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Robert J. Courtine

Robert Louis Courtine, habituellement dĂ©nommĂ© Robert Julien (parfois Jullien) Courtine, est un Ă©crivain notamment connu comme auteur et journaliste gastronomique français, nĂ© le Ă  Paris[1], mort le Ă  Colombes (Hauts-de-Seine)[2]. Pendant l'occupation, il signe « Jean-Louis Vannier[3] » une contribution Ă  une publication violemment antisĂ©mite et collabore, principalement avec des rubriques littĂ©raires et des critiques de spectacles, Ă  des journaux et revues anti-juives et antimaçonniques, Ă  la radio. Il publie beaucoup aprĂšs la Seconde Guerre mondiale sous son nom, ainsi que sous les pseudonymes de La ReyniĂšre (chronique dans Le Monde notamment) et Savarin.

Robert Julien (ou Jullien) Courtine
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Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  87 ans)
Colombes
Nom de naissance
Robert Louis Courtine
Pseudonyme
La ReyniĂšre, Savarin, notamment
Nationalité
Activité
Surtout connu pour ses Ă©crits gastronomiques. Auteur de sketches et paroles de chansons.
Autres informations
A travaillé pour
Différents journaux et périodiques. Le Monde et medias cuisine-gastronomie aprÚs 1952.
Parti politique
Action française pendant quelques années (s'en détache probablement vers 1935).
Distinction
Prix Maujean ()

Julien, le J. de sa signature courante d'auteur et chroniqueur, rappelle le nom de famille de sa mĂšre.

Il Ă©crit des sketches et des paroles de chansons.

Biographie

La jeunesse parisienne et banlieusarde de Robert J. Courtine (« J » pour Julien ou Jullien) est peu connue. Grands-parents ardĂ©chois « montĂ©s Ă  Paris », pĂšre gazĂ© pendant la Grande Guerre mort prĂ©cocement[4], mĂšre maladive : surtout Ă©levĂ© par sa grand-mĂšre, probablement Ă  AsniĂšres, il ne poursuit pas longtemps sa scolaritĂ©. Un article sur trois pages du Nouvel Observateur, datĂ© du jour oĂč ses soixante-dix ans Ă©taient fĂȘtĂ©s au Fouquet's (), article d'Alain Schiffres pour une bonne part laudatif empruntant d’évidence Ă  ses dires, renseigne de façon lacunaire et anecdotique, le disant employĂ© d’une banque, du PMU, faisant ses dĂ©buts de critique littĂ©raire au Petit Echo d'AsniĂšres-Genneviliers


Rien de substantiel jusqu’en 1940-1941. Courtine semble ensuite avoir vĂ©cu deux vies bien distinctes, sĂ©parĂ©es par cinq ans d'emprisonnement.

Des proches, tels qu'Albert Simonin, familier comme lui de Henry Coston, qui devint son prĂ©facier, des relations « de travail » pendant l’occupation (Simenon, par exemple, lui adressant La Veuve Couderc et sans doute d’autres Ɠuvres, en service de presse) sont au courant, mais se taisent. Roger Grenier, ancien rĂ©sistant et l’un des journalistes du Combat d'Albert Camus, passĂ© Ă  France Dimanche en 1948, admet dans le numĂ©ro de juillet- de la Revue des Deux Mondes :

« France Dimanche Ă©tait un journal de voyous
 ne racontait que des Ăąneries [
] France-Dimanche Ă©tait un refuge pour les collabos
 Il y a des gens qui sont passĂ©s Ă  travers la LibĂ©ration : regardez le futur critique gastronomique Robert Jullien Courtine au Monde. On Ă©tait au courant, mais ce n’était pas Ă  nous de le faire savoir. »

Les innombrables lecteurs du chroniqueur et auteur gastronomique signant Courtine ou La ReyniĂšre, les grands chefs cuisiniers qui l’ont en amitiĂ© et/ou le craignent, ne semblent pas vraiment conscients, pendant plus de trente ans, de son activitĂ© pendant l'occupation. Des rumeurs courent au sujet d’une condamnation Ă  la LibĂ©ration, certes, mais en chuchotis entre journalistes et chroniqueurs copinant plus ou moins avec lui, notamment au sein du jury du prix Marco-Polo Casanova : il publie hebdomadairement dans Le Monde jusqu’en 1993 (il a alors 83 ans), mais on ne lit d’informations plus ou moins « sourcĂ©es » dans les mĂ©dias que cinq ans aprĂšs, Ă  sa mort.

Les livres, les biographies et les pamphlets qui concernĂšrent Le Monde lorsque Courtine y collaborait « n'abordent d'ailleurs jamais le passĂ© du chroniqueur », note la journaliste RaphaĂ«lle BacquĂ©[5].

De l’Action française à la presse collaborationniste

Membre de la Ligue d’Action française Ă  dix-huit ans, il adhĂšre Ă  sa section d’AsniĂšres, en devient secrĂ©taire adjoint (ou secrĂ©taire ?)[6]. Il s'en Ă©loigne ou dĂ©missionne en 1935 selon le dossier d'instruction de la procĂ©dure menĂ©e contre lui en . L'Action française signale en qu'il n'eut droit qu'Ă  une cĂ©rĂ©monie religieuse dans la sacristie d'une Ă©glise par un prĂȘtre in nigris (c'est-Ă -dire sans surplis ni Ă©tole) pour son mariage avec Elise Josephine Mauron le [2] en raison de son « attachement Ă  l'AF », puisque l'AF subit depuis 1926 une condamnation pontificale[7]. Est-il Camelot du roi ? Pour Jean HĂ©rold-Paquis cela paraĂźt aller de soi. S’il publie des critiques littĂ©raires dans des journaux d’audience limitĂ©e, tel le Soleil du Centre de Clermont-Ferrand, il ne se singularise pas dans l’univers mĂ©diatique jusqu’à sa mobilisation, en 1939.

Rendu Ă  la vie civile, Robert Courtine obtient un emploi de chroniqueur (vie parisienne, critiques) au quotidien collaborationniste La France au travail, dont le journaliste violemment antisĂ©mite Henry Coston est un certain temps secrĂ©taire de rĂ©daction. Il a pu s'en prendre aux Juifs et aux francs-maçons dans ce journal[8]. En 1941, il rĂ©dige auprĂšs de Coston, sous le nom de Jean-Louis Vannier[9], les pages « historiques » et divers encadrĂ©s d'une forte brochure haineuse, premier numĂ©ro des Cahiers de la France nouvelle : Les Juifs en France[10]. Sur une demi-douzaine de pages grand format, il juxtapose des textes sommaires tĂ©moignant d'un antisĂ©mitisme virulent.

En , il postule Ă  un emploi auprĂšs du Commissariat gĂ©nĂ©ral aux questions juives, Ă©crivant Ă  Xavier Vallat: « Permettez-moi cependant de vous dire que je m’étonne de vos restrictions concernant les vieilles familles juives assimilĂ©es. Entendez-vous par lĂ  les Rothschild, les Stern, les Fould, les Dreyfus, etc ? »[11]. Il adhĂšre Ă  l'Association des journalistes antisĂ©mites et, peut-ĂȘtre, au Parti populaire français (il le nia lors de son audition en 1946)[12]. En 1944, dans Je vous hais, la brochure Ă©ditĂ©e par Maurice-Yvan Sicard, futur Saint-Paulien et qui est rĂ©digĂ©e principalement par Coston, il dĂ©nonce sur deux pages « une organisation juive et maçonnique de combat », la LICA (association qui deviendra la LICRA, bien aprĂšs la LibĂ©ration) dont l'influence dans les milieux syndicalistes avait menĂ© « le prolĂ©tariat français Ă  accepter la guerre fraĂźche et joyeuse pour IsraĂ«l [
] ».

Il Ă©crit, parfois sous pseudonymes (Jean-Louis Vannier, Marc Airelle, Marc Aurelle, Roger Charmoy), pour divers autres journaux collaborationnistes,  pour L'Appel - il y entre en comme critique littĂ©raire et devient son secrĂ©taire de rĂ©daction, chargĂ© des pages consacrĂ©es aux spectacles et Ă  la littĂ©rature - et Au Pilori notamment, ainsi qu'au Pariser Zeitung. Il est familier des milieux du spectacle, des cabarets, auxquels il consacre des critiques, des chroniques. Il participe au Rythme du temps, Ă©mission Ă  grande audience de Radio-Paris animĂ©e par Georges Oltramare,

Parodie de Goncourt et prix Drumont

Le jury du Goncourt ayant dĂ©cidĂ© de ne pas attribuer son prix en 1944 (le « Goncourt 1944 » sera remis en 1945 Ă  Elsa Triolet), un jury de neuf fantaisistes prĂ©sidĂ© par un clown, l’« auguste » BĂ©by, s’y substitue, en dĂ©but d’annĂ©e, et dĂ©cerne un « Prix des Dix » de 5 000 francs Ă  RenĂ© Barjavel. Courtine (qui Ă©voquera « Barjavel le merveilleux » dans un de ses livres, vingt ans aprĂšs) en fait partie avec l’acteur Max RĂ©vol, les chansonniers Jean Rigaux et Georgius, des journalistes de La Gerbe, d'Au Pilori, de L'Appel, de Radio-Paris[13]. La rubrique « Entre les lignes » du numĂ©ro 14 des Lettres françaises (publication clandestine de ) Ă©voque ce jury surtout constituĂ© de collaborationnistes, en nommant : « R. Jullien-Courthine (du Pilori) ».

Le , Courtine fait partie du jury du prix Drumont couronnant une Ɠuvre Ă©voquant la question juive, avec Henry Coston, George Montandon, « admirable savant » selon CĂ©line, responsable de l’Institut d’étude des questions juives, du journaliste d’extrĂȘme droite Claude Jeantet. Les 10 000 francs sont attribuĂ©s Ă  Joseph-Marie Rouault, auteur de La Vision de Drumont Ă©ditĂ©e par le Mercure de France, par ailleurs collaborateur de L’Appel et d’Au Pilori.

La fuite, l’arrestation

Courtine quitte prĂ©cipitamment Paris avec son Ă©pouse Ă  la mi-aoĂ»t 1944, alors que les forces alliĂ©es approchent, avec l’intention initiale de se rendre Ă  Nancy, se retrouve Ă  Metz, d’oĂč il gagne Baden-Baden[14]. Dans cette ville d'eau du pays de Bade, il accueille bientĂŽt, « au nom des autoritĂ©s allemandes », des collaborationnistes tels que Jean HĂ©rold-Paquis, dont le rĂ©cit, non sans parti-pris, est prĂ©cieux[15]. Il se rend Ă  Sigmaringen, oĂč il ne s'entend pas avec Jean Luchaire, s’installe Ă  Bad Mergentheim pour y collaborer (rubriques culturelles, semble-t-il), Ă  Radio Patrie. Cette station animĂ©e par un petit groupe de Français assez isolĂ©s, au « fuyant idĂ©al », marquĂ©e par l’influence du PPF, est Ă  peine en place lors de la mort de Doriot.

Il fuit ensuite en Italie, Ă  l'instar de plusieurs personnalitĂ©s du rĂ©gime de Vichy. Il y est arrĂȘtĂ©, non loin de l’Autriche, dans la station thermale de Merano, le . RamenĂ© en France en mars aux cĂŽtĂ©s du dessinateur Ralph Soupault[16], interrogĂ© aussitĂŽt par les Renseignements gĂ©nĂ©raux, il est condamnĂ©  en dĂ©cembre 1946, Ă  une peine de dix ans de travaux forcĂ©s, rĂ©duite en 1948 Ă  cinq ans de prison.

Chroniqueur gastronomique d'influence et auteur prolifique

En 1952, alors qu'il n'avait publié que quelques piges aprÚs sa libération, notamment dans Le Parisien libéré, Courtine entre au journal Le Monde, directement engagé par Hubert Beuve-Méry semble-t-il. Sous le pseudonyme de « La ReyniÚre » (inspiré de Grimod de La ReyniÚre), il en tient la rubrique gastronomique hebdomadaire jusqu'en 1993, tout en multipliant les collaborations journalistiques et les publications de livres. Celles-ci, qui se succÚdent à une cadence ahurissante, sont souvent saluées par ses confrÚres, et parfois par les critiques littéraires, dont Bernard Frank, qu'il rencontra souvent lors de manifestations gastronomiques et réceptions de presse, et qui nota, dans Le Monde du : « Ce n'est pas parce que Courtine collabore au Monde depuis sa fondation, ce n'est pas parce que son éditeur est également le mien, que je dois vous cacher plus longtemps que la deuxiÚme édition de son Guide du Paris gourmand vient de paraßtre dans une collection ravissante chez Flammarion. »

Des dizaines de cuisiniers, certains parmi le plus cĂ©lĂšbres de l'Ă©poque, des Ă©chotiers et le Tout-Paris se pressent dans le vaste salon du Fouquet's, mis Ă  sa disposition par Maurice Casanova, alors maĂźtre des lieux, pour y fĂȘter ses 70 ans[17]. « Quand il Ă©ternue sur une mauvaise sauce, la cuisine française s'enrhume, note Alain Schifres dans le Nouvel Observateur. »

Robert Courtine est un polygraphe Ă©tonnamment prolifique, auteur de prĂšs d'une trentaine d'ouvrages consacrĂ©s Ă  la gastronomie, les uns pratiques, sĂ©lections de bonnes adresses plus ou moins longuement commentĂ©es, guides avec digressions, les autres, ouvrages parfois d'Ă©rudition, souvent de compilation plus ou moins soignĂ©e. Il ne craint pas de reprendre ses textes en les rĂ©Ă©crivant rapidement et en les actualisant, Ă  l'instar de nombreux chroniqueurs gastronomiques. Ami redoutĂ© des plus grands chefs, familier des cuisiniers lyonnais comme des « mĂšres », polĂ©miste dĂ©nigrant les excĂšs de la nouvelle cuisine (anti Gault-Millau[18]), dĂ©fenseur des terroirs, partisan d'une cuisine traditionnelle allĂ©gĂ©e, de plats dits bourgeois, dĂ©nonciateur acharnĂ© de la restauration rapide Ă  l'amĂ©ricaine, Courtine conquiert avec ses livres, les quelque 1 500 articles du Monde (estimation faite dans le Nouvel Observateur, en ) et dans bien d'autres supports (Cuisine et Vins de France, Paris Match, etc.), une cĂ©lĂ©britĂ© dans l'univers gastronomique culminant au cours des annĂ©es 1970 et au dĂ©but de la dĂ©cennie suivante.

Interdit de radio aprĂšs sa libĂ©ration (ainsi que de presse Ă©crite dans les secteurs politique et Ă©conomie), Courtine doit Ă  l’estime de Raymond Oliver — qui dit son amitiĂ© pour lui dans Adieux, fourneaux, paru en 1984 — de tenir un rĂŽle dans l’émission de tĂ©lĂ©vision Cuisine Ă  quatre mains que le cĂ©lĂšbre cuisinier du Grand VĂ©four anime avec Catherine Langeais. Cette Ă©mission mensuelle Ă  succĂšs, rĂ©alisĂ©e en studio par Pierre Sabbagh, mari de la prĂ©sentatrice, relaie celle, hebdomadaire, qu’Oliver avait lancĂ©e en pionnier depuis fin 1954, prĂ©cĂ©demment dĂ©nommĂ©e Art et Magie de la cuisine. Le chroniqueur, Ă  partir d’, s’attable dans la partie « salle Ă  manger » du plateau, qui lui est rĂ©servĂ©e, devant une table ronde bien nappĂ©e, avec l'auteur d’un ouvrage touchant Ă  la cuisine, dont la couverture est montrĂ©e Ă  l’écran ; l’entretien, qui tourne pour une bonne part autour d’une recette, est de bonne tenue, pĂ©dagogique, davantage gastronomique que culinaire. Cette Ă©mission cesse en .

Courtine reste ensuite en retrait de la tĂ©lĂ©vision, alors que de nouvelles Ă©missions apparaissent sur diverses chaĂźnes, notamment celles de Michel GuĂ©rard, de Michel Oliver fils de Raymond, de Denise Fabre et Francis Vandehende, de Micheline et MaĂŻtĂ©, de Jean-Pierre Coffe. Tout juste apparaĂźt-il en invitĂ© parmi d’autres, plus ou moins cĂ©lĂšbres, dans Apostrophe, interrogĂ© par Bernard Pivot : « Existe-t-il une nouvelle cuisine ? », 1976 ; « Le Bonheur des gourmands », 1980, oĂč il s'emporte au sujet des recettes landaises rĂ©unies par Éliane et Jacquette, les deux sƓurs de Christine de Rivoyre, la romanciĂšre, prĂ©sente sur le plateau, pour avoir entrevu le mot ketchup dans le livre, qu’il proclame avoir colĂ©reusement refermĂ© sans en lire davantage.

Évocation tardive du passĂ© collaborationniste

En 1950, Le Droit de vivre, le périodique de la LICRA, publie un article sur Charles Maurras et les maurrassiens collaborationnistes. Il cite un numéro spécial de Notre Combat, daté du , dans lequel d'anciens maurrassiens rendent hommage à Maurras, citant notamment « R. Jullien-Courtine » :

« A Maurras, nous sommes quelques-uns qui devons beaucoup, pour ne pas dire tout. L'oublier serait affreux, le nier serait imbécile. Que voit-on en Europe ? L'antisémitisme s'affirmer. L'antidémocratisme s'affirmer. L'anti-maçonnisme s'affirmer. Et qui, sinon Maurras nous a appris cet antisémitisme, cet anti-maçonnisme, cet antidémocratisme ? Oui, nous lui devons cela, et nous devons cela à Maurras, à Maurras seul[19]. »

Les ouvrages d'historiens étudiant les médias collaborationnistes n'accordent pour la plupart que quelques lignes à Courtine (rien à voir avec Robert Brasillach, Rebatet, Alain Laubreaux Jean Hérold-Paquis, Claude Jamet, par exemple), mais ne l'oublient pas. Pascal Ory le cite dans Les Collaborateurs (1976, réédité en 1980), parmi d'autres jeunes « journalistes pleins d'avenir » (Michel Audiard, François Chalais, André Castelot et Albert Simonin), énumérant diverses publications journalistiques sans détailler le contenu des articles[20].

Pierre Assouline va plus loin dans son rĂ©cit Le Fleuve Combelle (1997), publiĂ© avant la mort de Courtine. S'appuyant sur le tĂ©moignage de Lucien Combelle, qui dirigea RĂ©volution nationale, il dĂ©couvre un jeune polĂ©miste alors assez rĂ©pandu dans les feuilles d'extrĂȘme droite, dont l'antisĂ©mitisme le dispute en violence Ă  son antimaçonnisme. Combelle avait refusĂ© de publier les articles que Courtine lui proposait, « des Ă©chos dĂ©nonçant les Juifs parisiens ayant Ă©chappĂ© aux rafles. Avec nom et adresses. À vomir. » Papiers qui parurent tels quels dans Au Pilori. Assouline, incrĂ©dule, parcourt la collection du journal Ă  la BnF, lit les articles et authentifie les propos de Combelle, mais ne reproduit pas les Ă©chos incriminĂ©s dans son livre. Il demande Ă  Bernard Pivot de ne pas le mettre en prĂ©sence de Courtine sur le plateau d'Apostrophes, dĂ©cline la proposition de participer Ă  une soirĂ©e oĂč apparaĂźt « l'entomologiste des repas de Simenon »[21]. Il rĂ©pondit nĂ©gativement Ă  la proposition par Courtine d'une rubrique gastro-littĂ©raire pour Lire, dont il est rĂ©dacteur en chef pendant une dizaine d'annĂ©es.

En 1998, au lendemain du dĂ©cĂšs de Courtine dans une maison de retraite de Colombes, l'ancien rĂ©sistant Jean Planchais, « figure historique et morale du Monde » selon RaphaĂ«lle BacquĂ©[5], lui consacre une nĂ©crologie assez discrĂštement Ă©vocatrice de la partie sombre d'un passĂ© alors trĂšs peu reprochĂ©. Planchais conclut ainsi son article : « De la plus exĂ©crable des politiques Ă  la lointaine succession de Brillat-Savarin, l'itinĂ©raire n'Ă©tonnera que ceux qui n'ont pas connu les tempĂȘtes d'hier »[22]. Thomas Ferenczi, autre journaliste du Monde, souligne le mois suivant que l'article « suscite un dĂ©bat » parmi les lecteurs du quotidien et tente de relativiser leurs critiques[23].

Un article documentĂ© de MichaĂ«l Lenoire inclus dans L'AntisĂ©mitisme de plume 1940-1944 (1999) le montre admirateur de CĂ©line, « l'aryen Docteur Destouche soignant fraternellement des Aryens ses frĂšres [
] n'ayant pas compris le grand mal juif ». Cet ouvrage particuliĂšrement documentĂ© rappelle la vĂ©hĂ©mence hargneuse de Courtine dans Je vous hais, quand, s'en prenant Ă  la LICRA, il dĂ©nonce, en donnant des noms, des francs-maçons et « les Aryens achetĂ©s marionnettes du parti communiste ou opposants socialistes ».

Gastronomie raisonnable et chauvinisme tempĂ©rĂ© 

Courtine se prĂ©sentait lui-mĂȘme en prologue Ă  Gourmandissimo, essai sur la cuisine, la restauration et la gastronomie semĂ© de maximes, de notes humoristiques :

« —  Profession ?
—  Je mange ! [
]
—  Ah ! Monsieur est gourmand ?
—   Pas mĂȘme
. Et ne dites pas non plus gastronome, j’ai horreur de ce mot. [
] Je mange pour mon plaisir.
—  [
] Tous les soirs

—   Et mĂȘme chaque midi, je mange, oui.
—  Au restaurant ?
—  Au restaurant. Une ballade que je ne sais plus qui avait rimĂ©e pour Curnonsky se terminait ainsi :
Le Prince des gastronomes
n’a pas de salle à manger.
Eh bien, s’il n’y a plus de Prince des gastronomes, il y a encore des gens qui n’ont pas de salle à manger. Votre serviteur par exemple.
—  Vous ne prĂ©fĂ©reriez pas
 je ne sais quoi
 aller au thĂ©Ăątre par exemple.
—  Mais j’y suis [
] Les acteurs entrent cĂŽtĂ© jardin, et ce sont les clients ; ils entrent cĂŽtĂ© cour, et ce sont les chefs, les patrons, les maĂźtres d’hĂŽtel, les serveuses et 
 les plats — les vraies vedettes. »

Gastronome, mot abhorrĂ© ?  Courtine force le trait. Quelques annĂ©es auparavant, il Ă©crivait :

« Je n’aime pas ce mot savant et maladroit de gastronome, mais enfin, puisque gastronome il y a, il importe de le rĂ©habiliter. Le gastronome n’est pas un monsieur qui mange pour vivre, c‘est vrai. Manger pour vivre est le propre de l’animal [
] Le gastronome n’est pas non plus un homme qui vit pour manger
 La bonne chĂšre est un raffinement et tout raffinement suppose du goĂ»t, de l’esprit, un sens artistique dĂ©veloppĂ©. Impossible de goĂ»ter pleinement tel coulis d’écrevisses si l’on est impermĂ©able Ă  la musique, Ă  la peinture, Ă  la poĂ©sie [
] Le gastronome est un monsieur qui apprĂ©cie tout ce qui est bon. »

— L’Assassin est à votre table, pp. 10-11

Courtine présenté par Simenon

Georges Simenon connaĂźt Courtine depuis les annĂ©es 1940, lui ayant adressĂ© des ouvrages en service de presse pendant l’occupation. Le prĂ©sentant avec une « amicale sincĂ©ritĂ© » dans sa lettre-prĂ©face (1974) au Cahier de Recettes de Madame Maigret, il le fĂ©licite de distinguer la pacotille de l’authentique en expert « d’un art des plus anciens » :

« [
] VoilĂ  bien longtemps que je vous lis et que je vous admire. Beaucoup de gens, ces derniĂšres annĂ©es surtout, se sont piquĂ©s de gastronomie et presque chaque journal ou hebdomadaire possĂšde sa rubrique de la « bonne table ». Or, la plupart du temps, la cuisine dont on parle est une cuisine de fantaisie qui s’harmonise mieux avec les meubles gonflables en plastique qu’avec une bonne et solide salle Ă  manger.
J’écrirais volontiers que vous ĂȘtes le dernier classique [
]. »

Simenon a compris ce qui fait le succĂšs de Courtine auprĂšs d’un lectorat aisĂ©, assez conservateur Ă  table, mais ne s’y endormant pas, un public dĂ©jĂ  entraĂźnĂ© par Curnonsky et certains littĂ©rateurs d’avant-guerre Ă  dĂ©couvrir les terroirs tout en mangeant plus lĂ©gĂšrement. Il note sa volontĂ© de remonter aux sources « souvent paysannes » des plats, ses interrogations quant Ă  la nĂ©cessitĂ© et au sens des ingrĂ©dients,ses explications des genres de cuisson, des garnitures ; il insiste sur son rejet des complications : « [
] vous avez cherchĂ© des simplifications qu’exigent nos pauvres estomacs d’aujourd’hui. »

Ni uniformisation, ni fausse originalité

Courtine-La ReyniĂšre se pose en gastronome sage, tranquillement curieux, familier des terroirs. Ce classique prĂŽnant l’équilibre, la modĂ©ration s’emporte dans sa dĂ©nonciations de la malbouffe industrialisĂ©e, des effets culinaires attrape-gogo, prĂ©figurant dans l'expression parfois excessive Jean-Pierre Coffe et les imprĂ©cateurs de la fin du XXe siĂšcle. Rebelle Ă  la mondialisation « crĂ©ant une uniformisation », dĂ©nonçant « les Artaban des casseroles vendeurs de plats-chichis », il vante continĂ»ment une « vraie cuisine » sans artifices ni apprĂȘts inutiles, celle des plats aux ingrĂ©dients aisĂ©ment identifiables, qu’il oppose tout autant Ă  une haute cuisine vainement sophistiquĂ©e, dĂ©jĂ  moribonde dans les annĂ©es 1960, qu’aux excentricitĂ©s ostentatoires des annĂ©es 1970.

Il incrimine l’agriculture productiviste, la « chimisation gĂ©nĂ©ralisĂ©e » et la « lĂ©gislation laxiste », l’industrialisation — comme le font encore, presque semblablement, de nombreux chroniqueur du XXIe siĂšcle. Il raille les semblants d’innovation mĂ©diatisĂ©s, la nouvelle cuisine selon Gault et Millau, qu’il digĂšre trĂšs mal, en aĂźnĂ© agacĂ©. DĂ©testant la restauration rapide : « Nous sommes au temps des snacks, en attendant celui de la pilule » (Mangez-vous français ? p. 65), il se dit, dans l’introduction d’Autour d’un plat, tentĂ© de reprendre avec Jean Ferniot, son cadet de huit ans, « l’historique formule : France, ta cuisine fout le camp ! ». Et laisse deviner, Ă  la fin de son Gourmandissimo , qu’il ne compte pas sur ses jeunes confrĂšres pour la sauver :

« Un directeur de journal ne confierait point la rubrique gastronomique Ă  un ignorant du moteur, celle de l’écran Ă  un aveugle. Mais pour les choses de la table n’importe quoi est bon. »

Le sol, l’agriculture — et une culture

Courtine s’enchante des recettes de bon aloi qu’il n’y a pas Ă  dĂ©crypter, dĂ©barrassĂ©es des sauces chichiteuses, des  ornementations de convention. Les goĂ»ts premiers d’un plat, si raffinĂ© soit-il, doivent ĂȘtre affirmĂ©s, discernables. Il se rĂ©gale de produits peu coĂ»teux cuisinĂ©s sans affĂ©terie, sans s’interdire Ă  l’occasion d’agrĂ©menter une brandade de truffe noire du PĂ©rigord ou de truffe blanche du PiĂ©mont. Luxe, certes, mais symbolique de terroir[24]

Vive « les saveurs simples », donc, exprimant « les ressources d’un sol, d’un pays [
] avant de traduire le gĂ©nie d’un peuple ». Encore faut-il en connaĂźtre l’existence. Courtine, alors qu’approche le temps des MacDo, insiste dans Mangez-vous français ? sur la nĂ©cessaire transmission d’une culture de table.

« Les jeunes ne savent plus manger ? Peut-ĂȘtre. Certainement mĂȘme. Mais la faute en est moins au twist [c’est Ă©crit en 1965] et au scooter qu’à leurs Ă©ducateurs : professeurs, parents, journaux. »

Courtine se dĂ©sole en constatant que « peu de mĂ©nagĂšres et de consommateurs savent distinguer un camembert au lait cru, une carotte de CrĂ©ances, une andouillette Ă  la ficelle, un maquereau de ligne [
.]. » Il Ă©voque volontiers une « vieille terre gallo-latine », cite Ă  l'occasion Charles Maurras et LĂ©on Daudet, dont la seconde femme, Marthe, signa Pampille un remarquable manuel culinaire et vanta les recettes provinciales en patriote convaincue[25].

Mais son discours essentiellement conservateur, « bourgeois », de bonne Ă©criture convenue, malgrĂ© les jeux de mots et les plaisanteries, ne rĂ©vĂšle des partis-pris « Action française » qu’aux initiĂ©s guettant les sous-entendu. S’il excelle dans l’apologie du pot-au-feu symbolique[26], comme Pampille, il n’en rajoute pas davantage que James de Coquet, son aĂźnĂ© d’une douzaine d’annĂ©es, dans ses chroniques soignĂ©es du Figaro, que Christian Millau, son cadet d’une vingtaine d’annĂ©es, dans son Dictionnaire amoureux de la gastronomie. Il frĂ©quente les restaurants trĂšs Ă©toilĂ©s par le Michelin rouge, qui l'agace (prĂ©fĂ©rant le Guide Kleber, futur Bottin gourmand, auquel il collabore), et applaudit souvent d'assez savantes cuisines, mais il tient constamment Ă  affirmer son enracinement terroir (dans ses chroniques et ses livres, sur plus de 500 pages dans Les Vacances dans votre assiette).

Il dĂ©bat de la choucroute avec LĂ©on Beyer, grand viticulteur maire d'Eguisheim, se souvient volontiers d'un tablier de sapeur et d'autres plats des mĂąchons lyonnais, s'enchante des variantes rĂ©gionales de la daube de bƓuf, ne manque pas de cĂ©lĂ©brer l’andouillette en expert. Courtine, qui vante Ă  plaisir ce « joyau chair-cuitier d’un peu-partout »[27], prĂ©side longtemps l’AAAAA, « groupe gastronomique le plus fermĂ© qui soit » ayant pour mission d'honorer l'une des « plus belles crĂ©ations du gĂ©nie culinaire français ». Il cite volontiers cette association Ă  effectifs restreints, sur laquelle il rĂšgne avec Henry Clos-Jouve aprĂšs la mort de Francis Amunategui, le fondateur, et participe Ă  la rĂ©daction de ses statut. Il n’hĂ©site pas Ă  Ă©crire :

« La seule confrĂ©rie gastronomique sĂ©rieuse est l’AAAAA. L’Association Amicale des Amateurs d’Authentiques Andouillettes[28]. »

« Une andouillette le transporte, une sole soufflée l'ennuie », constate Alain Schifres[17]

Saveurs d’ici et d’ailleurs

Vive les saveurs simples d’une France Ă©ternelle aux terroirs fĂ©conds : cette conviction patriotique revient en leitmotiv tout au long de la carriĂšre gastronomique de Courtine. Mais Courtine affiche aussi son goĂ»t des saveurs d’ailleurs qui s’affichent franchement, rĂ©pondent Ă  des traditions, ne se perdent pas dans des mĂ©langes qu’il qualifie de dĂ©viationnistes. S’il a horreur des mĂ©tissage culinaires, de la « cuisine fusion » qui lui apparaĂźt, Ă  l’aube de la dĂ©cennie 1980-1990, comme un dĂ©voiement d’une certaine « nouvelle cuisine » — celle, bien entendu, de Gault et Millau — il admet la curiositĂ© pour des aliments indissociables d’autres peuples, d’autres civilisations,  dans la prĂ©face du monumental Larousse gastronomique refondu sous sa direction au dĂ©but des annĂ©es 1980 : « les Français, Ă©crit-il, ont dĂ©couvert le dĂ©paysement culinaire, et il leur a plus de retrouver, d’abord au restaurant, puis sur leur propre table, des mets exotiques ou simplement diffĂ©rents de leurs apprĂȘts familiaux habituels ».

Longtemps jurĂ© Ă  fort pouvoir dĂ©cisionnel du prix Marco Polo-Casanova dĂ©cernĂ© au Fouquet’s pour signaler les meilleurs restaurants de cuisine Ă©trangĂšre de Paris (il en fut cofondateur), Courtine ne dĂ©daigne pas la cuisine anglaise, apprĂ©cie l’Italie, reconnaĂźt la variĂ©tĂ© de la cuisine chinoise, applaudit un bon couscous, vante la marocaine FatĂ©ma Hal dĂšs l’ouverture du Mansouria, est de ceux qui dĂ©couvrent tĂŽt le Vietnam et les talents de la famille Vifian (Tan Dinh).

Au restaurant

Courtine aime « les salles claires oĂč l’on voit son assiette et son journal » (Alain Schiffres, dĂ©jĂ  citĂ©), dĂ©teste les cartes au libellĂ© alambiquĂ©, les dĂ©nominations de plats tenant de la devinette, « l’uniformisation de recettes Ă  la mode », les menus ne proposant pas fromage ET dessert ; il dĂ©rape en vilipendant « la cuisine pĂ©dĂ©rastique », tĂ©moigne d’un humour pesant en Ă©voquant les restaurants gentiment prĂ©cieux des annĂ©es 1970, Ă©ventuellement tenus par des homosexuels comĂ©diens en rupture de scĂšne, enrage : « Et ces maisons sont pleines Ă  craquer de jolies filles moins fardĂ©es que les autres » Dans Gourmandissimo (opus dĂ©jĂ  citĂ©), pp.101-102 : « La mode est aux maisons tenues par
 comment dire sans vous choquer ?
 par ces messieurs qui se multiplient sans se reproduire ! Ces jeunes couples masculins, l’un au fourneau, l’autre dans la salle. Ceux-lĂ , toujours dans le mĂȘme cadre pĂ©dalo-culinaire et dans la mĂȘme obscuritĂ© propice vous font des salades folles, du saumon Ă  l’oseille, on ne sait quoi encore ! [
] Il suffit qu’au nom de la Nouvelle Cuisine (qui n’est qu’un gadget, mĂȘme plus amusant) un quidam (ou quimonsieur !) vous fasse apporter par le minet de service une coquille Saint-Jacques surgelĂ©e Ă  la confiture de fraise pour que le lendemain tout Passy se pĂąme. » 

Il s’en prend Ă  Jacques Borel et aux Wimpy (le repas complet dans un pain rond, avec ketchup et moutarde, lancĂ© en 1961), s’alarme l’un des premiers du dĂ©veloppement des McDo (annĂ©es 1970), des banalitĂ©s de la restauration rapide : « Nous sommes au temps des snacks, en attendant celui des pilules », se lamente-t-il dĂšs 1965 (Mangez-vous français, p. 65). Bien avant que de grands chefs vendent systĂ©matiquement leur talent et leur nom Ă  des groupes industriels de l’alimentation fatalement liĂ©s Ă  la grande distribution, en collaborateurs vedettes bien rĂ©munĂ©rĂ©s, Courtine dĂ©nonce les cuisiniers qui snobent les naĂŻfs[29], participent Ă  des opĂ©rations publicitaires, galvaudent leur enseigne et « donnent des leçons de bien manger jusqu’au jour oĂč, endettĂ©s Ă  force de travaux Ă©pate et de sot dĂ©corum [
] ils se retrouvent dans le “show bizz” du sous-vide
 »

Nouvelle cuisine

Robert Courtine s’en prend assez grossiĂšrement Ă  Henri Gault (qui a publiĂ© son premier livre en 1963) et, moins directement, Ă  Christian Millau (originellement journaliste politique au Monde), deux amis aux tempĂ©raments complĂ©mentaires connaissant le succĂšs avec les Guides Julliard, puis, avec le magazine (1969) et les guides soudant leurs noms en marque commerciale GaultMillau. Il partage beaucoup des idĂ©es qu’ils vont dĂ©velopper dans leur « manifeste de la nouvelle cuisine française », pas tellement inĂ©dites d’ailleurs (fraĂźcheur des produits, pas de surcuissons, simplicitĂ© relative, allĂ©gement des sauces, intĂ©rĂȘt portĂ© aux techniques nouvelles), mais il s’irrite dĂšs les prĂ©mices d'unf succĂšs qui restera vif un bonne dizaine d’annĂ©es.

« Le plus Ă©hontĂ© demeurera dans les annales du journalisme bidon le semi-dĂ©funt Paris-Presse [
]. Allant jusqu’à monter en Ă©pingle les chroniques de M. Henri Gault, lequel insulte ou encense au petit bonheur
 »

Vivant mal la médiatisation de la « nouvelle cuisine dans les années 1970-1980, il cite Jules Renard :

« Ce n’est pas nouveau
 renouveau tout au plus », ajoute : « « Si tous les chefs avaient le temps de lire leurs anciens, ils feraient tous de la nouvelles cuisine. »

En veine de bons mots dans Gourmandissimo, il se souvient du poisson rouge de l’aquarium pour railler la mode du poisson rouge Ă  l’arĂȘte, cher aux frĂšres Jean et Paul Minchelli (restaurant Le Duc, chantĂ© par Gault et Millau), aligne les plaisanteries et les rĂ©flexions de bon sens : « La mode est un Ă©ternel recommencement
 Le bƓuf mode aussi. » « Cette grande toque [il vise Michel GuĂ©rard] assure sereinement que pour maigrir il faut manger des truffes et du homard. VoilĂ  qui va faire plaisir aux Ă©conomiquement faibles. » 

Reste que Robert Courtine, d’ailleurs proche en cela de Curnonsky depuis peu disparu et de chroniqueurs tels que Francis Amunategui, prĂŽne dans les annĂ©es 1960 Un nouveau savoir manger (titre d’un de ses ouvrages), que l’on peut taxer de nouvelle cuisine. Dans Mangez-vous français, en 1965, il constate :

« Une nouvelle forme de cuisine est morte. La regretter est possible, mais inutile. Et, au demeurant, il serait stupide d’assimiler cette seule cuisine Ă  « LA » cuisine. [...] Lorsque j’entends un vieux chef gĂ©mir que la cuisine est morte
 je ne peux m’empĂȘcher de conclure qu’il y a quelque chose de pourri dans son royaume [
]. Les chefs, les jeunes chefs qui voudront travailler Ă  sauver la cuisine française ne devront pas quitter des yeux le double but Ă  atteindre : crĂ©er — ou modifier — les mets en fonction du goĂ»t, mais aussi des nĂ©cessitĂ©s alimentaires diĂ©tĂ©tiques
 »

À bien des Ă©gards, Courtine prĂ©cĂ©da les confrĂšres qui l'agacĂšrent tant.

Sexiste ?

Tout au long de son Ɠuvre, articles et livres, Courtine-La ReyniĂšre vante la cuisine de la mĂšre de famille, de la mĂ©nagĂšre « cuisinant comme la femme sait aimer, comme l’oiseau chante ». Louise Maigret, Ă©pouse de l’inspecteur dont Courtine imagine le cahier de recettes avec la complicitĂ© de Simenon, n’est pas trĂšs Ă©loignĂ©es des dames de la bonne sociĂ©tĂ© Ă©voquĂ©es par l’autre la ReyniĂšre, l’originel, Grimod, prĂšs de deux siĂšcles auparavant, dans son Manuel des Amphitryons, femmes rassurantes sachant « gouverner sagement et avec Ă©conomie une maison, faisant faire bonne chĂšre Ă  leur mari sans les ruiner »).

Il n’imagine guĂšre de femmes chefs de grande cuisine, Ă  la tĂȘte d’importantes brigades, mais il savoure les accents landais de Christiane Massia et de son Ă©quipe fĂ©minine au Restaurant du MarchĂ©, dans le XVe. Et l’encourage lors de la fondation d’une association pour la cuisine des femmes, rappelle en Alain Schifres dans le long article prĂ©citĂ© du Nouvel Observateur.

Il constate qu’existe « chez la femme une pointe d’avarice qui lui fait mieux doser les composantes d’un plat. Sa cuisine est moins gĂ©nĂ©reuse, mais toujours plus Ă©quilibrĂ©e que celle du chef ». Moins gĂ©nĂ©reuse ? Courtine cĂ©lĂšbre nĂ©anmoins, prĂšs des halles, Adrienne Biasin, « la Vieille » aux terrines d’abondance at au foie de veau si copieux, il chante les mĂšres lyonnaises, qu’il visite avec son compĂšre amateur de beaujolais Henry Clos-Jouve, les proclame dignes hĂ©ritiĂšres de la MĂšre Fillioux, reine  de la quenelle et de la poularde demi-deuil qu’il n’a pas connue, mais dont il s’entretient avec Marcel E. Grancher, l’auteur du Charcutier de Machonville (et co-auteur avec Curnonsky de Lyon, capitale de la gastronomie)[30].

Son fĂ©minisme trĂšs mesurĂ© l’autorise Ă  dĂ©cerner un satisfecit aux femmes au foyer :

« HĂ©las ! Il n’y a guĂšre de plats nouveaux Ă  incorporer au palmarĂšs des chefs et ce serait plutĂŽt dans les familles que les mĂ©nagĂšres, se laissant aller Ă  la fantaisie de l’occasion, « inventent » des plats neufs. »

Il Ă©crit cela en 1960[31], avant d’énumĂ©rer les progrĂšs techniques dont ladite mĂ©nagĂšre peut bĂ©nĂ©ficier : « La moulinette (« il faudrait Ă©lever un monument Ă  son inventeur »), la centrifugeuse, le rĂ©frigĂ©rateur. Et, peut-ĂȘtre, l’infra-rouge : gloire Ă  l’allemand prĂ©curseur Gunther Schwanck, inventeur d’un four brevetĂ©. Courtine a lĂ  de l’avance : les applications dans la gastronomie s’annoncent, mais on ne rĂȘve pas encore de vitrocĂ©ramique chez les particuliers.

Publications

  • Les Juifs en France, Ă©crit sous le nom de Jean-Louis Vannier avec Henry Coston, avant-propos de Jean Drault, coll. « Les Cahiers de la France nouvelle », Centre d'action et de documentation, 1941 (BNF 31972226)
  • Le Capitaine (chanson de marin), paroles sur une musique de Henri Bourtayre, Éditions Paul Beuscher, 1944
  • DrĂŽle de macchabĂ©e, prĂ©face de Paul Reboux, A. Fleury, 1952
  • Guide gastronomique de Paris 1953, rĂ©alisĂ© sous la direction de Simon Arbellot, chapitre Les Night-clubs de Paris, par Robert-J. Courtine, RCP Ă©ditions, 1953
  • Ma petite chanson, valse, paroles de Robert Courtine sur une musique de Marc Fontenoy, publication ArpĂšge, 1953
  • L'assassin est Ă  votre table, Éditions de la PensĂ©e moderne, 1956 ; rĂ©Ă©dition, avec une prĂ©face d'Albert Simonin, la Table ronde, 1969
  • Le Nouveau Guide culinaire de Henry-Paul Pellaprat, prĂ©face signĂ©e Robert J. Courtine, publication J. Kramer, Berne, 1957
  • Monsieur Hasard mĂšne la danse, Éditions Arts et crĂ©ations (imprimerie nationale de Monaco), 1958
  • Disque enregistrĂ© par Danielle Darrieux et l'orchestre de Franck Pourcel : l'un des titres, Toi, moi, le soleil et l'amour, est signĂ© Robert Courtine, pour les paroles, sur une musique de Marc Fontenoy. 45 tours, 17 cm, 1958
  • Un gourmand Ă  Paris, B. Grasset, 1959
  • Attention ! Tanger Une aventure de M. Hasard, 192 pages, Éditions Arts et crĂ©ations (imprimerie nationale de Monaco), 1959
  • Monsieur Hasard joue et gagne, Éditions Arts et crĂ©ations (imprimerie nationale de Monaco), 1959
  • Un nouveau savoir manger, prĂ©face de Paul Reboux, de l'AcadĂ©mie française, B. Grasset, 1960
  • Tous les cocktails (signĂ© Savarin), 156 pages, coll. « Marabout-flash », publication GĂ©rard et Cie, 1960
  • Les Dimanches de la cuisine, 256 pages, coll. « L'Ordre du jour », La Table Ronde, 1962 (ISBN 2710319721)
  • La Cuisine du monde entier, signĂ© Savarin, 448 pages, de James Andrew GĂ©rard et Cie, 1963
  • 450 recettes originales Ă  base de fruits, 191 pages, Éditions de la PensĂ©e moderne, 1963
  • La Vraie cuisine française (signĂ© Savarin), GĂ©rard et Cie, 1963
  • Grill et barbecue, de James Andrews Bear, Ă©dition europĂ©enne par Madeleine Othenin-Girard, prĂ©sentĂ© par Robert J. Courtine, photographies de John Stewart et Bernard Jourdes, illustrations de Helen Federico et Nicole la Haye, 241 pages et index, Éditions des Deux Coqs d'Or, 1963
  • CĂ©lĂ©bration de l'asperge, 55 pages, Le Jas du Revest-Saint-Martin R. Morel, 1965
  • Mangez-vous français ? 244 pages, coll. « Mise au point », Sedimo, 1965
  • OĂč manger quoi Ă  Paris, avec Henry Clos-Jouve, prĂ©face de Jean Fayard, Hachette, 1967
  • Nouveau Larousse gastronomique, par Prosper MontagnĂ©, Ă©dition revue et corrigĂ©e par Robert J. Courtine, Larousse, 1967
  • Toutes les boissons et les recettes au vin, Larousse, 1968
  • 5000 recettes, participation, 604 pages, Centre national du livre familial, 1969
  • La cuisine des fleurs ou l'art de les dĂ©guster, en 100 recettes, avec des illustrations de Henri Samouilov, D. HalĂ©vy, Paris, 1969
  • La Gastronomie, Presses universitaires de France, 1970
  • Anthologie de la poĂ©sie gourmande, les poĂštes Ă  table, en collaboration avec Jean Desmur (Courtine signe l’avant-propos), 284 p., Éditions de TrĂ©vise, 1970   
  • Anthologie de la littĂ©rature gastronomique, les Ă©crivains Ă  table, avec Jean Desmur (qui signe la prĂ©face), 279 p., Éditions de TrĂ©vise, 1970
  • Le Grand jeu de la cuisine, textes recueillis et prĂ©sentĂ©s par Robert J. Courtine; illustrĂ© par Jean-Marc Patier, 259 pages, Larousse, 1980
  • Guide de l’homme arrivĂ©, Françoise Condat et Robert Jullien Courtine, illustrations de Jean-Denis MaclĂšs, 328 pages, coll. « Guides », La Table Ronde, 1970 (ISBN 2710318164)
  • Les Fruits de mer, en collaboration avec CĂ©line Vence, 167 pages, DenoĂ«l, 1971
  • Grillades et barbecue, en collaboration avec CĂ©line Vence et Jean Desmur, 167 pages, DenoĂ«l, 1972
  • Le Guide de la cuisine française et internationale, Elvesier-SĂ©quoia, 1972
  • Dictionnaire des fromages, Larousse, 1972
  • L'escargot est dans l’escalier, Robert Jullien Courtine et Pierre-Jean Vaillard, 164 pages, hors collection, La Table Ronde, 1972
  • L'Almanach des gourmands, Alexandre-Balthazar-Laurent Grimod de La ReyniĂšre, Ă©dition fac-similĂ© avec de nombreuses notes et commentaires de Robert J. Courtine. François-Pierre L., St-Julien-du Sault ,1973.
  • Un cognac, un cigare, une histoire, textes choisis et prĂ©sentĂ©s par R. J. Courtine, illustrĂ© par AldĂ©, Éditions de la PensĂ©e moderne, 1973
  • Le Cahier de recettes de madame Maigret, prĂ©sentĂ© par La ReyniĂšre, prĂ©face de Georges Simenon, Robert Laffont, 1974
  • La Cuisine de Denis, prĂ©face de l'ouvrage du cuisinier Denis (autre prĂ©face par Henri Gault), 253 pages, Robert Laffont, 1975
  • Balzac Ă  table, 347 pages, Robert Laffont, 1976
  • A Paris, participation au guide Ă©tabli par Jean-Pierre QuĂ©lin, coll. « Guides Bleus », 1976
  • La Cuisine française : classique et nouvelle (signĂ© La ReyniĂšre), dessins de Claudine Volckerick, Marabout, 1977
  • Mon bouquet de recettes, 770 recettes, 423 pages, Marabout, 1977
  • Zola Ă  table, 499 pages, Robert Laffont, 1978
  • Guide de la France gourmande, P. Bordas, 1980
  • Le Cuisinier Durand, prĂ©face de Robert J. Courtine Ă  la reproduction en fac-similĂ© de l'ouvrage du XIXs, Ă©dition Laffitte, Marseille, 1980
  • Toute la cuisine française et Ă©trangĂšre, Publimonde, 1982
  • Au cochon bleu, petit traitĂ© de pasticherie, signĂ© Robert Courtine, prĂ©face de La ReyniĂšre (mention sur couverture), Le PrĂ© au Clerc, 1984 (ISBN 2-7144-1710-8)
  • La Vie parisienne, cafĂ©s et restaurants des boulevards, 1814-1914, 370 pages, Perrin, 1984, prix Maujean de l’AcadĂ©mie française en 1985
  • Le Ventre de Paris, de la Bastille Ă  l'Étoile, des siĂšcles d'appĂ©tit, 406 pages, Perrin, 1985
  • Dictionnaire de cuisine et de gastronomie (sous la dir. de R. J. Courtine), Larousse, 1986
  • La Rive gauche, 228 pages, Perrin, 1987
  • Les Fromages, Larousse, 1987
  • Le Guide de la cuisine des terroirs (cinq volumes), La Manufacture, 1992
  • Simenon et Maigret passent Ă  table, Les plaisirs gourmands de Simenon & les bonnes recettes de Madame Maigret, avant-propos de SĂ©bastien Lapaque, coll. « La petite vermillon », 300 pages, La Table Ronde (ISBN 9782710370697), 2013 (cf. Le Cahier de recettes de Madame Maigret)

Notes et références

  1. Selon son acte de naissance, consultable en ligne, il est déclaré à l'état civil du 11e arrondissement de Paris le 18 mai 1910 sous les prénoms de Robert Louis, fils de Joseph Benjamin Courtine (employé de commerce) et de Marthe Emilie Rosalie Julien (sans profession) - Acte N° 1668
  2. Mention marginale de son acte de naissance N° 1668 Paris 11e Arrondissement)
  3. Jean-Louis Vannier, BNF 10736077
  4. Le registre d'état civil de Paris 11e arrondissement, porte en mention marginale de son acte de naissance (N° 1668) la mention : « Adopté par la nation en vertu d'un jugement rendu par le tribunal civil de la Seine le 5 mai 1926 »
  5. RaphaĂ«lle BacquĂ©, « Le jour oĂč
 Les lecteurs du Monde dĂ©couvrirent qu'ils lisaient un ex-collabo », Le Monde,‎ (lire en ligne) :
    « Le 18 avril 1998, le passĂ© collaborationniste de Robert Courtine, qui a tenu la chronique gastronomique du « Monde » quarante ans durant, est prudemment Ă©voquĂ© dans la nĂ©crologie que lui consacre le journal du soir. Cet article de trois feuillets Ă  peine fait l'effet d'une bombe. Dans les allĂ©es du cimetiĂšre de Colombes (Hauts-de-Seine), une petite dizaine de personnes, silhouettes voĂ»tĂ©es par l'Ăąge, suivent lentement le cercueil, dans le vent frais du printemps. Quelques jours plus tĂŽt, le 14 avril 1998, l'ancien chroniqueur gastronomique Robert Courtine, mieux connu des lecteurs du Monde sous son nom de plume de La ReyniĂšre, s'est Ă©teint doucement, Ă  87 ans, veuf et sans enfants, dans une maison de retraite de la rĂ©gion parisienne. La rĂ©daction du quotidien n'a dĂ©lĂ©guĂ© aucun reprĂ©sentant Ă  ses obsĂšques. Elle n'a fait envoyer ni fleurs ni couronnes. Comme si Le Monde voulait effacer celui qui avait pourtant Ă©tĂ©, quarante ans durant, l'une de ses plus fameuses signatures. Le 18 avril, le petit article qui signale en page 12 la « disparition » fait pourtant l'effet d'une bombe. Pour rĂ©sumer dans ces trois feuillets Ă  peine – « expĂ©dier, plutĂŽt ! », ragent ses admirateurs – l'existence de ce « pape » rĂ©vĂ©rĂ© et craint des plus grands chefs [
]. Note : Le « petit » article Ă©voquĂ© est signĂ© de Jean Planchais et sous-titrĂ© « Deux noms, deux vies ». »
  6. L'Action française, 22 janvier 1935, Ibid., 3 juin 1934
  7. L'Action française, 25 novembre 1936
  8. R. Jullien-Courtine, « Pointes sÚches », La France au travail, 19 décembre 1940
  9. En clin d'Ɠil pour rares initiĂ©s, dont son prĂ©facier Albert Simonin, Courtine dĂ©nomme « Vannier » l'agent secret des romans d'action qu'il publie en 1958-59, Ɠuvres sans fond politique, semĂ©es d'argot assez forcĂ© dans un style « prĂ©-007 », comme le nota François Forestier.
  10. Henry Coston et Jean-Louis Vannier (préf. Jean Drault, ill. J.P God), Les Juifs en France, Centre d'action et de documentation, coll. « Cahiers de la France nouvelle », , p. 16 pages
  11. Laurent Joly, Au Pilori (1940-1944). « Journal de lutte contre le Juif » et officine de délation, dans la Revue d'histoire de la Shoah, 2013/1, N° 198
  12. Collectif, L'antisémitisme de plume, op. cit.
  13. Le Matin, 29 janvier 1944
  14. Cf., notamment, l’article de Michael Lenoire dans L'AntisĂ©mitisme de plume.
  15. Jean Hérold-Paquis, Des illusions
 Désillusions ! 15 août 1944-15 août 1945, Bourgoin, (BNF 34205715), p. 189
    « R. J. Courtine, un ancien Camelot du roi que la dĂ©faite avait sorti de l'ombre et qui a, dans les quatre ans de Paris occupĂ©, signĂ© mille articles de tous genres en des feuilles souvent obscures, parfois connues, quelquefois tarĂ©es et tarifĂ©es, nous avait reçu, on s'en souvient, Ă  notre descente du train Ă  Baden-Baden. Il avait, lui aussi, filĂ© vers Sigmaringen, attirĂ© un peu par l'envie de jouer un rĂŽle et poussĂ© par le dĂ©sir de faire des mots. [
] N'ayant pas conquis la gloire journalistique, malgrĂ© sa facilitĂ© de production qui Ă©tait stupĂ©fiante, et ne s'embarrassant d'aucun sujet, — d'ailleurs Larousse a dĂ©jĂ  parlĂ© de tout ! — il s'Ă©tait acquis, dans les coulisses des music-halls et des bars des Champs-ÉlysĂ©es une heureuse rĂ©putation de succĂ©danĂ© verbal d'Almanach Vermot. Cela lui avait valu de suivre le destin parisien et collaborationniste de Georges Oltramare, de la presse Ă©crite Ă  la revue radiophonique.[
]. À Sigmaringen, les places Ă©taient prises d'assaut. Et Courtine n'a jamais passĂ© pour un batailleur. Membre du Parti populaire français (P.P.F.), mais militant trĂšs confidentiel, il vit sans doute dans la crĂ©ation de Radio-Patrie la bonne occasion de n'ĂȘtre plus le dernier dans Rome. Il nous arriva donc avec Madame et le chien
 (Bobby, dont Harold-Paquis conte mĂ©chamment la fin, tomba malade, agonisa plusieurs jours, au grand dĂ©sespoir de Mme Courtine, qui semble alors devenir dĂ©pressive, et fut abattu sur ordre d'AndrĂ© Algarron, directeur de Radio-Patrie.) »
  16. L’Aurore, 23 mars 1946
  17. Alain Schifres, « Les soixante-dix Ă©toiles de Robert Courtine », Nouvel observateur,‎ , p. 80-81-82 :
    « L'accroche de l'article, assez dense, annonce : « Pourquoi tout le monde a lu, lit et lira cette « star de la gueule » dont, cette semaine, les plus grands chefs de France cĂ©lĂšbrent l'anniversaire ». Alain Schifres, qui fait vivre une journĂ©e de Courtine, levĂ© trĂšs tĂŽt dans son 32 mÂČ de Colombes (« Personne ne peut dĂ©crire son bunker »), volontiers prĂ©sent vers 10 heures au bar du Fouquet's, le montre respirant l'ordre et la propretĂ©, net, « l'air d'un vieux garçon lisse et soignĂ© ». Toujours prĂȘt Ă  reprendre sa quĂȘte, « fervent et teigneux ». Une conversation avec Jacques ManiĂšre, restaurateur novateur estimĂ© de Courtine et l'estimant, fait aborder, rapidement, le passĂ© encore proche, mais alors peu reprochĂ©, du septuagĂ©naire craint et fĂȘtĂ©. ManiĂšre, « qui lui a fait les FFL », rappelle que le chroniqueur vedette « sorti des rangs du maurrasisme, Ă©garĂ© dans la presse de la collaboration » a eu des ennuis Ă  la LibĂ©ration, mais dĂ©bouche une bouteille de chinon
 pour prouver au journaliste de l'Obs la justesse des idĂ©es de Courtine quant Ă  la bonne tempĂ©rature de service des vins
 Alain Schifres insiste, dans ce long portrait, sur le rĂŽle d'une grand-mĂšre aimante montĂ©e de l'ArdĂšche, "qui avait installĂ© dans sa maison d'AsniĂšres tout un pan du Vivarais". Courtine en tiendrait "le goĂ»t de la consistance, l'amour du plat canaille." Il le montre prĂ©fĂ©rant l'andouillette Ă  la sole soufflĂ©e, aimant le hareng Ă  l'huile autant que la truffe
 »
  18. Christian Millau (Christian Millau (admirateur de Pampille, comme Courtine) note : C'est en grande partie grĂące aux alĂ©as de la « kollaboration » que la presse gastronomique se trouve un nouvel essor [
]. Courtine, un ancien du Parizer Zeitung, de la Gerbe et de Radio-Paris, put ainsi rallier Le Monde, oĂč il eut droit pendant des annĂ©es Ă  un petit morceau de colonne avant de prendre son nouvel envol sous le nom de La ReyniĂšre. Plus loin, il prĂ©cise : « 
l'idĂ©e me vint de ce qui sera la Guide Julliard de Paris. Au moment oĂč nous le mettions en chantier, Henri et moi, que sortit chez Grasset Un gourmand Ă  Paris, par Robert Courtine, d'une lecture plaisante, bien informĂ©e, qui renouait tout Ă  fait avec la tradition de Grimod de La ReyniĂšre et A. B. de PĂ©rigord (note : auteur du « Nouvel almanach des gourmands », paru en 1825, qui prĂ©tendait perpĂ©tuer l'Ɠuvre de Grimod, alors dans sa retraite de Villiers-sur-Orge). Tant mieux, nous Ă©tions dans la bonne direction, Ă  cette nuance prĂšs que notre ouvrage, lui, ne sera pas une publication solitaire et Ă©phĂ©mĂšre, mais annuelle, et espĂ©rons-le, durable. »), Dictionnaire amoureux de la gastronomie, Plon, , P. 207
  19. Julien Teppé, « Un nazillon nommé Maurras », Le Droit de vivre, 15 octobre-15 novembre 1950, p. 3 (Lire en ligne)
  20. P. Ory, Les collaborateurs 1940-1945, Points-Seuil, 1980, p. 203 : « Des journalistes pleins d'avenir, parfois sous d'autres noms, y [dans la presse] font leurs premiÚres armes, un Michel Audiard (L'Appel), un François-Charles Bauer, futur François Calais (Je suis partout, Combats), un André Castelot (La Gerbe), un Robert J. Courtine (Le Réveil du peuple, La France au travail, Au Pilori, le Bulletin d'information antimaçonnique), un Albert Simonin, etc. »
  21. Pierre Assouline, Le fleuve Combelle, récit, Paris, Calmann-Levy, , 193 p. (ISBN 2-7021-2696-0), Pp. 40-41
  22. J. Planchais, « Robert Courtine. Deux noms, deux vies », Le Monde, 18 avril 1998:
    « Il avait ainsi fait oublier une jeunesse exaltĂ©e qui avait conduit ce fils d'une famille parisienne modeste, nĂ© le 16 mai 1910, Ă  Ă©crire dans la presse d'extrĂȘme droite d'avant-guerre. Et Ă  suivre ses amis dans la pire des aventures : celle de la presse de la collaboration. En aoĂ»t 1944, s'estimant, Ă  juste titre, gravement compromis par ses Ă©crits, il fuit Paris et se retrouve Ă  Sigmaringen, oĂč s'entre-dĂ©chire le petit monde Ă©perdu de la collaboration. A l'arrivĂ©e des AlliĂ©s, il passe en Suisse, puis rentre en France aprĂšs les premiĂšres rigueurs de l'Ă©puration, est jugĂ© et purge sa peine. »
  23. « Les deux vies de Robert Courtine », Le Monde, 3 mai 1998 :
    « Plusieurs lecteurs se sont Ă©mus de l'article nĂ©crologique consacrĂ© par Jean Planchais (...) Antoinette Berveiller, de Paris, s'Ă©tonne pour sa part que la participation au Monde, pendant de longues annĂ©es, d'un collaborateur notoire soit « prĂ©sentĂ©e comme allant de soi ». « Les liens entre cet individu et votre journal, nous demande-t-elle, Ă©taient-ils du mĂȘme ordre, mutatis mutandis, que ceux unissant Mitterrand et Bousquet, liens que vous ne vous ĂȘtes pas privĂ©s, Ă  juste titre, de dĂ©noncer ? » Un autre lecteur (...), rapproche notre jugement sur Robert Courtine de notre position Ă  l'Ă©gard du Front national. »
    Cf. aussi, du mĂȘme auteur, « Changer le lycĂ©e », Ibid., 10 mai 1998 (« Des lecteurs continuent de nous Ă©crire sur le cas de notre ancien chroniqueur La ReyniĂšre, dont traitait le prĂ©cĂ©dent « Avis du mĂ©diateur ». « Je vous reproche d'avoir attendu la mort de Robert Courtine, alias La ReyniĂšre, pour nous rĂ©vĂ©ler le passĂ© collaborationniste de votre chroniqueur gastronomique », nous dit Louis Soler, de Paris. « En tant que lecteur des chroniques de La ReyniĂšre, la premiĂšre vie de M. Courtine ne me concerne pas », estime en revanche Philippe Coussy, de Paris »
  24. Gourmandissimo, , Chapitre 5
    « « La cuisine d’un groupe humain est le reflet de son ciel, de sa terre et des eaux qui l’arrosent, du climat sous lequel il vit. Hors de France, la cuisine n’est plus la meilleure du monde en ceci qu’à la longue elle ne conviendrait plus, ni physiologiquement, ni psychologiquement Ă  ceux nĂ©s d’un autre sol que le nĂŽtre. Dis-moi ce que tu manges, je te dirais d’oĂč tu es. » « Les recettes culinaires sont les images d’Épinal de nos provinces. » [
] « N’y a-t-il pas un lien Ă©vident entre les chĂąteaux de la royale vallĂ©e de la Loire et sa cuisine « fondĂ©e en raison », les vins aimables de Touraine, le beurre blanc, admirable prototype d’une cuisine « oĂč les choses ont le goĂ»t de ce qu’elles sont. Il y a dans ce nom mĂȘme – ßourgogne- quelque chose d’un roulement de tonneau, [
] et quelque chose aussi de cette richesse marchande qui fit la fortune glorieuse du cĂ©lĂšbre duchĂ© [
] « N’y a-t-il pas toute la finesse aristocratique des propriĂ©taires du Bordelais dans leurs vins ? Et dans une cuisine qui sait rester sagement en retrait, comme pour laisser Ă  ces vins de chĂąteau leur principautĂ© ? » [
] « Le Baedeker ne suffit pas pour admirer Notre-Dame ou Chambord. Il y faut un peu de connaissance, beaucoup de curiositĂ©, Ăąme et cƓur. « Le guide KlĂ©ber ne suffit point, le Michelin moins encore pour rendre gourmand. Il y faut Ă©galement curiositĂ©, Ăąme et cƓur. « Ajoutez-y de l’appĂ©tit. Mais l’idĂ©e me vient qu’il faut un appĂ©tit semblable pour les choses de l’art. » »
  25. Marthe Allard Daudet, dite Pampille (préf. Priscilla Ferguson), Les bons plats de France, CNRS, 236 p..
  26. « ApprĂȘt spĂ©cifiquement français, “le pot-eu-feu base des empires“ (Mirabeau)
 », Larousse gastronomique sous la direction de Courtine, 1984. « Une nourriture Ă  la fois prolĂ©taire et bourgeoise », Zola Ă  table, p. 298
  27. Autour d’un plat, 1990, p. 136.
  28. Ou d'andouillettes authentiques, libellé souvent adopté, y compris sur les statuts déposés par son compagnon de dégustations Hubert de Montaignac de Pessotte, qu'il avait contribué à établir.
  29. Également dans Gourmandissimo, p. 102 :
    « Attrape-gogos de la cuisine parisienne ! Il y a pitre, hĂ©las ! Ce sont ceux qui y ajoutent, vicieusement, l’imitation. Les Ă©lĂšves de Bocuse, de GuĂ©rard, de Troisgros, qui n’ont passĂ© chez les maĂźtres que l'espace d’un ratage ou pour balayer les Ă©pluchures. »
  30. En 1970, Courtine note dans Les vacances dans votre assiette, p. 317 : « [
] si Lyon est la capitale des grands chefs, c’est aussi la ville des merveilleuses cuisiniĂšres (dont la cuisine est) traditionnelle, simple et charmante, admirable aussi, proprement et uniquement une cuisine de femmes. »
  31. Un nouveau savoir manger, p. 145.

Voir aussi

Bibliographie

  • Les Collaborateurs 1940-1944, Pascal Ory, 331 page hors table, p. 203, Ă©ditions du Seuil, 1976 (ISBN 2-02-005427-2)
  • L'AntisĂ©mitisme de plume 1940-1944, sous la direction de Pierre-AndrĂ© Taguieff, Berg Ă©diteurs, 1999 (article de Michael Lenoire)
  • Le fleuve Combelle, rĂ©cit par Pierre Assouline, Calmann-Levy, 1999, pp. 40-41 Évocation de ce que Lucien Combelle avait rapportĂ© Ă  Assouline au sujet de Courtine : il lui fit mention d'Ă©chos dĂ©nonciateurs d'un « jeune polĂ©miste alors assez rĂ©pandu dans diverses feuilles d'extrĂȘme-droite, concernant des juifs ayant Ă©chappĂ© aux rafles, avec noms et adresses », parus dans Au Pilori.
  • Dictionnaire de la politique française, publications Henry Coston, 2000, p. 142, notice Courtine

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