais persona non grata (p. 98)[6]. Ă la suite de quoi, les Irakiens lui transfĂ©rĂšrent tous les avoirs du Fatah en Irak, y compris un camp dâentraĂźnement, une ferme, un journal, une station de radio, des passeports, des Ă©tudes Ă lâĂ©tranger et lâĂ©quivalent de 15 millions de dollars en armes. Il reçut Ă©galement les contributions que lâIrak versait Ă lâOLP : environ 150 000 $ par mois et un versement unique de 3 Ă 5 millions de dollars (p. 100)[6].
Lâorganisation Abou Nidal
Nature de lâorganisation
En plus du Fatah-Conseil RĂ©volutionnaire, lâOrganisation Abou Nidal sâest Ă©galement fait appeler : le Mouvement palestinien de libĂ©ration nationale, Juin noir (pour des opĂ©rations entreprises contre la Syrie), Septembre noir (pour des opĂ©rations contre la Jordanie), les Brigades rĂ©volutionnaires arabes, lâOrganisation rĂ©volutionnaire des musulmans socialistes, RĂ©volution Ă©gyptienne, Ăgypte rĂ©volutionnaire, « Al-âAsifa » (« la TempĂȘte », un nom Ă©galement utilisĂ© par le Fatah), « Al-âIqab » (« le ChĂątiment ») et lâOrganisation de la jeunesse nationaliste arabe[1]. Le dĂ©partement d'Ătat des Ătats-Unis a qualifiĂ© le Fatah-CR d'« une des organisations terroristes les plus dangereuses du Proche-Orient »[14].
Le groupe avait eu jusquâĂ 500 membres, recrutĂ©s parmi les jeunes hommes dans les camps de rĂ©fugiĂ©s palestiniens et au Liban, oĂč on leur promettait un bon salaire et de lâaide pour prendre soin de leurs familles[19] (p. 6)[6]. Ils Ă©taient envoyĂ©s dans des camps dâentraĂźnement dans lâun ou lâautre des pays qui soutenaient Ă lâĂ©poque lâorganisation (Syrie, Irak ou Libye) et Ă©taient organisĂ©s en petites cellules (p. 3)[19]. Une fois engagĂ©s, ils ne pouvaient plus quitter l'organisation, affirment As'ad Abu Khalil et Michael Fischbach (p. 12)[7]. L'organisation prenait un ascendant total sur ses membres, qui lui devaient obĂ©issance absolue. Un membre raconta Ă Patrick Seale quâavant de partir Ă lâĂ©tranger on lui avait dit : « Si nous disons « Bois de lâalcool », fais-le. Si nous disons « Marie-toi », trouve une femme et Ă©pouse-la. Si nous disons « Nâaie pas dâenfant », tu dois obĂ©ir. Si nous disons « Va et tue le roi Hussein », tu dois ĂȘtre prĂȘt Ă te sacrifier ! » (p. 21)[6].
Patrick Seale dit quâil Ă©tait demandĂ© aux recrues de raconter par Ă©crit les Ă©vĂ©nements de leur vie, y compris les noms et les adresses de leur famille et de leurs amis, puis de signer un document par lequel ils acceptaient leur exĂ©cution si on leur dĂ©couvrait des contacts dâespionnage. Sâils Ă©taient suspectĂ©s, ils devaient rĂ©Ă©crire toute lâhistoire sans discordances (p. 7, 13-18)[6]. Le journal de l'organisation, Filastin al-Thawra, annonçait rĂ©guliĂšrement l'exĂ©cution de traĂźtres (p. 12)[7]. Abou Nidal croyait que le groupe avait Ă©tĂ© infiltrĂ© par des agents israĂ©liens et il y avait le sentiment quâIsraĂ«l pouvait avoir utilisĂ© lâOrganisation Abou Nidal pour saper des groupes palestiniens plus modĂ©rĂ©s[13]. Les experts du terrorisme considĂšrent que lâidĂ©e quâAbou Nidal soit lui-mĂȘme un tel agent est « tirĂ©e par les cheveux »[5].
Comité de justice révolutionnaire
Il y a eu des rĂ©cits de purges durant les annĂ©es 1970 et 1980. Environ 600 membres de lâOrganisation auraient Ă©tĂ© tuĂ©s au Liban et en Libye, dont 171 en une seule nuit en . Ils auraient Ă©tĂ© alignĂ©s, fusillĂ©s et jetĂ©s dans une fosse commune. Des dizaines auraient Ă©tĂ© kidnappĂ©s en Syrie et tuĂ©s dans le camp de rĂ©fugiĂ©s de Badawi. Abou Daoud dit Ă Patrick Seale que la plupart des dĂ©cisions dâexĂ©cution Ă©taient prises par Abou Nidal « au milieu de la nuit aprĂšs sâĂȘtre enfilĂ© toute une bouteille de scotch » (p. 287-289)[6]. Les purges amenĂšrent Atif Abu Bakr, chef du bureau politique de lâOrganisation Abou Nidal, Ă faire dĂ©fection en 1989 pour retourner au Fatah (p. 307, 310)[6].
Les membres Ă©taient couramment torturĂ©s par le « ComitĂ© de justice rĂ©volutionnaire » jusquâĂ ce quâils avouent leur dĂ©loyautĂ©. Patrick Seale rapporte les rĂ©cits de torture suivant : la suspension dâun homme nu, fouettĂ© jusquâĂ ce quâil soit inconscient, ranimĂ© avec de lâeau froide puis ses blessures badigeonnĂ©es de sel ou de piment ; un prisonnier nu aurait Ă©tĂ© placĂ© de force dans un pneu de voiture, son dos et ses jambes Ă lâair, puis fouettĂ© au sang, ses blessures enduites de sel et enfin ravivĂ© Ă lâeau froide ; les testicules pouvaient ĂȘtre frits dans de lâhuile ou du plastique fondu ĂȘtre dĂ©versĂ© au goutte-Ă -goutte sur la peau. Entre les interrogatoires, les prisonniers Ă©taient placĂ©s attachĂ©s dans de minuscules cellules. Si les cellules Ă©taient pleines, Patrick Seale Ă©crit quâils pouvaient ĂȘtre enterrĂ©s avec un tuyau dans la bouche pour respirer et boire ; et si Abou Nidal dĂ©cidait de les tuer, une balle Ă©tait directement tirĂ©e dans le tuyau (p. 286-287)[6].
Direction du renseignement
La Direction du renseignement fut crĂ©Ă©e en 1985 pour surveiller les opĂ©rations spĂ©ciales. Elle avait quatre sous-comitĂ©s : le ComitĂ© des missions spĂ©ciales, le ComitĂ© du renseignement extĂ©rieur, le ComitĂ© de contrespionnage et le ComitĂ© libanais. DirigĂ© par Abd el-Rahman Isa, le plus ancien membre actif de lâOrganisation Abou Nidal â Patrick Seale Ă©crit quâil Ă©tait mal rasĂ© et dâapparence miteuse, mais charmant et persuasif â la Direction maintenait 30 Ă 40 personnes Ă lâĂ©tranger pour sâoccuper des caches dâarmes de lâOrganisation Abou Nidal dans diffĂ©rents pays. Elle formait le personnel, sâoccupait des passeports et des visas et enquĂȘtait sur la sĂ©curitĂ© dans les aĂ©roports et ports. Ses membres nâavaient pas le droit de se rendre visite Ă domicile et personne en dehors de la Direction nâĂ©tait censĂ© savoir qui en Ă©tait membre (p. 185-187)[6].
Abd el-Rahman Isa a Ă©tĂ© rĂ©trogradĂ© en 1987, car Abou Nidal trouvait quâil Ă©tait devenu trop proche dâautres personnalitĂ©s de lâOrganisation. Toujours prompt Ă punir ses membres en les humiliant, Abou Nidal insista pour quâil reste Ă la Direction du renseignement, le forçant Ă travailler sous les ordres de ses anciens subordonnĂ©s, qui, selon Patrick Seale, eurent pour consigne de le traiter avec mĂ©pris (p. 188)[6].
Comité des missions spéciales
Le travail du ComitĂ© des missions spĂ©ciales Ă©tait de choisir des cibles (p. 183)[6]. Il avait pris forme au sein du ComitĂ© militaire, dirigĂ© par Naji Abou al-Fawaris, qui avait menĂ© lâattaque contre Heinz Nittel (de), dirigeant de la Ligue dâamitiĂ© austro-israĂ©lienne, tuĂ© par balle en 1981 (p. 186)[6]. En 1982 le ComitĂ© devint le ComitĂ© des missions spĂ©ciales, dirigĂ© par le Dr Ghassan al-Ali, qui Ă©tait nĂ© en Cisjordanie et avait Ă©tĂ© formĂ© en Angleterre, oĂč il obtint une licence et un master de chimie et se maria avec une britannique (dont il divorça ultĂ©rieurement) (p. 182)[6]. Un ancien membre de lâorganisation Abou Nidal raconta Ă Patrick Seale que Ghassan al-Ali Ă©tait partisan « des opĂ©rations les plus extrĂȘmes et les plus imprudentes » (p. 183)[6].
Opérations et relations
La liste des attentats attribuĂ©s Ă l'Organisation Abou Nidal sous ses diffĂ©rentes appellations est longue mais trĂšs incertaine. Comme l'a soulignĂ© Abou Bakr dans l'interview accordĂ©e au quotidien saoudien Al-Hayat, nombre des attentats qu'il a revendiquĂ©s ne lui serait pas imputables et, inversement, des attentats non revendiquĂ©s pourraient lui ĂȘtre imputĂ©s[20]. C'est ainsi qu'il se serait prĂ©valu de façon rĂ©pĂ©tĂ©e dâopĂ©rations dans lesquels il nâĂ©tait pas impliquĂ©, telles que lâattentat Ă la bombe de Brighton en 1984, le dĂ©sastre de Valley Parade en 1985, lâassassinat de Zafir al-Masri (en), le maire de Naplouse (assassinĂ© par le Front populaire de libĂ©ration de la Palestine (FPLP), selon Patrick Seale). Patrick Seale Ă©crit quâil a Ă©galement laissĂ© entendre quâil Ă©tait derriĂšre lâaccident de la navette spatiale Challenger en 1986, en publiant un message de fĂ©licitation dans le magazine de lâOrganisation Abou Nidal (p. 254)[6].
De fait, l'Ă©tablissement d'une liste exhaustive et exacte (car documentĂ©e) est tĂąche quasi impossible ; on ne peut que les lui attribuer. Certains pays, tels que la France ou les monarchies de la pĂ©ninsule arabique, auraient conclu avec Abou Nidal des accords secrets les mettant Ă l'abri de ses attaques[21]. Patrick Seale, le biographe dâAbou Nidal, a Ă©crit Ă propos de ces attentats que « leur cruautĂ© aveugle portait la signature dâune opĂ©ration typique dâAbou Nidal »(p. 243)[6] - [22]. « CâĂ©tait un patriote devenu psychopathe » a Ă©crit David Hirst dans The Guardian. « Il ne servait que ses intĂ©rĂȘts, que ses pulsions morbides qui le poussaient Ă commettre des crimes abominables. CâĂ©tait le mercenaire parfait »[16].
Opérations contre les représentants de l'OLP
En 1978, plusieurs assassinats de reprĂ©sentants officiels de l'OLP, en particulier en Europe, seront attribuĂ©s Ă l'Organisation Abou Nidal. Le , SaĂŻd Hammami (en), reprĂ©sentant officiel de l'OLP en Grande-Bretagne, est assassinĂ© Ă son bureau Ă Londres[23]. Le , Ali Yassin, reprĂ©sentant de l'OLP Ă KoweĂŻt, est assassinĂ© devant son domicile ; l'OLP accusera des « lĂąches criminels dĂ©fendus, hĂ©bergĂ©s et dirigĂ©s par les services de renseignements irakiens »[24]. Le , Ezzedine Kalak, reprĂ©sentant de l'OLP en France, a Ă©tĂ© assassinĂ©, avec son assistant Adnan Hammad, dans son bureau du boulevard Haussmann Ă Paris et l'assassinat attribuĂ© Ă l'Organisation Abou Nidal[25] - [26]. La mĂȘme annĂ©e, d'autres assassinats de reprĂ©sentants de l'OLP Ă Bruxelles, Ă Rome, Ă Madrid, lui ont Ă©tĂ© attribuĂ©s. Le , c'est au tour de NaĂŻm Khader, reprĂ©sentant de l'OLP auprĂšs de la Belgique et des instances europĂ©ennes, d'ĂȘtre assassinĂ© dans la rue, Ă la sortie de son domicile d'Ixelles. Cet assassinat fut finalement attribuĂ© Ă Juin noir, une branche de l'Organisation Abou Nidal[27]. Le , Majed Abu Sharar, un reprĂ©sentant de l'OLP, fut assassinĂ© par l'explosion d'une bombe Ă son hĂŽtel Ă Rome et l'attentat fut revendiquĂ© au tĂ©lĂ©phone par Al-'Asifa, un groupe rattachĂ© Ă l'Organisation Abou Nidal[28].
Shlomo Argov
Le , Hussein Ghassan SaĂŻd, un agent de lâOrganisation Abou Nidal, tira une balle dans la tĂȘte de Shlomo Argov, lâambassadeur israĂ©lien en Grande-Bretagne. Hussein SaĂŻd Ă©tait accompagnĂ© par Nawaf al-Rosan, un officier des services secrets irakiens, et Marwan al-Banna, cousin dâAbou Nidal. Shlomo Argov survĂ©cut aprĂšs avoir passĂ© trois mois dans le coma et restera handicapĂ© jusquâĂ son dĂ©cĂšs en [29]. LâOLP rejeta rapidement toute responsabilitĂ© dans lâattentat[30].
Ariel Sharon, alors ministre israĂ©lien de la dĂ©fense, rĂ©pondit trois jours plus tard par lâinvasion du Liban oĂč lâOLP Ă©tait basĂ©e. Une rĂ©action quâavait prĂ©vue Abou Nidal, soutient Patrick Seale. Le gouvernement israĂ©lien sâĂ©tait prĂ©parĂ© pour lâinvasion et Abou Nidal a fourni le prĂ©texte (p. 223-224)[6]. Der Spiegel a fait valoir en octobre 1985 dans une interview que lâassassinat de Shlomo Argov, alors quâil savait quâIsraĂ«l sâapprĂȘtait Ă attaquer lâOLP au Liban, le faisait apparaĂźtre comme travaillant pour les IsraĂ©liens, du point de vue de Yasser Arafat. Il rĂ©pondit :
« Ce quâArafat dit Ă mon sujet ne me prĂ©occupe pas. Pas seulement lui, mais Ă©galement toute une liste de dirigeants arabes et mondiaux, qui prĂ©tendent que je suis un agent des sionistes ou de la CIA. Dâautres affirment que je suis un mercenaire Ă la solde des services secrets français et du KGB soviĂ©tique. Les derniĂšres rumeurs sont que je suis un agent de Khomeini. Pendant un temps, ils disaient que nous Ă©tions des espions Ă la solde du rĂ©gime irakien. Maintenant, ils disent que nous sommes des agents syriens⊠de nombreux psychologues et sociologues dans le bloc soviĂ©tique ont tentĂ© dâexaminer cet homme, Abou Nidal. Ils voulaient trouver un point faible dans son caractĂšre. Le rĂ©sultat a Ă©tĂ© zĂ©ro (p. 120)[1]. »
Rue des Rosiers
Le , Ă l'heure du dĂ©jeuner, un groupe d'hommes armĂ©s et masquĂ©s surgit dans le restaurant Jo Goldenberg, rue des Rosiers Ă Paris, y lance une grenade puis tire sur la foule des clients attablĂ©s et des passants. Le bilan de cet attentat sera de 6 morts et 22 blessĂ©s. L'enquĂȘte, aprĂšs avoir suivi la piste des Irlandais de Vincennes[31] ou celle d'un groupuscule nĂ©o-nazi[32], reviendra finalement lĂ oĂč elle avait dĂ©butĂ© : Ă l'Organisation Abou Nidal. En 2015, la justice française Ă©met des mandats d'arrĂȘt internationaux contre trois membres de l'organisation[33].
Rome et Vienne
LâopĂ©ration la plus notoire dâAbou Nidal fut lâattentat de 1985 aux aĂ©roports de Rome et Vienne (p. 246)[6]. Ă 8:15 GMT, le , quatre hommes armĂ©s ont ouvert le feu sur le comptoir de vente dâEl Al Ă lâaĂ©roport LĂ©onard-de-Vinci de Rome Fiumicino, tuant 16 personnes et en blessant 99 autres. Ă lâaĂ©roport de Vienne-Schwechat, quelques minutes plus tard, trois hommes ont lancĂ© des grenades sur les passagers attendant aux comptoirs pour sâenregistrer pour un vol pour Tel Aviv, tuant 4 personnes et en blessant 39 autres[22] - [34]. Selon Patrick Seale, on avait racontĂ© aux hommes armĂ©s que les gens en tenue civile Ă©taient des pilotes israĂ©liens rentrant dâune mission de formation (p. 244)[6].
LâAutriche et lâItalie avaient Ă©tĂ© impliquĂ©es toutes deux dans des tentatives dâorganisation de pourparlers de paix. Des sources proches dâAbou Nidal racontĂšrent Ă Patrick Seale que les services secrets libyens avaient fourni les armes. Le tort causĂ© Ă lâOLP fut Ă©norme selon Abou Iyad, lâadjoint de Yasser Arafat. La plupart des gens en Occident et mĂȘme de nombreux arabes ne pouvaient faire le distinguo entre lâOrganisation Abou Nidal et le Fatah, disait-il. « Quand des choses aussi horribles surviennent, les gens ordinaires ne peuvent que penser que tous les Palestiniens sont des criminels » (p. 245)[6].
Bombardement de la Libye par les Ătats-Unis
Le , les Ătats-Unis lançaient un raid aĂ©rien depuis des bases britanniques contre Tripoli et Benghazi en Libye, tuant environ 100 personnes, en reprĂ©sailles Ă lâattentat Ă la bombe dans une boĂźte de nuit Ă Berlin (en) frĂ©quentĂ©e par du personnel militaire des Ătats-Unis[35] - [36]. Parmi les morts du bombardement, il y aurait eu Hanna Kadhafi, la fille adoptive du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi ; deux autres de ses enfants auraient Ă©tĂ© blessĂ©s (p. 162)[1].
Le journaliste britannique Alec Collett, qui avait Ă©tĂ© kidnappĂ© Ă Beyrouth en mars, fut pendu aprĂšs le raid aĂ©rien par des agents de lâOrganisation Abou Nidal ; ses restes furent retrouvĂ©s dans la plaine de la Bekaa en [37]. Les corps de deux enseignants britanniques, Leigh Douglas et Philip Padfield, et dâun AmĂ©ricain, Peter Kilburn, furent retrouvĂ©s dans un village prĂšs de Beyrouth le ; les Cellules fedayins arabes, une organisation rattachĂ©e Ă celle d'Abou Nidal, revendiquĂšrent ces assassinats (p. 204 - Kilburn Peter (1924-1986))[19]. Le journaliste britannique John McCarthy fut kidnappĂ© le mĂȘme jour[38].
Lâaffaire Hindawi
Le , soit le jour oĂč les corps des enseignants furent retrouvĂ©s et oĂč John McCarthy fut kidnappĂ©, Ann Marie Murphy, une femme de chambre irlandaise enceinte, fut arrĂȘtĂ©e Ă lâaĂ©roport de Londres-Heathrow avec une bombe au Semtex dans le double fond de lâune de ses valises. Elle Ă©tait sur le point dâembarquer sur un vol El Al de New York Ă Tel Aviv via Londres. La valise avait Ă©tĂ© faite par son fiancĂ© jordanien Nizar Hindawi, qui lui avait dit quâil la rejoindrait en IsraĂ«l oĂč ils se marieraient (p. 170-174)[1].
Selon Yossi Melman, Abou Nidal avait recommandĂ© Nizar Hindawi aux Services secrets syriens (p. 171)[1]. Patrick Seale Ă©crit que la bombe avait Ă©tĂ© fabriquĂ©e par le comitĂ© technique dâAbou Nidal, qui lâavait livrĂ©e au service de renseignement de lâaviation syrienne. Elle a Ă©tĂ© envoyĂ©e Ă Londres par valise diplomatique et donnĂ©e Ă Nizar Hindawi. Selon Patrick Seale, il est largement admis que la tentative dâattentat Ă©tait en rĂ©ponse Ă lâatterrissage forcĂ© par IsraĂ«l deux mois plus tĂŽt dâun avion qui transportait des officiels syriens vers Damas, IsraĂ«l croyant quâil transportait des dirigeants palestiniens (p. 248)[6].
Vol Pan Am 73
Le , quatre terroristes de lâOrganisation Abou Nidal ont dĂ©tournĂ© le vol 73 de la Pan Am Ă lâAĂ©roport international Jinnah de Karachi au Pakistan, Ă lâescale du vol rejoignant Bombay Ă New York, prenant en otage 389 passagers et membres dâĂ©quipage pendant seize heures sur le tarmac avant de faire exploser des grenades dans la cabine. Neerja Bhanot, la responsable de cabine du vol, a pu ouvrir une sortie de secours et la plupart des passagers sâenfuirent ; 20 personnes perdirent la vie, dont Neerja Bhanot, et 120 autres furent blessĂ©es (p. 190)[1], (p. 252-254)[6]. En , The Times of India Ă©crit que la Libye avait Ă©tĂ© Ă lâorigine de ce dĂ©tournement[39].
City of Poros
Le , un homme armĂ© lança des explosifs et tira sur les touristes Ă bord du City of Poros naviguant entre les Ăźles grecques et AthĂšnes. Cet attentat se solda par 9 morts et des dizaines de blessĂ©s. Le mĂȘme jour, une voiture explosa, vraisemblablement accidentellement Ă la suite d'une mauvaise manipulation des terroristes, sur un quai dĂ©sert du PirĂ©e. Les trois auteurs de l'attentat, membres du Fatah-Conseil rĂ©volutionnaire (CR), dit groupe Abou-Nidal, furent condamnĂ©s par contumace par la justice française le [40]
Relations avec Mouammar Kadhafi
Abou Nidal commença Ă transfĂ©rer son organisation depuis la Syrie vers la Libye au cours de lâĂ©tĂ© 1986 (p. 255)[6] et sây est rendu en . En juin de cette annĂ©e, le gouvernement syrien lâexpulsa, en partie en raison de lâaffaire Hindawi et du dĂ©tournement du vol 73 de la Pan Am (p. 257)[6].
Abou Nidal et le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi seraient devenus de grands amis, lâun et lâautre ayant ce que Marie Colvin et Sonya Murad appelaient une « combinaison explosive de complexe dâinfĂ©rioritĂ© et de foi en une grande destinĂ©e ». La relation fournit Ă Abou Nidal un sponsor et Ă Mouammar Kadhafi un mercenaire[41]. Patrick Seale considĂšre que lâexpĂ©rience libyenne a accentuĂ© ce quâil y avait de pire en Abou Nidal. Il ne permettait pas, mĂȘme aux plus hauts dirigeants de son organisation, de se frĂ©quenter ; il exigeait dâĂȘtre informĂ© de toutes leurs rencontres. Tous les passeports devaient lui ĂȘtre restituĂ©s. Personne ne pouvait voyager sans son autorisation. Les adhĂ©rents de base ne pouvaient pas avoir de tĂ©lĂ©phone ; les dirigeants ne pouvaient passer que des appels locaux. Les membres de lâorganisation ne savaient rien sur sa vie quotidienne, pas mĂȘme oĂč il habitait. Sâil voulait recevoir, il sâimposait dans la maison dâun autre membre (p. 258-260)[6].
Selon Abou Bakr, dans une interview de 2002 Ă Al Hayat, Abou Nidal affirmait quâil Ă©tait derriĂšre lâattentat du vol 103 Pan Am qui a explosĂ© au-dessus de Lockerbie en Ăcosse le ; un ancien responsable de la sĂ©curitĂ© de la Lybian Airlines (Ă l'Ă©poque Lybian Arab Airlines) en a Ă©tĂ© ultĂ©rieurement reconnu coupable[42]. Selon Patrick Seale, Abou Nidal aurait dĂ©clarĂ© Ă propos de Lockerbie : « Nous sommes en partie impliquĂ©s dans cette affaire, mais si quelquâun ne fait ne serait-ce que le mentionner, je le tuerai de mes propres mains ! ». Patrick Seale ajoute que lâOrganisation Abou Nidal ne semblait pas y ĂȘtre impliquĂ©e ; lâun des collaborateurs dâAbou Nidal lui raconta : « Si un soldat amĂ©ricain trĂ©buchait en nâimporte quel endroit du globe, Abou Nidal en aurait immĂ©diatement revendiquĂ© la responsabilitĂ© » (p. 255)[6].
Relations bancaires avec la BCCI
Ă la fin des annĂ©es 1980, les services secrets britanniques apprirent que lâOrganisation Abou Nidal avait des comptes ouverts Ă la Bank of Credit and Commerce International (BCCI) Ă Londres[43]. La BCCI fut fermĂ©e en par les organismes de rĂ©gulation bancaire dans six pays Ă la suite de preuves de fraude gĂ©nĂ©ralisĂ©e[44]. Il avait Ă©tĂ© dit quâAbou Nidal lui-mĂȘme sâĂ©tait rendu Ă Londres sous le nom de Shakar Farhan ; un directeur dâagence de la BCCI, qui a transmis au MI5 lâinformation sur les comptes de lâOrganisation Abou Nidal, lui aurait fait visiter plusieurs agences Ă Londres sans se douter de qui il sâagissait[45]. Abou Nidal utilisait une compagnie nommĂ©e « SAS International Trading and Investments » Ă Varsovie comme couverture pour des trafics dâarmes (p. 136)[45]. Parmi les transactions de lâentreprise, il faut signaler lâachat dâarmes anti-Ă©meute, manifestement pour la Syrie, puis, quand les Britanniques refusĂšrent lâautorisation dâexportation en Syrie, pour un Ătat africain ; en rĂ©alitĂ© la moitiĂ© de la cargaison est parvenue Ă la police dâAllemagne de lâEst et lâautre Ă Abou Nidal (p. 91)[45].
Assassinat dâAbou Iyad
Le Ă Tunis, la nuit prĂ©cĂ©dant lâintervention des forces amĂ©ricaines et coalisĂ©es au KoweĂŻt, lâOrganisation Abou Nidal assassina Abou Iyad, responsable des services secrets de lâOLP, ainsi quâAbou Al-Hol, chef de la sĂ©curitĂ© du Fatah, et Fakhri al-Umari, un autre collaborateur du Fatah ; les trois hommes furent abattus dans la maison dâAbou Iyad. Le tueur, Hamza Abou ZaĂŻd, avoua quâun agent de lâOrganisation Abou Nidal lui avait commanditĂ© cette mission. Quand il abattit Abou Iyad, il aurait criĂ© : « Que 'Atif Abou Bakr vienne tâaider maintenant ! », une allusion au dirigeant de lâOrganisation Abou Nidal qui avait quittĂ© le groupe en 1989 et quâAbou Nidal soupçonnait dâĂȘtre un espion Ă la solde dâAbou Iyad infiltrĂ© dans lâorganisation (p. 32, 34, 312)[6]. Abou Iyad savait quâAbou Nidal nourrissait de la haine contre lui, en partie en raison du fait quâil avait maintenu Abou Nidal Ă lâĂ©cart de lâOLP. Mais la vraie raison de cette haine, comme lâa racontĂ© Abou Iyad Ă Patrick Seale, Ă©tait quâAbou Nidal avait Ă©tĂ© son protĂ©gĂ© Ă ses dĂ©buts dans le mouvement. Du fait de sa personnalitĂ©, Abou Nidal nâaurait pas pu reconnaĂźtre cette dette. Patrick Seale Ă©crit que lâassassinat « devait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un solde de tout compte » (p. 312-313)[6].
Mort
AprĂšs que des agents secrets libyens eurent Ă©tĂ© inculpĂ©s dans lâattentat de Lockerbie, Mouammar Kadhafi tenta de prendre ses distances avec le terrorisme. Abou Nidal fut expulsĂ© de Libye en 1999[46] et en 2002 il retourna en Irak. Le gouvernement irakien dĂ©clara ultĂ©rieurement quâil Ă©tait entrĂ© avec un faux passeport yĂ©mĂ©nite et une fausse identitĂ©[47] - [48].
Le , le journal palestinien Al-Ayyam (en) indiqua quâAbou Nidal Ă©tait mort trois jours plus tĂŽt des suites de multiples blessures par balles Ă son domicile Ă Bagdad, une maison qui, selon le journal, Ă©tait la propriĂ©tĂ© des services secrets irakiens (en), les « Mukhabarat »[41]. Deux jours plus tard, le chef des services secrets irakiens, Tahir Jalil Habbush al-Tikriti (en), exhibait des photos de la dĂ©pouille dâAbou Nidal aux journalistes, ainsi quâun rapport mĂ©dical qui indiquait quâil Ă©tait mort aprĂšs quâune balle eut pĂ©nĂ©trĂ© par sa bouche et lui eut perforĂ© le crĂąne. Tahir Habbush raconta que des officiels irakiens Ă©taient venus Ă son domicile pour lâarrĂȘter pour des soupçons de conspiration avec des gouvernements Ă©trangers et, aprĂšs avoir dit quâil devait se changer, il se rendit dans sa chambre et se tira une balle dans la bouche. Il mourut huit heures plus tard Ă lâhĂŽpital[47] - [49].
Jane's indiqua en 2002 que les services secrets irakiens avaient trouvĂ© des documents secrets dans sa maison, relatifs Ă une attaque des Ătats-Unis contre lâIrak. Quand ils attaquĂšrent le domicile, des combats Ă©clatĂšrent entre les hommes dâAbou Nidal et les services secrets irakiens, au milieu desquels Abou Nidal se rĂ©fugia dans sa chambre et y fut tuĂ© ; des sources palestiniennes racontĂšrent Ă Janeâs quâil avait Ă©tĂ© atteint par plusieurs balles. Janeâs suggĂ©ra que Saddam Hussein lâavait fait assassiner parce quâil craignait quâAbou Nidal nâagisse contre lui en cas dâinvasion par les Ătats-Unis[48].
En 2008, Robert Fisk obtint un rapport rĂ©digĂ© en , pour le « bureau du renseignement de la prĂ©sidence » de Saddam Hussein par « lâunitĂ© spĂ©ciale de renseignement M4 » irakienne. Le rapport disait que les Irakiens avaient interrogĂ© Abou Nidal Ă son domicile pour suspicion dâespionnage au profit du KoweĂŻt et de lâĂgypte et, indirectement, des Ătats-Unis. Il disait Ă©galement quâil lui avait Ă©tĂ© demandĂ© par les KoweĂŻtiens de trouver des liens entre lâIrak et Al-Qaida. Juste avant dâĂȘtre dĂ©placĂ© vers un lieu plus sĂ»r, Abou Nidal demanda Ă pouvoir se changer, se rendit dans sa chambre et se tira une balle, indiquait le rapport. Il fut enterrĂ© le au cimetiĂšre musulman dâAl-Karakh Ă Bagdad et sa tombe porte lâinscription M7[11].
Dans la culture
Le téléfilm L'Infiltré, réalisé par Giacomo Battiato et diffusé en 2011 sur Canal+ en France, retrace une partie de la vie d'Abou Nidal[50].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Abu Nidal » (voir la liste des auteurs).
- (en) Yossi Melman, The Master Terrorist : The True Story Behind Abu Nidal [« en français sous le titre Le mystÚre Abou-Nidal, aux éditions Hermé en 1988) »], Sidgwick & Jackson, , 213 p..
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- Les sources ne s'accordent pas sur le nombre d'Ă©pouses qui va de 2 Ă 13 en passant par 8.
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